Revue

Pratiquer les activités à visée philosophique : vers une professionnalisation différente

Nous publions cet article pour deux raisons essentielles : donner l'exemple d'un projet de recherche sur la philosophie avec les enfants ; signaler une expérience de philosophie avec les enfants et d'autres publics sur tout un territoire.

I. Description générale de la recherche proposée

Les pratiques "à visée philosophique", mises en valeur par un rapport de l'Unesco (Goucha, 2007), puis recommandées par cet organisme depuis la conférence de Milan (février 2007), se développent internationalement. En France, bien qu'apparues tardivement, elles se diffusent progressivement dans de nombreuses classes et ont fait l'objet, sous l'impulsion notable de M. Tozzi (notamment 1995, 2000, 2001, 2002, 2003, 2006...), de thèses en Sciences de l'éducation : Pettier (2000) ; Auguet (2003), Connac (2004), Go (2006), Pilon (2006), Especier (2007), Usclat (2008), Chirouter (2008), Agostini (2010), Desault (2011), et d'une en Philosophie (Pettier, 2008). Concernant les pratiques, l'académie de Créteil est en pointe : plusieurs projets s'y développent, concernant à chaque fois entre 15 et 20 classes. La ville de Saint Fargeau Ponthierry, en Seine-et-Marne, a décidé de passer à une étape supérieure, proposant à terme le développement de ces activités : dans l'École ; lors des activités périscolaire et associatives des enfants ; pour des publics d'adultes dans les différents lieux de la vie sociale et professionnelle (voir la partie IV sur le contexte).

À l'heure actuelle, les enseignants qui pratiquent dans leur classe affirment spontanément, souvent, que les pratiques à visée philosophique les conduisent à modifier leurs pratiques pédagogiques : évolution de la nature du rapport à l'élève, de l'exercice de l'autorité (horizontalisation) ; prise en compte grandissante de ses propositions et questions, sollicitation de l'esprit critique du "public" auquel ils sont confrontés, etc. Mais ces affirmations spontanées traduisent-elles la réalité d'une évolution dans la professionnalisation de ces enseignants ? Seule une étude s'est intéressée à la question, concernant spécifiquement les enseignants de Segpa (Chirouter, 2011). Plus largement, les valeurs auxquelles les enseignants se réfèrent dans leur pratique restent-elles les mêmes ? Se traduisent-elles de la même façon dans les classes ?

Par son ampleur et sa nature, le projet de Saint-Fargeau-Ponthierry est une occasion de mieux identifier ces possibles représentations et évolutions, puisque l'expérience qui y est conduite concerne un nombre important d'enseignants. Plus largement, on y trouvera l'occasion d'une question plus large, concernant les différents types de professionnels impliqués dans un projet de développement des pratiques philosophiques dans la ville : "Les pratiques à visée philosophique font-elles évoluer la professionnalisation (valeurs de référence, pratiques correspondantes) des personnels qui les mettent en oeuvre" ?

Dans le projet, on choisit de s'intéresser aux valeurs de référence qui fondent l'action des différents professionnels, et aux pratiques qui sont censées les traduire.

Il s'agira de le mesurer dans les différents contextes où elles seront employées à Saint Fargeau Ponthierry (scolaire, périscolaire, associatif) ; en fonction des publics rencontrés (enfants plus ou moins jeunes dans des espaces périscolaires et/ou associatifs ; élèves dans des cycles différents ; adultes dans des situations différentes (associations, maison de retraite, travail) ; et en cherchant à établir si d'éventuelles évolutions sont concordantes, au moins en partie, d'un secteur professionnel concerné à un autre (scolaire et périscolaire ou associatif, association et lieux d'accueil, tous secteurs confondus). On aurait alors là la première identification d'un "noyau dur" d'évolution des professionnels par ces pratiques. À l'inverse de ce qui précède, on cherchera à savoir si des évolutions sont spécifiques à un champ professionnel.

Ce projet de recherche s'inscrit dans les problématiques de recherche du GERPEF qui seront rappelées (en III) à l'issue de la description détaillée (en II) du projet. On rappellera alors (en IV) le cadre municipal dans lequel vont se mettre en place ces actions.

II. Le projet de recherche

A) La recherche envisagée

1)Cadre de questionnement

Il s'agit de s'intéresser à la professionnalisation des professionnels. Qu'entend-on par "professionnalisation" ? Il ne s'agit pas ici de s'intéresser à l'évolution des carrières des personnels concernés, passant d'une activité développée durant un temps de loisir, dans un cadre associatif, de façon spontanée, vers une activité salariée professionnelle. La présente étude s'intéresse, dans les différents lieux d'exercice, à des professionnels salariés déjà reconnus, bien identifiés.

Il s'agit plutôt ici de savoir si la pratique de ces activités modifie leur professionnalisme, si elle va de fait constituer une modalité de professionnalisation spécifique et/ou une modalité vers une professionnalisation différente, au sens décrit par le Cedip : "Une modalité de professionnalisation est destinée à développer le professionnalisme de l'intéressé. Selon l'acception usuelle de ce terme, le professionnalisme constitue une qualité reconnue à celui qui associe compétence et efficacité dans l'exercice d'une activité, d'un métier. Une modalité de professionnalisation correspond à une activité qui favorise l'acquisition des ressources nécessaires à la mise en oeuvre de la compétence. Formulée ainsi, la professionnalisation ne se réduit évidemment pas à l'unique modalité "formation", même si cette dernière demeure incontournable : le fait d'organiser un accompagnement personnalisé (tutorat, coaching, compagnonnage...) lors de la prise de poste d'un nouveau collaborateur, permettra à ce dernier d'acquérir de nouveaux savoirs et savoir-faire, mais également d'intégrer un groupe humain, d'y établir des liens de collaboration." (Cedip, 2009).

L'apparente évolution des enseignants, évoquée dans le descriptif initial, permet alors d'évoquer deux types d'interrogations :

 

a) En termes de valeurs de références de la profession.

Y a-t-il ou pas évolution des valeurs de référence de l'action pédagogique ? Non que de nouvelles valeurs viendraient remplacer les valeurs traditionnelles de l'école républicaine, mais plutôt qu'un nouveau sens semblerait leur correspondre par rapport auquel des hypothèses seraient faites : la place donnée à l'élève deviendrait une valeur de référence plus qu'une simple modalité pédagogique résultant de l'évolution des connaissances en psychologie cognitive. L'horizontalisation des rapports entre enseignant et élèves correspondrait à l'identification et la reconnaissance de la valeur d'une communauté de questionnement et de ses membres (une égalité du questionnement vers des tentatives de réponse en commun), tant de la part des enseignants (permettant alors de s'interroger avec les élèves), que des élèves (identifiant la continuité de ce questionnement entre leur professeur et eux-mêmes) ;

 

b) En termes de pratiques professionnelles sensées, qui pour une part doivent traduire ces valeurs en action.

Y a-t-il évolution des pratiques ? Ces évolutions correspondent-elles à de nouvelles significations données aux valeurs, à de nouvelles valeurs ?

Au-delà, l'ampleur du projet, qui touche des catégories professionnelles diverses, conduit, comme précédemment : à tenter de mieux apprécier si les valeurs de référence de ces différents professionnels évoluent ; si les évolutions diffèrent en fonction des spécificités, des valeurs de référence, du métier ou pas ; si certaines évolutions sont transversales (se retrouvent) d'un métier à un autre, si elles concernent les valeurs de référence des métiers, leur traduction dans la pratique, d'autant qu'il s'agira toujours de métiers fondés sur la relation humaine, la prise en compte de l'autre.

2) Organisation de la recherche

Les professionnels concernés étant formés dans l'unique cadre du projet de la municipalité de Saint Fargeau (ce fait sera rappelé dans l'établissement des résultats de la recherche), on ne s'intéressera pas à la possibilité d'impacts différents selon des modèles de formation possible (pratiques opérées selon le modèle de J. Lévine, M. Tozzi, M. Lipman ou O. Brenifier). La question "Les pratiques à visée philosophique font-elles évoluer la professionnalisation (valeurs, pratiques correspondantes) des personnels qui les mettent en oeuvre ?" fait alors envisager : de devoir évaluer l'évolution des valeurs et pratiques des différents professionnels concernés ; de les comparer : pour un même public des professionnels différents, pour des publics différents des professionnels identiques, pour des publics différents des professionnels différents ; d'examiner ces évolutions d'un point de vue déclaratif, puis du point de vue des pratiques conséquentes, dans les faits jugés significatives pour les professionnels concernés, à partir de la captation de moments de travail jugés "habituels".

La mise en oeuvre proposée par la municipalité se déroule en plusieurs étapes, qui constitueront autant d'étapes pour la recherche.

 

a) Première étape : étude de l'évolution des enseignants dans les classes.

La professionnalisation des enseignants de classe banale ayant été formés, puis ayant pratiqué, a-t-elle évolué au bout d'une année de pratique ? Cette recherche envisage de le mesurer de deux façons. D'abord identifier ce qui est dit : le déclaratif.

Il s'agira d'établir, d'une part, ce que les enseignants concernés disent. D'où la constitution du corpus d'étude : chacun devra remplir un questionnaire en début, puis à l'issue de l'année scolaire. On s'intéressera plus particulièrement aux valeurs auxquelles il se réfère en termes de références professionnelles et institutionnelles (quelles sont celles qui sont revendiquées ? Comment sont-elles décrites ?) ; à la nature de leur traduction pratique visée dans la classe. Par quelles stratégies pédagogiques prétend-il les traduire ? Dans quelle mesure influencent-elles son rapport aux élèves, le rapport des élèves entre eux ? Pour chacune de ces questions, on lui demandera lorsqu'il le peut d'identifier un exemple concret, le plus précis possible, qui montrerait la pertinence de la réponse qu'il fournit. Les réponses fournies à l'origine ne lui seront ensuite plus communiquées. En fin d'année scolaire, on complètera ces questions pour s'intéresser, en plus d'un point statique, à ce qu'il prétend quant à l'évolution de ses rapports aux élèves et à ses pratiques : ont-ils évolué ? Comment ?

Ces questionnaires seront anonymes, mais devront permettre d'identifier : le cycle dans lequel l'enseignant travaille, de façon à pouvoir préciser si des évolutions sont particulières à un cycle ou un autre (par exemple : y a-t-il une évolution plus notable en cycle 1, où la pédagogie est davantage centrée sur la globalité de l'élève ?) ; son cursus de formation, afin d'identifier si certains semblent favoriser davantage une professionnalisation différente. Ce questionnaire concernera l'ensemble des enseignants concernés par le projet. Ce nombre important semble de nature à fournir une première assise solide aux analyses.

Mais ce déclaratif n'est pas suffisant pour établir si ces évolutions sont réelles. On sait l'écart souvent manifeste entre la pratique déclarée de classe et la pratique réelle. C'est pourquoi il semble important de procéder selon une seconde entrée : en confrontant certains enseignants à leur pratique au quotidien : confronter le dire et le faire ("du déclaratif à la pratique de classe"). Cet aspect est plus complexe à mettre en oeuvre pour tous les enseignants. Même si des étudiants de master métiers de l'enseignement (resp. J. Crinon, UPEC) s'y impliquent. En séparant le travail, en focalisant chaque étudiant sur un cycle d'étude, on pourrait s'intéresser : aux trois cycles de l'école primaire concernés par la recherche action ; aux caractéristiques éventuellement révélées par les questionnaires.

À la fin de l'année scolaire (éventuellement de deux années successives par enseignant ?), plusieurs enseignants (peut-être trois à quatre par cycle d'étude, soit un travail pour trois à quatre étudiants), seraient filmés dans leur classe à l'occasion d'une séance, choisie par eux comme représentative de leur pratique au quotidien. Deux jours après ce tournage, chacun sera confronté à cette pratique filmée lors d'un entretien d'autoconfrontation (Y. Clot), destiné : à mettre en évidence si (et comment) la référence aux valeurs professionnelles est mobilisée et revendiquée dans des moments jugés symptomatiques de la pratique ; à mesurer l'écart entre le déclaratif à l'issue de l'année et les pratiques observées ultérieurement dans la classe : évoluent-elles dans la réalité de la classe de la façon dont l'avaient déclaré les enseignants ?

L'idée générale est de permettre aux étudiants en recherche, d'une part de développer le travail de recueil des données pour un cycle, et d'autre part de construire par des échanges des comparaisons entre les cycles, des points communs ou des différences par cycle.

 

b) Deuxième étape : étude de l'évolution d'autres professionnels (deuxième année).

Le principe général de l'étude reste le même, en procédant d'une part par analyse du déclaratif, d'autre part par confrontation à une pratique professionnelle, avec autoconfrontation. Il y aura durant cette deuxième phase moins de professionnels par profession, car le projet de la municipalité doit toucher beaucoup de milieux, mais à l'échelle d'une commune de 15000 habitants où le nombre de professionnels dans les différentes activités est restreint. En même temps, c'est une grande diversité de professions qui seront touchées : animateurs pour enfants et adultes, bibliothécaires, formateurs variés, entreprises.

S'agissant de faire de Saint Fargeau Ponthierry un "laboratoire territorial", compte tenu des axes de recherche du Gerpef, on propose de tenter de donner à la question posée un sens plus général que simplement celui d'une étude sur les enseignants. Il s'agira alors de couvrir la plus grande diversité possible de professionnels, sans prétendre, vu le nombre réduit de professionnels pour chaque profession concernée, accéder à des représentations professionnelles générales (on tentera lorsque c'est possible de pouvoir étudier deux à trois professionnels, de façon à permettre de dégager des éléments de tendance).

À terme, des comparaisons entre les résultats obtenus dans chaque profession permettront de préciser si des valeurs de référence évoluent, si ces évolutions sont communes aux différentes professions. À l'inverse, on pourra tenter d'établir si des valeurs apparaissent ou se modifient d'une façon spécifique pour certaines professions.

Ces éléments, croisés avec la recherche sur le milieu de l'enseignement, viseront à établir des "lignes de force" d'évolution de valeurs professionnelles liées à la pratique philosophique, en les spécifiant ensuite en référence aux professions qui les animent.

III. Le cadre scientifique de la recherche : le Gerpef

On trouvera ci-dessous des extraits du Projet scientifique 2010 du Cerep (dont fait partie le Gerpef), auxquels se réfère le travail de recherche proposé.

A) Le projet général de recherche du GERPEF

"Le projet de recherche du GERPEF consiste à étudier les processus individuels de professionnalisation des enseignants du primaire, du secondaire et du supérieur et des formateurs. La démarche de recherche consiste à :

1) Analyser l'activité professionnelle des enseignants et des formateurs de manière directe (observation "in situ") ou indirecte (par le recueil de traces de l'activité). La notion d'activité telle qu'elle est employée dans le cadre de ce programme de recherche fait référence aux comportements spécifiques liés à l'exercice de la profession, à l'étude des ressources mobilisées par l'acteur "face à la singularité des contextes d'action" (P. Astier, 2009) ;

2) Identifier les compétences spécifiques développées pour faire face aux situations professionnelles. "On considère pour notre part, que le travail sollicite toujours l'intelligence des opérateurs et, plus largement, l'ensemble des dimensions de l'activité humaine, perceptions, émotions, cognitions, motricité... Dès lors, l'analyse des processus de professionnalisation conduit à l'investigation des façons dont les individus et les collectifs mobilisent et transforment ces différentes dimensions pour faire face aux situations dans lesquelles ils interviennent" explique Philippe Astier (2009) ;

3) Les analyses portant sur l'activité serviront de support pour élaborer des programmes de développement professionnel individuels et collectifs. Cette notion est employée pour qualifier les transformations individuelles et collectives de compétences et de composantes identitaires mobilisées ou susceptibles d'être mobilisées dans des situations professionnelles. Il englobe tout à la fois la construction des compétences lors de formations individuelles ou collectives, la construction de compétences nouvelles par la pratique et la réflexion sur la pratique, ainsi que les transformations identitaires des individus ou des groupes. Le développement professionnel est un processus de construction complexe qui s'effectue dans les situations de travail, par l'exercice de l'activité mais aussi dans les situations de formations professionnelles initiales et continues (Wittorski, 2007 ; Brodeur, Deaudelin, Bru, 2005). En s'appuyant sur la pratique quotidienne, le développement professionnel a pour objectif de "renouveler les savoir-faire professionnels pour répondre à des situations plus ou moins insolites, à des cas plus ou moins inattendus" (Baudrit, 2007)."

B) Les champs scientifiques et méthodologiques de référence

"Trois champs scientifiques (NB du LERP, où le GERPEF plonge ses racines).

a) La didactique professionnelle (Mayen 2007 ; Pastré 1999).

Elle s'intéresse à la conception didactique des situations de formation dans leur relation étroite avec les résultats de l'analyse du travail. Elle conçoit la professionnalisation comme un processus d'élaboration de schèmes, d'invariants opératoires, de concepts organisateurs de l'action. Les travaux de Pastré (1999) s'appuient sur deux concepts fondamentaux qui permettent de rendre compte des situations de travail dans une perspective de formation. Il s'agit d'abord de la notion de concept pragmatique "mobilisé par l'opérateur dans l'action, notamment pour faire un diagnostic de régime de fonctionnement de leur machine" (1999, p.24). Il s'agit ensuite de la notion de structure conceptuelle de la situation, qui correspond à l'"ensemble des éléments conceptuels, qu'il s'agisse de concepts scientifiques ou de concepts pragmatiques, qui permettent de faire un diagnostic de régime de fonctionnement du système" (p.24).

b) La clinique de l'activité

Pour Yves Clot la notion d'activité ne se limite pas à l'action effective ; elle intègre toutes les formes de mobilisation psychologique au travail. Cet auteur (2008) définit l'une des dimensions importante de la clinique de l'activité comme " la conceptualisation de l'activité humaine de travail confrontée aux dimensions subjectives et collectives" (p.1). La subjectivité de l'acteur est une donnée essentielle pour étudier l'activité réelle soulignée par Yves Clot qui précise : "l'homme au travail n'est pas qu'un simple système de traitement de l'information, non plus qu'un simple outil de travail doté d'une force mécanique plus ou moins dirigée" (2008, p.3).

c) Les didactiques des disciplines constitueront un troisième champ de référence.

Il étudie l'activité et les processus de professionnalisation des enseignants du primaire du secondaire et du supérieur et des formateurs : il existe certes des processus génériques communs aux enseignants et aux formateurs dans lesquels ils se reconnaissent et qui sont au coeur de leur identité (des valeurs, des pratiques, des postures, des attitudes...), mais les spécificités propres à chaque matière ou domaine de savoir enseigné entrent en jeu lors de la rencontre de l'enseignant avec les apprenants, dans la salle de classe."

C) L'organisation scientifique du Gerpef

Le Gerpef est sous la responsabilité scientifique de Daniel Niclot, professeur de la 70e section du CNU (Sciences de l'éducation). Le programme se décline en trois axes qui comportent des orientations, chaque orientation étant sous la responsabilité scientifique d'enseignants chercheurs du Cerep. La présente recherche s'inscrit de façon complémentaire dans deux axes de recherche du Gerpef : l'évolution des pratiques enseignantes dans l'école primaire en référence à l'axe A 1 ; et l'évolution des valeurs de référence des pratiques professionnelles en dehors du champ scolaire en référence à l'axe C3.

1) Concernant l'axe A1

Pour rappel : il s'agit "pour la période 2011-2015, d'identifier et de caractériser la genèse des pratiques professionnelles des enseignants, de mettre en évidence des "concepts organisateurs", ainsi que les dynamiques de ces pratiques dans différents champs d'activité professionnelle où exercent les enseignants."

L'orientation A1 telle que décrite ci-dessous permet de préciser les pratiques professionnelles des enseignants du primaire en tant qu'elles sont identifiées par le Gerpef.

"Dans le contexte d'une multiplication des tâches en relation avec l'évolution des attentes de diverse nature qui émanent de la société, les recherches porteront sur les organisateurs du travail des enseignants du primaire. Plus précisément, elles seront centrées sur une question centrale qui peut être formulée de la façon suivante : qu'est-ce qu'enseigner aujourd'hui à l'école primaire ? Cette question renvoie à d'autres interrogations : qu'est-ce qui organise l'activité des enseignants du primaire, quels liens établissent-ils entre ces différentes tâches, entre les dimensions individuelles et collectives ?". Quels sont les concepts pragmatiques construits par les enseignants du primaire pour exercer leur métier au quotidien ?". "Comment les enseignants font-ils pour faire face à ces multiples prescriptions ?". "Quelle place est donnée aux savoirs disciplinaires dans cet ensemble de tâches ?"

2) Concernant l'Axe C : l'éducation non formelle et les mondes extrascolaires de la formation et les processus de professionnalisation.

Pour mémoire : "L'analyse historique des dispositifs mis en place pour professionnaliser les formateurs et l'étude des procédures qu'ils privilégient dans leur activité constituent l'objet de recherche de cet axe. Il s'agit de chercher dans le passé des formateurs et de leurs formations des éléments de compréhension de leur activité ou de leur situation actuelle. Les recherches s'intéressent à la fois à l'impact des processus de professionnalisation sur les acteurs professionnels ou bénévoles et sur les savoirs notamment pédagogiques mis en oeuvre".

3) Dans l'orientation C3 : finalités du projet d'éducation non formelle et valeurs transmises dans les situations de travail

"Les perspectives de recherche s'orientent vers l'étude des finalités éducatives et des valeurs portées dans les pratiques d'encadrement. Cette difficulté de reconnaissance d'un projet éducatif dans l'éducation non formelle et les modes extrascolaires représente, pour les individus, un enjeu important, car elle réduit leur activité à des aspects purement techniques. Cette culture éducative sous-jacente est pourtant au coeur de l'activité, et il faudra mesurer l'importance des savoirs pédagogiques construits ainsi que les valeurs éducatives travaillées quotidiennement par ces éducateurs, animateurs, ces militants".

IV. Contexte dans lequel viendra s'inscrire le projet de recherche : la ville de Saint Fargeau Ponthierry comme laboratoire territorial d'application des ateliers à visée philosophique

La description d'éléments concernant la mise en oeuvre proposée par la municipalité va être l'occasion d'indiquer (par un "indicateur recherche" encadré) les éléments à partir desquels la recherche va se construire.

A) Contexte général du projet de la ville de Saint Fargeau Ponthierry

La municipalité de Saint Fargeau Ponthierry souhaite promouvoir et développer les pratiques philosophiques sur la commune, en faire une première étape d'une mise en oeuvre originale, inscrite dans ses préoccupations politiques spécifiques, susceptibles de valoriser son territoire et ses habitants ; cette mise en oeuvre pourra rayonner par la suite, dans une seconde étape, sur l'ensemble du département.

Il s'agirait que Saint Fargeau Ponthierry puisse être le premier laboratoire territorial d'application d'ateliers à visée philosophique sur les différents publics et les différentes thématiques. Deux phases sont envisagées : une première phase, avec un public d'enfants et sur la commune, une deuxième phase, avec un public d'adultes et en étendant l'action au-delà de la commune.

1) Première phase : préparer le citoyen de demain. Travail avec les enfants et adolescents de 2 à 14 ans, de la maison de la petite enfance au collège, incluant les écoles, les structures périscolaires, le centre de loisirs, le service jeunesse, la bibliothèque, le futur centre culturel.

2) Seconde phase : penser philosophiquement pour vivre. Ouverture sur tous les publics afin que les 15000 habitants puissent être imprégnés de réflexions philosophiques. Il s'agirait ici d'investir le centre social et le centre municipal de santé, la maison de retraite médicalisée, le foyer de personnes âgées, le tissu associatif et les entreprises de la commune.

Dans ce cadre, un effort financier important est réalisé par la ville à travers le recrutement d'une chargée de mission. Par ailleurs, une subvention devrait être versée à l'association "Les enfants de la philo", pour organiser la formation des personnels concernés, établir des expertises concernant les orientations générales du projet et leur mise en oeuvre.

B) Une mise en oeuvre animée par une équipe de quatre experts, dans le cadre d'un partenariat avec l'association "Les enfants de la philo"

L'équipe est composée de quatre experts complémentaires de par leur parcours professionnel, spécialistes reconnus de la pédagogie des ateliers à visée philosophique avec les enfants et/ou adolescents :

  • Pascaline Dogliani, maîtresse-formatrice à l'Iufm de Créteil, conseillère pédagogique en arts visuels, animatrice d'ateliers à visée philosophique et co-conceptrice du Rallye-Défi-Philo, enseignante-référente dans le film Ce n'est qu'un début, de Pierre Barougier et Jean Pierre Pozzi, Ciel de Paris Production, membre du comité d'experts pédagogiques (formatrice, animatrice d'ateliers à visée philosophique) auprès du Parc J-J. Rousseau à Ermenonville.
  • Isabelle Duflocq, ex directrice de l'école d'Application et maîtresse-formatrice à l'Iufm de Créteil, co-conceptrice du Rallye-Défi-Philo, collaboratrice et intervenante dans le film Ce n'est qu'un début, membre du comité d'experts pédagogiques (formatrice, animatrice d'ateliers à visée philosophique) auprès du Parc J-J. Rousseau à Ermenonville, membre du chantier Philoécole de l'Association Philolab.
  • Jean-Charles Pettier, ex-instituteur spécialisé (option adolescents en grande difficulté scolaire), professeur certifié de philosophie, docteur en sciences de l'éducation et en philosophie (les deux thèses concernant les pratiques philosophiques à l'école), conseiller philosophique et pédagogique des revues Pomme d'api, Astrapi, Philéas et Autobule (Belgique), expert responsable du projet Coménius "Encyclopédie du XXIè siècle" auprès du Conseil Général de l'Oise, expert auprès du Parc J-J. Rousseau à Ermenonville, expert associé à l'UNESCO à la Réunion régionale de haut niveau sur l'enseignement de la philosophie en Europe et en Amérique du Nord, Milan, 14 et 15 février 2011, co-concepteur du Rallye-Défi-Philo.
  • Marie-Hélène Pruzina, maitresse-formatrice, ex-coordinatrice du Centre Local de Ressources Lecture Ecriture des Circonscriptions de Dammarie-lès-Lys, Le Mée-sur-Seine et Melun Nord-et-Est, chef de projet chargée de développer la lecture et la littérature dans une centaine d'écoles des trois villes, en partenariat avec les trois municipalités (10 ans), animatrice d'ateliers à visée philosophique, chargée de mission du projet philosophie sur la ville de Saint-Fargeau- Ponthierry.

Un financement municipal sera attribué annuellement à l'association "Les enfants de la philo", à charge de l'association de gérer les différentes interventions en partenariat avec la mairie de Saint Fargeau Ponthierry.

C) Perspectives liées à la mise en oeuvre

Cette mise en oeuvre répond à la complémentarité d'une politique municipale qui inscrit son action dans le territoire et dans la durée :

1) en orientant la première phase du projet vers les enfants de la commune, d'une part aux élèves et à leurs enseignants, dans le cadre scolaire (La validation de la mise en oeuvre et des intervenants, effectuée par les autorités institutionnelles, sera nécessaire) ; d'autre part, aux enfants fréquentant les différentes structures d'accueil municipales : centre de loisirs, halte garderie, bibliothèque ;

2) en orientant une seconde phase vers le territoire : interventions dans diverses structures de la commune, à destination d'adultes.

D) Modalités générales de la mise en oeuvre

Il s'agit de proposer à l'ensemble des intervenants, dans le domaine de l'enfance de la ville, une mise en oeuvre commune déclinée autour de différentes actions. Tous les enfants accueillis dans les différentes structures de la ville peuvent être concernés : écoles, centre de loisirs, bibliothèque, maison de l'enfance, collège, service jeunesse.

Cette première phase gravite autour de trois axes primordiaux : les interventions sur le terrain ; la formation des adultes susceptibles d'initier ou de sensibiliser à la démarche ; le lien avec l'ouverture sur l'ensemble de la commune et du territoire et la seconde phase du projet.

E) Les Partenaires de la mise en oeuvre

Ce sont : la municipalité de Saint-Fargeau-Ponthierry, qui prend en charge le financement du projet ; la bibliothèque et les différentes structures intervenantes de la ville, le futur centre culturel ; les associations de la ville ; l'Education Nationale dans le cadre d'interventions dans les écoles avec les enseignants volontaires : validation du projet, agréments des intervenants, proposition de temps de formation sur le temps scolaire. Éventuellement les Editions Bayard, à travers leur revue Pomme d'Api ; Philéas et Autobule (revue belge de philosophie pour enfants de 6 à 12 ans) ; le château de Vaux-le-Vicomte ; le château de Blandy les Tours.

L'association "Les enfants de la philo" est le relais entre les partenaires privés : Bayard, Philéas et Autobulle, Vaux-le-Vicomte.

Une convention liera la municipalité de Saint Fargeau Ponthierry et le Gerpef : celui-ci s'engage à produire à l'issue de la recherche un travail de synthèse publiable et communicable établissant le bilan de la recherche, les conclusions auxquelles elle a permis de parvenir. Après publication scientifique, la municipalité pourra communiquer les résultats de cette recherche dans le cadre d'articles ou d'interventions non scientifiques.

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