Revue

Transcription de la consultation Tozzi-Guichardan d'après enregistrement audio

Pour donner à voir ce qu'est une consultation philosophique, une transcription peut être utile, et matière à analyse...

Un atelier de consultation philosophique a été proposé au séminaire de pratiques philosophiques à Sorèze en juillet 2014 par Francis Tolmer (Voir le compte rendu du séminaire dans Diotime n° 63, janvier 2015). Un travail en groupes de quatre personnes fut proposé (Consultant, consulté, et deux observateurs).Ci-dessous le verbatim de l'un des groupes.

  1. Michel : On doit choisir un consultant, une personne qui consulte, un observateur. Il serait intéressant que les observateurs s'inspirent du tableau des opérations de pensées qu'a préparé Francis. Je veux bien m'entraîner à la fonction de consultant.
  2. Eva : Moi, je veux bien pointer des observations.
  3. Patrick : Je me sens assez neutre pour "consulter" (consulté).
  4. René : oui, moi également. (Rires) (Quelques minutes d'hésitation pour attribuer les rôles)
  5. René > à Patrick : Si tu as des questions qui "t'habitent", on peut essayer ?
  6. Patrick : Sans plus, pas vraiment.
  7. Michel > à René: Et toi, tu aurais une question ?
  8. René : Si je cherche comme ça, je prendrais cette question quoi : pourquoi, pourquoi je suis là, et par rapport à ce qu'on y fait quoi...savoir ce qu'on y fait...D'une certaine manière, on apprend autant à philosopher, qu'à interagir de façon à ce qu'on augmente notre capacité à philosopher. Mais c'est même pas une question à vrai dire...je suis intéressé par ça...
  9. Michel : C'est une question ?
  10. René : Bah je dis simplement mon intérêt alors je... Pour le coup, ce n'est même pas une question. Je suis intéressé par le fait qu'on apprenne à la fois à philosopher, en ce sens à se poser des questions, et à le faire avec d'autres. Alors peut être la question que je peux poser, c'est...
  11. Michel : Voilà on peut commencer (Rires des participants)
  12. René : Donc la question que je me pose, c'est que j'ai parfois le sentiment que la capacité à philosopher, à avoir une verticalité, n'est pas, certes elle n'est pas égale chez tout le monde, mais je me demande si elle est possible pour chacun ?
  13. Michel : Donc, ce serait ça finalement un petit peu ta question c'est : est-ce que philosopher c'est possible pour chacun ? C'est ça ?
  14. René : Oui, c'est ça. Oui, oui, enfin...oui
  15. Michel : D'accord...Alors, pourquoi tu te poses cette question finalement ?
  16. René : Parce que...des gens me semblent avoir une pensée de type circulaire même s'ils évoquent l'image de spirale... je ne vois pas en quoi cette pensée acquiert ce que moi j'appelle la "verticalité" ?
  17. Michel : Donc tu as des doutes ? En fait...
  18. René: Oui, oui
  19. Michel: Est-ce que philosopher c'est possible pour chacun...
  20. René: oui
  21. Michel: Tu aurais une réponse là-dessus ?
  22. Michel : (inaudible) émettre une hypothèse ?
  23. René : Oui...oui
  24. Michel : Quelle serait ta réponse d'abord ?
  25. René : j'ai...j'ai
  26. Michel: Plutôt oui, plutôt non ?
  27. René : J'ai une réponse qui serait "plutôt non".
  28. Michel : ah, plutôt non...d'accord... tu peux expliquer pourquoi ?
  29. René : Parce que la pensée semble circulaire...le développement de la pensée de certaines personnes semble circulaire
  30. Michel : Alors, circulaire...Pour toi ça veut dire quoi exactement ?
  31. René : Elle tourne en rond, on revient à des explications qui ne sont pas plus "explicatives" que ce qui a été énoncé auparavant.
  32. Michel : Tourner en rond c'est une métaphore assez intéressante, comment tu pourrais... l'exprimer ? Tourner en rond, c'est quoi finalement ?
  33. René : C'est revenir à une explication qui n'éclaircit pas la demande qui a été faite auparavant...je pourrais trouver des exemples...pas comme ça, immédiatement...
  34. Michel : Donc il n'y aurait pas de progrès ou d'étape. C'est ça un peu l'idée ? On revient au point de départ, c'est ça ? L'idée de tourner en rond...(5'07")
  35. René : Oui...où on ne revient pas à plus de clarté...on a l'impression que voilà, on ne prend pas plus de recul...
  36. Michel : Est-ce que tu aurais un exemple ? Qui pourrait illustrer cette circularité, vicieuse hein...c'est un peu un cercle vicieux...
  37. René : Oui...J'essaie de trouver parce que...on a...comme ça immédiatement je ne vois pas...
  38. Michel : tu as des exemples, par exemple je ne sais pas moi au café philo des gens feraient que répéter disons la même chose...
  39. René : Oui, au café philo, y'a certaines routines, y'a... je pense à une personne quand on évoque des problèmes de société, ou d'écologie dit : L'homme va disparaître, donc l'homme n'est pas un problème, et on n'a rien à faire de l'homme."...Mais enfin bon, moi je dis : Mais enfin les problèmes sont posés à nous et (inaudible)...enfin bref
  40. Michel : Et tu penses que cette personne-là donc elle répète toujours la même chose, elle ne progresse pas dans sa pensée, elle tourne en rond ? 6'18"
  41. René : Oui...
  42. Michel: c'est cet exemple là que tu donnerais...
  43. René : oui, oui...il y a une intériorisation qu'elle ne saisit pas, une intériorisation d'elle-même... qu'elle ne saisit pas
  44. Michel : Qu'est-ce que tu entends par là, intériorisation ?
  45. René : C'est comme y'a...(petit rire) y'a un rapport au dialogue avec elle-même, qu'elle ne saisit pas, elle est toujours dans une extériorité des explications : L'homme est ceci, l'homme est cela, les choses sont comme ça, les animaux sont comme ça, nous sommes des animaux... Et le questionnement ne revient pas sur la...sur les explications que la personne se donne par rapport à elle-même...
  46. Michel : Et qu'est-ce qui, à ton avis, permettrait finalement donc ... de sortir finalement de "tourner en rond" ? (Moment de silence 7' à 7'13")
  47. René : Je...moi parfois je...je...je pose un paradoxe, un paradoxe ou la question, puisque le problème se pose à nous...un problème qui se pose et pour lequel l'homme n'est pas là, est ce que c'est encore un problème ? C'est un problème pour qui ? Ou est-ce que c'est un problème de type purement intellectuel, théorique ?...qui peut être intéressant en soi mais ça va nous sortir... du problème de base qui est notre rapport à l'écologie...ou à la société
  48. Michel : Donc qu'est-ce qui permettrait alors de sortir de cette espèce de stagnation de la pensée ? (8'01")
  49. René : Personnellement, je ne vois pas...alors après si je suis plus attentif (inaudible) à ce cas, il m'a semblé que au long des mois cette personne, venait, repartait...qu'elle mettait "un peu d'eau dans son vin".
  50. Michel : Ah elle "mettait de l'eau dans son vin", encore une métaphore (rires), qu'est-ce que cela veut dire mettre de l'eau dans son vin ? Est-ce que cela veut dire qu'elle ne tournait pas tout à fait en rond ou... ?
  51. René : ... que parfois elle retenait... ses arguments... pour laisser un peu plus d'espace à la discussion.
  52. Michel : D'accord. Qu'est-ce qui entraînait ce fait que précisément il y avait un petit déplacement peut-être de son point de vue ?
  53. René : moi il m'a semblé que parfois cette personne, je parle de cette personne finalement, se vexait du rapport au groupe...c'est-à-dire que le groupe parfois ne reconnaissait pas la question, aussi...et là la personne ça la...elle devenait excédée, comme elle se mettait des points, se mettait des limites, passé un certain temps, j'ai... cette personne m'a expliqué après, elle se dit : j'arrête parce que ...elle attendait quelquefois plusieurs mois avant de revenir
  54. Michel : Tu as quand même dit qu'elle avait de temps en temps...qu'il y avait place un peu pour une ouverture ou quelque part...(9'37")
  55. René : Oui.
  56. Michel : Tu as une hypothèse là-dessus ? Dans ces cas là, par rapport à...
  57. René : moi j'ai tendance à penser qu'il y a des "divisions structurelles" dans l'individu. C'est-à-dire qu'on n'accepte pas tous facilement ses propres...profondeur. 10mn
  58. Michel : Là tu expliques plutôt ce qui entraînerait la fermeture... Ce qui serait intéressant c'est de voir ce qui entraînerait l'ouverture. Tu as bien dit à un moment donné tu avais l'impression qu'il y avait quelque chose qui se débloquait, ou qui s'ouvrait...(Silence 8", moment d'émotion)
  59. Michel : Oui... Tu as expérimenté toi-même ces situations, où des fois il y avait quelque chose qui s'ouvrait alors que tout était disons...fermé.... ?
  60. René : (se reprend par rapport à ses émotions) excuse moi...
  61. Michel : non non, mais il n'y a pas de problème, j'accueille l'émotion. Silence.
  62. Michel : Ça te touche quelque part ça ?
  63. René : oui...
  64. Michel : ...Tu accueilles en toi disons l'émotion, et puis tu te demandes finalement ...d'où ça vient ? D'où ça...certainement des situations ou des souvenirs...
  65. René : Moi-même, j'expérimente rarement...parce qu'il y a rarement des situations d'écoute en fait... (silence)
  66. Michel : Et quand il y a situation d'écoute, ça change quelque chose ?
  67. René : Cela permet une évocation plus libre de soi...
  68. Michel : Et par rapport à l'élaboration de sa propre pensée, du fait de se sentir par exemple écouté, et compris, est-ce que cela a des effets ?
  69. René : Je pense que ça donne des capacités de mieux s'approprier, de mieux s'appartenir, ou de.... (12'11") C'est comme si les registres de la souffrance étaient des registres qui n'avaient pas été symbolisés, et donc qui échappent finalement à notre propre conscience.
  70. Michel : Et alors la mise en mots précisément de ces choses-là, dans la mesure où on a quelqu'un qui peut écouter disons en face, ça change les choses ? ça permet des évolutions ?
  71. René : Oui...oui certainement...oui, bien sûr...parce qu'il y a une situation d'évocation alors... Mais là, ce qui m'étonne c'est que je parlais d'une personne...
  72. Michel : oui.
  73. René : mais pour le coup, ce qui apparait, c'est une relation entre guillemets de "transfert", c'est-à-dire que...moi, la manière d'interpréter cette personne...c'est que...àvrai dire, je la vois comme ça : c'est-à-dire qu'il y a des "registres" de souffrance qui sont insupportables pour elle, donc elle est toujours en extériorité...et...mais je parle de moi !(Eclat de rires)13mn09
  74. Michel : (inaudible) on parle toujours de soi...
  75. René : Alors, peut-être c'est vrai pour elle, mais peut-être, je ne sais pas...finalement
  76. Michel : Alors...ça peut être intéressant de chercher à ce moment-là donc quelles sont les conditions qui favoriseraient donc une "évolution"...une évolution ... Tu parlais de l'écoute, est-ce que l'écoute, par exemple, pourrait favoriser quelque part disons une évolution ?
  77. René : Donc, là, moi j'ai été un peu surpris par ma propre émotion, et je vois que ce qui l'a favorisé, c'est une disposition d'écoute, surement, et y'a un petit groupe. Donc y'a peut-être que...inconsciemment, je dis inconsciemment parce que je ne l'ai pas formulé comme ça, j'ai de l'estime pour vous, j'aime bien tes interventions (s'adresse à Michel), je trouve que tu as aussi de l'écoute, je sais que toi tu es dans une relation aussi thérapeutique...alors je ne sais pas jusqu'à quel point ça a compté... je ne sais pas... c'est comme ça, donc y'a un rapport à l'intimité qui est possible...
  78. Michel : Est-ce que ça c'est un facteur qui pourrait favoriser l'évolution de la pensée, donc pas seulement des affects, mais du concept ?
  79. René : Oui, oui, je vois..
  80. Michel : Finalement, est-ce qu'un certain travail sur les affects pourrait aider au désir de philosopher ? C'est de ça qu'il est question...Est-ce que philosopher est possible pour chacun ? C'est ça la question de départ que tu as posée...
  81. René : A vrai dire je me pose la question, en ce sens que les affects...étant.. est-ce que c'est plus libérés, ou plus détendus... est-ce que ça permet de philosopher davantage ? A vrai dire je n'ai pas d'affirmation...parce que il me semble que les personnes se libèrent, donc vont mieux...mais je ne suis pas sûr que ça rajoute de la cognition quoi en fait, de la...de la pensée 15'20"
  82. Michel : Donc, quand on dit : est-ce que philosopher c'est possible pour chacun ? C'est ça donc ? A un moment donné on rencontre donc la question disons...des "affects", on se demande à ce moment là si l'écoute par exemple des affects ça peut...ça peut favoriser cette conceptualisation ? Et toi tu t'interroges là-dessus et tu n'en est pas sûr ?
  83. René : Oui, j'ai l'impression qu'il faut un effort supplémentaire pour rajouter de la pensée, pour ajouter une "prise de conscience" de ce qui se passe, ou pour repenser...oui, "se repenser", je ne sais pas...
  84. Michel : Qu'est-ce que ce serait ce "plus", ou cet "autre" qu'il faudrait rajouter ?
  85. René : J'ai le sentiment que pour philosopher il faut une forme d'exigence avec soi-même, de construire de la cohérence...et...16'21"
  86. Michel : Alors, ça voudrait dire que ..."est-ce que philosopher c'est possible pour chacun ?" c'est-à-dire si ce n'est pas possible pour certains, puisque c'est pas possible pour chacun, ce serait donc impossible pour certain...
  87. René : oui
  88. Michel : ce serait cette absence de cohérence disons de la pensée ? Ce serait ça...ton hypothèse ? Silence hésitant.
  89. Michel : On était parti sur l'hypothèse que ce serait le fait de ne pas être écouté, là, on partirait sur une autre hypothèse, ce serait le fait de manquer de cohérence et de rigueur.
  90. René : Oui, ça ce serait... un empêchement, parce que à ce moment là rien ne tient à la personne, elle peut penser comme elle veut, cela n'a pas de conséquence sur elle...
  91. Michel : Tu peux expliquer en quoi la cohérence, "ça tient la personne "ou ça nous tient...
  92. René : (silence) La cohérence répond à un certain ordre à une certaine régulation de la pensée qui, si elle n'est pas mise en oeuvre, si elle n'est pas pensée...permet de penser dans tous les sens... sans forcément qu'il y ait une construction de sens quoi en fait...
  93. Michel : Est-ce qu'on peut être aidé précisément quand on n'a pas beaucoup de cohérence d'après toi ?
  94. René : ...Oui, si la personne pense que la notion de cohérence est importante dans la construction de soi... Si elle pense que non...puisque tout est possible, je me demande si ça entraine...ça empêche la discussion puisque tout est possible alors à quoi ça sert de discuter ?
  95. Michel : Parfois, tu parles de construction de soi, parfois de construction de l'homme et de sa pensée, est-ce que c'est la même chose pour toi ?
  96. René : Oui, je vois un rapport...oui, oui, sur la construction de sa pensée, oui...C'est ce que j'appelle un peu de "verticalité" quoi, si y'a pas de verticalité on ne tient pas droit, on...
  97. Michel : Mais alors est-ce qu'il peut y avoir des "tuteurs", "tuteurs", encore une métaphore ? 18'45
  98. René : Oui...C'est là où je vois les retours du groupe, des autres...Comment ils visent à éclairer son propre propos...donc est-ce que soi même on accepte d'être observateur de sa propre pensée, de ses fonctionnements ? Comment ça s'aligne en nous ? Comment...
  99. Michel : Ce serait une autre hypothèse que tu fais : si pour certains philosopher n'est pas possible, c'est parce qu'il n'y aurait pas de possibilité d'observer le fonctionnement de sa propre pensée ? Ce serait ça ?
  100. René : Il y aurait quelque chose comme ça, oui.
  101. Michel : Est-ce que les autres peuvent aider précisément à observer ce fonctionnement ? 19'30"
  102. René : J'ai l'impression qu'il faut qu'il y ait une demande de la personne... Qu'elle... cette demande implicite, ou explicite...
  103. Michel : Alors comme toi tu poses la question "est-ce que philosopher c'est possible pour chacun ?" Alors est-ce que c'est une question disons de désir ? Puisque tu as l'air de dire il faut qu'il y ait une demande quelque part...
  104. René : Oui, il faut qu'il y ait une volonté. Oui.
  105. Michel : C'est parce qu'il n'y aurait pas ce désir qu'à ce moment là, pour certains, l'action de "philosopher" ne se produit pas ? C'est ça ton hypothèse ?
  106. René : Oui. Mais ensuite la proposition me pose problème car bien des personnes ...moi j'ai le sentiment qu'elles font malgré tout exercice de philosophie...elles font exercice de philosophie mais c'est comme si ça ne parvenait pas à construire quelque chose...
  107. Michel : Tu veux dire : il y a le désir, mais ça n'arrive pas à conclure...
  108. René : oui, oui...
  109. Michel : Et pourquoi ? 20'20"
  110. René : (rire) Pour...pour...(silence) non en fait je ne sais pas...hier, je posais la question : est-ce que les stoïciens ont la philosophie de leurs concepts ? Ou...Donc est-ce qu'ils se construisent une philosophie en rapport avec des affects qui sont du type "inhibé" donc ils construisent une philosophie qui correspond à des affects inhibés, ou est-ce que c'est la philosophie qu'ils ont qui les conduit à avoir des affects qu'ils inhibent ? Donc là y'a un système de renvoi et, je me demande si on est pris là-dedans, comment fait-on pour avoir un éclairage ?
  111. Michel : Tu ré-introduis l'affect de nouveau ... disant que, quelque part, donc la relation entre nos affects, et puis notre désir de philosopher, ou la construction d'une cohérence disons de la pensée...
  112. René : Oui, oui, je ramène ça parce qu'il me semble qu'il y a des personnes, enfin pour moi de toute évidence, sont sincères, ce n'est pas pour ça qu'elles ne tournent pas en rond...des fois j'ai le sentiment que ça renvoie à un affect qui est tellement déstructuré que avec sincérité ou authenticité on ne voit rien d'autre que la production de son propre affect qui est déstructuré...et...donc ça c'est un problème quoi en fait. Peut-être c'est là où il me semble que la personne doit prendre un appui qui n'est plus elle-même, parce que même elle-même c'est pas viable...
  113. Michel : Donc il faudrait quelque part une "extériorité" c'est ça ?... une aide extérieure ?
  114. René : Oui, car son affect n'est pas fiable, sa pensée n'est pas fiable, y'a rien qu'est fiable. (Rires) C'est un sacré problème parce que... On n'est pas fiable, je ne sais pas, je trouve que c'est un problème, c'est...
  115. Michel : Mais en quoi précisément donc l'autre on va dire, ou l'extériorité, ce point disons extérieur peut me rendre plus fiable à moi-même ?
  116. René : ...Peut-être parce qu'on y perçoit je dirais ou une forme de "bienveillance", ou une forme de cohérence qui nous dise : "Tiens ça à l'air de tenir un peu mieux...que tout ce que j'ai expérimenté ou tout ce que j'ai pu voir jusqu'à présent..." Donc...peut-être une notion d'ancrage...
  117. Michel : Il me semble qu'il y a trois pôles dans ce que tu dis (24'). Y'a un peu le... donc pôle des affects... Quelque par ça pourrait être à la fois une motivation, parce que tu parlais du désir, sans le désir de philosopher, le philosopher n'aurait pas lieu...Ensuite le deuxième pôle c'est tout ce que tu mets autour de "l'ancrage", d'un point d'ancrage disons un petit peu donc extérieur, avec un certain nombre d'éléments donc : écoute, qui a semblé à un moment donné très importante, maintenant tu viens de prononcer le mot de "bienveillance", donc ça ça semble important, et puis le troisième pôle, c'est la cohérence, c'est-à-dire l'idée qu'il faut une certaine rigueur, une certaine logique. Le problème c'est de savoir donc un petit peu comment tout ça disons s'articule puisque tu dis, d'une part, que le désir est nécessaire, mais il n'est quand même pas disons suffisant. Il faut quand même qu'il y ait quelque chose qui parte de moi, mais ce n'est pas suffisant puisqu'il faut disons un ancrage sur l'autre quand on tourne un petit peu en rond, quand les affects nous submergent... Donc comment tu pourrais articuler je dirais : désir personnel, écoute ou appui sur l'autre, et puis ensuite, cohérence interne de la pensée et du soi puisque tu as dit construction de soi et construction de sa pensée sont très liés...
  118. René : Oui...oui...Il me semble que le "retour sur soi" est permis par les propositions de l'autre, tant sur le plan d'une forme de reconnaissance des affect, ou d'une pensée qui aide à se construire. Donc y'a un processus comme ça...
  119. Michel : Donc là, tu as prononcé un nouveau mot "reconnaissance", reconnaissance par l'autre...C'est certainement un mot important comme "bienveillance", "ancrage", "écoute". Donc c'est-à-dire qu'on parait s'appuyer sur l'autre, mais en même temps ce n'est pas simplement un point d'appui disons.... "affectif", c'est aussi la source d'une exigence de rigueur.
  120. René : Oui.
  121. Michel : C'est ça un peu l'articulation ? 27mn
  122. René : Oui, et puis ça propose un retour qui permet de se reconnaître aussi. C'est-à-dire que l'autre reconnaît quelque chose, qui moi, permet aussi de reconnaître quelque chose...y'a....
  123. Michel : Si tu devais un peu reformuler là où tu en es de ton propre cheminement par rapport à la question : est-ce que philosopher c'est possible pour chacun, où en es-tu, qu'est-ce que tu dirais ?
  124. René : C'est possible avec beaucoup de conditions. (Rires)
  125. Michel : Tout à l'heure, tu disais "est-ce que philosopher c'est possible pour chacun" ta réponse c'était "plutôt non", ce qui voulait dire que c'était impossible donc en tout cas pour certains. Et actuellement, tu es en train de dire.... ?
  126. René : C'est éventuellement possible, avec beaucoup de conditions, oui y'a des conditions, y'a des conditions...
  127. Michel : Et ces conditions, tu peux les énumérer ?
  128. René : Donc des conditions d'écoute, de reconnaissance, de reformulation. Donc d'écoute des affects qui permette le sentiment de reconnaissance... de la personne par le thérapeute et puis de la personne par rapport à elle-même, c'est-à-dire je me reconnais dans...et puis des conditions "cognitives" de pensée, qui font que je trouve une cohérence à ce qui se dit, ça permet finalement un sentiment de construction...et puis, voilà ultimement est-ce que cette personne peut avoir le sentiment...est-ce qu'il est bénéfique que cette personne fasse ce travail là...il faut qu'elle perçoive qu'il y a un intérêt, que ce travail là, qu'il se fasse de manière délibérée ou un peu accidentelle, soit perçu comme quelque chose qui finalement avance, donne le sentiment qu'on reçoit, ou qu'on...que quelque chose se passe en elle...
  129. Michel : Alors est-ce que finalement pour conclure, il nous faut garder un petit quart d'heure pour en discuter. Est-ce que les conditions que tu viens d'énumérer te semblaient réunies dans notre dialogue ?
  130. René : y'a...Il me semble que la volonté finalement de philosopher appartient malgré tout à celui qui se dispose à le... peut-être vouloir le faire. Délibérément ou pas forcément délibérément...mais qu'il y a un processus comme ça, qu'il veuille peut-être ou comprendre ou s'en sortir...il faut qu'il y ait un désir de comprendre, autrement...(29'56")
  131. Michel: OK... merci de t'être prêté à ça
  132. René : non merci à toi, merci à vous parce que c'est ...je veux dire c'est même plutôt (inaudible)...vous êtes restés très discrets...
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