Revue

Les jeux philosophiques : "La bataille philosophique" et "Diviser pour régner". Recherches méthodologiques de la philosophie avec les enfants en Russie

Introduction

En 2017 j'ai commencé à enseigner "la philosophie" dans une école russe. Depuis lors, j'ai rencontré un certain nombre de situations et tâches insolites en l'enseignant aux écoliers. En Russie, "la philosophie" n'est pas enseignée à l'école primaire, elle n'est pas une discipline obligatoire et elle n'est pas même une discipline facultative, ni au collège ni au lycée. Bien que la Russie ait ses traditions philosophiques, malheureusement, l'intérêt pour la philosophie est bas même chez les adultes. J'ai quand même réussi à faire de la philosophie une discipline obligatoire dans mon école. D'habitude, quand j'ai besoin d'expliquer à mes collègues pourquoi la philosophie est nécessaire pour les enfants, je leur dis : "La nécessité de la philosophie tient au fait que chaque étudiant entré à l'université, indépendamment de la matière principale, doit apprendre un cours de philosophie dans les premières années. En Russie, chaque étudiant de l'université passe un examen de philosophie, même s'il fait ses études en technologie. Bien que la discipline soit obligatoire, sa popularité, sa fréquentation et son efficacité restent mineures. Je crois qu'on peut résoudre ce problème par l'adoption d'une propédeutique de la philosophie au lycée".

Mais on trouve un certain nombre des problèmes liés à l'enseignement de la philosophie aux écoliers caractéristiques de la société russe : la motivation faible des étudiants pour apprendre cette discipline, l'incapacité d'utiliser les connaissances et de les mettre en pratique dans la profession future, la terminologie et le contenu de la discipline difficiles. Par ailleurs, la philosophie est l'une des disciplines essentielles, qui forme des compétences flexibles (ou soft skills) comme la réflexion critique et systémique, le travail dans des conditions d'incertitude, l'aptitude au multiculturalisme, la capacité de coopérer et beaucoup d'autres compétences, qui ne peuvent pas se développer dans l'étude des disciplines traditionnelles des écoles russes.

De plus, dans le monde multipolaire moderne et dans l'ère de la "post-vérité", il est important d'avoir un instrument idéologique pour comprendre les événements. Pour résoudre ces problèmes de formation de l'esprit idéologique, j'ai développé deux méthodes, qui ont été reconnues par la société pédagogique et scientifique en Russie : "La bataille philosophique" et le jeu philosophique et politique "Diviser pour régner". Je vais en parler dans cet article.

I) Le dispositif de "La bataille philosophique"

"La bataille philosophique" est un nouveau type de discussion réglée, qui suppose deux opinions antagonistes sur une question philosophique concrète, qui est directement liée aux sujets des programmes des disciplines de l'enseignement secondaire général. Ce n'est pas seulement une forme de débat, mais une forme de créativité collective des étudiants. Pourtant, elle combine la solution collective des problèmes et l'expression de la vision du monde de chaque élève. Les questions, qu'on aborde pendant les préparatifs du débat et pendant la bataille elle-même, posent toujours des problèmes, elles demandent le développement de la pensée critique et logique des participants, la recherche d'informations pour argumenter, l'élargissement de ses horizons, ce qui stimule le développement intellectuel de la personnalité. Ainsi, "la bataille philosophique" relie un certain nombre d'approches et principes pédagogiques qui ont prouvé leur efficacité à l'époque de la pédagogie soviétique : une approche axée sur la personne, une approche pratique et problématique de la formation et de l'éducation des élèves de l'école principale et secondaire.

La définition de "la bataille philosophique" comme une forme distincte du débat n'est pas accidentelle, car le débat traditionnel implique une discussion publique, dont l'objectif est de persuader le tiers qu'on a raison. Cependant, lors du développement de la méthode de "la bataille philosophique", nous avons refusé consciemment l'objectif de persuader un tiers. La mission des participants est de montrer leur capacité à créer un texte philosophique qui contient l'argumentation et ses propres raisonnements sur le sujet de "la bataille philosophique". L'opinion de l'élève peut différer de celle qu'il soutient. C'est pourquoi les participants ne se trouvent pas en situation d'"échec", d'infériorité ou de honte par rapport à leurs principes. En même temps, avec cette approche, tous les participants et le public nombreux ont une attitude tolérante envers l'ensemble des opinions et des visions du monde.

A) Première étape : les préparatifs

Les préparatifs de "la bataille philosophique" commencent avec le choix d'un sujet. D'habitude, c'est une étape difficile, car les questions de discussion doivent correspondre à l'âge des élèves. On choisit souvent un sujet conformément à la planification calendaire et thématique sur une discipline obligatoire (l'histoire, la biologie, les mathématiques etc.). Cela permet de tenir la bataille sans "pertes" des heures d'étude et d'attirer les professeurs (de littérature, biologie, art, histoire etc.) comme des experts, en les intéressant aux problèmes de la philosophie dans les écoles russes. Par ailleurs, le sujet de "la bataille philosophique" ne doit pas avoir l'air d'un "pour et contre" une certaine opinion, mais développer des idées antagonistes. Par exemple, on ne peut pas donner comme sujet "Mondialisation : pour et contre", mais "Culture mondiale versus Culture traditionnelle" : ces deux positions permettent de mieux découvrir la thématique.

B) Deuxième étape : formation des équipes

Après avoir choisi le sujet de "la bataille philosophique", on commence à retenir des membres pour deux équipes. D'habitude, une équipe se compose de 4 personnes : 3 rapporteurs, qui vont argumenter leurs positions, et un capitaine qui doit choisir l'ordre des prises de parole, aider à répondre aux questions et argumenter les positions des thèses.

C) Troisième étape : rédiger les thèses et les rapports

On donne huit jours pour se préparer à "la bataille philosophique", et pendant cette période l'équipe développe les thèses qui appuient la logique de leurs raisonnements. Les élèves qui n'ont pas d'expérience de débat et de discussion peuvent avoir des difficultés à préparer les thèses, c'est pourquoi il faut les aider à cette étape. C'est très important d'indiquer quel philosophe s'est occupé de la question et quelle position il tenait, de découvrir la logique de ses raisonnements, d'indiquer les sources électroniques d'information, les livres et les articles. Pour le reste, les élèves préparent leur rapport eux-mêmes, en se fondant sur un ou deux arguments. Il faut s'assurer que les arguments de rapporteurs différents ne se chevauchent pas. Toutes les thèses peuvent être classées en deux grands modules : "la défense" et "l'attaque". Le premier vise à renforcer la logique des raisonnements de l'équipe, et le deuxième découvre des erreurs dans les jugements de ses adversaires. De brèves notes ou rapports (pas plus de 5000 caractères) sont le résultat de cette étape. Ils visent à aider les participants pendant leur discours. Le capitaine de l'équipe consulte les membres à cette étape, il édite leurs discours, établit à l'avance des questions pour les adversaires, prédit quelles questions peuvent être posées à son équipe et il est responsable de la préparation au débat.

D) Quatrième étape : la bataille

On organise un tirage au sort pour savoir qui est le premier à "attaquer". L'équipe tirée au sort présente son premier rapport où elle explique la faiblesse des positions des adversaires. Pendant don discours, il est interdit (à quiconque excepté le présentateur) d'interrompre le rapporteur, poser des questions ; l'audience et les adversaires écoutent attentivement le rapport jusqu'à la fin, et le rapporteur doit expliquer clairement sa position, son monologue ne dure pas plus de 5 minutes ; s'il dépasse la limite, le capitaine de l'équipe des adversaires peut demander à l'organisateur d'arrêter le rapport en levant la main. Après le premier rapport, l'équipe adverse peut poser une question au rapporteur : une question (mais pas un commentaire, une antithèse, un complément, une réplique etc.) sur le sujet du rapport et non sur la position de l'équipe. On peut poser deux questions au maximum. Le rapporteur doit répondre à la question lui-même, mais il peut avoir 20 secondes pour discuter la réponse avec son équipe. La réponse ne peut pas être une question complémentaire, elle doit être concise, précise et correcte. Puis, l'équipe des adversaires obtient le droit de "se défendre" ou attaquer et c'est le moment de leur réponse. Le rapporteur de cette équipe doit montrer les points forts de sa position et, en fait, répondre à "l'attaque". Ainsi, on écoute tous les rapports de deux équipes, au total, il doit y en avoir six.

E) Cinquième étape : les questions de l'audience

Après les rapports, l'organisateur prend la parole pour annoncer que les spectateurs peuvent poser aux équipes des questions qui les intéressent (le nombre maximum de spectateurs qui se trouvaient dans une grande salle de cinéma était 227 personnes le 15 novembre 2018, sur le sujet "Féminisme versus Antiféminisme" ; et 219 personnes le 4 avril 2019 pour le sujet "Ethique du transhumanisme versus conservatisme bioéthique".

Le spectateur annonce à qui sa question est adressée (à une équipe ou à un membre). La durée totale de cette étape ne peut pas dépasser 10 minutes.

F) Sixième étape : les plaidoiries

L'organisateur doit prévenir les équipes que les plaidoiries ne doivent pas être démagogiques, et les capitaines sont responsables de tout ce que les membres de leur équipe disent et de la procédure des plaidoiries. En cas de violation de l'éthique et de respect de ses adversaires, l'organisateur prive un participant du droit de participer aux plaidoiries. La première équipe commence les plaidoiries par l'attaque des arguments particuliers de l'autre équipe. Le capitaine donne le droit de parler, il décide qui va répondre et poser des questions. La durée des plaidoiries ne dépasse pas 15 minutes. L'organisateur peut participer aux plaidoiries pour remettre de l'ordre ou préciser les questions ou les arguments. Les plaidoiries doivent être arrêtées par l'organisateur quand la limite de temps est dépassée.

G) Septième étape : la remise de prix

Après les plaidoiries, l'organisateur annonce la fin de "la bataille philosophie". L'étape de la remise de prix commence et on assigne la qualification aux participants de la bataille. Tous les participants obtiennent des certificats et des récompenses. Les récompenses sont d'habitude des t-shirts avec des philosophes en lien avec le sujet de la bataille.

Je voudrais parler en outre de méthodes qui développent des compétences chez les élèves. A l'étape des préparatifs, surtout si c'est la première "bataille philosophique" pour les élèves, nous recommandons, après avoir annoncé le sujet de la bataille, d'interroger les élèves sur leur position. Et à l'étape de formation les équipes, il vaut mieux qu'on "inverse" les positions personnelles si c'est possible, c'est-à-dire il faut qu'on mette l'élève dans l'équipe de l'opinion opposée. Cette méthode pousse l'élève d'une équipe de "la bataille philosophique" à commencer les préparatifs avec une réflexion sur sa propre position et la recherche de ses points faibles et contradictions. Une question importante est : à quel point la bataille philosophique et la réflexion peuvent influencer la vision du monde de l'élève ? À quel point ses raisonnements sont forts, si on lui offre de regarder un problème familier du point de vue des philosophes. Selon les résultats de notre recherche intérieure, depuis 2017 et à ce jour, la pratique montre qu'avec une probabilité de 42%, l'élève change sa position initiale après avoir participé à "la bataille philosophique". Par ailleurs, le pourcentage des élèves, qui ont changé d'opinion est beaucoup moins élevé (environ 20%), s'ils avaient étudié la philosophie, et beaucoup plus encore (environ 65%) s'ils n'avaient pas étudié la philosophie". Cette méthode est utile aussi parce qu'avec l'aide du professeur, l'élève forme ses raisonnements dans un système, il développe des "antithèses" pour chaque "thèse", ce qui permet au professeur de lui expliquer les bases de la dialectique, et en outre, l'élève apprend à donner des définitions, en retrouvant des éléments essentiels dans les notions données.

Un exemple de l'expérience pédagogique : un élève de dixième classe (16 ans), qui a sa propre position, que l'avenir appartient à la culture traditionnelle, mais qui défend la position de la culture mondiale, en opposant les thèses "dans le monde actuel" "les cultures nationales perdent leur identité" et "les cultures nationales approfondissent leur identité", arrive à "la synthèse" de ces deux tendances, il efface les contradictions et "découvre" le terme "glocalisation" sous la forme où il a été introduit dans la discussion scientifique par le sociologue Roland Robertson dans les années 1980. Par ailleurs, l'élève "subit" lui-même l'application de la logique dialectique, en faisant apparaître une paire dialectique "thèse" - "antithèse" et en niant cette dernière arrive à sa suppression et à une nouvelle unité dialectique. Dans la grande majorité des cas, l'élève continue à utiliser cette expérience pour former les positions de son équipe, en la transférant dans la pratique quotidienne. Parfois les élèves tombent dans un sophisme, et le rôle du professeur, qui doit prévenir la démagogie pendant la formation des positions, est important.

A l'étape des préparatifs, le moment où l'on rédige les rapports et aussi la préparation de la déclaration sont importants pour la créativité philosophique. Comme ce n'est pas une dispute scientifique, la composante émotionnelle et artistique est très importante. À cette étape la méthode développe les compétences "soft skills", qui sont liées à l'éloquence, la capacité de présenter ses pensées aux spectateurs de façon accessible et claire, et intéressantes pour un grand public. Parfois, un bon choix de vêtements peut devenir un facteur décisif. J'ai un exemple dans ma pratique : après le rapport d'une élève, qui défendait la position de "l'antiféminisme", l'équipe qui défendait "le féminisme" lui a posé une question : "Comment avez-vous pu supprimer le regret, en défendant l'attitude traditionnelle envers la femme, en portant le trophée du féminisme - le pantalon de femme ?". La question suscita une vive réaction chez les spectateurs et détruisit tout l'effet de ses raisonnements. Un autre moment important pour le développement de la créativité des élèves est la prévision des questions et des arguments des adversaires. Cette "prévision" permet de préparer des réponses ou avoir des contrecoups qui produisent un effet émotionnel.

Exemple de l'expérience sur le sujet : "l'éthique du végétarisme versus l'éthique d'être omnivore" : les végétariens disent que même Albert Einstein était végétarien, en appelant à son autorité. Mais l'équipe des omnivores a trouvé des renseignements sur les végétariens fameux et ils ont dit que Einstein est mort moins d'un an après avoir accepté le végétarisme, ce qui a mis les végétariens dans une position délicate.

Un facteur important aussi est la structure des déclarations. Les élèves choisissent le capitaine pour leur équipe qui définit le style de l'équipe (attaquant/défenseur), l'ordre des rapports, et dirige l'équipe pendant "la bataille philosophique". Les spectateurs sont aussi une entité active pendant "la bataille philosophique". Ils peuvent poser des questions aux équipes ou aux participants. À cause de la spécificité de l'événement, des questions "stupides" apparaissent rarement. L'audience approfondit le problème et attend des thèses qui pourraient confirmer la position de chaque spectateur. Beaucoup de spectateurs, au contraire, attendent la possibilité de poser une question aux participants qui argumentent une position opposée. Ils essayent de poser une question paradoxale (qui n'a pas de réponse claire), ou une question brûlante (qui suscite chez l'équipe une réponse gênante). Parfois, les questions peuvent être paradoxales et brûlantes en même temps, par exemple une question de l'élève de neuvième classe (15 ans) au sujet "scientisme versus antiscientisme" : "si quelqu'un mange de la viande artificielle, c'est-à-dire cultivée à partir de cellules humaines, allez-vous le considérer comme cannibale ?". C'était une question provocatrice, mais aussi profonde, qui renvoie au "paradoxe du bateau de Thésée".

Pendant l'existence de cette méthode, les élèves des écoles de Tchéliabinsk et de la région de Saint-Pétersbourg (Institut de la philosophie SPbGU), la république d'Azerbaïdjan (la ville Ismaïlli), la république de l'Inde (les villes Sonipat, l'état Haryana) ont participé à la bataille philosophique. La méthode a été présentée au projet du développement de la formation informelle pour les jeunes de la Russie "La Formation de l'avenir". La république de Tatarstan, la ville Kazan, est aussi devenue gagnante du concours des projets des jeunes de l'association russe de l'assistance à la science en 2018 (Moscou) ; en 2019 on a créé un manuel.

II) Le jeu "Diviser pour régner"

Un écolier moderne des classes supérieures (13-18 ans) a quelques raisonnements politiques et ses attitudes idéologiques ont été formées par l'environnement (la société, la famille, les copains, les idoles, les professeurs, les livres, les blogs en ligne etc.). Dans mon expérience pédagogique, j'ai affronté le fait que ces croyances sont éclectiques, elles ne sont pas formées en système et se contredisent, car elles ne correspondent pas à la pratique quotidienne de l'écolier. L'apprentissage seul de "l'histoire de la philosophie" ou de "l'histoire de la pensée politique" ne donne pas forcément une réflexion personnelle chez les écoliers. Pour cela, mon équipe et moi, nous avons développé d'abord une méthode "la bataille philosophique", et sur cette base un jeu éducatif philosophique politique "Diviser pour régner" (on a créé aussi une version du jeu en langue française sous le nom "Divide et impera"), qui prolonge l'expérience de l'élève d'une certaine épreuve philosophique.

Les participants doivent lutter pour le pouvoir sur un navire spatial, en réalisant une ligne idéologique et résoudre des situations difficiles et ambiguës qui apparaissent au plus mauvais moment. Grâce au fait que l'élément central du jeu est la discussion, le processus de l'apprentissage devient passionnant. Au cours du jeu, les participants font connaissance avec les idées conceptuelles des philosophes significatifs du passé et du présent, développent des compétences en interaction d'équipe et déclarations publiques, s'exercent à la pensée critique et développent des qualités de chef.

On a décidé de développer ce jeu de table du genre de "cyberpunk" et "synthwave", non pour surfer sur une mode (à présent en Russie la nostalgie de la fin du XX siècle devient plus grande), mais pour provoquer l'intérêt pour la philosophie, pour montrer qu'elle accepte n'importe quel style et pas seulement des formes classiques. Le jeu se compose des fiches des "philosophes" (pour le moment le jeu possède 63 fiches de philosophes), des fiches des "événements" (il y a 28 fiches maintenant), un kit de jetons pour définir les équipes (trois couleurs), les jetons pour voter, un champ idéologique et un terrain de jeu "le navire spatial".

Le jeu commence quand le professeur raconte le contexte des événements. Ensuite, les participants tirent à l'aveugle un jeton de tirage au sort. La couleur du jeton signifie la couleur de la fraction. Le groupe se divise en trois factions et prennent leurs "places de la faction" (il faut trouver assez de places pour tous les participants à l'avance). Toutes les factions ont une orientation politique : les bleus sont des libéraux, les blancs des conservateurs, les rouges des socialistes. Ensuite, le pédagogue annonce que chaque faction doit créer son champ idéologique. Sur la fiche "le champ idéologique", chaque faction doit choisir trois philosophes, dont les conceptions philosophiques vont être réalisées et interprétées par les élèves selon les situations problématiques qui vont se présenter. Le champ idéologique est une fiche divisée en trois secteurs : "l'économie", "la politique", "la culture". Chaque secteur a un kit de fiches de philosophes, les élèves doivent choisir une seule fiche de philosophe pour chaque secteur du champ idéologique. Le choix des fiches des philosophes est une étape importante, car à l'avenir les élèves vont developer une stratégie du jeu et des rapports en s'appuyant sur les positions des philosophes qu'ils ont choisis. Cela permet aux joueurs de chaque faction de plonger dans la logique des philosophes choisis.

Le pédagogue annonce le commencement du jeu et dit qu'il a reçu un message urgent. Il tire une fiche de "l'évènement" et le lit. Puis il annonce que les élèves ont 5 minutes pour résoudre la situation. Bien sûr, les situations des fiches "les événements" ne sont pas quotidiennes, et il est peu probable que les adolescents s'y soient heurtés, mais chacun a connu quelque chose de semblable sans jamais trouver la solution. Bien que les situations ne ressemblent pas aux fantaisies des élèves, elles sont en fait des interprétations de mythes, des sujets de la littérature et du cinéma classiques, et beaucoup d'élèves détectent l'extrapolation, ce qui leur donne des avantages, mais c'est une exception rare.

Dans la majorité des cas, les élèves considèrent "les événements" comme quelque chose de nouveau. En outre, ils ont leurs propres positions grâce à "la similitude" des sujets avec l'expérience qu'ils ont. Mais leurs positions personnelles ne sont pas réfléchies ou argumentées.

Pendant le jeu, les participants essayent d'argumenter leurs positions, en utilisant les fiches "les philosophes". On a essayé de ranger les situations des plus simples aux plus difficiles, d'un round à l'autre. Après avoir fait connaissance avec leur fiche des événements et fini la discussion, ils doivent informer le conseil de la méthode de solution du problème trouvée, qui doit être fondée sur les principes des philosophes choisis dans le champ idéologique. Il faut noter aussi que pendant le développement du jeu, on tient compte des particularités régionales de la Russie. Par exemple, la même situation éthique dans la fiche des événements ne va pas causer des problèmes à Moscou, mais dans le territoire de l'Altaï, où la société est plutôt conservative, elle peut être perçue autrement. Grâce à l'assistance de l'Etat, la géographie du jeu de table "Diviser pour régner" est large - de la mer d'Okhotsk dans l'océan Pacifique, jusqu'à la mer Baltique dans l'océan Atlantique. On a couvert tous les districts fédéraux de la Russie.

L'étape suivante est la discussion du problème et des méthodes de résolution de l'événement. Les élèves doivent développer leur vision de la solution en fonction de leur faction, qui est une combinaison de philosophes. Chaque philosophe propose sa logique de la solution du problème. La solution s'ouvre en trois aspects : l'aspect économique, l'aspect politique l'aspect culturel. Les élèves doivent utiliser la logique et les arguments des philosophes de la faction, qui se trouvent sur le champ idéologique. Sinon le pédagogue peut annuler le rapport et interdire de voter pour lui. Après le rapport, les élèves des autres factions posent des questions et les rapporteurs leur répondent. Ils ont 5 minutes pour les questions.

Après avoir écouté tous les rapports et posé toutes les questions, les factions commencent à voter. Cela se passe secrètement pour exclure la possibilité d'une connivence pour le résultat nul ou gagnant. Le pédagogue vient vers chaque faction et demande de mettre le jeton du vote pour une des deux factions possibles. On ne peut pas voter pour sa propre faction, ainsi les factions n'évaluent pas la proximité idéologique d'un autre rapport envers le sien, mais l'argumentation, la certitude, l'éloquence, la crédibilité et la diplomatie du rapport. Le pédagogue met les jetons sur le terrain de jeu selon les résultats du vote. Le jeu implique trois rounds (3 situations problématiques des fiches "les événements"). La tâche des élèves est de persuader les factions des adversaires de l'originalité de leur approche. La faction qui reçoit le plus de jetons gagne. Si deux factions ont le même nombre de jetons, le pédagogue peut donner encore "un événement", où la faction éliminée seulement peut voter et choisir le gagnant.

Cette méthode permet à l'élève, en s'imprégnant de son expérience politique et philosophique, de se poser des questions sur la vision du monde et de chercher les réponses avec l'aide du pédagogue ou indépendamment. Après la réflexion, les contradictions de ses propres raisonnements sont éliminées, mais des contradictions de niveau plus élevé apparaissent, elles sont claires pour l'élève qui en prend conscience et les critique.

Par ailleurs, "Diviser pour régner" relève par le jeu le défi de la mémorisation des concepts philosophiques, la connaissance des philosophes et leur importance historique. Une particularité du jeu (la composante régionale) est le fait qu'on accorde beaucoup d'attention aux philosophes russes. Dans les conditions de la mondialisation, il est très important de cultiver la culture régionale (nationale) de la pensée, car la philosophie occidentale est plus populaire que celle de la Russie chez nous. En outre, la philosophie russe se trouve à la jonction des philosophies orientale et occidentale, en formant un algorithme original de la pensée, la logique particulière qui distingue la philosophie russe de la philosophie occidentale ou orientale. En outre, l'inclusion des philosophes russes dans le jeu ne semble pas délibérée et s'accorde avec l'inclusion d'un grand nombre de représentants de la pensée philosophique occidentale. En ce sens, le jeu cultive la compétence de l'interculturalité, en montrant que quel que soit le pays d'origine du penseur, les réponses aux questions de l'idéologie sont très semblables et la pensée des philosophes va dans une direction similaire.

Le jeu a quelques imperfections. Aujourd'hui nous travaillons au perfectionnement de sa conception. Il va aussi avoir quelques changements dans le design et le contenu. Une des directions du développement du jeu va être l'inclusion de "compléments" liés à la différenciation régionale des philosophes. L'augmentation du nombre des philosophes slaves va conduire à l'apparition du complément "L'école idéologique de l'Europe orientale". On développe aussi "L'école idéologique occidentale", et on a aussi des idées pour un complément "L'école idéologique orientale". Vers septembre 2020 on a planifié la création d'un jeu nouveau sur la base de "Diviser pour régner".

Le jeu à été présenté en novembre 2019 aux "18es Rencontres sur les Nouvelles Pratiques Philosophiques", organisée par la Chaire Unesco de philosophie avec les enfants à l'Université de Genève. En Russie le jeu a été présenté en septembre 2019 à la convention des politologues russes "Digoria" (en république d'Ossétie du Nord, à Vladikavkaz) ; en décembre 2019 au projet russe du développement de la formation informelle pour les jeunes "la Formation de l'avenir" (en république de Tatarstan, à Kazan) ; en février 2020 à la conférence de la philosophie consacrée aux questions cognitivistes "L'intelligence artificielle et naturelles" (à la Chambre de la société de la fédération Russe, Moscou) et va aussi être présentée en mars 2020 au VI Congrès Pédagogique avec "La bataille philosophique" (Saint-Pétersbourg). En outre, le jeu a été approuvé par "L'association Russe de l'assistance à la science" et a obtenu un commentaire de l'universitaire de l'Académie Scientifique de la Russie - Velikhov E.P. : le jeu "Diviser pour régner" est un bon exemple de ce qu'il faut faire pour populariser les sciences humaines, surtout la philosophie, la politologie et la culturologie. La société du futur a besoin d'une base humanitaire considérable, et c'est un défi pour le monde, et ce jeu est une bonne réponse à tel défi."

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