Revue

Causes, principes, éthique guidant une pratique de café philo

S'ouvrir

C'est en 1997, dans le sillage de Marc Sautet, que nous avons lancé notre café philo à Annemasse. Cette pratique a eu l'effet d'un séisme cognitif sur nous (quelques amis et moi-même). La diversité des arguments, des connaissances qui se trouvaient échangés lors de nos débats nous forçait en effet à revoir complètement notre manière de penser. Je réalisais à l'époque à quel point je m'étais enfermé dans mon univers, sans m'en être rendu compte. Pourtant, et nous l'avons compris plus tard, les sciences humaines s'accordent pour dire que, tout individu, de même que tout groupe, tend à s'enfermer sur lui-même (à construire un ordre d'explication qui lui convient), et à perdurer dans son mode de fonctionnement.

Un phénomène qui nous dépasse

Ces échanges nous avaient conduits à lire les quelques ouvrages qui évoquaient le phénomène des cafés philo puis,

le réseau internet se développant, nous nous sommes tenus informés, découvrant ici et là des réflexions, des études, des enjeux concernant la façon d’organiser ces débats philo.

Progressivement, nous avons fait nôtre cette idée selon laquelle nous nous inscrivions dans un mouvement plus grand que nous : c'est en effet la société et le monde lui-même qui s'interrogent. Nous nous inscrivons dans les pas de ces chercheurs, ces sociologues, ces philosophes, amateurs ou professionnels, qui perçoivent dans la pratique de

nos débats un besoin de philosopher, une urgence à repenser ce qui fait valeur d’éthique, ainsi que nos manières de faire société.

Une invitation à se former

A notre tour, si nous voulions ne pas prendre le risque de nous enfermer à nouveau dans un univers spécifique, si

nous voulions jouer notre rôle d’instigateur de sens tout en continuant à partager nos questionnements, nous nous devions de prendre du recul par rapport à nos pratiques, continuer à nous informer, voire à nous former. Alors, oui, une certaine pratique des cafés philo est critiquable, notamment si leurs responsables ne s’informent pas sur d’autres pratiques que les leurs. Et non, tous les cafés philo ne peuvent être réduits à des discussions de “café de commerce”, en témoignent les nombreux travaux qui, aujourd’hui, se rapportent aux Nouvelles Pratiques Philosophiques (NPP).

Des outils, des méthodes

Michel Tozzi définit son approche par la mise en oeuvre de trois pratiques dans sa DVDP :

  • démocratique, par exemple en distribuant des rôles, ;
  • conviviale, par exemple en respectant les idées de chacun ;
  • philosophique, par exemple en jouant le jeu de l'argumentation.

Outre la dimension coopérative de cette approche, et malgré nos difficultés à la mettre en oeuvre à la lettre, nous trouvons de nombreux avantages à en respecter l'esprit. Par exemple, la distribution des rôles invite les participants à mieux s'investir dans la dynamique du débat, et à éviter de jouer "la carte individualiste" (à parler pour se mettre en scène). Il nous semble également que "l'approche Tozzi" a pour effet de détourner la charge d'agressivité qui peut se concentrer sur le responsable. En effet, chacun peut prendre l'initiative de faire évoluer un rôle dans le cadre du débat. En dernier lieu, nous remarquons, dans notre fonction de responsable, que nous sommes invités à ne pas nous centrer sur nos seules préoccupations existentielles, à ne pas restreindre la pratique philosophique à la définition que l'on en connaît. Le problème qui se pose ne tourne donc plus autour du questionnement

de l’animateur, mais autour d’un cadre que nous mettons en place pour permettre à un groupe, et à chacun, de s’inscrire

dans un dialogue qui invite à philosopher.

Document (format PDF) : Trois schémas qui résument différents points sur lesquels porter notre attention en tant que responsables de café philo

P. S. : Une bonne partie de l'évolution de nos pratiques s'inspire des Rencontres sur les pratiques philosophiques que Michel Tozzi organise chaque été à Sorèze (Tarn). Voir leur annonce dans le précédent numéro.

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