Café Philo et Café théo : le point de vue de l'animateur (Michel Tozzi)
Ressemblances
Des personnes rassemblées librement pour discuter avec un animateur sur un sujet annoncé.
Différences
- L'appellation n'est pas café théo (un temple n'est pas un "café", même si pour un protestant, ce n'est pas un lieu "sacré) ; mais : "La parole vous est donnée". Comme si c'était un lieu différent de d'habitude, rompant avec d'autres pratiques. Alors que c'est l'essence d'un Café Philo (CP) que de donner la parole aux gens.
- Au Café Théo (CT), les personnes viennent avec des croyances religieuses assumées et qui peuvent s'exprimer en tant que telles, au nom de leur foi et pas prioritairement de la raison (Même s'il n'y a pas contradiction), ou au nom de leur incroyance. Le témoignage personnel (spirituel), par exemple sur la prière, la rencontre avec Dieu et Jésus, le rapport à la bible, est sollicité. Dans un CP, on en appelle plutôt à la raison, à l'argumentation...
Ce n'est pas la même dimension de la personne qui est visée (spiritualité et rationalité). même si certains athées se réclament d'une spiritualité (ex : Comte Sponville). - Parfois la nature du sujet : il y aura rarement dans un CP un sujet sur Jésus, la prière, la bible, le salut au sens religieux ou la réforme luthérienne. Par contre, on peut avoir dans les deux (ces sujets ont été abordés au CT) la spiritualité, Dieu, le mal, la conscience morale, la liberté de conscience, la liberté d'expression, religion et laïcité... La métaphysique et l'éthique sont des points de recoupement entre CT et CP (alors qu'un CP peut traiter aussi de problèmes épistémologiques, esthétiques, politiques etc.).
- La façon de traiter le sujet : au CP, une introduction problématisée, avec souvent la référence à des philosophes, des doctrines. Au CT, introduction plus théologique, par exemple par le pasteur ou d'autres personnes : référence est faite à des citations de la bible.
- Le recours à la théologie peut se recouper, car certains philosophes sont théologiens (mais pas tous) et certains théologiens philosophes (en tout cas dans leur formation). Mais ce ne sont pas forcément les mêmes auteurs qui sont cités. En philosophie, on est souvent dans la référence à l'histoire de la philosophie.
- Les sujets au CT sont abordés en perspective "spirituelle" : Dieu comme présence et non comme idée, Jésus comme rencontre de quelqu'un qui n'est pas quiconque, la prière à partir de sa pratique, le salut par rapport à la grâce, la foi et les oeuvres, la conscience morale comme la voix possible de Dieu, la bible comme un livre qui nous interpelle... Le sujets abordés sont éclairés par l'Evangile...
- De même, le sentiment d'appartenance joue, car on est ici dans un temple, où se rassemble une communauté religieuse protestante ; on n'est pas simplement dans l'humanité : on cite volontiers Luther, et dans les débats sur la liberté de conscience et la liberté d'expression, des protestants libéraux (Rabaut Saint-Etienne, F. Buisson etc.). Des catholiques signalent par ailleurs leur appartenance, et tout le monde peut intervenir, croyant ou incroyant, et citer des références étrangères à la religion
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Quelle spécificité de ce CT ?
On est ici dans le cadre du protestantisme, qui admet et promeut le pluralisme, la critique, le libre examen, toutes démarches proches d'un esprit et d'une discussion philosophiques. Pas de prosélytisme dans les séances. Le pasteur n'a jamais dans le protestantisme le monopole de la parole ou de l'interprétation légitime des textes. On ne conclut jamais un échange contradictoire par le recours à un dogme qui trancherait entre les positions exprimées. L'animateur de ce CT n'est pas lui-même protestant, et c'est apprécié pour maintenir la diversité des interventions lors des débats ! On prend du champ...
Il y a des athées et des agnostiques dans la salle, des catholiques, un musulman, une bahaïste etc. On sent les échos du travail d'un groupe interreligieux sur Narbonne. Le pluralisme interrereligieux et celui croyants/agostiques sont assurés, gage d'ouverture... Chacun donne son point de vue, dans la liberté, la sécurité et la confiance qu'il sera entendu, et jamais moqué.
L'angle d'attaque des sujets est spécifique d'un lieu de croyance.
Dans la séance sur Dieu, et celle sur Jésus, on confronte ensemble, sans guère les critiquer, toutes les représentations qui s'expriment. Il y a plus juxtaposition que débat, mais cette pluralité est riche de réflexion pour chacun...
Dans la séance sur la prière, il y a des témoignages sur la pratique de la prière, et une réflexion sur ses conditions, ses significations, et les questions qu'elle soulève.
La question du mal est posée en référence problématique à la bonté de Dieu. D'où la question de l'origine du mal, et l'attitude de l'homme devant le mal...
Le débat sur la liberté d'expression pose la question de ses limites éthiques à partir de l'offense ressentie par des croyants devant certaines caricatures... On passe en revue l'outil juridique et on en mesure l'évolution possible.
Comment nommer ce type d'activité ?
La communauté la nomme : "La parole vous est donnée". Pourquoi ? Il y a là un souci d'ouverture. On donne la parole à une assitance plurielle : croyante/non croyante, voire athée.
Que penser de la dénomination : "café théo", que j'ai proposée ? Il faudrait préciser dans ce cas et le mot "café" et le mot "théologique". Café renvoie à la dimension des échanges. Le mot est-il approprié pour un temple ? Peut-être pas.
La théologie est un discours rationnel sur Dieu, la foi éclairée par l'intelligence (fidens quaerens intellectum) : il semble que l'on ait besoin des deux dans le débat. Quelle place respective dans un CT pour la foi et pour la raison, et pour leur articulation ? Quelle place pour les approches philosophiques par rapport au témoignage (qu'est-ce qu'un témoignage ?), au vécu personnel, dans sa dimension spirituelle (qu'est-ce qu'une spiritualité de croyant?) ? Peut-être de futurs thèmes : "Témoigner" "Protester ?" "Témoignage et prosélytisme", "Spiritualité de croyant, spiritualité de non croyant"...