L’apport de Frédéric Lenoir (fondateur de l’association SEVE qui a formé près de 3000 animateurs d’atelier philo) à l’histoire de la philosophie avec les enfants en France est significatif. C’est lui qui en 2016 a introduit en début d’atelier un moment de pratique de l’attention.

Les bénéfices sont substantiels : la concentration sur sa respiration et ses sensations corporelles internes ramènent le plus souvent chez l’enfant ou l’adolescent le calme, et le prédisposent à une attitude d’attention et d’écoute vis-à-vis d’autrui et de sa parole, de présence au groupe, qui facilitent ensuite au niveau psychique le travail intellectuel requis par l’atelier philo. C’est un travail sur soi, sa posture corporelle et mentale.

L’articulation de la pratique de l’attention et d’un atelier philo chez SEVE est plutôt, jusqu’à présent, de nature juxtapositive : l’animateur conduit un court moment de pratique de l’attention, puis lance un atelier philo.

Mais il n’y a pas d’effet direct de ce premier temps sur le contenu des ateliers philo. Une fois obtenue une attitude d’attention de l’enfant, on passe à un autre type d’activité, l’atelier philo : non plus personnelle et intérieure, bien que dans un collectif qui reste celui du groupe classe, mais collective, interactive et extériorisée par le langage, non plus méditative mais conceptuelle, problématisante, argumentative, avec un rôle différent de l’animateur.

D’où l’intérêt d’une recherche visant une articulation plus étroite, où ce premier moment fournirait en lui-même un contenu exploitable philosophiquement. Pour nous faire comprendre, si l’on voulait exploiter philosophiquement une méditation de pleine conscience en tant que « pratique de l’attention », qui s’en tient à la focalisation sur la respiration et les impressions corporelles internes, on pourrait par exemple orienter l’atelier qui suit autour des questions suivantes, pour en discuter philosophiquement : Qu’est-ce qu’une méditation ? Que signifie « Être calme » ? « Être attentif » ? « Être concentré » ? « Ecouter son corps » ? (Exercices de conceptualisation pour passer, à partir de son expérience, d’un vécu éprouvé à une notion à penser). A quoi ça sert, une méditation ? L’attention ? Quel est l’intérêt du silence dans une méditation ? Est-ce qu’une méditation aide à penser ? Et pourquoi oui ou non ? Pourquoi le calme, ça fait du bien ? Peut-on réfléchir dans le bruit ? Qu’implique la réflexion chez le sujet pensant ? Que devient mon corps quand je médite ? Que deviennent mes pensées quand je médite ? etc. Mais aussi : qu’est-ce que le consentement, puisque l’on consent volontairement à être guidé par quelqu’un dans la méditation ? Suis-je libre dans une méditation guidée ?

On voit ici en quoi la réflexion philosophique sollicitée dans un atelier philo peut trouver de la matière à penser dans un moment de pratique de l’attention. Nous voulions élargir les notions ou questions philosophiques qu’il était possible de traiter.

Notre recherche s’est donc orientée sur les deux questions suivantes, complémentaires, suivant que l’on part :

• de la méditation : quelles sont les notions ou les questions qui peuvent être philosophiquement traitées par telle méditation (ex. : la méditation du jardin ou celle de l’arbre) ?

• Quelle méditation pourrait permettre de traiter telle notion (ex : la perception) ou telle question (ex : « C’est important les racines ? ») ?

Ce qui impliquait d’une part d’expérimenter des méditations pour savoir quelle exploitation philosophique on peut en faire, et d’autre part de vérifier si telle notion ou question peut être alimentée par telle ou telle méditation.

C’est cette recherche dont rend compte le premier article.

Dans la seconde recherche, nous avons exploré les possibilités d’expériences philosophiques de pensée.

Dans la première, nous avons expérimenté dans certaines méditations des « visualisations », mettant en jeu l’imagination (par exemple la découverte progressive successivement par les cinq sens d’un jardin imaginaire). Ces expériences se sont trouvées ensuite très exploitables philosophiquement dans l’atelier qui suivait (ici par exemple sur la nature des sensations en vue de la connaissance du monde).

Mais nous avons peu approfondi la fonction et la nature de ces expériences, qui en fait déterminaient leur possibilité d’exploitation pédagogique en philosophie. Par exemple l’importance et l’intérêt des visualisations ; ou la façon dont la raison pouvait s’appuyer sur l’imagination et les émotions ; ou le rôle de l’observation dans ces expériences de pensée. Ce sont ces éléments qui nous semblaient importants à creuser dans cette seconde recherche.

D’où l’idée d’expérimenter des séances avec des méditations contenant des expériences philosophiques de pensée, pour déterminer l’intérêt de leur exploitation philosophique. Voir les deux derniers articles du dossier.

On trouvera le compte rendu des deux recherches dans le padlet de Michel Tozzi : https://padlet.com/amlafont1379/5l4icya3mps7fj0b