Revue

Ateliers de philosophie bilingues (français-turc) pour enfants

I) Diagnostic

Les enfants de milieux précaires et/ou issus de l'immigration et bilingues, ont peu accès en dehors du cadre scolaire à une initiation et une ouverture à la culture et à la réflexion individuelle et collective. Leurs familles ont souvent un bas niveau de qualification et ne sont pas en mesure d'offrir l'ouverture réflexive que nous souhaitons proposer. Ce constat chez les enfants de manquer de capacité d'expression leur donne un sentiment d'infériorité, surtout quand il y a en plus des difficultés sociales. Nous constatons aussi que le discours des enfants est calqué sur celui de leurs parents, d'autres adultes ou encore des médias. Il nous semble indispensable de leur donner un espace privilégié dans lequel ils vont pouvoir élaborer leur propre pensée, apprendre à défendre leurs idées et opinions dans le respect et l'écoute de celles des autres, afin de les encourager à prendre part à la vie citoyenne et de les initier à un dialogue démocratique.

II) Origine du projet

L'ACORT (Assemblée Citoyenne des Originaires de Turquie) accompagne depuis plus de trente ans les enfants en situation précaires et/ou issus de l'immigration. Notre constat est que ceux-ci rencontrent toujours des difficultés sociales et scolaires par manque de vocabulaire, d'échanges, d'ouverture culturelle ou par manque de moyen d'accès aux différents savoirs. Cette problématique est aggravée chez les enfants qui parlent une autre langue à la maison, car la connaissance des deux langues est limitée au niveau parlé au sein du foyer et les mots appris et échangés à l'école entre enfants.

III) A quels objectifs répond le projet ?

Objectif n° 1 : Développer l'esprit critique et l'émancipation réflexive chez l'enfant.

Objectif n° 2 : Eviter les clivages culturels, construire la capacité d'échanges démocratiques.

Objectif n° 3 : Renforcer les capacités linguistiques en français et en turc.

Il s'agit de redonner confiance en leurs capacités à des enfants qui se trouvent éloignés des sources de réussite; offrir un espace de liberté d'expression et de pensée afin de développer des compétences d'échanges, de discussions démocratiques en vue de faciliter la participation et l'intégration citoyenne des enfants issus des milieux populaires et/ou de l'immigration et bilingues. Valoriser leurs connaissances et ouvrir leur esprit à l'interculturalité, au respect des différences et aux valeurs de la République. Permettre l'élargissement du vocabulaire chez les enfants qui vivent dans un environnement peu ou pas francophone ou ayant un bas niveau de scolarité. Initier les enfants à l'élaboration de l'esprit critique afin de développer leur propre personnalité et sortir du mimétisme des médias ou des influences tierces.

IV) Contenu du projet et sa mise en oeuvre de manière synthétique :

Le public ciblé esttout enfant bilingue de 6 à 11 ans résidant à Paris et en particulier les quartiers politiques de la Ville.Une fois par mois le samedi de 14 à 15h30, en 2 fois 45 min. (lecture/ visionnage et temps d'échange), l'enfant développe ses capacités intellectuelles et linguistiques. Il y a ensuite 45 min artistique (dessin, peinture, écriture, musique, théâtre...), qui développent l'expérience sensorimotrice. L'atelier se fonde sur 2 axes : la philosophie et la littérature, car la philosophie ne peut se pratiquer sans texte.

A) l'atelier de philosophie est une pratique qui mène l'enfant à réfléchir sur le monde qui l'entoure et les problématiques qu'il rencontre au quotidien. L'animateur encourage l'enfant à penser par lui-même avec les autres. L'enfant est convaincu que sa parole a une valeur et trouve ainsi le courage d'aller plus loin dans sa pensée, il apprend à prendre la parole, à développer son expression orale, à rester à l'écoute, à être disponible à la pensée nouvelle, à celle d'autrui et à une pensée pluraliste. Dès qu'il comprend les notions de diversité d'idées, de civilisations, de sociétés, de religions et de langues, il saisit que les comportements varient dans chaque culture et qu'ils méritent le respect. Faire de la philosophie est donc un moyen de développer l'esprit critique mais aussi un facilitateur d'insertion et de rejet des exclusions.

B) Nous suivons la thèse d'Edwige Chirouter : "La fiction instaure les problématiques philosophiques dans une 'bonne distance' : entre l'expérience personnelle, trop chargée d'affect pour penser, et le concept, trop abstrait". On se sert de la littérature jeunesse comme un dispositif dans lequel se concrétisent les notions philosophiques, qui sont trop abstraites pour les jeunes enfants, comme la liberté, le bien, le mal, etc. d'un côté, et de l'autre, grâce au récit fictif, les enfants peuvent prendre une distance par rapport à leurs propres expériences et leurs sentiments. Ainsi, ils osent prendre la parole et s'exprimer sans aucune autocensure.

Les familles informées tout au long du projet, par le biais des activités promues par l'association, la distribution de flyers, le mailing, phoning, création d'évènements et invitations sur les réseaux sociaux.Les parents participent à la restitution en fin d'année. Toutes les réalisations artistiques, la retranscription écrite des échanges durant les ateliers sont conservées et exposées en fin d'année, avec un temps durant lequel les enfants commentent leurs travaux et réflexions. Les parents sont informés au préalable de la thématique qui va être abordée, les références des ouvrages, vidéos et autres outils utilisés leurs sont transmis et la médiatrice est présente pour répondre à leurs questions. Afin de conserver la liberté d'expression des enfants, les adultes ne sont pas admis durant l'atelier.

Document (format PDF) : Les petits penseurs

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