Évaluer en philosophie comme un critique d’art ? Vers une appréciation des qualités intrinsèques des productions scolaires
Comme l'a rappelé Gaëlle Jeanmart dans sa contribution à ce dossier, la plupart des systèmes d'évaluation pratiqués et valorisés aujourd'hui se légitiment par le recours à une norme qui les transcende. Des normes ISO (International Organization for Standardization) du management à la grille critériée de l'enseignant, en passant par les "bâtons" de la Police ou les standards du prix Goncourt, il s'agit toujours de prétendre gommer la subjectivité de l'évaluateur pour atteindre une plus grande objectivité, qui serait gage d'équité. Mais à force de chercher à neutraliser l'évaluateur à coups de procédures mécanisées, n'est-ce pas à l'intelligence de l'évaluation que l'on s'attaque ? Et à rester braqués sur des critères fixés d'avance, ne se rend-t-on pas aveugle à des qualités inattendues qui surgissent hors du cadre ? Et est-ce finalement rendre justice aux élèves que de les mesurer tous à l'aune d'un même étalon ? Il nous a dès lors semblé intéressant d'explorer, à l'autre bout du spectre, des types d'évaluations plus immanentes, via des propositions qui visent à développer une attention spécifique aux qualités intrinsèques de l'objet évalué.
L'une de ces propositions nous a paru particulièrement radicale et féconde : il s'agit du modèle du critique d'art que John Dewey (1859-1952) présente dans Art as experience (1934), ouvrage majeur consacré à l'esthétique et composé d'une série de conférences données à Harvard à l'hiver 1931-32. Se saisissant de cette occasion pour démontrer que sa philosophie pragmatiste n'est pas inadéquate à l'esthétique, Dewey y conçoit l'art à partir de ses effets « expérientiels ». En définissant l'art comme une expérience, Dewey dépasse en réalité le strict champ artistique. L'expérience esthétique s'individualise tout en restant inscrite sur le continuum de l'expérience ordinaire, qui résulte de notre relation à notre environnement : elle est une intensification de cette relation, un moment qui est à lui seul sa propre fin, un parachèvement dans lequel nos émotions se transforment. Elle est une rencontre engageante et satisfaisante, qui possède une dimension éthique car elle influence le cours de l'expérience ordinaire. Le concept d'expérience permet ainsi à Dewey de dépasser de nombreux dualismes (art/sciences, sujet/objet, actif/passif, cognitif/sensible, conservatisme/progressisme) et de prêter attention aux contextes historiques, sociaux et politiques dans lesquels s’ancre l'expérience humaine – là où l'esthétique comme discipline est parfois trop formaliste.
Dans ces pages, l'auteur définit l'art sous son versant créatif comme expression, chaque médium (argile, marbre, peinture à l'huile, gouache, clavecin, guitare électrique.…) possédant son propre langage, sa propre efficacité et sa propre valeur[1]. L’artiste élabore sa création "en vue du plaisir qu'elle procurera lors de sa réception" (p. 100), en communiquant immédiatement aux émotions du récepteur. Mais loin de réserver l'activité à l'artiste et de cantonner le versant perceptif de l’art à l'appréhension passive d'œuvres consacrées, Dewey l'envisage comme un moment durant lequel un sujet concentre son attention sur les aspects formels d'un objet ou d'une partie de son environnement au point de rendre explicites les qualités esthétiques présentes en toute expérience ordinaire. L'expérience esthétique engage donc l'entièreté de l'être humain et peut se produire face à tout objet car il ne faut pas commettre "l'erreur fondamentale" qui est de "confondre le produit physique avec l'objet esthétique qui est ce que l'on perçoit" (p.361).
Partant, Dewey défend une conception démocratique de l'art en dénonçant la vision élitiste de la haute culture qui snobe les arts populaires, et en critiquant la conception muséale des beaux-arts qui coupe les productions artistiques de leur milieu – rappelant les fonctions que l'art peut endosser dans le quotidien des humains en puisant ses exemples à toutes les époques.
Le critique d’art et ses fonctions chez John Dewey
C'est à la fin de L’art comme expérience que se trouve le chapitre "Critique et perception", dans lequel Dewey cherche à préciser le rôle que doit jouer le critique d'art au sein de l'expérience artistique pour que celle-ci soit la plus aboutie possible. Il commence par dénoncer deux types opposés de mauvais critiques : le "critique judiciaire", qui condamne ou acquitte, et le "critique impressionniste", qui laisse droit au "chaos de la subjectivité sans contrôle objectif" (P. 490). Le critique judiciaire se montre servile face aux normes et prescriptions de la tradition à laquelle il souscrit. Il compare l'œuvre qu'il observe aux canons d'une certaine histoire de l'art et, en s'attachant à des règles générales, passe à côté de l'œuvre singulière qu'il a devant lui. Obsédé par une certaine technique, il méconnaît celles des autres traditions et ignore la nécessité pour les artistes de chaque époque d'inventer les leurs ; il se montre dès lors incapable de prendre en compte les nouvelles formes de vie, la production artistique exigeant des formes d'expression originales dans un environnement en mouvement. En réaction aux inepties de la critique judiciaire (que Dewey détaille par le menu), le critique impressionniste a quant à lui renoncé à juger : récusant qu'existent valeurs ou étalons objectifs, il se contente de s'exclamer, laissant libre cours aux "sentiments et imageries" (p. 489) provoqués par l'œuvre, lâchant la bride à sa propre subjectivité et s'égarant dans son monde.
Pour Dewey, le bon critique se base également sur l'impression, mais il la dépasse en se reliant aux prémisses sur lesquelles elle se fonde et aux conséquences qui en résultent, ce qui revient à poser un jugement (p. 490). Il faut ainsi distinguer "l'impression de l'esprit cultivé" de "l'ahurissement de l'enthousiaste primaire" (p. 491) : c'est parce qu'il entretient une grande familiarité avec une large variété de traditions dans la discipline artistique considérée, parce qu'il nourrit une intimité avec ces objets, et en même temps se montre ouvert à l'inédit, bref parce qu'il est guidé par un "intérêt ardent et informé » (p. 498), que le bon critique d'art peut faire une « discrimination exacte et rigoureuse » (p. 500). Il est alors à même d'analyser, c’est-à-dire de percevoir les constituants de l'œuvre.
Mais la mise au jour des parties de l'œuvre ne forme un véritable jugement que si elle débouche sur une synthèse, une unification : le critique distingue les détails en tenant compte de leur "poids et de leur fonction dans la formation d'une expérience complète" (p. 504). En dépassant la simple énumération, il souligne leur inscription dans un tout. Il met ainsi en lumière un fil conducteur qui puisse servir de clé au public en le guidant parmi les différents motifs présents dans l'œuvre. Pour ce faire, il ne peut s'appuyer sur des normes externes ou un quelconque étalon : il n'y en a pas en art, ni d'ailleurs dans les idées – juger, ça n'est pas mesurer.
Mais l'absence de telles normes n'empêche aucunement qu'une critique objective soit possible, et qu'une évaluation soit posée sous la forme d'une "appréciation éclairée » (p. 496). S'il est bien exact que le jugement porte sur des objets individuels pour lesquels la comparaison n'est pas la bonne forme d'évaluation, il reste parfaitement possible de sortir de la pure exclamation ("c'est nul", "c'est beau"), pour rechercher les propriétés de l'objet qui provoquent la réaction immédiate. L'examen soigneux de l'œuvre doit permettre d'énoncer un verdict sur sa valeur, basé sur des traits objectifs. Car s'il n'y a pas d'étalon, il existe bien des critères du jugement, issus d'un effort pour dévoiler ce qu'est une œuvre d'art en tant qu'expérience (relation de la forme et du contenu, sens du médium dans l'art, nature de l'objet expressif, etc. étudiés dans les précédents chapitres). Ainsi, dès sa toute première conférence, Dewey indique que "la critique ne parvient pas à jouer son véritable rôle si elle n'indique pas ce qu'il faut chercher et ce qu'il faut trouver dans les objets esthétiques concrets" (p. 43).
Le but de cette opération est donc d'induire une perception plus précise de chaque œuvre singulière, et de permettre ainsi au public de saisir les qualités proprement esthétiques de l'expérience qu'il vit avec elle. Car le bon critique d'art est en effet celui qui éduque le public à une enquête réfléchie, et non celui qui l'endoctrine avec des règles générales ou des impressions personnelles. En rééduquant notre perception des œuvres d'art, il nous apprend à voir et à entendre (et non à juger au sens légal ou moral) (p. 520). La portée morale de son travail est indirecte : en perfectionnant notre faculté de percevoir, le critique enrichit et aiguise notre expérience, non seulement de l'art, mais aussi de la vie toute entière. Si l'art a pour fonction d'« extirper les préjugés, de faire tomber les écailles qui empêchent l'oeil de voir » (p. 520), le critique en est l'auxiliaire. Il catalyse le développement d'une expérience personnelle sincère en participant au déroulement de ce processus actif qui lie l'œuvre d'art à son public. Et même si "son infortune est trop souvent de le perturber" (p. 521), sa tâche première est bien de le renforcer.
Une méthode d’évaluation pour l’enseignant·e de philosophie ?
Cette proposition de Dewey nous paraît pouvoir éclairer notre pratique de formation à la philosophie en constituant une méthode d’évaluation originale à plusieurs égards.
Tout d’abord, comme souligné ci-dessus, si la critique est conçue comme une procédure d'évaluation, c'est parce que son appréciation (dite « vivante ») est énoncée eu égard à des valeurs, pas à un étalon. Ne s'appuyant pas sur la comparaison entre la production et l'étalon, le regard du critique est légitimé par le fait qu’il est « informé » par la fréquentation de nombreuses œuvres et traditions du passé. Cette culture lui permet non seulement d'accroitre son stock de connaissances mais aussi de devenir "familier jusqu'à l'excellence avec [.…] les conditions sous lesquelles les contenus de différents modes d'expérience sont menés jusqu'à leur plein aboutissement" (p. 500). Il peut alors comprendre l'intention de l'artiste et voir si l'œuvre en est une exécution réussie. Ainsi, il s'attache à la singularité de chaque production, toujours individuelle, tout en l'inscrivant dans la logique de l'évolution de l'œuvre de l'artiste. C'est en cela que "connaître une grande diversité de traditions est la condition d'une discrimination exacte et rigoureuse » (p. 500). Une même approche de l'évaluation peut s'appliquer en classe de philosophie quand l'enseignant, informé par la fréquentation de nombreux philosophes, passés ou contemporains, via leurs textes ou leurs paroles, et de différentes traditions philosophiques, se met par là en condition de saisir les gestes, y compris originaux, présents dans les productions de ses élèves.
Il s'agit donc, pour le critique comme pour l'enseignant·e de philosophie, de se tenir dans une disposition telle qu'il·le puisse percevoir les constituants des productions qu'il·le évalue et leurs articulations, et Dewey insiste sur la nécessité d'éviter alors deux principaux "sophismes" (p.506). Le premier, le sophisme réductionniste, procède d'une simplification abusive : ramenant l'œuvre à un seul de ses constituants qu'il a identifié, le critique/professeur ne fait plus droit aux différentes qualités et relations qui la composent. Le second, la confusion des catégories, tient à ce que le critique d'art peut juger l'œuvre à l'aune de critères qui sont extérieurs au monde de l'art, la considérant comme une "réédition à nouveaux frais de valeurs déjà en circulation dans d'autres secteurs de l'expérience" (p. 510). Il convient pour l'éviter de bien saisir la spécificité du médium, du langage dans lequel la production s'exprime, qui draine forcément ses caractères propres. Le critique précautionneux s'approprie donc l'expérience en question tout en élucidant les constituants "dans les termes du médium utilisé" (p. 513). Il s'agit donc, pour l'enseignant·e en philosophie, de rester ouvert·e aux différents éléments présents dans la production de l'élève quand bien même l'un ou l'autre lui semblerait (sur base de ses propres affinités surtout) devoir primer, en tenant compte des codes du type de production que l'élève était tenu de réaliser, donc du langage au travers duquel il lui a été demandé de s'exprimer.
Enfin, lorsque Dewey souligne (pp. 493-495) l'absence d'un étalon qui soit une norme extrinsèque consacrée en comparaison de laquelle établir la mesure quantitative d'une production (plus ou moins belle/bonne), c'est pour sortir le discours du critique d’art d'une conception qui le mènerait à attribuer une "note" à l’objet d’art qu’il évalue – c’est à dire à la situer sur une échelle convenue de valeurs hiérarchisées. Mais alors que faire ? Le critique d’art vient plutôt nourrir la lecture que pourra faire le récepteur (spectateur, auditeur…) de l’objet d’art qui est évalué. Ainsi, le discours du critique, en soulignant les qualités intrinsèques à la production, enrichira la rencontre entre l’objet et le sujet – rencontre qui constitue l’œuvre, au sens où Dewey défend que c’est l’expérience esthétique vécue qui fait œuvre d’art.
Pour la philosophie, le discours évaluateur ne peut pas plus consister en l’attribution d’une note, d’un rang, d’un échelon à la production critiquée ; pas plus en philosophie qu'en esthétique le jugement ne saurait être quantitatif. Le jugement de valeur, « appliqué à une idée ou à une œuvre d’art » (p. 494), ne consiste nullement en une comparaison ou une prise de mesure, mais en la recherche des propriétés objectives de la chose considérée. L'évaluation en philosophie ne peut donc être qu’une « enquête sincère et informée » (p.496) sur les productions des élèves qui cherche à en saisir l'intention et à y déceler les éléments constitutifs et les techniques mises en œuvre (voire inventées). Ainsi l’enseignant se met en condition de pouvoir en établir une lecture synthétique qui permette à d'autres de mieux la percevoir et, s’il en vient à produire un « verdict définitif sur la “valeur” d’ensemble de l’objet » (p. 496), son appréciation sera désormais éclairée… et éclairante.
Un parallèle risqué ?
Il pourrait sembler, à première lecture, que cette proposition rencontre quelques limites, et il est bon de les clarifier afin d'en évaluer l'étendue.
L’art et la philosophie
Tout d'abord, peut-on vraiment transposer à la philosophie ce qui relève de l'art ? Ces deux disciplines ne sont-elles pas de natures différentes ? En effet, si pour J. Dewey "les œuvres d’art sont le seul moyen de communication complet et sans voile entre l’homme et l'homme, susceptible de se produire dans un monde de fossés et de murs qui limitent la communauté d’expérience » (p. 187), c’est parce que l’art s’adresse à l’ensemble de l’être humain, dans toutes ses dimensions, y compris sensibles et émotionnelles, ce qui n’est pas le cas de la philosophie, comme « activité de pensée systématique » (p. 444) et « critique », qui a ses propres médium, langage et code, mais dont les productions ne sont pas organisées en vue d’une perception complète. Par ailleurs, Dewey, quand il évoque l'activité philosophique, la considère comme une activité avant tout intellectuelle. Ses dimensions communicative et affective, nécessaires à « former une expérience qui vaut d’être vécue » (p. 467), semblent donc bien moins développées qu’elles ne le sont dans l’art.
Critique ou enseignant de philosophie ?
Ensuite, peut-on soutenir que le critique d'art est à l'artiste ce que le prof de philo est à ses élèves ? La fonction du critique peut-elle vraiment être rapprochée de celle de l'enseignant·e ? Et surtout, celle de l'élève peut-elle être comparée à celle de l'artiste ? Si "lire Dewey permet de comprendre que les artistes et les critiques d'art sont du même camp – ils se soucient et apprécient pareillement l'art et les objets artistiques, et veulent partager leur amour ou leur intérêt pour l'art avec une audience plus large »[2], peut-on vraiment considérer que profs et élèves font partie d’un « même camp » ?
Il faut peut-être commencer par distinguer ce qui fait l’objet de la critique du professeur de philosophie, ou, si on préfère, qui sont ses « artistes », dans cette audacieuse transposition. Cela peut être les philosophes consacrés : lorsqu'il commente les textes des auteurs devant ses élèves, il vise à partager son intérêt vers un public élargi qui, sans lui, n'en aurait peut-être jamais eu connaissance ou pour qui l'œuvre serait restée impénétrable. Mais les cours de philosophie ne visent pas seulement à former des amateurs de philosophie, ils entendent également former des philosophes, comme les classes d’art forment des artistes. Pour cel·lui qui enseigne la philosophie à l'université, ce parallèle est plus évident : ses étudiant·e·s prétendent devenir des philosophes, tout comme certains ont choisi de séjourner en académie pour devenir des artistes. Mais à mesure que l'on s'éloigne de l'université pour s'intéresser aux publics scolaires plus jeunes et dits "captifs", il paraît plus dissonant de comparer les élèves à des apprentis-philosophes : aiment-ils la philosophie ? Produisent-ils leurs travaux en vue d'en faire sentir les plaisirs à une large audience ? Et d'ailleurs, quelle sera l'audience de leur production ? Excédera-t-elle leur seul·e enseignant·e ? Et à qui cell·ui-ci adressera-t-il·le son commentaire ? Quel public sera éclairé par son discours sur la production de son élève ?
Tirer le parallèle jusqu’au bout
Ces deux limites ne sont pourtant pas si rédhibitoires qu’elles le paraissent : certes, esthétique et philosophie sont deux sphères distinctes et critique et enseignement ont des visées différentes. Mais le critique d’art, tout comme l’enseignant·e de philosophie, lorsqu’il évalue des productions, doit y attacher une attention qui permette d’en avoir une perception complète – que l’œuvre ait été conçue pour la susciter ou pas. Ainsi, les distinctions conceptuelles introduites par Dewey concernant les différents types de critique et les sophismes à éviter, mentionnées ci-avant, nous paraissent-elles pleinement transposables au jugement porté par le professeur sur les œuvres de ses élèves, que cette appréciation vise à fournir à l’élève ell·ui-même des clés de lecture de son propre travail (en vue de le sanctionner comme un produit fini ou de l’améliorer comme une œuvre en cours de création) ou qu’elle serve à d’autres. L’important est ici le jugement (mettre au jour les constituants, penser la globalité) en tant qu’il permet de mieux percevoir le monde, quels que soient son objet et sa fonction.
Ainsi, dans l’élaboration du discours qu’il va tenir à l’élève sur sa production, l’enseignant s’adresse à lui-même ces quelques questions au moyen desquels il saisit et explicite les valeurs intrinsèques de l’œuvre qu’il rencontre :
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« Qu’a-t-il cherché à faire ? A-t-il été jusqu'au bout ?" – > valeur immanente, qui correspondrait non pas à une valeur "en > soi" qui n'aurait aucun sens dans l'ontologie pragmatiste, mais > bien à la valeur pour l'élève ;
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« Qu'est-ce que je vois, qu'est-ce que je sens ? Qu'est-ce que ça > me fait ?" – valeur expérientielle, renvoyant à la relation > entre l'artiste, l'oeuvre et son public, le "je" ne > correspondant ici ni à un un "je" personnel ni à un "je" > universel, mais bien à une communauté située, celle à laquelle le > « critique instruit » appartient ;
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« Avec quels effets sur le monde ou la communauté ?" – valeur > instrumentale, où il s'agit d'assumer que penser, c'est > performer, agir, et que les effets peuvent en être visibles, > observables. Il ne s'agit donc pas d'émettre des vœux pieux, > mais de constater les effets réels de la production philosophique > sur son public, voire sur l’environnement.
Faisons un pas de plus : plutôt que de considérer ces limites comme des obstacles, ne peut-on pas au contraire en faire des points d'appui pour penser plus radicalement la nouvelle figure de l'évaluation que nous souhaitons produire par le parallèle avec le critique d'art ? À nous de concevoir la réception des productions scolaires en philosophie sous un jour nouveau, qui n'élude ni la nécessité d'un public (classe ou hors classe), ni l'intention pour l'élève de faire sens pour celui-ci, ni la nécessité pour l’enseignant·e d’accorder aux productions un intérêt ardent et informé qui puisse éclairer l'élève et son public.
Un tel rapport aux productions des élèves suppose évidemment d'adapter les tâches exigées d'eux. Quels types de productions, avec quelles consignes, pourrait-on susciter dans un tel paradigme ? Avec quels effets de transformation sur la relation éducative et la pédagogie ? Ne pourrait-on pas ainsi se donner plus de chances de faire basculer élèves et professeurs "dans le même camp" ? Sans chercher ici à répondre à ces questions, il nous semble que les pistes esquissées dans cet article s’inscrivent dans le sillon de l’œuvre pédagogique de Dewey dans laquelle il cherche à réorienter l’école vers l’élargissement et l'enrichissent de la portée de l’expérience.
- Dewey, J. (2005), L’art comme expérience, trad. J.P. Cometti et al., Gallimard, coll. « Folio Essais ».
Dewey J. (2005), L’art comme expérience, trad. J.P. Cometti et al., Paris, Gallimard, « Folio Essais »æ, p. 374. Toutes les autres citations de notre article se réfèrent à cet ouvrage. Nous indiquerons donc simplement le numéro de la page dans le corps du texte, entre parenthèses, après chaque citation. ↩︎
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