Revue

Identifier dans un café philo nos croyances

Animateur et formateur en pratiques philosophiques depuis 2009 au centre d'action laïque (CAL) du Brabant wallon (Belgique), je suis amené à pratiquer la philosophie avec différents types de public captifs (prison, centre public d'action sociale, écoles ...) ou non, plus ou moins fragilisés, dans des lieux privés ou publics. Les années passant, ma réflexion m'a amené à interroger les conditions de possibilité de cette pratique qui s'éloigne des modèles d'enseignement classique, où la transmission d'un savoir se fait de manière verticale, pour privilégier une démarche constructiviste.

Cette réflexion m'a poussé à interroger également la pertinence de ce type d'action dans le cadre de mon militantisme laïque et ce, en relation avec les valeurs qui me sont chères, mais aussi vis-à-vis des statuts et de l'objet social de l'institution qui m'emploie.

Si la laïcité est le principe humaniste qui fonde le régime des libertés et des droits humains sur l'impartialité

du pouvoir civil démocratique dégagé de toute ingérence religieuse, alors le café philo est une action laïque, dans le sens où il est un lieu où s’érige le principe de laïcité comme dénominateur commun du vivre ensemble, sans que cette mise en oeuvre ne se confonde avec lui.

Cette pratique du café philo s'articule autour de quatre grandes notions-clés : la problématisation, la conceptualisation, l'argumentation et la spéculation. Ces dernières, qui rendent compte du déroulé et de la méthode, sont influencées par des croyances qu'il s'agit d'identifier.

I) Objectifs généraux poursuivis lors de l'animation d'un café philo

Loin du tumulte du débat, dans le calme que demande toute pratique réflexive, le café philo se veut avant tout un

espace démocratique organisé, au sein duquel il n’est pas question de convaincre, mais de chercher ensemble. Il s’agit de chercher, par le questionnement et l’argumentation de chacun, à faire progresser le raisonnement et la réflexion de tous.

Le principe est simple : des personnes de tous horizons se rassemblent autour du désir commun de partager des idées sur le monde qui les entoure. Un animateur est présent pour assurer le bon passage de ces idées. Gardien du temps et modérateur, il donne la parole à ceux qui interpellent, interrogent, veulent partager et exprimer le fruit de leurs réflexions dans un esprit d'ouverture et d'écoute.

Au contact de la différence, il est alors possible de nourrir sa propre réflexion, d'aller plus loin, de construire une réflexion qui amène à l'éclaircissement des questions et des concepts sous-jacents à la thématique choisie. Et par conséquent de ne plus "penser contre", mais "penser avec".

Voilà certainement pourquoi, dans la pratique, le café philo tente de s'éloigner du débat, pour laisser au discours et à l'argumentation sa dimension démocratique, en cherchant à fuir la dimension démagogique et séductrice dont il peut faire preuve. L'usage que l'on a de la langue n'est en effet pas le même lorsqu'il est question de séduire

un public ou lorsqu’il est question de chercher à mettre en commun des capacités réflexives pour aboutir à une meilleure compréhension d’un thème.

Cette pratique vise donc à susciter la réflexion de chacun, à mettre en perspective des opinions divergentes et en définitive à rendre au langage la place qui est la sienne : outil d'échange et de partage d'informations et/ou de connaissances, lieu de rencontre. Par le dialogue, comme nous le verrons, l'autre m'apparaît et prend sens. La nécessaire relation du moi avec son semblable prend corps sous la forme d'un rendez-vous, d'une proximité, dans la divergence ou le partage certes, mais toujours dans le contact et la responsabilité. Relation dialogique qui fait de ma

singularité un outil d’intégration et de citoyenneté. Parvenir à faire de la parole de l’autre une parole qui puisse être mienne, admettre que mes vérités ne soient pas immuables et figées pour sortir du mutisme de la solitude du penser,

c’est entrer en démocratie. Démocratie dont le café philo se revendique.

Ce "questionner ensemble" impose évidement quelques règles. Il faut, en effet, être prêt à accepter que l'autre puisse "avoir raison". Il s'agit de mettre en doute certes, mais pas de protester, de couper la parole ou d'attaquer la personne dans ses convictions. L'enjeu est bien de partager et d'apprendre sur soi et sur le monde.

Si ce lieu d'expression citoyen se doit de laisser libre cours aux pensées, il impose de penser ce que l'on dit, de chercher à le rendre intelligible et, plus important encore, d'assumer pleinement la responsabilité de ses propos. En ce sens, lorsque je parle, je parle en mon nom et l'autre m'écoute. Ce qui fait de moi une individualité qui a sa place dans un ensemble.

"Quiconque entreprend sérieusement la tentative de participer à une argumentation s'engage implicitement dans des présuppositions pragmatiques universelles qui ont un contenu moral. Le principe moral se laisse déduire à partir du contenu de ces présuppositions d'argumentation, pour peu que l'on sache ce que cela veut dire de justifier une norme d'action."

La philosophie n'est plus alors une discipline réservée à une élite d'intellectuels, elle (re)devient cette pratique du "penser" permettant d'accueillir l'autre dans/par sa différence.

Les pratiques philosophiques sont étroitement liées à la démarche critique historiquement ancrée dans l'histoire de la philosophie et se fixent pour objectif :

  • de déconstruire les évidences, les présupposés, les croyances.
  • d'identifier les hiérarchies de valeurs qui sous-tendent nos prises de positions.
  • de construire par le dialogue critique, collectif, démocratique une citoyenneté qui ait du sens pour chacun.
  • de redonner du sens aux concepts et valeurs qui fondent nos démocraties, ainsi qu'au vivre ensemble.
  • de se réapproprier les grandes questions sociétales par la confrontation des opinions au sein d'un cadre bienveillant, de fuir le carnaval des opinions, les relativismes et les particularismes culturels.
  • de prendre conscience de ce qui se joue (parfois de moi) lorsque je pense.
  • de se réapproprier une réflexion au sujet des enjeux de société et du vivre ensemble.
  • de rendre compte de la complexité...

La laïcité n'est plus, par la pratique du questionnement, de l'argumentation, de la conceptualisation, de la spéculation, uniquement narrative ; elle prend corps et responsabilise les participants aux pratiques philosophiques dans les rapports qu'ils entretiennent à eux-mêmes, au monde et aux autres. Lors d'un atelier philo, il ne s'agit pas de transmettre une histoire de la pensée ou un savoir. On donne la parole, on offre la possibilité de construire par soi-même une pensée critique. Aussi n'est-il pas possible de forcer la pensée à être libre, mais il nous est possible d'ouvrir des espace-temps de rencontre et de réflexion qui permettent à chacun d'exprimer sa liberté et de lui donner sens.

Mais, force est de constater qu'un grand nombre de freins creusent l'écart entre ce que devrait être un café philo et ce qu'il est trop souvent : un vague échange qui s'échappe du champ de la rigueur philosophique pour s'engluer dans la juxtaposition stérile d'opinions emplies de croyances non vérifiées et/ou infondées et de présupposés. Ce glissement du café philo vers le café du commerce s'opère la plupart du temps insidieusement et parfois avec le concours de l'animateur lui-même. Voilà pourquoi il me semble important d'identifier quelques écueils afin de s'en prémunir.

II) L'écueil des croyances et présupposés

Certains écueils sont à identifier et à éviter afin de garantir la pertinence philosophique et démocratique de la pratique. Ces écueils sont de plusieurs ordres et il serait difficile de tous les identifier. Nous pouvons néanmoins en citer quelques-uns concernant l'animateur : transmission d'un savoir, jargonnage, mauvaise identification des croyances et des présupposés, argumentation fallacieuse, messianisme, supports inadaptés, bavardage, carnaval d'opinions juxtaposées, absence de création de liens entre les différentes interventions, valorisation de certains propos au détriment d'autres, attaque de la personne, contenu prédéterminé, hors sujet, mauvaise gestion du temps, mauvaise distribution de la parole, bien pensance, etc.

L'un des préalables susceptibles de lever un certain nombre de ces difficultés me semble être l'identification des croyances, non seulement chez le participant, mais également chez l'animateur. En effet, lorsque qu'une notion telle que la liberté par exemple est amenée par un participant lors de la discussion, presque immédiatement elle convoque avec elle tout un ensemble de croyances à son sujet. Présupposés qui risquent, s'ils ne sont pas identifiés, de pousser l'animateur à orienter la construction vers la confirmation de ses propres croyances ou des croyances qu'il partage avec l'intervenant. Plus encore, discuter un thème avec un public sans avoir identifié ses propres croyances, c'est prendre le risque d'imposer un contenu prédéterminé malgré soi ou d'être déstabilisé par une intervention.

Si, partant d'un visuel, nous demandons aux participants de décrire ce qu'ils voient, le constat est rapide, nous remarquons bien souvent qu'ils interprètent naturellement avant de décrire. L'interprétation implique d'emblée nombre de croyances. Le discours n'est jamais neutre quand il est prédicatif.

Convoquant le concept de vérité lors d'une relance, il est primordial pour l'animateur d'identifier au préalable un maximum de ses croyances au sujet de la vérité, dans l'optique de permettre au groupe de s'emparer de la thématique et de conserver sa neutralité. Il serait dommage que la discussion repose sur les croyances non identifiées de l'animateur et pas sur le thème proposé.

Les habiletés de penser peuvent être utiles pour identifier les processus cognitifs à l'oeuvre lorsque je pense, permettant ainsi d'élargir son panel d'aptitudes, de mettre à l'épreuve ses opinions et d'ouvrir un horizon plus large de sens par le décentrement. De ce fait, il est possible d'échapper à certaines croyances liées aux habitudes de cognition. Le travail des habiletés de penser permet de mettre à l'épreuve les propos de chacun. Tâcher, par exemple, de faire la distinction entre savoir et connaitre, ancrer cette distinction dans le concret en donnant des exemples, en cherchant des contre-exemples, proposer des contraires, formuler des hypothèses ou encore vérifier les liens de causalité ou/et les différences de degré ou de nature invite les participants au décentrement et à la prise de conscience de qui se joue lorsque l'on pense.

L'autorité que l'animateur reçoit de facto du groupe l'installe en une position de responsabilité vis-à-vis de l'identification des croyances qui sous-tendent les propos échangés lors du café. Le groupe risque en effet de prendre pour argent comptant les propos tenus par l'animateur. Et force est de constater que nous n'avons pas toujours le contrôle sur nos croyances et sur l'influence que celles-ci peuvent avoir sur nos interprétations ou du moins sur le passage de la perception à l'interprétation. Bien plus que dans la connaissance, nous sommes dans la reconnaissance de nos apprentissages. Voilà ce qu'il s'agit d'identifier comme des constructions acquises qu'il nous appartient de déconstruire le cas échéant, ou à tout le moins d'identifier comme telles. La question clef étant : qu'est-ce que je tiens pour vrai ? Et sur quoi est fondée ma conviction que c'est vrai ?

Si elle peut être un obstacle au savoir, la croyance reste un frein à la démarche constructiviste dans le cadre qui nous occupe. Et le café philo s'intéresse bien moins à ce que "je sais", qui en fait renvoie à un "j'ai appris" d'une autorité, qu'à ce que "je pense". Il est, me semble-t-il, indispensable dès lors d'animer la discussion en ne perdant pas de vue les principes proposés par Clifford afin de sortir du carnaval de certitudes ininterrogées et de mener les participants à valoriser une démarche critique plutôt que de prendre le risque d'imposer malgré soi un savoir.

Le café philo est en effet l'un de ces rares lieux où la pensée sort du strict champ privé. C'est le lieu privilégié où les croyances qui nous animent se doivent d'être déconstruites, car elles ont des implications dans la sphère sociale et politique, où elles peuvent s'avérer problématiques. En ce sens, le café philo rend libre ou du moins se doit de garantir la liberté de chaque participant d'exercer son esprit critique.

Partons des trois grands principes défendus dans l'éthique des croyances de Clifford, qu'il est nécessaire de garder en tête comme des fondamentaux de la pratique philosophique envisagée comme méthode :

  • "Il est mauvais dans tous les cas de croire sur des éléments de preuve insuffisants ; et là où c'est présomptueux de douter et de chercher, c'est pire présomption que de croire."
  • "Nous pouvons croire ce qui va au-delà de notre expérience seulement quand il est inféré de cette expérience, en assumant que ce que nous ne connaissons pas est semblable à ce que nous connaissons."
  • "Nous pouvons croire l'assertion d'une autre personne quand il y a une raison raisonnable (a reasonable ground) qui permet de supposer qu'elle connaît le sujet dont elle parle, et qu'elle dit la vérité pour autant qu'elle la connaît".

Nous pouvons donc identifier des croyances qui sont vraies et éthiquement acceptables (comme l'héliocentrisme par exemple), fausses mais éthiquement acceptables (comme le géocentrisme), vraies a posteriori mais non fondées dans l'expérience et éthiquement inacceptables (comme une rumeur confirmée a posteriori) et fausses, non fondées dans l'expérience et éthiquement inacceptables (comme la rumeur).

Si comme le pensait Hume, c'est un signe de sagesse que de proportionner sa croyance aux preuves, Clifford va plus loin en ajoutant qu'il est éminemment moral d'adopter une telle méthode de recherche.

Plus encore, ne perdons pas de vue qu'une croyance n'arrive jamais seule et que toute nouvelle croyance modifie la structure sur laquelle elle se greffe. Elle vient s'ajouter à celles déjà existantes et l'ensemble s'organise par imbrication des unes dans les autres ; de sorte qu'elles ne peuvent être considérées isolément. Cet ensemble structuré influe sur l'action sans s'y traduire immédiatement, mais bien plutôt en s'exerçant sur nos décisions à notre insu. Ceci finissant par transformer jusqu'à l'individu.

Ces croyances structurées ne sont pas qu'une affaire privée, leur influence se fait sentir dans la sphère publique par l'éducation ou lors d'animations philo par exemple. Mais est-ce seulement possible d'identifier nos croyances ? N'est-ce pas là aussi une croyance ? Est-ce possible d'identifier ce dont on n'a pas conscience ? Même avec la meilleure bonne volonté du monde, l'individu aura besoin du groupe pour l'aider. En cela, la pratique du café philo est un outil d'individuation qui réhabilite par la réflexion l'autre comme participant à la conscience que j'ai de moi-même. L'idéal de vérité revient ici au statut d'idée régulatrice d'une communauté en recherche. Il s'agit bien moins d'atteindre la vérité que de se donner les moyens d'une recherche minutieuse qui mène à celle-ci.

Chaque membre du groupe et plus encore l'animateur est donc responsable d'une démarche visant à mettre à l'épreuve les opinions, théories, ... et le groupe fait confiance à chacun de ses membres comme garant d'une volonté critique. Avoir la volonté de critiquer ses points de vue passe par la confiance que j'accorde à l'autre comme capable sur le plan cognitif de se mettre en position de dia-loguer.

"Tout acteur communicationnel qui accomplit un acte de parole est forcé d'exprimer des prétentions universelles à la validité et de supposer qu'il est possible de les honorer".

Habermas

De là l'importance de réfléchir ensemble et de mettre en communauté cette recherche de vérité qui doit animer le café philo, afin de se prémunir de glissements populistes, de raccourcis faciles, de prêt à penser, de pseudo-savoirs, d'arguments d'autorité, etc.

Il est possible de fédérer un groupe autour de croyances partagées par le groupe qui sont parfois, si le travail d'identification n'a pas été fait par l'animateur, celles de ce dernier. Dès lors, le travail réflexif se fera en vase clos. De là l'importance non seulement que l'animateur identifie ses croyances par l'échange avec ses collègues animateurs, mais aussi celle de laisser l'opportunité à chacun de faire valoir un point de vue qui respecte certaines règles.

En suivant Habermas, la communication ne devient véritablement interaction et échange qu'en présence d'une motivation rationnelle partagée. Méfions-nous en effet des mots. La parole est objet de méfiance parce qu'elle est séduction et donc pouvoir. Dans sa théorie de l'agir communicationnel, Habermas souligne que l'acteur communicationnel est un locuteur qui doit choisir une expression intelligible afin que le locuteur et l'auditeur puissent se comprendre l'un l'autre. Ainsi :

  • le locuteur doit avoir l'intention de communiquer un contenu propositionnel vrai afin que l'auditeur puisse partager le savoir du locuteur ;
  • il doit vouloir exprimer ses intentions afin que l'auditeur puisse croire en l'énonciation du locuteur (lui faire confiance) ;
  • il doit choisir une énonciation juste au regard des normes et valeurs en vigueur afin que l'auditeur puisse accepter l'énonciation, de sorte que l'un et l'autre puissent être en accord quant à l'énonciation relative à un arrière-plan normatif.
  • de plus, il faut, pour que l'activité communicationnelle puisse se poursuivre sans accroc, que tous les pratiquants admettent que les trois prétentions critiquables à la validité qu'ils ont émises l'ont été à bon droit.

L'argument de sincérité ne suffit donc pas à la vérité. Il faut "un minutieux travail d'enquête" pour reprendre l'expression de Clifford. L'important n'est plus la vérité, mais sa recherche comme garantie d'être dans le champ de l'éthique. Ce qu'il faut, c'est fonder par une recherche minutieuse nos croyances, en ne perdant pas de vue que la preuve a posteriori ne transforme pas une croyance en croyance éthique. Notons de plus qu'une personne qui n'a pas identifié ses croyances cherchera à les prouver par/dans l'expérience sans en avoir nécessairement conscience et ce, sincèrement. Et ceci, qu'il soit animateur ou animé.

Travailler sur l'identification des croyances lors du café philo, c'est ouvrir la possibilité de redonner du sens par l'éveil de la conscience et sortir de l'hétéronomie par un devenir citoyen capable de rencontrer la différence dans une démarche constructiviste et éthique.

Mais : "... Est-il correct de considérer que, si une croyance est justifiée du point de vue épistémique, elle l'est ipso facto du point de vue moral et, si elle n'est pas suffisamment justifiée du point de vue épistémique, elle est moralement fautive ? Cela n'est pas certain, ne serait-ce que parce qu'il en va des croyances comme des actions : pour pouvoir être moralement bonnes ou mauvaises, il faut qu'elles soient volontaires, et dans quelle mesure le sont-elles réellement ? Autrement dit, quel crédit peut-on accorder exactement à la thèse dite du "volontarisme doxastique", qui soutient qu'elles le sont, et n'est-il pas plus raisonnable d'admettre que le contrôle dont nous disposons sur nos croyances est généralement beaucoup plus réduit que celui que nous avons sur nos actions ?".

Identifier les croyances par la pratique philosophique, c'est aussi apprendre d'elles. Chaque croyance, et plus largement la manière dont elle se structure avec celles qui la précèdent, nous "dit" quelque chose de ce que nous sommes et de ce qui nous anime tant sur le plan privé que public.

Les croyances se voient bien souvent confirmées dans leurs structures par l'expérience qu'elles conditionnent. Elles semblent être une constante anthropologique constitutive du tissu social. Peut-être n'est pas possible d'adopter une posture radicalement neutre, mais sûrement pouvons-nous y tendre. La volonté critique ne doit pas nous transformer en âne de Buridan .

Ne perdons pas de vue qu' "au fondement de la croyance justifiée, il y a la croyance non justifiée".

Nous sommes en effet obligés pour des raisons essentiellement pratiques de croire en certaines choses qu'il ne s'agit pas de déconstruire nécessairement.

Ce qu'il s'agit de réaliser c'est que "Le bien connu est l'habituel ; et l'habituel est ce qu'il y de plus difficile à connaitre, c'est-à-dire à voir comme problème c'est-à-dire à voir comme étranger, éloigné, extérieur à nous" .

III) Description de deux exemples de dispositifs pour l'identification des croyances

Le café philo est un espace-temps d'ouverture à la contradiction cadrée mettant la pensée au pied du mur. Chacun est obligé de penser ce qu'il avance en argumentant, en problématisant, en conceptualisant, en mettant à jour ce qui se joue. Chacun se doit par le travail de l'animateur de sortir d'une conscience thébaïde. La méthode "post-it" ou la dé construction des interprétations autour d'un support permettent de faire ce travail critique de manière participative avec tous les publics.

A) L'affiche : "Peut-on toucher à ce qui est sacré ?"

Une affiche est présentée au public

Cacher la question posée par l'affiche.

  1. Demander aux participants de décrire l'affiche.
  2. Identifier les interprétations comme n'étant pas des descriptions.
  3. Est-ce une description ?
  4. Reprendre la description.
  5. Pourquoi dites-vous qu'il s'agit d'une lumière ou de la vérité ou de la liberté ?
  6. Est-ce encore une description ?
  7. Est-il possible de ne pas interpréter ?
  8. Demander des interprétations justifiées du visuel :
  9. Pourquoi dites-vous que ... ?
  10. Qu'est-ce qui vous permet de dire que ceci est cela ?
  11. Demander aux participants de donner un titre à l'affiche
  12. Pourquoi ce titre ?
  13. Dévoiler le titre
  14. Est-ce un bon titre ?
  15. Qu'est-ce qui pose problème dans le titre proposé ?

Pistes de discussion :

  • Est-il possible de se détacher de nos croyances ?
  • Comment passons nous de nos perceptions à nos interprétations ?
  • Qu'est-ce qu'une croyance ?
  • Comment les identifier et pourquoi ?
  • Est-il possible d'être neutre ?
  • Nos croyances nous engagent-elles ?
  • Qu'impliquent nos croyances ?
  • Quel rapport nos croyances entretiennent-elles avec la vérité, avec la connaissance, avec le savoir ?
  • Pourquoi identifier nos croyances ?

L'affiche est dans ce cas un prétexte à la réflexion autour des croyances, suivant l'objectif de l'identification de cellesci.

Mais d'autres animations sont possibles par exemple avec Philéas et Autobule sur le canevas suivant : http://www.phileasetautobule.be/Les-affiches_a628.html

B) La méthode post-it

1) Premier temps

Distribuer 2 post-it par personne :

  1. Sur le 1er post-it, posez une affirmation au sujet de la thématique qui contienne une seule idée en une seule phrase (par exemple pour moi le travail c'est la santé).
  2. Assurez-vous que cette affirmation soit lisible par quelqu'un d'autre que vous.
  3. Passez votre post-it à votre voisin de gauche.
  4. Assurez-vous que le post-it que vous avez sous les yeux a du sens pour vous. Si non interrogez la personne qui vous l'a transmis.
  5. Sur le second post-it, transformez l'affirmation que vous venez de recevoir en une question philosophique (universelle, abstraite et ouverte au sens de nécessitant une argumentation).
  6. Assurez-vous que la question puisse être lue indépendamment de l'affirmation.
  7. Une fois la question écrite, associez l'affirmation et la question et venez les coller au mur.

2) Deuxième temps

  1. Une personne se lève et choisit un couple de post-it auquel elle n'a pas participé.
  2. Cette personne lit la question et l'affirmation et vérifie que ce couple correspond à la consigne.
  3. Elle justifie son choix.
  4. L'animateur fait intervenir éventuellement les auteurs -pour donner leur avis - faire un commentaire ou clarifier le propos figurant sur les post-it.
  5. La personne propose une réponse à la question.

3) Troisième temps

  1. Les autres participants interviennent et la discussion s'ouvre.
  2. Le participant ayant choisi le couple de post-it devient distributeur de parole.

Exemple de questions-types pour l'animateur :

  • Est-ce bien cela que tu as voulu dire lorsque sur ton post-it tu as affirmé que ... ?
  • Cette question est-elle bien en lien avec l'affirmation ?
  • As-tu identifié des présupposés dans l'affirmation. Lesquels ?
  • Lorsque tu affirmes que ... est-ce la même chose que lorsqu'untel répond à la question en disant que... ?
  • Quelle est votre opinion par rapport à cette prise de position ?
  • Qui suit l'engagement pris par ... lorsqu'il affirme que ? ...

Une fois que cette discussion est terminée, un autre participant choisit un nouveau couple de post-it qui peut permettre d'aller plus loin.

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