Revue

Où en est la philosophie aujourd'hui et que peut-elle ?

Un constat et un paradoxe

La philosophie n'est plus ce qu'elle était, et nous sentons bien qu'elle ne peut plus l'être. Nous parlons de la philosophie vivante, et non de l'histoire de la philosophie, celle que l'Université s'efforce de conserver. Celle qui incarnait, dès son avènement, avec le logos grec, l'ensemble de l'activité de pensée, englobant la totalité du savoir, a vu progressivement son territoire menacé. D'abord par le développement puis la domination des "sciences dures", ensuite par le développement des sciences humaines qui acquièrent leur indépendance dès la moitié du XXème siècle, jusqu'à occuper tout le champ de la pensée dans les années 60. Les "maîtres à penser" de cette période, qui seront ceux de toute une génération, la nôtre, celle de 68, s'appellent Michel Foucault, Louis Althusser, Jacques Lacan, Claude Levi-Strauss, Gilles Deleuze... A part ce dernier, ils expriment la primauté des sciences sociales et de la psychanalyse. L'objet propre de la philosophie semble disparaître, et les pronostics concernant son avenir sont des plus sombres pour la plupart.

Elle s'est d'abord vue confisquer un de ses domaines de prédilection, la nature : il faut bien reconnaître que la "physique" d'Aristote, ou celle du matérialisme épicurien, ou encore celle du stoïcisme, présentent encore un intérêt pour l'histoire de la philosophie, mais sont depuis longtemps reléguées au rang d'intéressantes curiosités, depuis les travaux des physiciens modernes (Galilée, puis Copernic, Newton, etc.). Après avoir été elles-mêmes des branches de la philosophie, elles se sont rapidement émancipées pour établir leurs propres conditions de légitimité, fondant ainsi le statut proprement scientifique de leur démarche. Un problème restait philosophique tant que la science échouait à en rendre compte, mais cessait de l'être quand elle s'en emparait...

Après cette déconvenue avec les sciences "dures", voilà que la philosophie rencontre des difficultés analogues avec les sciences sociales : que devient l'Homme (avec un grand H), alors que la psychologie, la sociologie, la psychologie sociale, la psychanalyse, l'histoire, l'économie, les sciences politiques... etc. décrivent, à partir de leur approche scientifique respective, des hommes concrets et leurs contextes de vie ? Entre une métaphysique qui semble de plus en plus problématique depuis la critique kantienne, reléguée par force dans la catégorie des pensées de nature religieuse, et des sciences dites "humaines" qui revendiquent, à bon droit semble-t-il, l'étude de l'humain, que reste-t-il pour la philosophie ?

Nous parlions de paradoxe : en effet, dans le même temps, malgré ce pronostic très pessimiste, la demande sociale de philosophie ne cesse de croître ces deux dernières décennies... Nous n'en décrirons pas les multiples manifestations (c'est bien connu maintenant). Ce phénomène social et intellectuel a une spécificité très forte : ces préoccupations philosophiques veulent se démarquer des enseignements scolaires et universitaires traditionnels, sortir des murs du lycée et de l'université, au risque parfois d'en oublier l'héritage. S'inspirant résolument du nouveau droit à la parole de tous et de chacun, hérité de "l'esprit 68", dans un principe démocratique de stricte égalité, ces nouvelles activités philosophiques s'ancrent volontiers sur les questions directement "existentielles" vécues par nos contemporains.

A partir de ce constat et de ce paradoxe, nous pouvons dégager deux questions distinctes que nous devons nous attacher à ne pas confondre

Première question : pourquoi une telle résurgence de la philosophie ?

Quelques pistes.

1) Les nouvelles pratiques philosophiques témoignent d'un grand besoin d'expression personnelle, de plus en plus présent chez le nouvel individu contemporain. Il y a une affirmation nouvelle du besoin de communication horizontale entre égaux, cette rupture avec le vieux monde autoritaire, non pas vecteur d'une démocratie nouvelle dans les institutions, mais d'une démocratie dans les têtes et dans les moeurs : "la démocratie tocquevillienne et des rapports sociaux à base de respect mutuel et de tolérance qui vont avec" (Marcel Gauchet).

2) Le processus continue de sortie de la religion (ce que Marce Gauchet appelle "le désenchantement du monde), que nos sociétés modernes vivent depuis plus de deux siècles. C'est le remplacement d'un principe de légitimité hétéronome de composition du collectif (de l'organisation sociale) selon lequel notre existence collective dépend de quelque chose qui la dépasse, antérieur et supérieur à soi, à savoir la puissance divine, par un principe de légitimité autonome, celui de la Modernité, selon lequel il n'y a d'abord que des individus aux droits égaux sur lesquels repose désormais l'avenir : ils doivent s'inventer collectivement dans le temps et sont responsables d'eux-mêmes. Ce processus est allé en s'approfondissant et a longtemps ménagé des compromis, les anciennes formes sociales traditionnelles ayant longtemps hantées les nouvelles ; mais depuis quelques décennies, on assiste au dépérissement de toutes les formes de transcendance qui pouvaient subordonner l'individu à plus haut que lui (par exemple Dieu, mais aussi la Nation, la Classe, ou encore la Famille ou le Progrès...). Tous les encadrements collectifs se dissolvent au profit d'une individualisation de l'existence où chaque sujet est livré à la "libre disposition de lui-même".

3) L'optimisme des Lumières sur les capacités de la science et de la connaissance en général à résoudre les problèmes humains dans leur globalité, que l'on pourrait résumer en parlant de croyance au Progrès, a laissé la place à la perception d'un monde ultra-complexe et très incertain, marqué par la crise de l'avenir ... Le "désenchantement" a aussi affecté la connaissance. Nous avons le sentiment aujourd'hui d'être dépossédé de son cours, soumis malgré nous à des mécanismes automatiques et autorégulés sur lesquels nous n'avons pas (plus ?) de prise. Nous avons le sentiment paradoxal d'être autant autonome individuellement que nous nous sentons impuissants collectivement. Nous savons pourtant que cette société nous mène dans le mur écologiquement, socialement, politiquement.

Nous vivons au sein d'une société réputée être "de la connaissance", et il est vrai que les connaissances spécialisées et les expertises n'ont jamais été aussi développées. Mais les unes et les autres ne nous disent que peu de choses sur le fonctionnement profond de notre société et l'analyse de ses maux.

4) Il semble que la conjoncture actuelle, néolibérale, renforce considérablement cette tendance en privilégiant l'expansion et la valorisation idéologique du modèle de la connaissance scientifique spécialisée, qui a son correspondant sur la scène politique avec le développement de l'expertise ; cela s'accompagne d'une désintellectualisation (les idées ne pèsent plus sur le fonctionnement du collectif ; les experts ont pris la relève des intellectuels), d'une perte de l'influence des idées dans la vie sociale et politique. L'épistémologie implicite de la pensée néo libérale est en effet de considérer qu' il est impossible d'embrasser par la pensée le fonctionnement collectif, et encore plus de vouloir le construire globalement par la volonté, car il obéit à des mécanismes complexes d'autorégulation spontanés ; il faut donc faire place à des savoirs positifs et délimités, directement opératoires, et à leur résultante. Nous avons là le modèle du marché comme modèle généralisé du fonctionnement collectif. Le point de vue d'ensemble s'efface au profit de procédures gestionnaires spécialisées, dans une approche très compartimentée des domaines. La vision libérale correspond à la fois à l'affaiblissement du collectif et à une place de plus en plus grande accordée à l'expertise, à l'évaluation, aux "technologies" en tout genre.

Là est tout le paradoxe : une société où tout conspire à disqualifier le genre de discours que représente la philosophie, et les idées en général, est aussi une société qui dessine en creux un grand besoin de philosophie insatisfait. Entre un rationalisme instrumental triomphant ne s'intéressant qu'à la domination technique et économique du monde, et un irrationalisme quelque peu délirant qui se développe en réaction aux savoirs spécialisés de la techno science (pensons à la mode "new age", aux nouvelles spiritualités plus ou moins de pacotilles, à l'astrologie et autres sciences occultes, qui font florès aujourd'hui), la philosophie apparaît comme la seule à pouvoir nous permettre de réinvestir et reconquérir le champ d'une réflexion qui concerne le monde et notre rapport à lui d'un point de vue global. Elle doit nous aider à relever les nouveaux défis de la pensée du monde d'aujourd'hui.

Résumons : dépérissement des transcendances et autres visions messianiques, isolement de l'individu devant son destin, sentiment d'impuissance par rapport à l'avenir, et société de la connaissance qui s'avère être également une société de la méconnaissance, tout cela concourt à la revitalisation de la philosophie.

Mais que peut-elle vraiment ? La thèse défendue ici voudrait montrer que ces mêmes facteurs qui peuvent éclairer ce besoin grandissant de philosophie (que l'on vient d'évoquer) sont également ceux qui expliquent les nouvelles limites de la philosophie aujourd'hui

Deuxième question : quelle philosophie est possible et légitime aujourd'hui ?

Le fait qu'elle paraît effectivement répondre à un besoin ne suffit pas ipso facto à la légitimer. La question relative à "ce que peut la philosophie aujourd'hui" sous tend celle de savoir quelle philosophie est possible et légitime, et pose conséquemment le problème des rapports entre philosophie et sciences.

Seule la philo se préoccupe de la conduite de nos vies

Le discours philosophique semble donc dépassé, et en même temps un appel insistant dans sa direction se manifeste : pourquoi ? En réalité, cette situation est très frustrante du point de vue de l'intelligence... Le lieu où ce besoin se manifeste avec le plus d'éclat est celui de la conduite de la vie. Aucun savoir profane (et la croyance religieuse, en ces temps de "désenchantement du monde", n'est-elle pas derrière nous ?) ne nous fournit de quoi mener notre existence, étant entendu que le modèle d'action consumériste ne peut être suffisant. La recherche d'une optimisation de nos gains et de notre bien-être, si puissant soit-il, nous laisse malgré tout sur notre faim. S'orienter dans l'existence vis-à-vis de soi, vis-à-vis des autres, vis-à-vis du monde est un type de réflexion d'un tout autre ordre que celle des sciences, même si elle est soumise à une même exigence rationnelle. Idem pour le questionnement bioéthique. La science n'apporte pas de réponse scientifique à la question de son utilisation. Idem dans le domaine politique : les expertises mises bout à bout ne nous disent rien concernant ce que nous faisons globalement ou sur ce qui est en train de se passer, d'où nous venons et où nous allons. C'est une autre démarche que celle des savoirs experts qui ont pris le pouvoir au nom de la science, et qui débouche sur un pilotage à l'aveugle ("démocratie d'impuissance" de sociétés qui ne se gouvernent plus). En réalité, la question de la possibilité d'une philosophie politique, c'est rien moins que la question de la possibilité d'une démocratie au sens plein du terme, c'est-à-dire d'un "gouvernement de soi par soi" (ce qui signifie pouvoir en commun sur son destin). C'est dans cette possibilité, dans le domaine politique comme sur un plan personnel, que réside le caractère indépassable et humainement indispensable de la philosophie. D'où sa renaissance.

Quelle philosophie maintenant ?

Il faudrait montrer maintenant comment l'histoire de la philosophie et ses transformations accompagne l'histoire du désenchantement du monde et de la connaissance en particulier. Mais nous n'avons pas le temps ici de revisiter cette histoire... Disons simplement que la philosophie vivante aujourd'hui ne peut plus ressembler aux grands systèmes de l'histoire de la philosophie ; on ne peut plus philosopher ainsi (même si on doit continuer à les transmettre et les faire vivre à travers notre réflexion actuelle). On sent qu'elle ne peut plus être comme avant ; la philosophie vivante (à distinguer de l'histoire de la philosophie, fort respectable, qui tient d'ailleurs lieu de philosophie à l'université), ne peut plus ressembler aux monuments de la philosophie d'hier ou d'autrefois.

Sommes-nous tenus pour autant à des savoirs spécialisés portant sur des domaines très limités (c'est un peu la tendance aujourd'hui de la philosophie analytique anglo-saxonne) ? Non, car nous sommes toujours ramenés à des questions concernant la globalité de l'expérience, qu'aucune démarche scientifique ne peut nous procurer. Nous avons toujours besoin d'une intelligibilité globale. Pensons par exemple au domaine politique. Nous ne sommes pas obligés de choisir entre "le logicien emmerdant" (Wittgenstein, la philosophie analytique) et celui qui promet la révélation de la vérité de l'être (Husserl, puis Heidegger ou Levinas) ! Nous avons toujours besoin d'un genre de connaissance, mais ce n'est plus de la connaissance de l'être dont il peut s'agir, mais du "domaine humain". Les sciences ne peuvent pas car, par construction, elles découpent des secteurs ou des niveaux de réel là où une intelligibilité d'ensemble serait requise.

Les trois traits de cette philosophie d'aujourd'hui :

  • Connaissance réflexive, connaissance d'un second genre, qui part des savoirs positifs : c'est là qu'est la véritable articulation avec les sciences humaines, comme de la nature ; c'est le point de départ ; la philosophie les suppose. Elle s'appuie sur elles... pour interroger une dimension qu'elles laissent nécessairement échapper.
  • Elle a en propre les instruments logiques que sont en particulier la conceptualisation et l'autoréflexion. Pas de vérification expérimentale, mais "instruments de cohérence et de probation très puissants, au premier rang desquels il faut mettre l'exigence de s'expliquer sur ce qui vous permet de soutenir ce que vous soutenez".
  • Elle est démarche et non pas système, mais demeure une visée d'intelligibilité globale comme elle l'a été dès l'origine. C'est à partir des visées sectorielles des sciences qu'elle déploie cette visée globale : elle tente de saisir comme un tout la réalité, mais à partir des angles de vue particuliers. Tentative de dépassement de cette sectorisation, cette fragmentation, mais qui est un travail par nature inachevable. Car nous avons quitté définitivement l'ordre du cosmos ou du divin et sommes entrés dans l'histoire. M. Gauchet illustre sa thèse et la met à l'épreuve dans le domaine politique, qui est son domaine philosophique de prédilection.

Conclusion

La philosophie est un mode d'élucidation, d'orientation et de jugement par rapport à un ordre de réalité inaccessible par d'autres voies. Nous recourons tous peu ou prou à ce mode de connaissance, mais souvent de manière instinctive et irréfléchie (ce qui n'exclut pas le discernement). La philosophie est simplement l'effort d'explicitation de cette démarche, et l'effort de rigueur dont elle est susceptible en fonction des moyens que nous avons énumérés. La philosophie ne prétend pas se substituer aux connaissances et aux compétences techniques relatives à tel ou tel domaine ; elle doit au contraire s'étayer sur ses savoirs positifs. Cette démarche qui tend à dépasser rationnellement la fragmentation des savoirs et des compétences est par principe partielle, inachevable. Il s'agit d'un effort réflexif, qui exprime le pouvoir réel mais limité de nous comprendre et de nous diriger. Les limites de notre capacité à nous auto-constituer, à nous gouverner nous-mêmes sont les mêmes que les limites de notre travail de réflexion. Cela ne signifie pas, bien entendu, que ces pouvoirs n'existent pas. Cela signifie au contraire qu'il n'y a pas que la résultante aveugle de nos passions ou actions individuelles, mais que nous disposons d'une certaine puissance de nous vouloir individuellement et collectivement en conscience. Ce que peut la philosophie ? Nous donner un peu de pouvoir...

Annexe : Histoire de la philosophie comme histoire du désenchantement du monde

Si l'on essaie de cerner l'identité de la philosophie au milieu de ces transformations, il est nécessaire de faire appel à sa longue histoire. Et l'histoire de la philosophie occidentale se confond avec l'histoire du dé senchantement du monde.

Quelques repères selon M. Gauchet :

L'avènement de la philosophie, c'est avant tout la découverte de la possibilité d'une connaissance du tout cosmique, d'une saisie de la totalité au moyen d'une démarche autonome et rationnelle qui ne tire rien que de son propre fond (contrairement à la religion). "La philosophie c'est la suprême connaissance du point de vue le plus large et le plus haut.". Cette démarche est transposée ensuite dans le christianisme, non sans faire apparaître des difficultés quant à la compatibilité entre raison et volonté divine. Le tournant majeur de ce parcours sera l'émergence de la science galiléenne (début de la pensée moderne). Si, dans un premier temps, la métaphysique classique s'arrange très bien avec cette nouvelle science mathématique et expérimentale (la physique) qu'elle va englober et surplomber (c'est "l'odyssée de l'âge classique" de la philosophie), dans un deuxième temps, c'est une véritable révolution philosophique (avec Kant) qui va être la conséquence de cette révolution scientifique : Kant va mettre en lumière l'impossibilité d'une connaissance métaphysique (suprasensible), et réfléchir sur les conditions qui rendent la science et notre connaissance en général possibles. La physique exclut la métaphysique comme connaissance. En même temps que la connaissance sépare le visible de l'invisible, elle contribue à faire de la philosophie un supplément certes intéressant mais qui ne correspond plus à son ancien statut souverain (en tant que science de toute chose). Nous sommes toujours en train de tirer les conséquences de cette révolution en ce qui concerne l'évolution de la philosophie.

Cela ne va pas empêcher que dans son sillage, un nouveau courant de la philosophie renoue avec un nouveau cycle métaphysique, à partir de l'idée d'une connaissance intuitive de l'esprit par lui-même (Hegel : la capacité qu'à l'esprit de se connaître lui-même). L'idéalisme hegelien représente l'archétype parfait de cette connaissance rationnelle de la totalité de ce qui est, de ce système qui propose une appréhension cohérente de "l'Un tout" : la réalisation immanente de l'Esprit dans la nature et dans l'Histoire.

Mais le désenchantement du monde continue, et c'est le matérialisme de Marx qui, avec son renversement de la dialectique hegelienne, renvoie ce dernier dans un passé religieux révolu. Dans cet esprit, nous pouvons dire que le projet intellectuel le plus significatif du début du XXe siècle est celui de la substitution de la science positive à la métaphysique. Il ne s'agit plus de compléter la science par la philosophie (comme chez Descartes ou Leibnitz), mais de remplacer la philosophie par la science (c'est le projet du cercle de Vienne par exemple, au nom du "positivisme logique"). Le "scientisme" va se déployer, pensant venir à bout des "énigmes de l'univers".

Mais cela ne va pas durer : la crise de la Science ainsi entendue, la crise des fondements de la connaissance, va être la matrice intellectuelle de tout le XXe. Désormais, aucun scientifique ne va plus prétendre qu'il peut accéder à la nature ultime des phénomènes, ou embrasser le Tout. D'où à partir de là, deux lignes dominantes de la philosophie au XXème siècle :

Une ligne critique et épistémologique (qui réactive sur d'autres bases l'entreprise kantienne) : c'est la philosophie analytique anglo-saxonne qui réfléchit sur les instruments de la connaissance et leurs limites : philosophie du langage, philosophie de la logique

Mais surtout une ligne positive prétendant restituer à la philosophie son ancien statut et objet, c'est-à-dire la vérité profonde du monde ou de notre présence au monde : exemples de l'intuition et l'élan vital bergsoniens, du "retour aux choses mêmes" de la phénoménologie husserlienne, de la pensée de l'être chez Heidegger.

Selon Gauchet, malgré les promesses de la face cachée de l'être de la seconde ligne (n'est-il pas plus enthousiasmant de s'intéresser à la révélation de la vérité de l'être avec Heidegger, Levinas, qu'aux laborieuses questions de logique ?), Wittgenstein et la philosophie analytique font davantage recette ; car l'expérience montrerait que la seconde piste a été finalement un échec, et qu'elle n'a pas dévoilée grand-chose (c'est en tout cas l'hypothèse de Marcel Gauchet). Ce qui peut étayer ce jugement, c'est qu'effectivement toute prétention à vouloir atteindre l'absolu se heurte de plein fouet au processus de radicalisation de la sortie de la religion qui caractérise notre histoire récente (en lien politiquement avec la résurgence du libéralisme). Ces philosophies représenteraient, selon MG, "le dernier surgeon de la grande ambition philosophique".

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