Revue

Table ronde - Nouvelles pratiques philosophiques : le temps de penser en distanciel ? Opportunités et limites

I) Introduction à la table ronde et problématique (Michel Tozzi)

Il existait déjà des consultations philosophiques à distance. Mais durant le confinement en France de mars à mai 2020, puis en novembre 2020, et dans d'autres pays dans le monde, compte tenu de la rupture de l'enseignement et plus généralement de toute vie sociale et notamment associative, se sont développées de nouvelles pratiques philosophiques, dont la caractéristique était d'être " virtuelles " (avec comme perspective la "continuité pédagogique" dans le cadre scolaire, et la poursuite de pratiques interrompues dans la cité : cafés philo, ateliers philo pour enfants et adultes etc.). Certaines se poursuivent actuellement sur la lancée...

Pour tous ceux qui s'intéressent aux nouvelles pratiques philosophiques, et notamment pour ceux qui se sont essayés aux pratiques en distanciel, s'est posée la question de savoir quel était leur intérêt. Maintenir certes dans ces circonstances particulières une communication rompue par l'interdiction des rassemblements et de l'isolement. Mais compte tenu de ces expériences, quelle analyse peut-on mener de l' utilisation dans ces pratiques d'outils numériques ? Quels avantages, quelles limites, voire quelles dérives peut présenter le " distanciel " par rapport au " présentiel " ? Surtout s'il est amené à perdurer...

Est ainsi née une controverse pédagogique et didactique, avec parfois des positions tranchées, voire très affectives, dont voudrait rendre compte cette table ronde.

Certains voient dans la communication virtuelle une réalité et une perception d'autrui appauvries : absence de trois sens (toucher, odorat, goût), et un à deux sens seulement maintenus sur cinq (car on coupe parfois la caméra pour favoriser une meilleure qualité de la bande passante) ; une disparition du corps incarné donc, qui reconfigure ce qu'est la "présence" de l'autre, réduite à sa représentation en image ou en voix. Plus de lieu commun partagé, où se rassemblent des corps, référence spatiale avec une histoire du lieu et du groupe, où l'on peut arriver plus tôt, se serrer la main ou se faire la bise, et prolonger après la réunion la rencontre, prendre l'apéro, manger (exemple du café philo)... Déficit de communication donc, et de la convivialité de l'être ensemble. Chacun est loin des autres, isolé chez lui. Certains dénient même au virtuel le statut de réalité, à cause de cet appauvrissement : ce serait un ersatz de communication.

Concernant les élèves, on constate des inégalités sociales révélées par ces pratiques (manque d'équipement informatique performant - téléphone portable moins pratique -, de pièce pour s'isoler, décrochage scolaire par manque de stimulation et de suivi) et territoriale (inégalité d'accès à un bon réseau). On déplore l'augmentation chez les jeunes de la quantité de temps passé sur les écrans (déjà important pour des adolescents), qui entraîne chez certains élèves l'apparition de symptômes physiques et psychiques. On insiste aussi sur les aléas techniques de l'outil au niveau individuel ou collectif, qui altèrent la compréhension et la continuité de la communication ; et aussi les problèmes de sécurité : confidentialité des données, intrusion de trolls etc. On note enfin le manque d'attention et la dispersion provoquée par la polyvalence des activités chez soi. Dans cette dimension pédagogique, certains regrettent que ces pratiques cassent la dynamique du groupe-classe, les relations individuelles professeur-élève après le cours, donnent lieu à des pratiques verticales (conférences, distribution de polycopiés...), peu participatives, renforçant le conservatisme pédagogique au détriment des méthodes actives. Il serait plus facile d'y transmettre des savoirs, plus difficile d'y développer des savoir-faire et savoir-être. Certains ajoutent plus politiquement que c'est l'occasion d'un banc d'essai ministériel appuyé sur le lobby du numérique pour imposer de nouvelles manières d'enseigner, une tentative anti-pédagogique de modifier la relation entre les enseignants et les élèves, entre les collègues. Il y a enfin le ras-le-bol exprimé par beaucoup de ce type de communication (beaucoup de préparation, fatigue physique et psychologique devant l'écran), qui refusent un type de relation et de société dans lesquelles on voudrait les entraîner, qu'ils considèrent comme une dérive stérilisante pour la chaleur et la richesse des relations humaines in presentia...

D'autres constatent au contraire que la pratique en situation virtuelle permet de se rencontrer avec une économie considérable d'énergie, de temps (ex : pas de déplacement), d'argent. Elle facilite la participation, notamment internationale, de gens éloignés entre eux. Pour eux, il y a une meilleure attention des participants. Les aléas techniques proviendraient souvent d'un outil non maîtrisé, qui demande un apprentissage, et qui devraient se réduire à l'usage. Ils constatent que les réticences voire l'opposition de certains expriment une réticence au changement, et même à l'innovation, parce que cela bouscule les habitudes, les routines. Ces pratiques seraient même une opportunité de tester de nouvelles façons de faire complémentaires, d'utiliser de nouveaux outils de communication, d'enseignement, d'innover pédagogiquement (classe inversée, travail en groupes dans des salles numériques...), qui peuvent avoir des avantages à découvrir en les pratiquant sans a priori négatif.

Dans le contexte de cette opposition parfois frontale, il est donc utile d'approfondir les avantages, les limites voire les dérives du distanciel par rapport au présentiel. D'analyser ce qui change dans les conditions de la communication, et peut-être dans le contenu des échanges, un outil n'étant pas forcément neutre, mais structurant... De déterminer si nous devons promouvoir ou non ces nouvelles pratiques. Si non pourquoi ? Et si oui, à quelles conditions techniques, pédagogiques et didactiques peuvent-elles être formatrices ?

II) Une expérience d'atelier philo virtuel asynchrone (François Galichet)

Dans le cadre de l'expérience d'ateliers philo numériques mise en place par les Francas sur Facebook, un groupe a été plus particulièrement dédié à l'approche interprétative.

Ce groupe, intitulé "François Graine de philo" (du prénom de l'animateur), comprenait initialement 13 inscrits. Deux personnes ayant très vite fait part de leur désistement pour des raisons d'indisponibilité, il a démarré avec 11 participants effectifs, qui ont mis en ligne une présentation de soi.

A) Objectifs

L'objectif était double :

  1. Objectif commun à tous les ateliers : expérimenter les modalités et les ressources de "l'atelier asynchrone", fonctionnant sous forme uniquement écrite et selon une temporalité étalée sur plusieurs semaines, avec liberté pour chacun de se connecter où et quand il le veut.
  2. Objectif spécifique à l'atelier : explorer la "démarche interprétative" en proposant principalement (mais pas exclusivement) des activités à partir "d'objets herméneutiques" (images, textes littéraires ou fictionnels, situations vécues, etc.)

B) Déroulement

On trouvera un exposé détaillé du déroulement de l'atelier dans le n° 87 de Diotime : "Une expérience d'atelier philo virtuel centré sur la compétence interprétative, ainsi que l'évaluation terminale par les participants".

C) Caractéristiques spécifiques à l'atelier

Par rapport à une DVP (Discussion à Visée Philosophique) classique (qu'elle se fasse en présentiel ou sous forme de débat par visioconférence), l'atelier présente des caractéristiques particulières. Il est :

1) Asynchrone

Cela signifie qu'il ne se déroule pas dans un créneau horaire déterminé et commun à tous les participants, comme les débats oraux traditionnels. Par rapport à ce modèle, l'atelier asynchrone se distingue par plusieurs aspects.

a) Dans un atelier asynchrone, tout se fait par écrit. Il n'y a rien d'oral. Chacun écrit ses contributions quand il veut, au moment qu'il veut : c'est là une souplesse qui constitue un avantage par rapport à la DVDP orale. En outre, chacun peut avoir tout le temps de réfléchir à sa contribution ; il peut la préparer sur Word (c'est même recommandé), donc la corriger, la modifier autant qu'il le souhaite avant de l'envoyer (en faisant un copier-coller de son texte sur la plateforme). Chacun peut envoyer sa contribution à tout moment sans avoir à attendre son tour de parole : c'est un autre avantage par rapport au débat oral. Enfin chacun peut consulter les interventions précédentes et tout l'historique de la discussion jusqu'à son début : troisième avantage.

b) Dans un atelier asynchrone, il n'y a pas de "séances" mais des "périodes".Dans les formations que j'ai pratiquées (un cours de licence en sciences de l'éducation à distance pendant huit ans, et des ateliers "philovieillir" à partir de mon site (mais sur une plateforme spécifique) avec des retraités, je fixais une période, en général deux semaines, durant laquelle les participants échangent librement à partir d'une question, d'un thème, d'un objet, d'un document, d'une recherche proposés par l'animateur. Au bout de cette période, l'animateur fait le point, élabore une synthèse partielle (avec les participants, bien entendu) puis on ouvre une nouvelle période qui se situe dans le prolongement des acquis précédents. Cela permet une recherche sur le long terme (un an dans le cas de mon cours, trois à quatre mois dans le cas de mes ateliers philovieillir, et ici ce sera deux moins (mai-juin). Cette durée est encore un avantage par rapport au débat oral.

c) Dans un atelier asynchrone, l'animateur peut intervenir à tout moment, soit pour réagir, commenter une intervention d'un participant, soit, comme dans un débat oral, pour questionner, synthétiser, reformuler pour l'ensemble du groupe. IL peut donc intervenir beaucoup plus sans que cela gêne en aucune façon la productivité des participants - alors que dans un atelier oral toute prise de parole de l'animateur se fait au détriment du temps de parole des participants.

2) Panoptique

Chez Michel Foucault, ce terme désigne un dispositif où un observateur central peut surveiller tous ce que font les membres d'une institution (par exemple une prison) alors que ceux-ci ne peuvent rien voir. Ici en revanche il s'agit d'un panoptisme "élargi" ou "démocratique" : chaque participant peut voir tout ce qu'écrivent les autres, non seulement dans le présent (comme dans la DVP classique) mais aussi dans le passé (puisqu'il peut consulter à tout instant l'intégralité des échanges passés, ce qui n'est pas possible dans un débat oral).

3) Arborescent

Chaque participant peut réagir aux propos des autres sans que cela gêne en quoi que ce soit l'avancement de la réflexion commune. On peut donc avoir des "sous-conversations" en plus ou en marge de la conversation principale, alors que dans le débat oral on exclut les apartés. Le déroulement d'une DVP classique est linéaire et unidimensionnel (on ne peut discuter que d'une question à la fois) alors que celui de l'atelier asynchrone est arborescent et multidimensionnel.

Dans l'espace Facebook, cette possibilité se concrétise par des bulles "commentaire" à partir de chaque contribution. Chaque participant doit donc à tout instant faire un choix : ou bien son intervention répond à une contribution déterminée (question d'explicitation, objection, voire digression, etc.) et il l'inscrit en "commentaire" de cette contribution ; ou bien il estime qu'elle intéresse tout le monde et constitue un apport à la réflexion collective, et en ce cas il l'inscrit comme une nouvelle contribution. Cette nécessité du choix a par elle-même une vertu "métacognitive" et se révèle très féconde philosophiquement.

4) Productif

Dans un atelier asynchrone, l'animateur ou n'importe quel participant peut mettre en ligne à tout instant des documents consultables par tous. Les contributions de chacun peuvent donc s'enrichir et s'approfondir par la consultation de ces documents - ce qui est impossible dans un débat oral traditionnel.

III) Intérêt philosophique et didactique de l'atelier numérique asynchrone

De ce qui précède on peut conclure que l'atelier philosophique asynchrone, malgré l'absence de présence physique qui restreint la dimension affective, conviviale et gestuelle des échanges (ce que plusieurs participants ont souligné), offre plus de possibilités qu'une DVP classique.

En témoigne le fait que les "fonctions" qui accompagnent la DVP deviennent inutiles dans un atelier asynchrone :

a) La fonction de président qui "répartit la parole selon les règles" (M.Tozzi) n'a plus d'utilité dans un atelier asynchrone. Chacun pouvant mettre en ligne sa contribution à tout instant sans que cela gêne les autres, il n'y a plus besoin d'un répartiteur de la parole.

b) La fonction de reformulateur disparaît aussi, puisque chacun, s'il n'a pas compris l'intervention d'un autre, peut s'adresser à lui à tout instant pour lui demander de la préciser sans que cela perturbe la discussion centrale (possibilité permanente de "sous-conversations").

c) La fonction de synthétiseur disparaît pour la même raison : chacun, y compris l'animateur, peut proposer à tout instant des synthèses qui n'interrompent pas la réflexion commune.

d) La fonction d'observateur enfin devient inutile. Chaque participant peut en permanence consulter l'intégralité des échanges et prendre du recul pour analyser non plus le contenu mais la forme et les modalités de la discussion. Chacun peut donc passer à tout instant de la posture de "discutant" à une posture "métacognitive". C'est d'ailleurs ce que beaucoup ont fait lors du déroulement de l'atelier.

L'atelier asynchrone permet donc une attitude d'autoréflexivité permanente, une participation selon une double posture, alors que dans la DVP classique chaque posture doit être assumée par des personnes différentes ou à des moments différents.

Conclusion

De ce qui précède on est en droit de conclure que l'atelier asynchrone constitue la forme achevée ou accomplie de l'atelier philosophique. En effet :

  • La DVP classique se limite à des échanges oraux dans un temps limité ; l'atelier asynchrone permet au contraire d'articuler tous les registres de la réflexion philosophique : l'oral, l'écrit, l'image, etc. Depuis Platon jusqu'à nos jours, la pensée philosophique s'est toujours développée sur ce mode pluriel : exposés magistraux, discussions orales, écriture de textes ou d'oeuvres, correspondance écrite, etc. L'atelier asynchrone se rapproche de cette pluralité en articulant dans un même dispositif toutes les pratiques.
  • La DVP classique se cantonne à des moments limités et discontinus. On peut certes reprendre un débat si on le juge inachevé, mais il s'agit toujours de séances séparées par des périodes où il ne se passe rien. En revanche, l'atelier asynchrone est par nature permanent et continu : il est toujours disponible et consultable ; chacun peut y déposer une contribution à tout instant.
  • La DVP classique limite les possibilités de participation : si on a raté le début d'une discussion, il est difficile de s'y intégrer en cours de route. En revanche, l'atelier asynchrone permet à des "retardataires" de rejoindre la discussion sans rien perdre, puisqu'ils peuvent prendre connaissance de tout ce qui s'est dit et fait depuis le début. Dans le cas de l'atelier "Graine de philo", plusieurs participant(e)s ont ainsi "pris le train en marche" sans que cela perturbe le déroulement de l'atelier.

Néanmoins, il est incontestable qu'une entrée dans la philo avec des enfants ne peut commencer que par la DVP : l'oral est pour eux de loin plus naturel que l'écrit, et la discussion plus spontanée que la réflexion solitaire. La DVP est et restera donc toujours la forme privilégiée du philosopher pour les enfants et plus généralement tous ceux, enfants et adultes, qui sont encore novices dans cette pratique (cafés philo, etc.). Mais il est souhaitable que si les conditions le permettent (durée de l'atelier dans le temps, outils disponibles, etc.), elle évolue en intégrant progressivement d'autres démarches, à commencer par l'écriture, la création artistique, la réflexion sur des textes, etc. Dans cette perspective, l'instauration d'un atelier asynchrone peut permettre d'élargir et d'enrichir la pratique philosophique, sans qu'il soit nécessaire de renoncer à la convivialité qu'apporte le dialogue oral et la présence physique.

IV) Quatre axes pour poser nos choix didactiques en numérique (Aurore Compère)

A) Une enquête belge sur le "premier" confinement

L'enquête menée auprès des enseignant(e)s du cours de philosophie et citoyenneté (CPC) belge, dont le compte-rendu se trouve sur le site Internet de La Fabrique Philosophique nouvellement créée (http://lafabriquephilosophique.be/usages-et-non-usages-des-tice-au-cpc-pendant-le-deconfinement/), nous renseigne sur les usages (et non-usages) imaginés et expérimentés pendant le confinement de mars-avril 2020.

Les enseignant(e)s y font part de la situation numérique de leurs établissements, plutôt mal équipés avant le confinement, et des efforts faits sur ce plan dans l'urgence. Ces efforts (qui vont d'écrire sur la page Facebook de l'école à s'équiper de plateformes d' e-learning en passant par la constitution de mailing lists et la création d'un simple site Internet), ont surtout visé à conserver ou rétablir le contact avec la plupart des élèves. Un premier pas souvent insuffisant en termes de moyens pédagogiques pour permettre un suivi à la hauteur de la volonté de "continuité" affichée par l'institution.

Les réponses à l'enquête nous ont également présenté les dispositifs mis en place dans le cadre du CPC (Cours de Philosophie et de Citoyenneté), et on constate qu'une grande majorité des enseignant(e)s ont mis en place des activités asynchrones (donc sans aucune co-présence, ni spatiale ni temporelle), principalement en transmettant à leurs élèves des "dossiers" - documents comprenant souvent des vides à compléter et des questions auxquelles répondre.

Plus ou moins liés à des supports multimédia (images incorporées au texte, liens hypertextes renvoyant à des podcasts ou vidéos), ces cours asynchrones ne semblent pourtant pas avoir satisfait les enseignant(e)s qui les ont organisés : il.elle(s) jugent majoritairement que c'est insuffisant pour atteindre les objectifs visés par le CPC en termes de compétences philosophiques, mais également en termes de savoir-faire et de savoir-être. Seuls les savoirs semblent pouvoir être transmis d'une façon satisfaisante par ces biais. Les enseignant(e)s qui ont testé des activités plus collectives, synchrones comme la vidéoconférence (qui permet des interactions orales et écrites dans un cadre temporel commun), ou asynchrones comme les ateliers philo écrits (qui permettent aux élèves de se répondre les un(e)s aux autres), sont plus optimistes.

Ainsi l'expérience du confinement a souvent été l'occasion de désillusions et de regrets. La plupart des répondant(e)s insistent sur les joies de l'enseignement "réel", "en présence", en "live", et sur l'inefficacité de l'enseignement numérique, du moins en 100% distanciel et dans une telle situation de crise, parce qu'il déshumaniserait les contacts - alors que les affects sont d'autant plus importants que nous sommes désorienté(e)s - et ne permettrait pas de faire les liens nécessaires à l'apprentissage entre savoirs, savoir-faire et savoir-être.

Mais ce "premier" confinement aura aussi permis à certain(e)s de prendre conscience de la possibilité, grâce à certains outils numériques, d'une co-présence temporelle (là où on considérait habituellement la co-présence comme nécessairement spatiale) et d'une collaboration asynchrone (là où on est habitué à collaborer et à organiser la collaboration dans un même cadre temporel).

B) Lucidité nécessaire quant à nos choix didactiques

De façon générale - tout en reconnaissant au numérique la complexité qu'il englobe, et qui nécessite encore bien des travaux qui démêleront l'enchevêtrement de problèmes qu'il pose -, on peut considérer que le principal avantage de cette expérience radicale qu'a été le confinement subi des élèves comme des enseignant(e)s est la nécessité à laquelle nous avons été confronté(e)s de penser plus lucidement nos choix didactiques passés et futurs.

Grâce au contraste forcé par la rupture du continuum de nos habitudes, on perçoit mieux ce qui constituait nos routines scolaires. Et afin de s'adapter à la situation, inconfortable mais incontournable, on regarde en face les questions didactiques qui se posent à nous.

Que faisions-nous jusque-là dans nos classes? Que pouvons-nous reprendre tel quel? Que devons-nous modifier pour parvenir à nos objectifs multiples en termes d'apprentissage (compétences, savoirs, savoir-faire, savoir-être) ? Quelles possibilités techniques nouvelles s'offrent à nous et que viendront-elles compléter, suppléer, remplacer ou apporter de tout à fait inédit ?

C) Quelques axes qui structurent nos activités de pratique philosophique

La grande variété d'approches permise par le numérique se perçoit mieux, à mon sens, si l'on distribue les choix didactiques qui s'offrent à nous selon quatre axes, dont les effets heuristiques supposés peuvent également être une source d'inspiration créative, nous y reviendrons.

Le premier axe, évident, est celui dont il est le plus souvent question, celui de l'espace : sommes-nous tenu(e)s à distance les un(e)s des autres ou en co-présence physique, spatiale ? Les deux pôles de cet axe sont le distanciel et le présentiel.

Le second axe, qui permet de structurer non plus l'espace mais le temps, permet de penser le cadre temporel, commun ou non, qui entoure ou pas la rencontre des élèves entre elles/eux, et avec l'enseignant(e). Ses extrêmes sont l'asynchrone et le synchrone.

Ces deux premiers axes permettent moins de variations que les suivants, car leurs pôles sont plus strictement contradictoires (on peut difficilement être à la fois à distance et en présence, ou se rencontrer à la fois dans le même cadre temporel et ne pas se rencontrer dans le même cadre temporel). Les deux suivants sont plus "ouverts".

Le troisième axe proposé est le cadre normatif de l'activité : est-elle fortement guidée par l'enseignant(e), dans son organisation comme dans ses contenus, ou laisse-t-elle aux élèves une plus grande part d'autonomie ?

Le quatrième axe, enfin, permet de penser la collaboration entre les élèves, en interrogeant les interactions entre elles/eux que suppose l' activité, qui sera plutôt collective, ou plutôt individuelle.

Analysons quatre activités numériques à partir de cette grille, à commencer par deux activités vécues dans ce colloque (par Anouchka Wyss et Gaëlle Jeanmart) :

L'atelier qu'Anouchka Wyss nous a fait vivre l'après-midi du 19 novembre 2020, et qui passait par l'application MindMeister (mindmeister.com/) pour établir une carte schématique de la discussion, peut ainsi être considéré comme un dispositif distanciel et néanmoins synchrone et collectif. Il est en grande partie guidé, puisque l'animatrice pose un cadre précis à la discussion (problématique de départ, support visuel qu'elle crée au fur et à mesure et animation proprement dite de la discussion), mais pas entièrement (puisque les interventions des participant(e)s sont laissées à leur initiative).

Également distancielle, synchrone et collective, l'activité proposée par Gaëlle Jeanmart le matin du 19 novembre 2020, est néanmoins beaucoup plus autonome puisque le pari de faire pratiquer toutes les personnes présentes (une petite centaine) a mené à un choix didactique différent : celui de fixer un cadre assez strict dans les consignes, mais de laisser ensuite chaque groupe de 4-5 personnes s'en saisir et le concrétiser à sa guise.

Les enseignant(e)s qui ont répondu à notre enquête nous ont fait part d'autres types d'ateliers qui, moins proches des "ateliers philo" organisés en co-présence spatiale et temporelle, interrogent les limites de la "pratique philosophique" :

Jérôme, qui enseigne au secondaire supérieur (15-18 ans) dans des classes de la filière générale (menant uniquement aux études supérieures), a proposé à ses élèves d'intervenir quant à une problématique qu'il avait lui-même formulée, sur un Padlet (padlet.com/) qui leur offrait également la possibilité de répondre aux interventions de leurs camarades. Les participant(e)s à cet atelier distanciel mais cette fois asynchrone, guidé(e)s par les consignes de l'enseignant et les possibilités restreintes qu'offre l'outil choisi, sont moins seul(e)s qu'il n'y paraît puisque les "commentaires" à leur publication, et les liens que les autres peuvent tresser entre les nouvelles interventions et la leur, sont autant de rebonds qui montrent que la pensée peut s'avérer, là aussi, collective.

Autre activité distancielle et asynchrone mais ici entièrement individuelle et plus fermement cadrée, le livre - pourtant intitulé Penser ensemble durant le confinement - constitué par Jean-Louis à partir des réponses de ses élèves (du secondaire supérieur aussi, mais dans les filières technique et professionnelle) aux questions qu'il leur a adressées pose à son tour la question du moment où commencent la pensée collective et l'activité de pratique philosophique : faut-il se trouver dans le même cadre temporel pour que l'on puisse dire qu'on a pensé ensemble ? Suffit-il que quelqu'un d'autre ait mis nos pensées en résonance dans un document qui les réorganise ? Lire ce document, confronter ainsi nos pensées à celles des autres, est-ce philosopher ? Ensemble ?

D) Vertus heuristiques de quatre axes didactiques

En situant comme nous l'avons fait ci-avant les activités sur ces quatre axes, on identifie clairement les choix opérés et les écarts didactiques entre ces dispositifs.

Cela permet de questionner l'essence des activités de pratique philosophique : nécessairement cadrées par un même temps pour tou(te)s ? Permettant une pensée collective (alors laquelle) ? Laissant une part d'autonomie aux participant(e)s (à nouveau, laquelle) ?

Cela permet aussi de constater que le virtuel est, dans ces quatre cas, lié à du distanciel ; et donc de chercher à imaginer des activités qui placent les participant(e)s en co-présence spatiale (tout en les gardant confiné(e)s, donc sans contact les un(e)s avec les autres), via des moyens numériques.

C'est le cas du jeu de piste que je crée pour le moment pour mes élèves : leur smartphone les guidera à travers la ville et un petit texte philosophique à lire, un exercice à réaliser et/ou une problématique philosophique sur laquelle réfléchir les attendront à chaque bâtiment (prison, école, hôpital psychiatrique, tribunal, hôtel de ville...) où il/elle(s) se rendront. Chacun(e) pourra réaliser cette activité quand il/elle le voudra, elle restera donc asynchrone et individuelle, afin de respecter le confinement.

Nos quatre axes permettent donc non seulement de penser nos innovations, mais également d'en inventer d'autres. Pourrez-vous imaginer une activité à la fois asynchrone et entièrement collective ?

V) La pratique de la philo virtuelle : quelques points de vigilance (Claude Escot)

Les périodes de confinement que nous avons vécues ont généré de nombreuses expérimentations de la discussion à visée philosophique à distance, faute de pouvoir les conduire en présence ; les derniers numéros de Diotime en présentent d'ailleurs quelques-unes. Ayant eu à accompagner ou à conduire diverses DVP à distance, je vais partager avec vous les analyses que j'en ai faites.

Je souhaite, en préambule, expliciter le regard que je porte sur l'animation "en distanciel".

Toute animation, quelle qu'elle soit, a toujours une vocation éducative, a fortiori la DVP, dont les objectifs éducatifs sont explicites. Reprenant une formule d'Albert Jacquard, je dirai que l'éducation a un triple objet :

  • accueillir l'enfant dans le monde, l'aimer et lui communiquer le plaisir de vivre ;
  • lui apprendre les lois, les règles, les codes sociaux lui permettant de rentrer en relation positive avec les autres ;
  • aider l'enfant à sortir de lui-même, vaincre la peur de ce qui lui est étranger, aller à la rencontre des autres et du monde au travers des savoirs.

Sur chacun de ces trois plans, la présence physique, de l'animateur comme des autres participants, est un vecteur important. Mon propos n'est donc pas de hiérarchiser les deux types d'animation ; à mon sens, l'animation en présence, chaque fois que c'est possible, est bien supérieure à l'animation à distance : les pratiques éducatives s'ancrent toujours dans le contact humain.

Mais quand on ne peut faire autrement - et le confinement n'est pas forcément la seule raison, des raisons économiques peuvent aussi en être à l'origine - il est intéressant de mesurer les vigilances à avoir pour ne pas dévoyer l'activité de ses objectifs de fond.

A) Sur quoi j'appuie les éléments de réflexion que je vais partager avec vous ?

J'ai mené, pendant le premier confinement, deux séries d'animation DVP distinctes ;

  • avec des enfants (périscolaire de Coulaines, à côté du Mans). Dans cette expérimentation, je n'étais pas directement animateur, mais superviseur en soutien à l'animateur. J'ai aussi coordonné des éléments de formation spécifique pour les animateurs DVP de la région.
  • avec des adultes : une animation didactique pour mettre en lumière les habiletés de pensée mises en oeuvre, avec un public adulte qui ne se connaissait pas (deux groupes de 12 personnes), à distance et asynchrone, étalée sur un mois et demi. Cette expérience est détaillée dans le numéro 87 de Diotime.

J'aborderai ces points de vigilance lors d'une pratique de la DVP virtuelle autour de quatre incidences :

  • les contraintes techniques ;
  • l'adhésion des participants, l'acceptation de la règle du jeu et le rôle de l'animateur ;
  • la temporalité particulière de cette pratique ;
  • la clarification de l'objectif poursuivi.

B) Les contraintes techniques

La méconnaissance de l'outil utilisé par la plupart des participants, même si ceci n'est que ponctuel, a tout d'abord influé sur le fonctionnement. De plus, les participants qui avaient une mauvaise connexion et qui ont dû se contenter d'une participation orale, sans visio, ont eu beaucoup de mal à trouver leur place.

En direct (avec les enfants), chacun se trouve isolé dans sa sphère de vie quotidienne, qui peut être perturbateur (frère ou soeur qui traverse la pièce, proximité des parents...). Le côté chaleureux d'un atelier est gommé. J'y reviendrai autour de l'adhésion des participants.

Par ailleurs, l'animation en visio renforce le rapport "animateur-enfant" direct, et freine les interactions entre enfants. C'est une difficulté qu'il faut surmonter par des modes différents d'animation.

Enfin, la continuité de l'action est incertaine : dans une DVP virtuelle, le groupe n'est pas organisé par la structure (école, centre de loisirs, médiathèque...), ni dans l'instant, ni dans le temps. On n'est jamais sûr que les mêmes enfants - ou adultes - seront présents lors de la prochaine séance. Ceci pose le problème de l'action de long terme, seule garante de l'appropriation des habiletés de pensée par les participants.

Point positif : la DVP à distance permet le partage entre des personnes très éloignées (dans un groupe breton, des jeunes algériennes ont pu y participer). C'est un plus intéressant, même si cette multiplicité culturelle existe aussi dans les villes ou les quartiers en France : l'échange avec des étrangers rend plus explicite la rencontre des cultures.

En synthèse

Les contraintes de connexion ne sont pas à négliger. Elles peuvent être un frein (difficultés techniques) et faire perdre du temps.

Ce qui manque le plus, c'est la chaleur du groupe et l'écoute collective. Les pratiques d'animation doivent s'adapter à cette situation pour recréer autrement cette chaleur humaine.

La pratique virtuelle ne garantit pas la continuité. Une attention particulière est à porter à ce qui organisera cette continuité d'action, puisque la structure organisatrice n'est plus la référence.

En revanche, la DVP à distance permet la participation de jeunes de différents pays, de différentes cultures. C'est une ouverture très intéressante, si on sait la saisir.

C) L'adhésion à l'activité et l'acceptation des "règles du jeu". Les contraintes spécifiques de l'animation à distance

1) Les règles du jeu

Dans un atelier en présence, l'espace où a lieu l'atelier, la façon dont le groupe a été constitué, le temps de l'activité, etc. sont porteurs de règles implicites et de modes de fonctionnement non-dits. De la même façon, l'attitude, le ton de la voix, la gestuelle de l'animateur sont aussi porteurs d'informations facilement décryptées par les enfants - ou les adultes. Tout ceci, plus l'attitude des autres participants, joue sur l'adhésion à l'activité. Chacun se conforme, plus ou moins consciemment, à la façon dont il sent que le groupe va fonctionner dans l'instant. C'est d'ailleurs quand une de ces conditions ne joue pas son rôle qu'on se rend compte de l'importance du non-verbal.

En virtuel, ceci ne fonctionne pas de la même façon. "L'espace virtuel" ne porte pas les mêmes règles, et l'isolement de chacun dans sa sphère privée introduit dans le groupe des codes différents d'un participant à l'autre. L'attention des participants (en visio), mais aussi la compréhension des affirmations des uns ou des autres (quand il s'agit de réagir par écrit) en sont modifiées. Ce qui peut assez rapidement se décrypter en présentiel, par une demande de reformulation ou en aidant à prendre de la distance, est beaucoup plus difficile dans des échanges à distance et asynchrone, pouvant provoquer des incompréhensions, voire des oppositions.

Il est nécessaire d'être très attentif à ce que affirmations ou questionnements soient entendus comme étant des "hypothèses de recherche", même si la constitution d'une "communauté de recherche" est plus difficile en virtuel.

2) L'animation

Le plus dur, c'est de permettre à chacun de rentrer dans la discussion, donc de commencer à formaliser sa pensée. D'où l'importance de l'entrée dans l'activité, qui doit mobiliser dès le départ, pour favoriser les premières expressions. La forme doit donc être choisie pour interpeler les participants (histoire avec dilemme moral, album pour enfants, photolangage, expression sur une image, portait chinois, question directe...). Ceci est aussi vrai en présence, mais la relation directe avec l'animateur vient "récupérer" les petites erreurs commises. À distance, le risque de laisser certains participants de côté est plus grand.

Quand on anime une activité pour la première fois (et c'est aussi vrai pour cette activité que pour un atelier peinture !), on se trouve confronté à deux objectifs différents, à mener de front :

  • Maîtriser la technique de menée de l'activité (ici, savoir lancer la discussion, savoir écouter et relancer, être attentif au respect mutuel et à l'expression de chacun, gérer les perturbations...).
  • Maîtriser les objectifs de fond de l'activité (ici, la construction d'habiletés de pensée : savoir écouter et questionner sa réflexion à partir de ce que dit l'autre, argumenter son point de vue et le questionner, ouvrir sa réflexion à de nouvelles pistes, formaliser ses idées en les exprimant oralement...).

La difficulté est de conduire les deux en même temps. Souvent les premières fois, on est plus centré sur les techniques de menée ; c'est normal, et vrai quelle que soit l'activité. C'est lorsqu'on est à l'aise sur le premier point qu'on peut regarder de plus près le deuxième.

À distance, des acquis maîtrisés lors d'une animation en présence ne fonctionnent pas toujours. Ceci oblige l'animateur à réinterroger ses pratiques.

En synthèse

Le virtuel ne facilite pas l'appropriation des règles de la situation. Il demande une réflexion plus approfondie sur les conditions de l'action, et la façon dont elles sont mises en place.

Animer en virtuel demande des compétences différentes de l'animation en présence. Il faut savoir s'y préparer.

En particulier, la constitution d'une "communauté de recherche" doit être conscientisée pour tous, au risque de transformer la confrontation d'idées (hypothèses de recherche commune, porteuses de progression) en opposition de personnes, parce que la présence ensemble ne gère plus cet élément.

D) La temporalité particulière de cette pratique

Sur cet aspect, on peut noter des éléments positifs et des éléments négatifs, dans la comparaison présence/virtuel.

En présence, la parole fuse, rebondit, se répond... Lors d'un atelier en présence, une participante, (Maxine, 9 ans), disait dans l'analyse : "On réfléchit à une question, elle en amène d'autres, on y revient... c'est comme une réflexion en spirale, comme une coquille d'escargot...". Ce foisonnement est aussi lié au fait que la pensée est toujours fuyante, allant souvent trop vite pour être fixée. L'expression orale la fixe un peu, mais pour peu de temps. Même en demandant, en fin d'atelier, de mettre par écrit une idée ou une question qui reste à chacun après l'échange, beaucoup de richesse s'envole.

Quand la réflexion est asynchrone et par écrit (ce qui fut le cas de la deuxième expérimentation) l'obligation d'écrire sa pensée oblige chacun à la clarifier. Réfléchir à sa pensée, la mettre par écrit, la partager et la questionner : le virtuel qui offre une mémoire grâce à la trace écrite est de ce point de vue un vrai plus pour analyser son cheminement et mesurer sa progression.

Un risque cependant : fixer sa pensée par écrit risque de la verrouiller, si elle n'est pas exprimée en "hypothèse de recherche". Ça peut produire "j'ai dit - par écrit - donc je m'y tiens", même si mon expression est peu étayée.

Comment passer du "j'ai dit, donc je pense" à "je pense ce que je dis" ?

L'autre aspect de la temporalité, c'est la récurrence de la réflexion. En présence, les ateliers sont inscrits dans un programme, souvent à une heure précise dans la semaine. La récurrence, indispensable, est fixée par la structure.

En virtuel, ceci est beaucoup plus flou. Seul, l'intérêt de chacun structure le groupe. On n'est jamais sûr que la fois d'après (si c'est en visio) ou dans le temps de réflexion laissé (si c'est asynchrone) les participants vont tenir. Les deux expériences montrent la fragilité de ces groupes. Même pour les enfants, où l'intérêt était aussi (surtout ?) de voir et discuter avec ses copains-copines, il y eut de la difficulté à poursuivre - et ceci a provoqué la fin dès que le confinement a été levé.

La façon dont on clôture la séance est aussi différente. En présence, on peut demander de produire un écrit (partagé ou non) ; la présence du groupe, le temps qu'on y accorde pousse à la réalisation de cet écrit. À distance c'est plus difficile.

En synthèse

Le rythme des séances est très différent à distance, à la fois pendant l'atelier, mais aussi dans la succession des ateliers. Si on ne gère pas cette fragilité, la déperdition peut être grande.

Si on met en place, en virtuel, un questionnement ouvert, dans une communauté de recherche au sein de laquelle on essaie de vérifier des hypothèses, - et à cette condition -, le partage par écrit est un vrai "plus".

La façon dont le groupe existe et se structure dans le temps est aussi très importante. Comment organiser l'engagement des participants dans la durée ?

Enfin, il est nécessaire de réfléchir à la façon dont on va clôturer la séance, pour ouvrir sur la suite.

E) La clarification de l'objectif poursuivi

En présence, on peut se permettre de superposer de multiples objectifs ; la pérennité du groupe permet ensuite de revenir ou de consolider tel ou tel (savoir poser une question philosophique, savoir vérifier la pertinence d'un argument, savoir ouvrir un concept à plusieurs champs de réflexion...).

A distance, la fragilité de la situation (sera-t-elle pérenne ?) oblige à clarifier - avec les participants - l'objectif visé.

Pour ma part, je repère trois approches possibles.

  • Une approche conceptualisante : approfondir un des grands concepts philosophiques. Là, il s'agit de prioriser l'approfondissement de la réflexion sur un thème : l'animateur est très présent ; il questionne, relance, pointe les oppositions ou renvoie des questions.
  • Une approche interprétative : réfléchir sur le regard qu'on porte sur le monde, à partir d'un objet, d'une oeuvre d'art, d'une situation de vie. C'est l'expression des enfants et leur interaction entre eux qui est prioritaire : dans ce cas, l'animateur se met en retrait. Il est juste distributeur de parole et relance en confrontant les regards.
  • Une approche didactique. (Prendre conscience des habiletés de pensée qu'on met en oeuvre lorsqu'on réfléchit en commun dans un atelier DVP). On peut par exemple prioriser la capacité de l'enfant à se poser des questions qu'il ne se serait pas posées sans la situation et l'interaction des autres. Peu importe, dans ce cas, de ne pas approfondir le thème ; l'important c'est de lui permettre d'exprimer toutes les questions qui se posent autour de celui-ci. Le temps d'analyse terminal, pour mesurer sa progression, prend ici une grande importance.

Dans l'expérience asynchrone, j'avais clairement mis en avant le troisième objectif, m'adressant (en principe) à des animateurs déjà actifs dans la DVP. Hélas, ce ne fut pas le cas. Beaucoup venaient plus pour une réflexion conceptualisante, et j'ai perdu des participants au fur et à mesure de l'atelier - qui a duré un peu plus d'un mois.

Il me semble - mais je ne l'ai pas vérifié - que cette clarification est aussi nécessaire, dans un atelier avec des enfants. A tout le moins elle doit être claire dans la tête de l'animateur.

En synthèse terminale

J'ai essayé de décrire des intérêts et des limites de la pratique virtuelle, en la comparant à la pratique en présence. Pour ma part, j'en retiens deux éléments :

  • Être très attentif, en virtuel, à la façon dont se constitue le groupe. En particulier agir, chaque fois que c'est possible, avec un groupe de personnes qui ont eu la possibilité de vivre des moments communs avant. En ce sens, par sa souplesse (pas de déplacements), c'est un outil d'approfondissement de la formation à la DVP intéressant, après une formation en présence.
  • Le virtuel peut se faire en visio ou asynchrone et par écrit. Chacune de ces deux formules a ses intérêts et ses limites, comme j'ai essayé de le montrer.

V) Deux mondes opposés (Anouchka Wyss)

Face aux mesures de confinement, l'envie et le besoin de continuer d'animer des discussions philosophiques, à distance, se font ressentir. Chacun chez soi, les outils numériques se démultiplient pour faciliter la communication, les apprentissages et le travail à distance. Si bien que l'ampleur de ce phénomène a généralisé les adjectifs de "distanciel" et de "présentiel", désignant originairement deux types d'enseignement, à toutes les formes de communication humaine. Ainsi, à l'ancien monde du présentiel, s'oppose désormais le nouveau monde du distanciel. Si certains déplorent la disparition des cinq sens et celle cruciale de la communication non verbale dans le monde du distanciel, d'autres s'y enthousiasment et y voient un potentiel énorme d'explorer de nouveaux outils pour réinventer la pratique philosophique.

Mais que se cache-t-il derrière ces néologismes ? Dénotent-ils réellement deux mondes opposés et séparés ? Peut-on faire communiquer ces deux mondes au sein d'une même pratique philosophique ? Je propose dans cet article d'explorer les spécificités de chacun de ces deux mondes, à l'aune des pratiques philosophiques, afin de déterminer s'ils sont réellement irréductibles l'un à l'autre et s'ils peuvent se rencontrer au sein d'une même pratique.

A) L'irréductibilité du présentiel

Force est de constater que le passage au numérique déstabilise. Derrière un certain attrait pour la nouveauté et de nouvelles opportunités à explorer, ce nouveau mode de communication force à se réinventer et à repenser nos interactions. Mais une fois l'élan de curiosité passé, une certaine lassitude, une tristesse, une nostalgie des échanges physiques s'installent pour certains.

Avec elles, des questions émergent. Le distanciel manque d'éléments cruciaux du présentiel, sans sembler pouvoir les remplacer : l'urgence de la présence d'autrui dans la discussion, la communication non verbale qui passe par le corps et ses cinq sens, l'incorporéité des échanges et des réflexions, l'ancrage dans le corps et dans l'espace, les émotions communiquées spontanément qui nourrissent nécessairement les réflexions. D'un point de vue psychologique, de nombreux travaux défendent également que l'apprentissage est un mécanisme social. C'est en effet la présence de l'adulte et le lien entre le maître et l'apprenant qui induisent une posture pédagogique, incitant l'enfant à interpréter l'information présentée comme importante. Être exposé aux écrans au détriment des interactions sociales avec ses pairs peut ainsi nuire aux apprentissages. Ces constats font également écho aux nombreux décrochages scolaires observés pendant les vagues de confinement.

Ainsi, il semble qu'actuellement le numérique ne peut entièrement remplacer les échanges humains en présentiel et on lui observe des conséquences peu souhaitables. En d'autres termes, le monde du présentiel est actuellement irréductible à celui du distanciel ; même s'il le souhaite, le monde du distanciel ne peut remplacer celui du présentiel. Il lui manque quelque chose que la disparition des corps ne peut remplacer.

Pour pousser la réflexion jusqu'au bout, pourrait-on imaginer que le monde du distanciel prenne entièrement le pas sur celui du présentiel, dans un futur où les technologies auraient suffisamment évolué ? Pourrait-on concevoir que le numérique puisse recréer des formes de communication non verbale et/ou la chaleur de la présence d'autrui ?

En réponse à cette question, imaginez l'expérience de pensée suivante, inspirée de celle du cerveau dans une cuve du philosophe Hilary Putnam (1981). Imaginez que vous soyez assis devant votre ordinateur sur une plateforme de visioconférence et que vous conversiez avec un ami. Vous avez des électrodes branchées sur votre cerveau, issus d'une toute nouvelle technologie, qui recréent exactement les stimuli de ce que vous ressentiriez si vous étiez dans la même pièce que votre interlocuteur. Dans cette situation, est-ce que votre cerveau aurait raison de croire les ressentis qu'il reçoit ? Ou sont-ils d'une nature différente que si vous étiez véritablement en présence de votre ami ? L'intuition semble nous dire que ces deux situations sont différentes, et donc qu'il ne serait pas possible de recréer une situation présentielle et de la substituer en situation distancielle. Il semble donc que le monde du présentiel est irréductible, tant actuellement que possiblement, au monde du distanciel et qu'il manque quelque chose au distanciel qui est exclusivement propre au présentiel.

B) Les contributions du distanciel

À la suite de la conclusion de l'irréductibilité du présentiel au distanciel, et en supposant que chacun(e) puisse avoir un accès aux outils numériques, se pose la question suivante : si le numérique ne peut, et ne pourra jamais, se substituer entièrement aux relations présentielles, peut-il les compléter, les améliorer, ou simplement aider à repenser les rapports présentiels entre pairs et face aux apprentissages ?

Un premier constat dans ce passage massif au numérique, rendu nécessaire par une crise sanitaire mondiale, est la nécessité de repenser les médias sur lesquels asseoir nos communications. En effet, pour les enfants comme pour les adultes, il est difficile de rester concentré lorsque nous sommes seul, devant un écran, sans pouvoir changer d'environnement de la journée ni pouvoir échanger, sans que les propos soient médiatisés. Il semble dès lors nécessaire de repenser les supports qui accueillent nos échanges et plus particulièrement, dans le domaine qui nous intéresse ici, nos réflexions et pratiques philosophiques. Quels supports peuvent héberger la forme d'urgence, le défi, la nécessité de débattre et d'apprendre que revêt la présence humaine de discutant(e)s ? Quel support permet de garder l'attention, la concentration, la motivation et l'intérêt des participant(e)s ? À défaut d'être engagé physiquement, comment stimuler l'échange et la formation d'une pensée collective ?

À ce titre-là, il me semble que le récent engouement pour le numérique a su développer d'intéressants outils, encore peu exploités jusque maintenant. Ainsi, sont notamment apparus des ateliers philosophiques asynchrones, mettant en lien des personnes qu'il aurait été difficiles de rassembler en présentiel, parce que trop éloignées physiquement ou socialement. Par le biais de plateformes informatiques ou de réseaux sociaux, les participant(e)s peuvent contribuer à la discussion quand ils/elles le souhaitaient. Ainsi, les personnes ne se rencontrent ni physiquement, ni temporellement, mais peuvent tout de même échanger leurs idées, chercher des réponses communes, explorer et approfondir leurs réflexions. En plus de faciliter l'accès à la pratique philosophique, ces ateliers explorent une dimension temporelle encore peu exploitée dans les pratiques philosophiques présentielles : un temps plus long dédié à la pensée. Le caractère asynchrone de ces ateliers donne une part belle à la pensée, pour se développer, s'affûter, s'affiner. Elle reconnaît également que tous les participant(e)s n'ont pas besoin du même temps pour développer leur pensée, et permet ainsi une différenciation des rythmes intéressante.

Un autre type de support s'est également affiné : les cartes mentales ou autres outils graphiques de matérialisation de la pensée. Utilisées comme supports aux discussions philosophiques, qui ont lieu via des plateformes de visioconférence, ces outils de cartographie mentale en ligne permettent aux participant(e)s de matérialiser leurs pensées et de les mettre en commun sur un même support. Lorsqu'un(e) participant(e) a la parole, il/elle ajoute son idée sur la carte mentale commune, rendant visible la formation d'une réflexion collective. Le numérique rend cette cocréation d'autant plus facile que chacun la visualise directement sur son écran et possède les mêmes commandes. Par ailleurs, rendant les participant(e)s actifs, l'utilisation d'un tel support renforce la concentration, la motivation et l'engagement des participants qui se retrouvent en distanciel. Elle met également en exergue les aspects métacognitifs et formels de la pratique philosophique, puisqu'une structure est décidée de manière collective pour agencer les différentes idées sur le support. Un tel travail métacognitif aide les interventions à être plus précises et pertinentes, permettant des discussions d'autant plus riches.

C) L'irréductibilité du numérique ?

Pour autant que le numérique ne peut se substituer entièrement au monde du présentiel, mais qu'il apporte des outils intéressants pour repenser les pratiques philosophiques présentielles, demeure la question de l'irréductibilité du numérique. En effet, la question de la contribution du distanciel au présentiel semble présupposer que le numérique présente des éléments qui lui sont propres et qui ne pourraient se transposer en présentiel. Mais est-ce le cas ?

La révolution du numérique, qui s'opère sur les dernières décennies, a certainement décuplé les vitesses de calcul et la quantité d'informations mémorisables, permettant de grandes avancées dans de nombreux domaines qu'il n'y a pas lieu de développer ici. Toutefois, dans le domaine qui nous intéresse, à savoir les pratiques philosophiques, se pose la question des spécificités auxquelles le numérique peut contribuer. Pour reprendre les deux exemples cités précédemment, à savoir celui des ateliers asynchrones et celui des cartes mentales, il me semble envisageable de transposer ces dernières en présentiel. Imaginez simplement des feuilles de papier sur lesquelles figurerait une question et peut-être une hypothèse, disposées dans une salle. Chaque participant(e) pourrait, lorsqu'il le souhaite et lorsqu'il a le temps, apporter sa contribution en l'inscrivant sur la feuille. Ceci permettrait d'organiser un atelier asynchrone. Dans la même idée, imaginez un groupe de discussion philosophique autour d'un tableau noir. Chaque participant pourrait synthétiser et écrire sa contribution sur un post-it, d'une couleur adaptée selon son type de contribution, et le placer sur le tableau noir de façon à créer une carte mentale commune en support à la discussion. Si la spécificité du numérique est la rapidité des calculs et la quantité d'informations mémorisées, elle ne présente pas d'utilité particulière à la médiatisation des pratiques philosophiques.

Une autre spécificité du numérique serait celle de rassembler des personnes physiquement ou socialement éloignées autour d'une même discussion. Toutefois, si cette spécificité est certes une possibilité du numérique, il semble que notre utilisation actuelle du web accroît au contraire le phénomène d'entre soi, notamment par lesdites "bulles de filtre". Sortir de cette bulle demande d'autant plus d'efforts que l'on n'est pas nécessairement amené à le faire de son plein gré.

Enfin, même si certains outils ne pouvaient se transposer entièrement en présentiel, il semble qu'une version, même édulcorée, présentielle gagne dans la balance des avantages et inconvénients. Face aux difficultés d'accès aux outils numériques pour une grande partie de la population, au creusement des inégalités sociales engendrées par le distanciel, au désengagement des étudiants, ou encore à l'appauvrissement de la communication non-verbale, le présentiel présente plus de spécificités irremplaçables que le numérique. À ce titre, même si nous pouvons considérer que les deux mondes du distanciel et du présentiel sont distincts, voire irréductibles, tout en se nourrissant l'un l'autre, c'est leur concomitance qui est avant tout fondamentale.

D) Un débat sur fond de dualisme cartésien ?

En conclusion, il semble que le présentiel ne peut être remplacé entièrement par le numérique, et que même si le numérique présente des spécificités non négligeables, ces dernières gagnent à être considérées uniquement à titre d'inspiration pour repenser les pratiques philosophiques en présentiel. Il est toutefois nécessaire de rappeler que cette conclusion ne minore en aucun cas les innovations et les nombreuses potentialités offertes par le monde du numérique - bien au contraire, elles sont précieuses. Il s'agit simplement de ne pas oublier l'aspect absolument irremplaçable du présentiel.

À titre de mot de fin, j'aimerais porter l'attention sur un débat qui me semble souvent sous-jacent à celui de l'apparente dichotomie d'un monde distanciel et d'un monde présentiel : le dualisme cartésien entre corps et esprit. Alors que ce dernier dénote une volonté d'atteindre le perfectionnement de l'esprit, empêché par les déboires du corps, je me questionne souvent si, d'une certaine manière, le numérique tend aussi vers un royaume où le corps est absent et seul l'esprit règne. Alors que le corps semble être le grand absent du numérique, il donne la part belle au seul esprit. De manière opposée, le présentiel rappelle un ancrage fort dans le corps. Pensons notamment aux deux contributions numériques, présentées précédemment, et leurs intérêts respectifs dans les pratiques philosophiques : déroger au temps, imposé par des contraintes physiques ou par autrui, pour prendre le temps de penser dans les ateliers asynchrones, et recentrer les contenus des discussions sur leur caractère formel et métacognitif pour les cartes mentales. Dans les deux cas, l'emphase est portée sur le développement cognitif que renforce le numérique.

À l'aune de cette impression, la nouvelle dichotomie entre distanciel et présentiel semble donner un nouvel éclairage à cette ancienne idée cartésienne. Est-ce que l'attrait pour le numérique épouse des objectifs semblables à ceux d'un mouvement rationaliste moderne ? Alors même qu'un mouvement contemporain non négligeable des sciences cognitives et affectives tend à démontrer l'imbrication nécessaire du corps, des émotions et de la cognition ? Alors même qu'un confinement prolongé et une nécessité à se retrouver dans le monde distanciel nous rappelle l'importance de ce corps, de la communication non verbale, d'une forme de cognition incarnée, d'incorporéité et de l'importance des émotions dans la réflexion ? Est-ce que l'expérience que nous sommes en train de vivre en 2020 et 2021 ravivera cet ancien débat et considérera le corps autrement que comme une seule entrave à l'esprit ?

Conclusions de la table ronde (Michel Tozzi)

Cette table ronde a été l'occasion de découvrir des exemples de pratiques innovantes en distanciel : l'atelier écrit virtuel asynchrone, l'utilisation de cartes conceptuelles au cours d'un atelier virtuel (voir aussi d'autres expériences dans les numéros 84, 86 et 87 de Diotime). C'était l'un de ses objectifs que de montrer que c'était possible, et que certains praticiens peuvent se saisir de nouveaux outils, ici numériques, pour innover pédagogiquement.

On peut reprocher d'avoir privilégié dans la table ronde une vision positive (trop ?), alors que les dérives étaient minorées. C'est pourquoi il faut être attentif aux points de vigilance fortement soulignés dans une intervention. Il s'agit dans notre esprit non de substituer la pratique en distanciel au présentiel, mais d'en faire une activité complémentaire. En prenant en compte, pour ne pas mythifier l'outil numérique, ce qui serait une mystification, ces trois questions, de registres différents :

  • Pédagogique : comment utiliser le distanciel, dans les nouvelles pratiques philosophiques, dans la perspective d'une pédagogie innovante, coopérative ?
  • Politique : comment lutter contre les discriminations, voire la fracture numérique, que cet outil peut provoquer chez les élèves et dans la population, et l'utiliser dans une perspective démocratique ?
  • Technique : quels sont les outils, logiciels, plateformes, qui sont à l'usage le plus favorables à un apprentissage du philosopher ?

(1) Les contributeurs à la table ronde :
Michel Tozzi est didacticien de l'apprentissage du philosopher. Praticien, formateur et chercheur sur les NPP, il a été professeur à l'université Paul-Valéry-Montpellier. Il a coordonné l'ouvrage Perspectives didactiques en philosophie - Éclairages théoriques et historiques, pistes pratiques, Édit. Lambert-Lucas, 2019.
François Galichet, après un doctorat de philosophie, a exercé dans des centres de formation d'enseignants et d'inspecteurs en France et au Sénégal. Il a pris conscience de l'importance des questions didactiques et pédagogiques pour enseigner la philosophie. Il a expérimenté à Strasbourg la pratique de la philosophie à l'école primaire. De cette expérience sont issus plusieurs ouvrages. Le dernier, Philosopher à tout âge, approche interprétative du philosopher (Vrin, 2019), explore la compétence interprétative dans l'apprentissage du philosopher.
Aurore Compère est enseignante du Cours de Philosophie et Citoyenneté au secondaire supérieur et chercheuse en didactique de la philosophie à l'université de Liège.
Claude Escot est militant de l'Éducation Populaire. Il est formateur en Sciences de l'Éducation et membre du conseil scientifique de la fédération des Francas. En 2012, il a initié le programme national "Graines de philo" au sein de ce mouvement, programme qui regroupe maintenant une cinquantaine de formateurs sur l'ensemble du territoire, et plusieurs centaines d'animateurs qui agissent dans les centres de loisirs et dans les structures scolaires, auprès de plus de vingt mille enfants et jeunes.
Anouchka Wyss, titulaire d'un Master en philosophie contemporaine de l'université de Genève, assistante de recherche et d'enseignement en psychologie cognitive des Sciences de l'éducation, membre de ProPhilo et forte de différentes expériences dans l'enseignement et l'animation socio-culturelle, s'intéresse et pratique l'animation de discussions philosophiques depuis 2017.

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