Revue

Une discussion à visées démocratique et philosophique (DVDP) avec des adolescents aux Rencontres du Crap (août 2020)

"Faut-il prendre soin de la nature ?".

"Faut-il prendre soin de la nature ?".

Pendant les rencontres nationales du Crap-Cahiers pédagogiques, une quinzaine d'adolescents de onze à seize ans ont pu participer en soirée à une discussion à visées démocratique et philosophique d'une heure animée par Michel Tozzi.

Mise en place du dispositif

La séance commença par la mise en place du dispositif : chaises en rond, volontariat parmi les présents d'une présidente, d'un reformulateur et d'une synthétiseuse, en plus de l'animateur, pour constituer la coanimation, rappel des règles de prise de parole. Certains adultes d'un atelier des Rencontres observaient l'expression des émotions dans les échanges.

Le plan de discussion

Les deux premiers temps ont été à dominante de conceptualisation : il s'est agi de définir successivement les notions de "nature" et celle de "prendre soin", présentes dans la question. Cependant la conceptualisation de la nature a aussi donné lieu à des éléments de problématisation. Un troisième temps consistait à se demander pourquoi certains humains ne respectaient pas la nature. Un dernier temps faisait appel a des personnes connues agissant pour ce respect, et demandait comment s'y prendre pour la respecter.

Définir la nature

La nature est d'abord définie comme "le vivant" (mais les cailloux ? Ils en font bien partie) puis comme ce qui n'a pas été construit par l'homme ou modifié par l'homme, le sauvage. Mais que faire alors des animaux domestiques ou des forêts plantées par l'homme ? On s'en tiendra à l'idée de "tout ce qui n'est pas construit par l'homme".

Elle est définie aussi dans sa relation à l'humain : c'est d'une part un endroit dépaysant où on se sent coupé du monde, loin de l'activité humaine ; d'autre part elle fournit les bases nécessaires à la vie. Ce sont les effets produits par la nature sur les hommes qui sont mis en valeur.

Une question fort débattue : l'homme fait-il partie de la nature ? Finalement oui (ouf !) ; l'interaction est mise en valeur : l'humain est une création de la nature, que de son côté il transforme.

Définir "prendre soin"

Prendre soin de la nature, c'est la respecter. Ce mot est compris sous deux acceptions. L'une plus passive : laisser la nature évoluer à son rythme, sans intervenir, sans déranger. L'autre plus active "laisser la nature se développer et l'aider un petit peu si elle ne se développe pas bien", dit une participante ; il s'agit de répondre aux besoins de la nature, l'entretenir, sans être intrusif. Il est clair qu'on ne reviendra pas à un état d'origine où l'homme n'aurait eu aucun impact sur la nature, mais il faut limiter notre impact sur elle.

Pourquoi certains ne respectent pas la nature ?

Cependant certaines personnes ne prennent pas soin de la nature : ce peut être par ignorance, facilité, habitude ou inconscience des conséquences de certains comportements, plus souvent par égoïsme (cela n'aura pas d'impact sur leur vie) et surtout par cupidité. Les acteurs sont vus ici en tant qu'individus, du point de vue personnel et social. Un autre regard est plus psychologique : les hommes se sentent supérieurs, peut-être parce qu'ils sont intelligents et imbus de leur intelligence, et veulent ou pensent pouvoir tout contrôler.

Qui peut prendre soin de la nature ?

Même les jeunes ! Greta Thunberg, connue de tous les discutants - qui estiment qu'il faut la soutenir - fait l'unanimité : son impact, selon eux, s'explique précisément parce qu'elle est jeune et courageuse. Elle montre par son exemple que même jeune, même adolescent, on peut avoir une action positive pour prendre soin de la nature. Même s'il y a des ados qui font "n'importe quoi avec la nature" ...

Que faire pour respecter la nature ?

A partir de là, deux directions sont explorées : que peut-on faire individuellement ? Et plus complexe, que peut-on faire collectivement ?

De petits gestes, devenus des habitudes et répétés par de nombreuses personnes, créeront un effet de masse. Nous pouvons aussi réfléchir aux objets que nous consommons, et n'acheter que ce dont nous avons vraiment besoin.

Mais les "puissants", les responsables économiques, veulent gagner toujours plus d'argent et n'aident pas à stopper le dérèglement climatique. Pour prendre soin de la nature, il faudrait avoir l'appui des grandes marques. Le boycott est proposé comme une solution pour contraindre celles qui ne le feraient pas volontairement, ainsi qu'un arsenal juridique pour limiter l'utilisation de certains produits.

De plus, la solidarité internationale est nécessaire : certains pays pauvres n'ont pas les moyens de prendre des décisions politiques ayant un impact positif sur la nature et doivent y être aidés.

N.B. La discussion aurait certes mérité d'être poussée plus loin, mais le respect des horaires annoncés fait partie du dispositif de la DVDP (et du fonctionnement de la rencontre du CRAP).

Merci à Mathilde Tricoire qui a plusieurs fois été sollicitée pour donner au groupe des informations scientifiques utiles à l'avancée du débat (et pour ses notes qui ont complété les miennes).

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