Revue

Belgique - Les parasites : un nouveau dispositif pour penser le travail et le chômage

Introduction

Dans la perspective de construire de nouvelles pratiques philosophiques, PhiloCité propose un dispositif mixte visant à faire émerger une parole réfléchie sur le travail et le chômage. L'outil a pour particularités de mélanger plusieurs types d'expression : atelier de DVDP (pour rappel "Discussion à Visée Démocratique et Philosophique", de A. Delsol, S. Connac et M. Tozzi), ainsi que des exercices d'argumentation écrite et orale, du dessin et des moments d'écriture.

Nous tentons de travailler collectivement sur nos projets et nous avons la chance d'être sept travailleurs réguliers à PhiloCité pour animer des ateliers de discussion philosophique, former à l'animation de discussions philosophiques selon quatre méthodes (DVDP, CRP de Lipman, ARCH de Lévine et maïeutique de Brenifier) et analyser nos pratiques dans des séminaires de réflexions bi-mensuels.

Le projet Parasite a été pensé collectivement, avec la participation de presque toute l'équipe de PhiloCité (en l'occurrence : Stéphanie Franck, Gaëlle Jeanmart, Guillaume Damit, Denis Pieret et Thierry Müller). Nous avons visionné ensemble un court-métrage d'interviews de chômeurs qui sert de support à l'animation, puis nous avons choisi de le découper selon une dizaine de grands thèmes qui le traversaient et nous avons établi collectivement des plans de discussion pour chacune des thématiques isolées. Ensuite, deux d'entre nous (Stéphanie Franck et Thierry Müller) ont élaboré des fiches informatives visant à nourrir l'animation à partir des sciences sociales, accompagnées d'exercices. Un premier test a été fait en petit public à l'occasion d'une "commande" par une bibliothèque municipale. Ce test a été suivi d'une évaluation en équipe. Un second test a été fait lors d'une rencontre de praticiens à Peyriac-de-Mer, où l'équipe de PhiloCité travaillait en mai dernier avec Michel Tozzi notamment. Une ré-évaluation collective du dispositif a suivi sur place et encore en équipe, à notre retour à Liège. Le dispositif global a ainsi été modifié et affiné. Nous en sommes maintenant à une étape d'intégration progressive de nouveaux animateurs, afin de constituer un staff d'animation professionnels/ bénévoles motivés par la thématique générale du dispositif, en parallèle à la mise en place d'un troisième test "tout public", qui sera mené lors d'un Festival de luttes à Liège, fin août prochain ?

Ce va-et-vient, appliqué aussi à l'écriture du présent article1, est exemplatif de notre pratique institutionnelle, où se succèdent expérimentations " in situ", menées ici par un trio d'animateurs composé au départ d'une professionnelle et de deux bénévoles formés par nos soins, et exercices ensuite d'une réflexivité assumée par toute l'équipe et portant sur la pratique même en cours d'élaboration. Dans cet article, nous vous présenterons d'abord les enjeux et objectifs de ce dispositif. Dans un deuxième temps, nous décrirons méthodologiquement l'outil et mettrons en évidence sa spécificité. Nous en relaterons quelques points forts qu'ont révélés les premières expériences déjà vécues jusqu'à maintenant. Nous pourrons enfin conclure en vous proposant en annexes et à titre d'illustration une fiche thématique à l'intention de l'équipe d'animation, une fiche informative, un exercice avec ses consignes et quelques réalisations écrites des participants.

I) Objectifs de l'outil 

L'ambition qui sous-tend notre projet à PhiloCité est de diffuser dans l'espace public les outils de la philosophie à partir d'une réflexion sur des sujets du quotidien ou des thèmes issus de la tradition philosophique. C'est l'actualité belge qui nous a donné cette fois l'occasion de questionner philosophiquement le travail et le chômage. En effet, en 2015, la Belgique franchissait un nouvelle étape dans sa rupture par rapport à l'héritage du pacte social de 1944. Dès le 1er janvier, des milliers de travailleurs hors emploi se sont retrouvés exclus du système d'allocations de chômage pour "fin de droit" alors que, jusque là, fait unique en Europe, celles-ci étaient illimitées dans le temps. Ce qui nous a paru être une nette régression sociale se préparait en réalité depuis une dizaine d'années à travers le déploiement institutionnel du concept d'"Etat Social Actif" en lieu et place de celui d'"Etat Providence", jugé par certains experts et politiciens comme désuet et économiquement handicapant.

Cette "évolution" s'est traduite par la mise en oeuvre d'une série de mesures et de pratiques instruites par les gouvernements successifs tant dans le domaine de l'emploi et du chômage, que dans celui de la formation. L'objectif, selon le discours politique, consistait à dynamiser le marché du travail et pour ce faire à transformer ces "dépenses passives" qu'étaient jusque là les prestations sociales en matière de chômage en "dépenses actives", c'est-à-dire en investissements productifs opérés par la société sur les bénéficiaires d'allocation de chômage. Dans la mise en oeuvre, activer les dépenses chômage se traduira évidemment de facto par ce que l'on appellera vite "l'activation des chômeurs" eux-mêmes, invités à se percevoir désormais comme personnellement responsables de valoriser au mieux le coût qu'ils représentent pour la société. Les effets de ces changements de gouvernance sur les vies des gens au chômage, sont évidemment considérables, mais cette innovation sémantique a aussi des effets dans la pensée générale qui innerve l'ensemble du corps social : activer les chômeurs, contrôler l'"activation de leur comportement de recherche d'emploi" (c'est le nom que l'Onem, le Pôle Emploi belge, donne aux contrôles qu'il exerce régulièrement sur les chômeurs), donne à penser que ces gens seraient spontanément des inactifs, des êtres passifs, qui ne produisent rien ni d'économiquement reconnu ni de socialement utile... Les syndicats eux-mêmes utilisent en permanence ces deux qualificatifs : il y a les travailleurs "actifs", qui ont un emploi, et les "inactifs", qui n'en ont pas et doivent en chercher. Le vocabulaire, on le voit, est porteur de préconceptions parfois très idéologiques, auxquelles il est indispensable de prêter une certaine attention pour ne pas les véhiculer sans distance ni conscience. C'est à cet éveil critique que prétend participer notre dispositif d'animation.

Pour PhiloCité, sortir de la tension d'un discours sur le travail considéré d'évidence soit comme vecteur d'émancipation soit comme pratique d'aliénation devenait un enjeu d'une puissante actualité et d'une certaine urgence politique aussi. En pratiquant des ateliers collectifs de discussions philosophiques sur cette thématique, nous avons pu mesurer à quel point le concept de "travail" ne peut pas être pensé comme une catégorie universelle, car il revêt une multitude de significations possibles (pour n'en citer que quelques-unes : une activité humaine essentielle, un facteur de production dans une économie marchande, l'acte fondateur du lien social, une invention historique/institution...). C'est dans cette volonté de réfléchir aux conditions de possibilités même du langage pour désigner cette réalité que nous avons conçu cet outil mixte. L'approche consiste à enquêter sur les présupposés et la légitimité du vocabulaire que nous utilisons quand nous parlons de "travail" ou de "chômage", de façon à démystifier les mots du pouvoir. Elle consiste aussi à lier les discours et les pratiques sur le travail aux systèmes politiques, économiques et sociaux qui les sous-tendent historiquement. On ne peut pas juste prétendre avoir un discours "informé" ou "scientifique" sur le travail, sans interroger soigneusement les idéologies de gauche ou de droite qui sous-tendent même la science lorsqu'elle se penche sur des objets aux enjeux socio-économiques aussi puissants que le travail et le chômage. Un enjeu de la réflexion collective que stimule le dispositif "Les Parasites" est donc de dénaturaliser certaines conceptions pour exhiber les processus de domination et les déterminismes économiques, sociaux, idéologiques dont ils sont porteurs et qui influencent les destinées individuelles. Le recours constant de certains économistes et de certains journalistes à une terminologie de type scientifique, climatique, physique ou psychologique, pour nommer, et ainsi "objectiver", "naturaliser" des phénomènes qui relèvent de pures décisions politiques, de choix économiques ou de spéculations subjectives, est à cet égard éloquent et, hélas, performatif. Certaines formules sont de véritables perles telle que "la consommation est en berne", et puis "les marchés sont inquiets", "il faut donc les rassurer"... et on nous parle d'emprunts toxiques, de bourses qui connaissent de véritables tempêtes ou ras-de-marée, ou encore de marchés qui digèrent mal un refroidissement, voire une crispation de la consommation. Dans le jeu de ces métaphores passe en douce toute une conception de l'économie qu'on ne questionne plus et à partir de laquelle on pose les problèmes, qu'il s'agit donc de résoudre dans le paradigme classique, lui-même non questionné, et même inapparent.

II) Description et méthodologie de l'outil. Penser le travail et le chômage à partir du film documentaire : "Les Parasites"

A) Le support

"Les Parasites", c'est précisément le nom d'un documentaire d'un vingtaine de minutes, co-produit par Instants Productions et réalisé par Patrick Séverin, jeune réalisateur liégeois très sensible aux problématiques d'exclusion et de précarisation. Il a notamment réalisé une série de capsules sur la thématique de la pauvreté, du travail dans le capitalisme contemporain et sur des personnes précarisées bénévoles dans un centre d'accueil pour sans abri2, toujours avec une pointe de provocation3. "Les Parasites" a été créé à l'initiative du collectif liégeois Riposte.cte, qui se bat contre les mesures récentes ayant en Belgique considérablement réduit les droits au chômage. Il se voulait être un outil de sensibilisation et de mobilisation autour de l'une de ces mesures qui entraîna l'exclusion de plusieurs milliers de personnes du système de chômage début 2015. "Les Parasites", c'est finalement et avant tout, face caméra mais "sans visage", huit citoyens belges menacés par cette exclusion et qui nous parlent4. Les propos sont à rebrousse-poil du politiquement correct. Ils suscitent, par leur force, des questions sur une course à l'emploi bien souvent vide de sens et l'incohérence, la violence (politique, institutionnelle et morale) d'un système envers les "travailleurs", qu'ils aient ou non un emploi.

B) Le déroulement

Nous démarrons l'atelier philosophique par le visionnement du documentaire, durant lequel nous invitons les participants à préparer une question en lien avec les témoignages du film. Ces questionnements sont éclairés et problématisés, à l'initiative de l'animateur. Cette phase est nécessaire, parce que la question enferme parfois la discussion dans ses propres présupposés - il est indispensable ainsi d'évaluer d'une part quels sont les présupposés de la question et d'autre part comment elle se pose et si elle pourrait se poser autrement.

Une question, qui a pour fonction d'inaugurer la construction des problèmes communs, est alors choisie, puis articulée avec certains extraits du film qui sont revisionnés. Elle est enfin traitée lors d'une DVDP de 20 à 25 minutes.

Le groupe aura l'occasion de se pencher sur deux questions, ou davantage selon la durée totale de l'animation. Nous envisageons une séquence classique de 2 à 3h, mais il faudrait travailler plus de deux jours pour faire le tour (un premier tour rapide) de tous les outils proposés dans ce dispositif assez conséquent.

Nous avons découpé le documentaire en dix extraits de film balisant chacun une thématique liée au travail et au chômage. L'outil se compose actuellement d'une centaine de fiches A5 regroupées comme suit :

  1. une fiche pour chacune des dix séquences du film, sur laquelle est reprise l'extrait du film (des citations précises d'intervenants du film à questionner et à problématiser) ;
  2. des questions philosophiques à l'attention de l'animateur ;
  3. des références socio-politico-historiques (renvoyant à des cartes informatives que le documentaliste peut lancer dans la discussion chaque fois qu'il le juge opportun) ;
  4. des exercices divers qui rythment l'animation et permettent l'alternance de discussions collectives et de mises au point ou au clair pour chacun de l'état d'avancement de ses propres idées.

La discussion philosophique est encadrée et menée par une équipe d'animation formées au préalable à ce dispositif et composée de trois rôles tournants : l'animateur, le président, le documentaliste.

L'animateur construit avec le groupe la question à partir de laquelle va démarrer la discussion philosophique. Puis il introduit celle-ci par la lecture d'extraits du film qui sont en lien avec la question. Son rôle obéit alors au prescrit habituel d'une discussion philosophique à visée démocratique selon le modèle tozzien : il est le guide de la réflexion philosophique collective et il s'emploie à faire "travailler" (si on peut encore utiliser ce mot-là dans un tel cadre!) les compétences philosophiques principales, à savoir la conceptualisation, la problématisation et l'argumentation.

Le président de séance organise dans le groupe la circulation de la parole selon des principes démocratiques. Il gère le capital-temps de chaque discussion (entre 20 et 25 minutes) et décide aussi de proposer un exercice d'écriture quand il estime que la discussion a été suffisamment riche qu'un moment plus introspectif serait bienvenu - les exercices sont essentiellement conçus comme individuels, étant ainsi l'occasion d'une alternance entre réflexion collective et retour sur soi. La farde (série) d'exercices en comprend dix-huit, classés en deux catégories (exercices transitoires et exercices conclusifs). Les premiers sont à utiliser en cours de discussion philosophique, pour que chacun puisse faire le point sur ses idées en cours de parcours. Ils consistent en exercices d'argumentation écrite ou orale, en dessins ou en jeux de positionnement spatial argumenté. Les seconds sont là pour clore la séance par un exercice d'écriture, plus dense, plus complexe, dont le résultat est donné à entendre à l'ensemble du groupe.

Le documentaliste est celui qui manipule les fiches informatives se rapportant aux dix thèmes de l'outil. Il évalue à quel moment de la discussion elles peuvent servir de ressources pour le groupe. Les fiches informatives ont différentes sources : historique, économique, juridique, linguistique, philosophique ou sociologique. Manipulées à bon escient, elles donnent un éclairage à un propos, elles peuvent servir d'exemple ou de contre-exemple, elles permettent de préciser une notion ou déplacent un problème, amènent de la conflictualité dans la discussion... Plus loin, nous détaillerons ce rôle et en montrerons la spécificité dans l'application de notre outil.

L'équipe d'animation requiert également la prise en charge par les discutants de deux autres rôles classiques de la DVDP : le reformulateur et le synthétiseur. Ils sont choisis sur la base du volontariat et changent à chaque discussion, dans la mesure où ce sont des rôles exigeants d'une part et qui interdisent d'autre part de prendre part à la discussion, dans la mesure où l'on ne peut à la fois exercer correctement ces deux missions et participer à la construction des problèmes.

Le reformulateur s'entraîne à écouter l'autre, à le comprendre le plus exactement possible et à reformuler le plus fidèlement possible ce qu'il a dit (avec les mots de l'autre ou avec ses propres mots) : trois compétences nécessaires à une communication et à une discussion exigeantes.

Le synthétiseur écoute et cherche à comprendre ce qui se dit (comme le reformulateur), en prenant note au fur et à mesure des interventions, qu'il restitue oralement à chaud, à un moment convenu (en milieu ou en fin de discussion, à la sollicitation de l'animateur et à chaque fois que le besoin de faire le point se fait sentir. Il est la mémoire du groupe en tant qu'intellectuel collectif.

Le timing idéal de mise en oeuvre du dispositif est de 4 heures réparties comme suit :

  • la première partie (1h10) est laissée à la présentation de l'outil, des participants, à la projection du film et à l'élaboration des questions par les participants ;
  • après un brève pause, la deuxième partie (1h15) commence par la problématisation des questions émanant des participants. On passe ensuite au choix démocratique de la question de départ, puis à la distribution des rôles nécessaires à la DVDP et enfin à la discussion proprement dite. Cette première discussion débouche sur un exercice transitoire.
  • la troisième partie (1h30) consiste en une 2ème DVDP clôturée par un atelier d'écriture, choisi parmi les exercices conclusifs. Après la rédaction, tous ceux qui le souhaitent peuvent lire leur texte à haute voix.

Nous terminons par l'évaluation du dispositif avec les participants.

C) Une spécificité de ce dispositif philosophique : le rôle du documentaliste

Le recours aux sciences (histoire, économie, politique, droit, sociologie, psychologie...) se fait obligatoirement sentir quand on expérimente des DVDP sur les thématiques du travail et du chômage. Sans disposer de certaines connaissances, on s'expose en effet à des erreurs factuelles ou à sombrer dans des préjugés - le thème est sans doute particulièrement propice à leur expression. L'apport documentaire de divers champs scientifiques permet d'élargir le regard. Mais comment éviter de fermer le questionnement philosophique en amenant des références scientifiques ? La question est capitale et nous l'avons déjà évoquée dans un précédent article de Denis Pieret intitulé "De l'usage des sciences sociales dans une discussion à visée philosophique 5, tiré lui aussi d'une discussion de praticiens à Peyriac-de-Mer.

Nous avons ainsi imaginé le rôle de documentaliste dans ce dispositif pour répondre à l'exigence de fondations dans la problématisation philosophique autour de questions complexes, qui ont une histoire factuelle qu'on ne peut négliger sous peine de rester à la surface des problèmes et d'entretenir la doxa. Mais pour éviter que la fiche convoquée ne vienne clore le débat, encore fallait-il réfléchir à la nature de sa convocation et à la manière de l'introduire. L'expérience nous amène à penser qu'il faut avant tout sentir le besoin d'un apport disciplinaire, à quel moment il apparaît utile que le documentaliste introduise dans le débat une information susceptible de nourrir, "objectiver" ou décaler l'échange en cours. Mais cette information doit aussitôt, comme n'importe quel apport, être interrogée. En cela, le documentaliste fonctionne en bonne intelligence avec l'animateur dont le rôle consiste à travailler le questionnement et la recherche pour confronter et déstabiliser les représentations. L'apport scientifique est alors envisagé tant comme ce qui permet d'éclairer un problème sous certains angles, que comme ce qui permet en dérangeant la discussion de participer à la construction du problème philosophique, à la complexité de ce qui est interrogé. C'est là la fonction première de ce documentaliste et de ses "fiches informatives" : non pas clore par un savoir définitif venu de l'extérieur, péremptoire et faisant autorité, mais au contraire ouvrir, complexifier, semer le doute, tacler les certitudes ou les consensus en train de se (re)produire dans la discussion collective.

III) Présentation de quelques angles de réflexion sur le travail et le chômage envisagés par notre outil : expérimentation lors du séminaire de Peyriac 2015

Les découpages que nous avons opérés pour travailler la parole des témoignages du documentaire après la vision du film abordent des thématiques aussi larges que celles du désir, de la norme, de la paresse, de la valeur du travail et de l'activité de l'homme, du rythme, de l'utilité sociale, de l'obligation, du sens, de la responsabilité, de la production, du choix, de l'exclusion... Dénaturaliser le travail, c'est avant tout penser les mots et les réalités qu'il recouvre et auxquels il renvoie, comme "emploi", "salaire", "activité", "rémunération", "production" etc., ou encore : qu'est-ce que travailler dans ou hors l'emploi ? Et si on déconnectait le salaire de l'emploi, quelle société construirait-on ?...

Voici un exemple d'une trame élaborée lors de notre séminaire de Peyriac en mai 2015 pour rendre compte, de manière plus précise, de notre dispositif.

La problématique de départ choisie par les participants à partir des questions qu'avait suscitées le film était celle de l'utilité sociale : "La valeur d'une activité est-elle liée au salaire ?" (voyez à la fin de cet article, en annexe 1, la fiche thématique sur l'extrait 3 du film, à destination de l'équipe d'animation).

Nous avons suivi un premier fil consistant à définir "activité" selon les critères de la production ou de l'utilité sociale, autrement dit, selon la valeur produite (marchande ou sociale). Il ressortait de la discussion que le travail devait se définir comme une activité rémunérée. Dans ce cas, un chômeur par définition ne travaille pas. Cette définition a alors permis au documentaliste de proposer une distinction conceptuelle emploi/travail selon laquelle nous pouvions penser l'existence d'un travail hors emploi (voyez dans l'annexe 2, la carte informative "Démystification de 2 mots qui puent : " emploi" et "travail" selon un point de vue économique engagé (critique du capitalisme), ainsi que le double sens du mot "travail" selon Galbraith)". Cet apport documentaire a relancé la réflexion sur le salaire comme mesure de la valeur d'une activité.

Nous avons problématisé les concepts de valeur et d'utilité à partir des normes sociales en vigueur : l'interférence constante entre le champ économique (où le travail se configure sur un marché, prend une valeur d'échange, donne lieu à un salaire, où ce qui est produit est vendu ou loué...) et le champ social (où l'on parle de son utilité pour la collectivité, et de la reconnaissance auquel il donne lieu, où l'on questionne l'épanouissement qu'il génère ou non, etc.). Un présupposé philosophique a pu être dégagé : le travail doit servir à quelque chose (à soi, à la société, ...) contrairement à une activité qui peut, elle, se réaliser sans cadre contraignant.

Les notions de choix et de désir s'imposaient alors dans la discussion. La société veut-elle me donner une place pour que j'y déploie mes ressources, que j'actualise mes potentiels ? Les désirs du patronat et des travailleurs se rencontrent-ils ? Qu'est-ce que désirer travailler quand le désir par définition ne peut être satisfait ? (Ne pas) travailler, cela se choisit-il ? Cela s'impose-t-il parce qu' "on" ne veut pas de vous ? Et comment faire dans ce cas ?

Pour conclure cet atelier, nous avons proposé un exercice d'écriture d'une lettre de non-motivation sur le modèle de ce que propose Julien Prévieux (voyez en annexe 3, l'exercice d'écriture conclusif : "Rédigez une lettre de non-motivation en réponse à l'offre d'emploi réelle d'"ambitieux représentant commercial" du groupe "APPCO")".

Conclusion

Ce dispositif original est expérimental à bien des égards. Il travaille le mélange de formes d'expressions mutuellement enrichissantes. A partir d'un film coup de poing, il permet de traiter philosophiquement d'une question sociale d'actualité en expérimentant la création écrite (poétique, argumentative ou humoristique) et la discussion collective, aidée de fiches d'informations dont les sources idéologiques s'affichent explicitement. Le dispositif est conçu pour une équipe d'animation composée de trois rôles tournants ; ce qui donne l'occasion à chacun d'eux de s'exercer tour à tour aux compétences philosophiques et démocratiques, nécessaires au bon fonctionnement d'une DVDP. C'est donc également un dispositif de formation des animateurs. L'apport documentaire abondant est envisagé notamment pour affranchir l'animateur du rôle de savant, sans se priver pour autant des informations que la science peut apporter et de la façon dont celles-ci peuvent nourrir la discussion sans la clôturer. Il lui donne l'occasion de reprendre dans un traitement philosophique les données essentielles à une pensée fouillée, décalée et dérangeante. Nous savons que penser philosophiquement le travail est d'autant plus complexe que, sur un tel sujet, la subjectivité, celle qu'alimentent l'émotion et le sensible ainsi que la morale et l'idéologie, s'en donne à coeur joie : quand on parle travail, quand on pense travail, nous sommes rarement détachés de notre héritage culturel. On ne vit pas, et donc on ne conceptualise sans doute pas le travail pareillement si on a grandi dans une boulangerie où le père bosse six nuits sur sept et, l'âge avançant, tient le coup à coups de gnôle, ou si l'on est fille de parents tous deux professeurs d'université, multipliant les conférences et les colloques à l'étranger, ou encore fils de concierge d'un immeuble de banlieue ou d'un chômeur de longue durée. Mais notre pensée philosophique tend aussi à être construite par la manière dont notre propre activité et notre statut professionnel nous affectent personnellement : lorsque nous animons un atelier philo, sommes-nous en train de travailler ? Que produisons-nous d'utile ? Produisons-nous seulement quelque chose ? Et faut-il qu'il y ait production pour que philosopher ou faire philosopher soit un travail, et justifie une éventuelle rémunération ? Un participant au séminaire de mai dernier à Peyriac-de-Mer avança en pleine discussion très philo sur le temps un provoquant : "Mais savez-vous que, pendant que vous êtes là à vous activer les méninges, y a des mecs qui font leurs heures derrière leurs machines, qui bossent quoi et se sont levés tôt pour ça et ne vont jamais assez vite pour leur contre-maître !".

En cernant davantage tous ces noeuds qui se tissent, par les discussions collectives et les exercices individuels que nous

proposons, en re-travaillant aussi sans cesse la forme et la cohérence du dispositif, nous voulons éprouver et susciter l'étonnement, la prise de distance et la prise de risque intellectuelle, par rapport à ce terme de "travail" qui envahit notre environnement, formate sous bien des égards nos existences et colonise nos affects.

Annexes pour illustrer l'outil "Penser le travail et le chômage à partir du film Les parasites

Annexe 1 : la fiche thématique (travail/emploi/activité et utilité sociale) sur l'extrait 3 du film  à destination de l'équipe d'animation.

Annexe 2 : la carte informative : "Démystification de 2 mots qui puent : " emploi" et "travail" selon un point de vue économique engagé (critique du capitalisme) ainsi que le double sens du mot "travail" selon Galbraith", carte à destination du documentaliste.

Annexe 3 : l'exercice d'écriture conclusif : "Rédigez une lettre de non-motivation en réponse à l'offre d'emploi réelle d'  "ambitieux représentant commercial" du groupe "APPCO".

Annexe 1  - Extrait 3 du film "Les parasites", de Patrick Severin 

Le travail/l'emploi/l'activité et l'utilité sociale- La valeur (argent-temps)

"Si vous regardez ce que vous faites de vos journées au quotidien, comment vous nourrissez votre vie, est-ce que le mot "chômeur" vous semble le mot adapté à votre situation ?

- Non, moi je me sens actif, maintenant, je ne me sens pas salarié, enfin, je ne suis pas salarié.

- Même en leur expliquant pourquoi je ne cherche pas d'emploi, en leur expliquant qu'on peut très bien travailler en dehors de l'emploi et produire beaucoup de choses, beaucoup de richesses, ils ne comprennent pas quoi. [...]

- J'anime des enfants avec des ateliers théâtre.

- J'ai fait du bénévolat, à une époque, qui était du bénévolat cadré, accepté par l'Onem, et je suis sorti de ça en allant plus vers des réseaux parallèles et en recherche d'autonomie.

- Il y a aussi tout un, c'est pas un travail social mais..., dans mon quartier, j'aimais bien passer chez certains petits vieux, il y a des choses, comment dire, je ne vais pas m'occuper de toute la misère du monde, mais ce que je croise sur mon chemin, j'essaie de ne pas fermer les yeux.

- Je me suis aussi investie dans l'aide aux enfants de Tchernobyl, dans le sens où j'ai accueilli un enfant et puis j'ai appris à connaître sa famille, je suis allée là, maintenant j'essaie d'apprendre le russe et je vais suivre une formation dans la radioprotection.

- Je travaille déjà au profit de la société. Je veux dire, je ne suis pas dans un rapport où je travaille pour ma gueule, et je n'ai pas envie de faire plein d'argent ni rien, moi ce dont j'ai juste envie, c'est de faire ce qui me semble important.

- En quoi est-ce que j'ai eu des activités qui ont pu permettre de me grandir et d'apporter des choses positives autour de moi. Ça n'a strictement rien avoir avec un salaire et avec le fait d'être chômeur. Du tout. [...]

"Ça ne me dérange pas de travailler. J'aime ça. J'aime utiliser mon temps de manière constructive. Après, que ce soit un emploi ou juste une activité non rémunérée, pour moi, la valeur ne change pas".

A. Questions philosophiques pour l'atelier de discussion philo:

  1. Qui tire profit du travail ?
  2. Que signifie être productif pour la société ?
  3. Quelle différence y a-t-il entre se sentir chômeur et être chômeur ? Entre se sentir actif et être actif ? Peut-on être un chômeur actif ?
  4. Peut-on être chômeur et se sentir valorisé, épanoui et s'occuper activement ?
  5. Quel effet cela fait-il d'être salarié ?
  6. Quelle est la valeur du travail sans salaire ? Que signifie travailler en dehors de l'emploi ?
  7. La valeur d'une activité change-t-elle s'il y a une rémunération ? Le même travail payé ou gratuit a-t-il une valeur différente ?
  8. Qu'est-ce qui fait la valeur d'un acte ? Quand on dit que quelque chose qu'il a de la valeur, qu'est-ce que ça veut dire ?
  9. La même activité, salariée ou non, s'appelle-t-elle "travail" ? Quand utilise-t-on le mot "travail" ? Quels mots sont synonymes : travail, emploi, occupation, activité, bénévolat, ...
  10. Quelle est la valeur de ton temps ? Qu'est-ce qu'"utiliser son temps de façon constructive" ?
  11. Le chômeur a-t-il le droit à du temps de loisir, à des vacances ?

B. Référence socio-politico-historique : prenez la carte informative

  • Les mots qui puent : " emploi" et "travail".
  • Le mot qui pue : " charges patronales".
  • Le lien entre la pauvreté et l'emploi.

C. Exercices

  1. oral. Imaginons une situation concrète : tu as un CDI, tu es chômeur ... Comment imagines-tu ton avenir ?
  2. écrit. As-tu parfois le sentiment de perdre du temps ? Si oui, à quoi estimes-tu le perdre ? Pourquoi est-ce du temps perdu ? Peux-tu vouloir parfois perdre du temps ou estimes-tu ton temps trop précieux pour le perdre ?
  3. Revois ta réponse écrite 2 après la lecture du texte de Baudrillard sur la valeur du temps.
  4. Croisez les colonnes.

Annexe 2 - La carte informative : "Démystification de 2 mots qui puent : " emploi" et "travail" selon un point de vue économique engagé (critique du capitalisme)"

sur l'extrait 3 : Le travail/l'emploi/l'activité et l'utilité sociale- La valeur (argent-temps)

L'emploi et le travail

('Tiré du site de Plateforme contre l'emploi : )

Contrairement à l'usage qui s'est progressivement imposé, ce que désignent "travail" et "emploi" ne sont pas des activités qui se superposent. Ce sont deux choses qui n'ont pas forcément à voir.

L'emploi organise une partie du travail de sorte que les propriétaires de l'outil de production, de l'usine, de la compagnie, du bureau en dégagent légalement des bénéfices (profit redistribué en dividendes et en intérêts aux prêteurs grâce à qui l'achat des titres de propriétés a été rendu possible). Ces bénéfices, ces propriétaires les tirent de la vente, légale donc, du fruit du travail (marchandises ou services) de ceux qu'ils emploient, qui eux leur "vendent" leur force de production (marché du travail). L'emploi, c'est la convention codifiée, explicite, réglementée (conditions horaire, qualifications et salaires, normes d'hygiène et de sécurité, etc) dans laquelle se noue le contrat "vente/achat" d'une force de travail.

Le travail lui désigne toute forme d'activité de production à laquelle est octroyée une valeur économique, ce qui recouvre des activités productives qui excèdent le seul "marché  de l'emploi" : travail bénévole donnant lieu à des indemnités de volontariat, travail des indépendants ou des franchisés, prostitution, trafic de drogue, travail au black, production de valeur par les usagers chez Meetic par exemple, travail des fonctionnaires qui n'ont pas de contrat d'emploi mais ont un grade et des fonctions à exercer en échange d'un traitement, excédent de production maraîchère ou artisanal liquidé ou parfois troqué dans des réseaux informels d'échange ou sur des marchés ruraux, etc.

Lorsque quelqu'un se prépare un café, il exerce une activité. Celui qui fait du café dans un bistro où il est embauché, exécute, exerce, un travail. Plus flou, plus controversé comme point de vue, lorsque, chômeuse ou pensionnée, une personne prépare les thermos de café pour les joueurs du club de foot de son quartier, où elle est bénévole, elle exerce une activité mais que l'on (ne) peut considérer comme un travail (que) si l'on estime que son allocation de chômage est une sorte de salaire socialisé par lequel la collectivité, en le lui accordant, considère et reconnaît que son activité, non quantifiée mais à "valeur d'usage" (au service de cette collectivité), crée aussi de la valeur économique.

L'emploi est l'expression d'une convention, la convention capitaliste du travail. Celle-ci repose sur quatre matrices propres au système capitaliste, elle résulte donc de lutte et de décision politiques. Ces matrices n'ont par conséquent rien ni de naturel, ni d'éternel ni de fatal.

1) La propriété lucrative, qui permet aux actionnaires/ employeurs de toucher légalement les fruits du travail d'autrui, de gérer les investissements, de décider de la production, du mode et de l'organisation de cette production.

2. Le temps,qui est la référence de la rémunération ; c'est lui qui fonde la valeur des choses produites. Le prix des marchandises est fonction du temps de travail moyen (c'est pourquoi on parle de temps de travail abstrait") qu'elles incorporent, dont elles ont besoin pour être produites. Il en va de même des services.

3. Le crédit privé, donnant lieu à remboursement avec intérêts. Ce système crée sur les entreprises une pression par la dette qui se répercute sur les "employés", et puis sur les ménages.

4. Le marché de l'emploi, où les employeurs font leur shopping, là où la force de travail est une marchandise que l'on achète, comme une autre. Le demandeur d'emploi doit y ajuster son prix (le salaire) à l'offre de travail. Le travail est organisé selon le mode, partiellement régulé et codifié (droit du travail, convention collective, règlement de travail, contrat d'emploi), de la foire aux bestiaux, de la vente à la criée et non en fonction des besoins collectifs.

Emploi et chômage

Il n' y a chômage que parce qu'il y a emploi...

Comme l'emploi qualifie le poste de travail ("j'ai besoin d'un ajusteur de niveau A") et non le travailleur ("j'ai besoin des qualités humaines et savoirs-faire de Pierre"), il va de pair avec le chômage.

Celui-ci définit la situation des travailleurs qui sont exclus des postes qualifiés par les employeurs, des postes dont ils estiment avoir besoin pour faire tourner leur entreprise à hauteur du marché propre au secteur dans lequel ils investissent.

Ces travailleurs constituent pour le capitaliste et en système capitaliste seulement l'excédent du marché du travail, dans lequel en fonction de la conjoncture retournera piocher l'employeur si besoin est. C'est cette pratique qui fait des travailleurs, avec ou sans emploi, la variable d'ajustement structurel sur lequel s'appuie le capitaliste, c'est elle qui produit l'armée de réserve nécessaire à formater, réguler, tirer à la baisse sur le marché de l'emploi les exigences potentielles des vendeurs de force de travail.

Grâce à cette convention capitaliste du travail, les employeurs disposent du privilège hallucinant de pouvoir distribuer l'emploi, de pouvoir lier à un poste qualifié le travailleur de leur choix, et par là de déterminer qui, dans son activité, est en situation de travailler (produire de la valeur économique) ou de se livrer simplement à une activité, à valeur d'usage peut-être mais sans valeur économique, donc sans réel pouvoir dans le champ économique.

Le double sens du mot travail, selon Galbraith 

"Le mot travail s'applique simultanément à ceux pour lesquels il est épuisant, fastidieux, désagréable et à ceux qui y prennent manifestement plaisir et n'y voient aucune contrainte, avec un sens gratifiant pour leur importance personnelle, peut-être, ou de la supériorité qu'on leur reconnaît en plaçant les autres sous leurs ordres. Travail désigne à la fois l'obligation imposée aux uns et la source de prestige et de fortes rémunérations que désirent ardemment les autres, et dont ils jouissent. User du même mot pour les deux situations est déjà un signe évident d'escroquerie. Mais ce n'est pas tout. Les individus qui prennent le plus de plaisir à leur travail - on ne le soulignera jamais assez - sont aussi presque universellement les mieux payés. C'est admis".

in Les mensonges de l'économie : vérités pour notre temps, Paris, Grasset, 2004 . Tiré de G. Jeanmart, Le travail comme police sociale, édition du CDGAI, 2010, coll. "Le travail en action", p. 10. consultable en ligne : http://www.cdgai.be/wp-content/uploads/2013/01/w-police-sociale.pdf.

Annexe 3: Exercices d'écriture conclusif

Dans un premier temps, lisez la lettre de démotivation faite par Julien Prévieux en réponse à l'offre d'emploi de Bénédicta.

Lettre de démotivation de Julien prévieux en réponse à l'offre d'emploi de Bénédicta

(source : http://www.previeux.net/pdf/non_motivation.pdf)

Julien Prévieux
11, avenue Gambetta
75020 Paris

à

Société BENEDICTA
30, Bld Bellerive
92566 Rueil Malmaison Cedex

objet : poste de chef de secteur

Le 10/09/2003

Madame, Monsieur,

Je vous écris suite à votre proposition de chef de secteur parue dans le journal "Le marché du travail". Je dispose d'une solide formation commerciale, d'un tempérament enthousiaste et d'un goût immodéré pour la junk-food. Depuis 5 ans, je me nourris exclusivement de sauce béarnaise, de sauce hot pepper, de sauce pommes frites, de sauce américaine, d'aïoli, de sauce pour nem, de sauce bourguignonne et de sauce madère. Dans une recherche d'efficacité maximum, j'ingurgite les pots le plus rapidement possible. Fort de cette expérience, j'ai largement dépassé le poids limite qu'on peut se permettre si on veut pouvoir se déplacer. C'est pourquoi j'estime avoir toutes les qualités requises pour devenir chef de secteur. Malheureusement, votre proposition de poste se situe en région parisienne et je ne m'éloigne jamais du supermarché Franprix de la rue des amandiers. Par conséquent, je me vois, bien malgré moi, dans l'obligation de refuser votre offre.

Dans l'attente d'une réponse de votre part, je vous prie, Madame, Monsieur, d'agréer l'expression de mes sentiments distingués.

Julien Prévieux

Dans un second temps, écrivez une lettre de démotivation par rapport à l'offre d'emploi réelle d'"ambitieux représentant commercial" du group "APPCO" en vous inspirant de la lettre de démotivation faite par Julien Prévieux en réponse à l'offre d'emploi de Bénédicta.

Document (format PDF) : Offre d'emploi

Trois exemples d'exercices d'écriture rédigés lors du séminaire de Peyriac en 2015.

1. Premier exemple de lettre de non-motivation

Je vous écris suite à votre offre d'emploi de Représentant Commercial dans votre groupe APPCO Belgique

Ayant eu la volonté de me former à un certain nombre de techniques relationnelles et de coaching plus ou moins héritées des nouvelles méthodes de management, je me suis malheureusement rendu compte que ce qui auraient pu me prédisposer à priori pour cet emploi, m'en éloigne au contraire irrémédiablement : je me suis mis à honnir pour de bon ces prothèses fallacieuses qui n'ont comme visée que la manipulation d'autrui. J'ai réalisé également que j'avais horreur de tout ce qui pouvait s'assimiler à du "faire-semblant". L'énergie et les Télécommunications sont pour moi des secteurs totalement étrangers, et ne sont pas de nature à susciter un quelconque engouement ou même intérêt propres à mobiliser ma propre énergie ou mes propres talents pour la communication. De plus, je ne peux percevoir dans votre recours aux "oeuvres caritatives" qu'une mystification destinée à donner une couleur "humaniste" à votre entreprise mercantile. Pour toutes ses raisons, "l'enthousiasme naturel" que vous espérez du candidat, s'il est bien actuellement le mien, risquerait vite de se transformer en "démobilisation acquise" aux contacts des activités que vous me proposez... A défaut d'être le coach des autres, je dois surtout veiller à être un bon coach pour moi-même, et donc je suis malheureusement dans l'obligation de décliner votre offre...etc.

Daniel

2. Deuxième exemple de lettre de démotivation sur le mode humoristique

Monsieur le Directeur,

J'ai été fortement intéressé par votre offre d'emploi.

Je crois pouvoir répondre au profil recherché, et être compétitif pour développer significativement dans votre entreprise la clientèle caritative.

Je suis en effet spécialiste international en logistique humanitaire dans les pays sinistrés par la guerre, la famine ou les séismes notamment.

J'ai managé par ailleurs avec succès plusieurs ventes de charité aux Etats-Unis, indifféremment au profit de candidats républicains ou démocrates, et créé des événements internationaux de récoltes de fonds pour des ONG caritatives comme l'Unicef au Canada et en Australie.

Je suis cependant au regret de décliner votre offre, au motif qu'elle propose le développement d'un revenu sans limite. Ayant en effet suivi le master d'éthique des affaires à l'Université d'Harvard, et titulaire d'un doctorat de théologie en mission humanitaire, je ne peux en effet cautionner l'idée d'une rémunération illimitée, contraire à mes valeurs de diffusion de valeurs universalistes en matière de solidarité humaine et de charité chrétienne. Celles-ci prennent en effet tout leur sens par exemple avec la fondation de Bill Gates, qui refuse une richesse qui ne serait pas dans sa plus grande partie redistribuée aux plus démunis.

Avec toute ma considération.

MT, consultant et manager en affaires caritatives

3. Troisième exemple de lettre de démotivation

Madame, Monsieur,

Suite à votre proposition de poste de Représentant Commercial avec opportunité de coaching, je vous confirme que les compétences qui sont les miennes paraissent en effet correspondre au profil de poste :

Ayant toujours travaillé dans le domaine de la communication, de l'écoute, du conseil, je crois disposer de solides atouts, utilisable dans la relation à la clientèle. J'ai par ailleurs un goût certain pour l'accueil des personnes, la clarification de leurs besoins, l'accompagnement de leurs projets. Mon expérience confirmée du coaching personnel et collectif est également le fruit de nombreuses années de pratiques en ce domaine. J'ai toujours porté une grande attention au désir de l'autre quand il se présente à moi en situation de recherche, avec une éthique forte en ce domaine : ne jamais l'emmener ailleurs que dans le cheminement vers son propre intérêt, son propre développement.

Voici donc déjà une première contradiction avec des exigences commerciales qui nécessitent je crois, d'être surtout centré sur la vente et les bénéfices de l'entreprise.

De plus, j'ai certes de grandes ambitions, et un enthousiasme naturel qui me porte fortement vers le développement d'activités créatrices, mais à condition qu'elles soient dirigées vers l'épanouissement des personnes, et leur émancipation personnelle et sociale.

Autant de raisons qui me conduisent malheureusement à décliner votre offre, pour de nombreuses dimensions qui me paraissent en opposition totale avec une éthique personnelle et professionnelle qui ne supporte aucune compromission.

Veuillez agréer.....etc

Marie


(1) Cet article a été écrit par Stéphanie Franck et relu et transformé plusieurs fois par Thierry Müller et Gaëlle Jeanmart, dans un souci de préserver une dimension de travail collectif à laquelle nous tenons beaucoup à PhiloCité.

(2) http://www.lavenir.net/extra/parasites

(3) http://www.salaudsdepauvres.be/

(4) http://www.salaudsdepauvres.be/http://www.benevoles.tv/

(5) Paru dans Diotime, n° 66 (octobre 2015).

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