Revue

S'exercer à ne pas contredire dans l'apprentissage du dialogue philosophique : conformisme ou courage ?

Pendant les journées 2018 sur les nouvelles pratiques philosophiques à l'UNESCO, j'ai présenté l'intuition directrice d' Aimer s'apprend aussi, premier ouvrage de la nouvelle collection de Vrin "Philosophies pratiques", dirigée par Gaëlle Jeanmart - parution janvier 2019. Cet ouvrage est composé de trente textes, indépendants et cependant liés les uns aux autres. Tous tentent d'explorer l'exercice philosophique suivant : ne pas contredire autrui.Cet exercice pratique vise à rendre possible l'apprentissage mutuel par le dialogue philosophique.

Je ne voulais pas répéter ce qui est déjà dans l'ouvrage, j'ai donc décidé de condenser le bien-fondé éthique et épistémologique de cet exercice philosophique contre-intuitif - si l'on a en tête l'image du débat contradictoire comme forme libre de la pratique de l'argumentation en philosophie. Cela constitue finalement une trente-et-unième et inédite entrée pour l'ouvrage. Si elle avait figuré dans l'ouvrage, je l'aurais intitulée " Présence " : il s'agit en effet de savoir comment rendre "présent" autrui lorsqu'il est à nos côtés, comme être "présent" à l'événement, c'est-à-dire à la hauteur du caractère irrémédiablement singulier de toute rencontre.

Cela ne va pas de soi, cela s'apprend : la perception d'autrui, pour ce qu'il est positivement, est la condition première pour pouvoir communiquer avec lui, donc penser avec lui.

Présence

La présence d'autrui ne va pas de soi : la fatigue de la vie me ramène au "même" et me fait aspirer aux fausses joies de la récognition, rendant inaccessible l'altérité comme telle, rendant impossible la rencontre. Faire advenir la présence de l'autre est donc l'enjeu d'un apprentissage pratique, c'est la conquête d'une plus variable puissance d'être affecté.

Lorsque l'on est constructiviste conséquent, même la liberté est à construire, même autrui est à construire ! Rien ne va de soi, rien n'est donné, tout est construit : on ne naît pas libre, on le devient, on ne naît pas rationnel, on le devient, on ne naît pas curieux, on le devient, etc. Une plus grande liberté est liée à un déploiement divers de sa puissance d'agir : elle n'est donc pas un donné mais une activité qui s'exerce en situation.

Chacun a donc besoin de toute sa puissance perceptive pour faire advenir l'autre et avoir la force de rencontrer ce qui, en droit et de fait, va nous altérer.Il ne va pas de soi de désirer autrui comme tel, car il ne va pas de soi de composer ses rapports avec ce qui diffère de nous : l'entre soi est le réflexe social premier lorsque notre seuil de variabilité est trop bas. L'endogamie est la vérité première des existences frileuses d'apprendre.

Devenir plus libre, en ce sens, suppose de conquérir la puissance de percevoir plus autrui. Parler de réciprocité dans les apprentissages, c'est soutenir que la liberté est à construire avec autrui.Je tiens donc pour vraies ces deux implications : (a) j'ai besoin de plus d'existence d'autrui pour être plus libre ; (b) j'ai besoin d'être plus libre pour qu'existe plus autrui. Tout est bien une affaire de degré : autrui m'apparaît à la mesure de ma puissance perceptive à saisir ce qui diffère, à saisir ce que je ne peux pas re-connaître. La perception du nouveau, de la différence ou d'autrui - de ce qu'il est, des idées singulières qu'il a, des gestes qu'il effectue, etc. - est l'expression de la disponibilité de ma puissance d'agir. L'un des enjeux du refus de contredire, c'est donc de construire la présence  : autrui n'est pas donné, il est à construire.

La pratique en jeu vise à former une puissance d'être affecté joyeusement par ce qui est positivement là, c'est-à-dire une synchronicité construite avec ce qui m'arrive, une puissance de percevoir qui est ici et maintenant avec moi.Réussir à faire cela, c'est réduire la tendance à convoquer - imaginairement - le manque ou l'imperfection !

Les systèmes de pouvoir sont précisément là pour nous rendre aveugles aux puissances positives d'autrui : le mépris de classe, la domination masculine, le système scolaire, l'imaginaire colonial, etc. Dire d'une femme qu'elle "n'est pas assez menue", d'un individu qu'il a "un vocabulaire vulgaire", d'un Kanak qu'"on ne peut rien en faire" (sic), c'est toujours envisager autrui non pour ce qu'il est, mais pour ce qu'il n'est pas au regard de ce que je voudrais qu'il soit. Décrire un élève comme "n'ayant pas appris sa leçon", c'est dire autant de chose sur lui que "n'ayant pas visité le Turkménistan", "ne faisant pas du 42 en pointure", ou encore "n'ayant jamais cultivé de chou rave". C'est le niveau zéro de la puissance d'être affecté par ce qui est.

De ce point de vue, il est symptomatique que Deleuze traque l'idée de "récognition" lorsqu'il essaie de définir ce que signifie penser : s'il met une majuscule à "Apprendre", c'est parce qu'il s'agit rien moins que du concept dans lequel "penser" se résorbe entièrement. La récognition apparaît alors pour ce qu'elle est : une volonté de ne pas apprendre, l'ennemi même de la pensée en acte. La récognition cherche le même, le déjà-su, elle n'est pas épreuve de l'altérité, mais volonté de confort psychique dans la répétition du même1.

Si je suis dans la récognition, que je sois joyeusement ou tristement affecté n'y change rien : le problème est dans l'effet fixateur de la récognition. Dans un cas, si je reconnais une idée parce que je la sais déjà, je suis alors réassuré dans les solutions que j'ai faites miennes. Dès lors, le risque est de me complaire dans ce genre d'expérience, jusqu'à me faire oublier l'arbitraire et la fragilité de mes choix - j'ai accepté cette idée, mais j'en aurais accepté une autre si les circonstances avaient été autres -, et de préférer être conforté dans ce que je reconnais plutôt qu'inquiéter par ce qui est nouveau. "Plutôt reconnaître qu'apprendre" est le symptôme des moments de fatigue vitale. C'est un des grands drames du système scolaire d'ailleurs : il tend à faire aimer "avoir la bonne réponse" et rend honteux de poser des questions... Dans l'autre cas, si je ne peux pas reconnaître une idée parce que je ne la sais pas, parce qu'elle est nouvelle, je vais la juger bizarre, fausse, mauvaise, voire dangereuse. Bref, dans les deux cas je passe à côté de la possibilité d'être interpellé par l'événement, c'est-à-dire l'altération de soi : rien moins que le devenir lui-même.

De plus, fonctionner sous ce rapport-là au monde, c'est ouvrir grand la brèche du mépris tel qu'il est défini par Spinoza : cherchant à reconnaître ce qu'on sait déjà, on percevra l'altérité d'abord comme un manque2. La différence est réduite à l' absence de qualités jugées éminentes - dimension politique de la volonté - lorsque, plus radicalement, on n'en sait pas d'autres - dimension épistémologique de l'entendement. Chacun juge ainsi à la mesure de son ignorance, basée sur sa certitude de savoir. C'est le sens spinozien que je donne au "nul n'est méchant volontairement", au sens où la volonté et l'entendement sont une seule et même chose.

L'idée inadéquate est toujours une idée partiale et partielle : une idée fixe, car faiblement sériée et manquant de perspectives. L'idée partielle d'autrui est toujours partiale au sens où elle est injuste avec l'individu, elle ne rend pas justice à tout ce qu'est un individu en n'extrayant qu'un tout petit peu de ce qui est positivement présent dans la chose puis en complétant le reste avec l'imagination de ce qui n'y est pas.

"Il n'est pas militant", "elle n'est pas féministe", "il n'est pas français", etc. : ce mode perceptif est une description perpétuelle de ses propres attentes, mais jamais de l'objet désigné. En droit, c'est virtuellement un reproche fait à l'autre de ne pas rentrer dans nos catégories valables, même si, en fait, l'intention consciente n'est pas forcément de reprocher. Pourtant, cet "égotisme malgré soi" produit bien souvent une violence sociale inouïe. Bien des formules, syntaxiquement affirmatives, traduisent ce schème de la récognition qui produit nécessairement du mépris lorsque n'est pas rencontré "le même". Par exemple, le concept politique de "pauvres", déconstruit par Bernard Friot, signifie en creux : "voilà des gens qui n'ont pas la chance de gagner autant d'argent qu'un certain seuil donné et qu'il faut par conséquent aider", les privant ainsi de toute perception politique comme individus producteurs de valeur.

Revenons sur l'antagonisme profond entre les deux manières de construire le problème d'autrui en rapport avec la liberté dans l'agir-commun. Le problème mal posé de l'aliénation, c'est : comment gérer autrui ? Cette inquiétude risque souvent de devenir : comment se débarrasser d'autrui, au moins se débarrasser d'une partie de sa puissance ? "Ma liberté s'arrête là où commence celle d'autrui, etc."3. Le problème de la présence, c'est : comment construire autrui ? Comment ne pas être prisonnier de l'imperméabilité des idées fixes qui risquent de me faire rater la rencontre quand elle a lieu, qui risque de me faire passer à côté de l'occasion d'apprendre faute de percevoir de l'altérité ?

On se retrouve à nouveau au coeur de ce que signifie pratiquer la philosophie : "être pratiquant", c'est s'exercer en situation, se mettre en mouvement, penser, désirer, etc. Mais "être pratiqué" n'a aucun sens : à la lettre, la procuration n'est pas possible car je ne peux pas être respiré, être marché, etc. Autrui ne peut pas exercer une puissance pour moi.C'est la vérité profonde de tous les mouvements d'auto-émancipation, qui claironnent avec humour : "ne me libérez pas, je m'en charge". Ce n'est jamais autrui qui peut m'éclairer, car la puissance perceptive ne se transmet pas. Toutes les métaphores lumineuses utilisées dans les relations éducatives sont les signes alarmants de ce que Rancière, dans Le Maître ignorant, appelle l'"abrutissement" : quand un individu déclare "je vais vous éclairer", il faut partir en courant. "Beacon of civilization"est, en anglais, une métaphore classique de la pensée coloniale.

À l'inverse, "être théorisant", à la lettre, est inexact. Si l'on entend par là "en train de produire des idées", c'est justement qu'on est en train de pratiquer la construction d'une idée. Mais "être théorisé" est une expression possible : elle désigne les moments où je me vois imposer une solution adventice - qui n'est pas la résolution d'un problème situé que j'ai construit localement -, solution qui serait censée valoir partout et tout le temps, en tout cas autant pour moi que pour celui ou celle qui me l'impose "pour mon bien".

La conception moderne du vrai comme "vérité-ciel" - énoncé théorique vrai partout et tout le temps -, par opposition à la conception antique du vrai comme "vérité-foudre" - vérité pratique qu'un individu peut effectuer quand il y a lieu4 - est une machine à transformer le sens d'"aimer savoir" en privilège du savoir sur l'apprendre : préférer la détention fixe et définitive de certitudes. De là naissent la honte de ne pas savoir et une mort lente de la curiosité, car apprendre serait réservé aux enfants...

Ce que d'aucuns nomment l'aliénation, cette dépossession de soi, se décrit donc ainsi dans le cadre déterministe de la pratique ici en jeu : un certain amour du vrai théorique produit de l'imperméabilité, au sens où ma puissance de penser est fixée par l'admiration de quelques idées - j'ai été théorisé par des êtres chers - qui me rend tendanciellement de plus en plus impuissant à percevoir la présence de nouvelles idées puisque je méprise d'abord l'absence de ces idées admirées chez les individus que je rencontre - je deviens théorisant pour autrui, mais sans lui5, puisqu'il est, dans sa singulière positivité, absent de mon champ de perception.

Les parts de moi-même qui sont aliénées constituent donc un double ratage : elles font de moi un individu théorisé destiné à fonctionner comme individu théorisant, pur appareil reproducteur dans le règne des solutions, et jamais enquêteur dans le régime des problèmes. Cette impuissance fait de moi, en droit, une mauvaise rencontre pour quiconque a affaire à moi. Le correcteur ("vous auriez dû") ou le donneur de conseils ("vous devriez") sont des types paradigmatiques de ces tendances à la contradiction théorique : ils parlent avec le mode du conditionnel, mais si on creuse un petit peu, la condition c'est eux, pas vous.C'est bien à l'aune de leur passé qu'ils reconnaissent l'acte qui leur paraît présentement adéquat pour l'autre. C'est le grand modèle du "faites comme moi", par opposition au "faites avec moi". En toute honnêteté, ils devraient expliciter leur prémisse principale qui est : "si vous étiez moi" - souvent trompeusement exprimée par "si j'étais vous".

Ne pas réussir à construire la présence est donc le drame véritable pour le déploiement de la puissance d'agir, puisque je ne peux alors plus percevoir autrui comme une bonne rencontre, c'est-à-dire "être affecté joyeusement par la différence". On retrouve ce point fondamental : l'admiration et le mépris sont les deux faces de ce même ratage affectif, de cette même impuissance à apprendre avec l'autre puisque je suis rivé par quelques idées fixes.

Tant que mes idées ont l'ambition "moderne", décrite par Foucault, de valoir partout et tout le temps, je vois dans leur indifférence au contexte une force plutôt qu'une faiblesse. Cette croyance prétentieuse dans l'universalité des idées est la matrice des "il faut" impersonnels, des conseils humiliants, elle est une ambition qui génère des blocages face à l'altérité dans le dialogue. La contradiction est un réflexe de l'ordre théorique : un réflexe qui se croit geste de santé, saine autodéfense intellectuelle, mais cela m'apparaît, de plus en plus, comme une maladroite tentative de vouloir éviter d'être encore plus inquiété qu'on ne l'a déjà été - car se faire théoriser, lorsqu'on est enfant, élève ou étudiant, n'est pas sans douleur.

Par contraste, la pratique est une pure positivité, car elle est un geste qui existe en tant que je suis en train de l'effectuer. La négativité n'existe pas comme pratique : comme le dit Simondon, dans l'ordre du faire, il faut opposer le constructif à l'indifférent. Dire "non" pratiquement, c'est simplement refuser de faire, dire "non merci je ne pratiquerai pas".

Ainsi, dans la pratique philosophique, une idée peut apparaître non désirable, on peut refuser de la pratiquer. Mais une idée pratique n'est pas "fausse" théoriquement. Dire cela n'a pas grand sens, car c'est appliquer les critères du théorique dans l'ordre pratique. Par exemple, les "Silly walks" des Monty Pythons peuvent nous apparaître ridicules, on peut désirer ne pas marcher de telle manière, mais elles ne sont pas fausses. Un tel jugement est littéralement absurde lorsqu'on parle d'une pratique.

Pourtant, chaque fois que j'explique l'intuition centrale de mon livre, ce que serait une pédagogie "spinoziste", il se trouve toujours quelqu'un, parfois plusieurs, pour tenter de me prouver que j'ai tort - c'est-à-dire que je ne devrais pas penser ce que je pense. Mais qu'est-ce qui les inquiète ? Pourquoi pensent-ils qu'il ne faudrait pas que je pratique l'exercice auquel je m'essaie pour expérimenter si ces gestes déploient mieux ma puissance d'agir ?6. Dans l'ordre de la pratique, une idée est un essai de soi : "Et si je faisais ça, qu'est-ce qu'il se passerait ?" L'idée nouvelle est une pratique de liberté : "Qu'est-ce que ça vaut quand je m'exerce à faire ceci ?", "Est-ce que ça me convient ?"

D'où la belle nouvelle de la création de la collection "Pratiques philosophiques" chez Vrin ! De fait, l'intérêt de penser les pratiques philosophiques comme on ferait de l'ethnographie des modes d'existence philosophiques sera, je l'espère, de relativiser la manière dominante actuelle de pratiquer la philosophie, donc de dénaturaliser ce qui est souvent intériorisé comme un "cela va de soi". Ainsi, les codes livresques, théoriques, voire scolastiques sont seulement une certaine manière de pratiquer la philosophie, de situer ses enjeux dans la joute verbale, dans la lutte pour l'établissement d'une proposition vraie hors situation - qui l'énonce ? Quand est-elle énoncée ? Où ? etc. Or, cette manière de faire de la philosophie a rendu prépondérante l'ambition théorique de l'énonciation - ou prétention à valoir pour vrai. Dans ce régime des pratiques scolastiques, demeurent inaudibles les perspectives pratiques du partage d'une idée : si je communique une analyse philosophique, une hypothèse, n'est-ce pas pour que l'autre l'essaie - ou pas s'il n'est pas convaincu -, ou bien pour l'explorer ensemble maintenant - ou reporter ce voyage à plus tard ?

C'est toujours, irréductiblement, le problème de savoir où l'on met la valeur : est-ce la valeur de vérité qui compte ou bien la valeur d'existence ? Une idée vaut-elle parce qu'elle serait vraie - au sens propositionnel du régime des solutions - ou parce qu'elle me fait faire7 - sens événementiel du régime des problèmes ? Est-ce que j'attends d'une rencontre avec autrui qu'elle me donne à penser - espoir du mouvement, aspiration au geste - ou qu'elle statue sur quoi penser - espoir d'être fixé, aspiration à la pose ?


(1) Gilles Deleuze, Différence et répétition, Paris, PUF, 1968, p. 174-179.

(2) Spinoza, Éthique, III, "définition des affects", 5, Paris, Seuil, "Points", 1999, p. 309.

(3) Se joue ici la question du kairos : vérité et liberté sont des concepts d' adéquation temporelle. L'enjeu pratique est de s'exercer à se déconditionner d'un imaginaire conceptuel spatialiste de la liberté. Arrêter de penser l'aliénation comme la perte d'un espace originel premier, c'est comprendre pourquoi le refus de contrer ne conduit en rien au conformisme ou à la docilité. En effet, le problème de la liberté n'est pas de sortir de l'aliénation, au sens où autrui serait une donnée possiblement intrusive ( alienus) qui me ferait perdre ma liberté - elle-même donnée.L'aliénation, ainsi conçue, apparaît comme un risque pour une liberté entendue comme libre-arbitre, souveraineté d'un sujet premier, vis-à-vis de laquelle autrui devient alors, a priori, un ennemi. En effet, il y a un lien profond entre l'idée de "donné" et le fait de se concevoir comme sujet, conception qui est justement le produit de l'aliénation, si l'on suit la lecture que fait Franck Fischbach de Marx. L'aliénation n'est pas quelque chose qui arrive à un sujet : elle consiste dans le fait même de se penser comme sujet donné.Sur ce déplacement conceptuel profond du concept d'aliénation, il y a convergence (malgré des choix sémantiques différents) de Severac, Lordon et Fischbach, ce dernier écrivant dans sa recension de Capitalisme, désir et servitude : "Si l'on veut continuer à utiliser le concept d'aliénation, ce ne peut être qu'à la condition de cesser de le penser sous le schème de la perte et de la séparation, et de le penser selon le schème de la fixation et de la limitation : une puissance d'agir aliénée, en ce sens, ce n'est pas une puissance dont un sujet serait séparé ou qu'il serait empêché d'actualiser, c'est une puissance dont les effectuations sont limitées en nombre et fixées à un seul genre ou une seule forme." - Franck Fischbach, "Le capitalisme, entre contrainte et consentement", La Vie des idées, 2 mai 2011 - repris dans La Production des hommes. Marx avec Spinoza, Paris, Vrin, 2014. Voir aussi Franck Fischbach, Sans objet, Paris, Vrin, 2009 et Frédéric Lordon, La Société des affects, ch. 7, Paris, Seuil, "Points", p. 241-263.

(4) Voir Michel Foucault, Le Pouvoir psychiatrique, Paris, Gallimard/Seuil, 2003, p. 235-239.

(5) Selon le mot célèbre de Nelson Mandela, on a ici la définition exacte de ce que signifie être contre l'autre : c'est "penser pour lui et sans lui".

(6) Je crois que c'est le malentendu fondamental auquel on se heurte quand on tente de vivre pratiquement une idée philosophique, et qu'on cherche à partager cela avec des mots : on s'expose à être lu par des individus que la socialisation académique habitue à débattre sur les mots, en toute ignorance de la pratique.

(7) Avant même de se demander ce qu'elle me fait faire ! "Pas une idée juste, juste une idée", aimait à dire Deleuze.

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