Revue

Canada-Québec : La médiation intellectuelle, portrait d'une pratique philosophique à la croisée du concept et de l'affect

Fin juin. L'air du square St-Louis est chaud et humide; les écureuils s'affairent. De vieux érables tamisent le soleil tout autour de la fontaine et le ronronnement des moteurs de la rue St-Denis est constant. Une faune humaine variée occupe ce décor dans lequel une caravane blanche s'est arrêtée un moment. Ses portes sont grandes ouvertes et tous les passants de la petite rue qui borde le parc au sud peuvent voir les rayons de livres qu'elle dispose en son sein. Une micro bibliothèque nomade vient de se poser. À quelques mètres de là, à l'ombre, quatre personnes sont assises sur une couverture mexicaine disposant une sélection de livres. Une de ces personnes, un jeune d'une vingtaine d'année, semble vouer toute sa concentration à esquisser quelque chose sur un calepin à dessin. Les trois autres dialoguent, on distingue des éclats de voix dans la distance. Autour de la couverture sont postées trois machines à écrire sur de petites caisses de lait renversées. Un jeune couple qui passait par là, intrigué par le dispositif inusité, s'est assis pour écrire. Les deux hommes écrivent en réponse à l'apostrophe suivante : "Que penser de l'autorité? Pourrait-on faire sans ?". Ce thème de l'atelier du jour est visible en grandes lettres sur des cartons épinglés à une corde à linge orange qui court entre deux arbres. Au pied d'un de ces arbres se trouve un ordinateur portable jouant un court documentaire relatant l'expérience de Stanley Milgram. Un vieil homme et une femme d'une trentaine d'années philosophent devant ces cartons ballottés par la brise. Plusieurs passants y ont déjà fait escale réflexive afin de discuter et d'inscrire leurs pensées.

I) Origine

La médiation intellectuelle est née dans la mouvance des activités d'Exeko, une organisation montréalaise dont la mission est l'inclusion sociale par l'innovation en culture et en éducation. Sous l'impulsion de son instigatrice Nadia Duguay, les premiers balbutiements de cette pratique ont vu le jour en 2006 dans un centre de détention québécois. Il s'agissait d'une réponse au besoin criant de faire vivre autrement le contexte pédagogique du cours Arts, Culture et Société. Nadia élabora donc un alliage pratique entrecroisant art performatif, philosophie, art relationnel, sciences sociales et médiation culturelle.

Bien du chemin a été parcouru depuis et on compte aujourd'hui chez Exeko une communauté de praticiens forte d'une vingtaine de médiatrices et médiateurs professionnels animant des ateliers sur une base hebdomadaire. Ces praticiens ont des compétences très variées (philosophie, arts du cirque, théâtre, sociologie, anthropologie, archéologie, littérature, cinéma, histoire de l'art, art performatif, art visuel, etc.) alimentant de manière dynamique l'évolution de la pratique mobilisée au travers de multiples programmes et projets (Trickster, idAction, idAction Mobile, Culture Partagée, etc.). Cette dernière consiste en fait en un agencement de deux pratiques centrales : la médiation culturelle et la médiation intellectuelle. Depuis trois ans, nous investissons particulièrement nos énergies au développement de la médiation intellectuelle afin de la consolider, d'en comprendre mieux les impacts et les potentiels, tout en conservant son caractère de pratique évolutive permettant une bonne dose d'invention et d'expérimentation. C'est de la médiation intellectuelle dont il sera question dans le présent texte. Nous survolerons tour à tour, sa définition, ses deux objectifs centraux, sa méthode, ainsi que son caractère expérientiel.

Avant d'en venir à la définition, ajoutons ici un élément essentiel à la mise en contexte : les projets animés par la médiation intellectuelle prennent place dans plusieurs milieux où les populations sont à risque, en situation ou à expérience vécue de marginalisation et de discrimination. Plus spécifiquement, nous travaillons avec, et non pas "pour" ou "auprès", des personnes en situation d'itinérance (SDF), des services en toxicomanie, des jeunes à risque, des personnes criminalisées et incarcérées, des personnes vivant avec des troubles de santé mentale ainsi qu'avec des artistes vivant avec une déficience intellectuelle. Nos actions tiennent également compte des enjeux interculturels inhérents au portrait canadien et cela nous mène, étant donné la situation coloniale1 qui sévit encore de nos jours, à travailler avec des jeunes et des adultes autochtones de différentes nations2. Nous évoluons tant en milieux urbains que dans les régions éloignées et nos activités ne se déroulent que très peu dans des institutions scolaires (sauf exception pour nos séjours en communautés autochtones dans lesquelles nous donnons fréquemment des ateliers dans les écoles secondaires et pour adultes). La part de nos activités prenant place dans la cité, bourgeonne dans toutes sortes d'interstices publics tel que les parcs, les trottoirs, les centres de jours et résidences pour personnes en situation d'itinérance, les stations de métro, divers organismes communautaires, etc. Nous tenons également des situations de médiation intellectuelle dans des lieux institutionnels comme les théâtres, salles de concert, palais de justice, prisons, galeries d'art, musées, etc. Au quotidien, nous composons donc avec une très grande variété de surprises et d'impondérables. En particulier, le caractère multiculturel et multilinguistique de Montréal représente un défi. L'analphabétisme et l'illettrisme sont également des facteurs avec lesquels nous composons.

II) Définition et terminologie

Maintenant qu'une mise en contexte de notre pratique a été faite, abordons un instant la définition d'ensemble de la médiation intellectuelle.

Il s'agit d'une pratique philosophique et pédagogique qui consiste à créer des situations égalitaires de réflexion collective et de partage de connaissances. Ces situations mettent en place des cadres de co-construction de la pensée critique et de l'analyse sociale là où les conditions peuvent en inhiber l'exercice. Cette pratique présume de l'égalité des intelligences et répond au besoin universel de penser et d'être reconnu comme un être pensant. Elle consiste en un ensemble de techniques qui facilitent l'appropriation et la création d'outils réflexifs en vue de favoriser l'émancipation intellectuelle des individus. Ces techniques donnent un nouvel accès à des connaissances, des opérations conceptuelles, des espaces d'expression, d'échange du savoir et des objets intellectuels. Celles-ci invitent les individus à résister au dogmatisme, à la propagande, aux discriminations, à dépasser les mécanismes des préjugés3 et à se poser en tant qu'acteurs de transformations sociales.

Tel qu'on la voit émerger au fil de cette définition, la médiation intellectuelle partage de nombreux points communs avec les Nouvelles pratiques philosophiques (NPP)4. Elle aspire elle aussi à faire vivre la philosophie hors des murs des universités ou collèges5 et à mettre à profit les nombreuses ressources de la philosophie pour affronter des enjeux sociaux et éducatifs contemporains. Elle oeuvre à l'autonomisation de la pensée de chacun ainsi qu'au dépassement des préjugés, afin de stimuler le dialogue démocratique et l'action citoyenne. Elle vise à outiller l'esprit critique, l'esprit créatif et à cultiver une pensée attentive (M. Lipman). L'emphase sur les habiletés de raisonnemen6 est également constitutive de son exercice et elle cultive un côté expérientiel et artistique chérissant les expériences intellectuelles tels les chocs de la pensée (O. Brenifier).

Plusieurs des notions contenues dans la définition ci-dessus seront explicitées dans les lignes qui suivent. D'abord, voici quelques réflexions sur le choix même du nom de "médiation intellectuelle". Nous partons d'une entente philosophique et sociale des deux termes qui le composent. Par médiation, nous entendons l'introduction d'un troisième terme agissant comme lien entre deux autres. La médiation c'est le fait de médiatiser deux choses qui autrement auraient été immédiates, c'est-à-dire sans rapport explicite entre elles. Nous n'entendons pas médiation au sens de résolution de conflit, de conciliation ou d'arbitrage. Il s'agit plutôt de créer des liens entre des personnes, entre des concepts et des personnes ou encore entre des concepts. En ce sens, le mot "médiateur" rappelle la notion de "passeur" ou encore celle de "relayeur". L'adjectif "intellectuelle" indique bien le type de relation et d'échange que nous tentons de susciter. Si l'on assume que nos existences individuelles ont besoin et reposent sur une panoplie de types de médiation (culturelle, sociale, économique, politique, etc.), nous cherchons spécifiquement à favoriser une fibre réflexive dans les mises en relation que nous opérons.

Le choix du nom "médiation intellectuelle" est également stratégique, en ce qu'il nous permet de contourner une certaine stigmatisation -certains préjugés- que doit porter la philosophie aujourd'hui. De plus, bien que la philosophie y occupe une place centrale, nous cherchons à indiquer par ce nom que notre pratique n'hésite pas à expérimenter des formes d'hybridation avec d'autres champs de savoirs et de pratiques, tels ceux que l'on retrouve sous l'appellation de sciences humaines et sociales. C'est donc plusieurs formes et registres de pensée qui sont conviés pour nourrir la pratique de la médiation intellectuelle.

Une autre considération implicite dans le nom de "médiation intellectuelle" réside dans le besoin de trouver un signifiant qui ne soit pas lourdement connoté pour désigner des relations d'échange de savoirs. Il est en effet assez étonnant de voir à quel point le lexique de langue française désignant un rapport d'échange de savoir est, étymologiquement du moins, hiérarchique : instruction7 "ordre, directive donnée par un supérieur à ses subordonnés", didactique "[qui] vise à instruire", enseigner "fait de transmettre un savoir de type scolaire", pédagogie "direction, ou éducation des enfants", éducation "art de former une personne, spécialement un enfant ou un adolescent". La médiation intellectuelle cherche justement, douce utopie, à désigner un rapport d'échange qui ne soit pas chargé de telles racines hiérarchiques. Un rapport qui puisse convenir à des êtres intellectuels reconnaissant leur compétence et autorité respective tout en se considérant d'égaux à égaux.

À l'instar de nombreuses autres NPP, notre pratique négocie explicitement et activement les enjeux liés aux rapports d'autorité tels qu'ils se traduisent souvent par une relation hiérarchique maître-élève8. Quoique chargé d'un rôle spécifique allant de pair avec un savoir-faire spécifique, le médiateur ne se présente pas comme un spécialiste ou un expert. Suivant la réflexion de Rémy David9, il s'agit plutôt, à l'intérieur d'une situation de médiation intellectuelle, d'un "jeu d'autorisation réciproque", où tous sont invités à attribuer à chaque individu en présence l'autorité d'un être pensant et créatif. Ainsi, nous nous autorisons tous mutuellement, et sans exception possible, à participer à la situation, car nous nous reconnaissons comme êtres intellectuels. En ce sens, l'autorité particulière du médiateur lui est principalement conférée par le fait que les participants reconnaissent sa capacité à initier une situation dynamique, constructive et captivante. La grande majorité des situations de médiation que nous proposons repose sur une participation totalement libre et volontaire.

III) La marginalisation intellectuelle

Pour bien cerner la médiation intellectuelle, il est crucial de saisir ce contre quoi elle est en lutte. Dans l'enchevêtrement panoramique fulgurant des formes d'exclusion et de discrimination sociale, la médiation intellectuelle vise une forme spécifique, nommément la marginalisation intellectuelle et ses différents avatars. Par marginalisation intellectuelle nous désignons un ensemble complexe de phénomènes de mise à l'écart (ou de relégation à l'état de subalterne) d'individus ou de groupes sur la base de la croyance selon laquelle ils ne sont pas habilités à penser par eux-mêmes, ou que leur pensée n'est pas valable (pensons par exemple aux personnes vivant avec des troubles de santé mentale, ou en situation d'itinérance, ou vivant avec une déficience intellectuelle, ou toxicomanes). Il va sans dire, la marginalisation intellectuelle accompagne la plupart du temps d'autres formes de marginalisation comme le racisme (croire que les noirs ou les autochtones sont moins intelligents), le classisme (les gens vivant sur l'assistance sociale sont moins intelligents que les entrepreneurs à succès), le sexisme (croire que les femmes sont moins douées pour les choses intellectuelles), la marginalisation par compétences (un plombier est moins intelligent qu'un professeur de philosophie), par diplomation (une personne qui n'a pas terminé ses études primaires est moins intelligente qu'une personne qui a un doctorat) ou encore l'âgisme (croire que les personnes âgées ou les enfants sont trop vieux ou trop jeunes pour que l'on puisse raisonnablement prendre en compte leur réflexion). Cette marginalisation est très tangible dans les milieux où évolue notre pratique. Cependant cette forme de marginalisation qui est selon nous transversale aux différents milieux sociaux, ne fait que trop peu l'objet d'études ou de débats dans la société en général et même dans les lieux de production de savoir comme les universités - qui seraient pourtant les lieux privilégiés pour analyser et dénoncer une telle situation. Nos actions sont donc constamment nourries par les enjeux symboliques et politiques liés à l'intelligence comme forme de pouvoir, comme vecteur de contrôle. Selon nos expériences et notre lecture des différents milieux où nous évoluons, la lutte pour la définition et la possession de l'intelligence est sociale et politique au plus haut point. Cela affecte directement les gens les plus vulnérables de nos sociétés; plus encore, cette "distribution" inégale de l'intelligence -suivant la représentation qu'en proposent nos imaginaires sociaux- renforce pernicieusement cette vulnérabilité. Pourtant, cet enjeu reste largement invisible.

IV) Inclusion sociale et émancipation intellectuelle

Pour Exeko et les praticiens de la médiation intellectuelle, le versant positif de cette lutte contre la marginalisation est composé des deux grands objectifs que sont 1) l'inclusion sociale et 2) l'émancipation intellectuelle.

Par inclusion sociale nous n'entendons pas "intégration sociale", ce qui reviendrait à demander aux individus marginalisés de se conformer aux normes déjà existantes. Nous entendons plutôt un processus actif de reconnaissance des êtres ou des groupes marginalisés comme pouvant faire pleinement partie de la négociation des normes sociales. Pour le dire autrement, l'inclusion sociale vise l'ouverture des normes actuelles pour les modifier ou en proposer de nouvelles prenant en compte les réflexions de toutes et tous, incluant les personnes marginalisées et précarisées. Bien que cet objectif puisse paraître grandiloquent à première vue, nous croyons et observons, au moins à petite échelle, que la pratique de la philosophie a le pouvoir de renverser plusieurs préjugés sociaux.

Le deuxième objectif est tout aussi ambitieux. Ce que nous appelons l'émancipation intellectuelle se compose des trois volets suivants : 1) l'autonomie, 2) le dépassement de soi et 3) la présomption d'égalité des intelligences. Par autonomie nous désignons la capacité à penser par soi-même, la capacité à s'extirper d'une tutelle intellectuelle qui nous garde dans un état de minorité10. Par dépassement de soi nous désignons le processus d'autocritique et d'autocorrection nous permettant de déconstruire nos propres schémas épistémologiques (préjugés, opinions, stéréotypes, dogmes). Le dépassement de soi est intimement lié à une vision identitaire capable de désarmer les préjugés (internalisés) que nous entretenons sur nous-mêmes. Éventuellement, ce deuxième volet permet de reconfigurer les rôles sociaux ou les assignations à l'intérieur des situations de médiation intellectuelle avec des personnes vulnérables.

"L'identité de la personne interpellée n'est plus la même : elle devient un citoyen de plein droit, en pleine possession de ses propres moyens, et non une personne assistée, un cas pathologique, un exclu. L'échange philosophique présuppose la rencontre entre deux philosophes, même s'ils sont de compétence inégale, et non celui entre un malade et son thérapeute, entre un assisté et un assistant." (Goucha (dir.), 2007, 169.)

Le troisième volet, l'émancipation intellectuelle, intimement lié au second, est celui de la présomption d'égalité des intelligences (PEI)11. Cette présomption est pour nous si importante que nous l'endossons comme posture éthique informant l'ensemble de nos actions. La PEI est pour nous un point de départ pragmatique, une posture méthodologique, permettant de faire émerger ce qu'elle présuppose. Elle est une opinion efficace12 à la manière d'une prophétie autoréalisatrice telle que l'ont présentée les psychologues américains Rosenthal et Jacobson dans leurs études sur l'effet pygmalion 13. Loin de chercher à mesurer empiriquement les intelligences entre elles, nous postulons plutôt d'emblée, et cela est un préalable à une situation de médiation intellectuelle, que toutes les intelligences réunies dans la situation ont une égale légitimité à participer et à être considérées. À ce sujet, mentionnons par exemple la parenté entre la PEI et la notion "d'interlocuteur valable" proposée par Jacques Lévine (Atelier de philosophie AGSAS). La PEI est en effet une façon de se considérer tant soi-même qu'autrui comme interlocuteur valable. En corollaire, la PEI est pour nous "(...) un idéal démocratique, une critique de l'élitisme, refusant le principe selon lequel certains auraient de fait plus que d'autres la légitimité ou la capacité de pensée" (Goucha (dir.), 2007, 174).

V) Méthode et dispositifs, un aperçu

La médiation intellectuelle est structurée par des traits méthodologiques précis15. Elle comporte trois composantes centrales :

  • la posture éthique de la présomption d'égalité des intelligences (savoir-être) ;
  • une approche pratique composée de stratégies et de techniques (savoir-faire), ainsi que...
  • des contenus divisés en trois axes (esprit critique, analyse sociale et action citoyenne) (savoirs). Cette méthodologie est structurée de manière à permettre l'invention de divers "dispositifs"16 de médiation intellectuelle. Considérant les conditions très variées dans lesquelles nous évoluons, la médiation intellectuelle offre une grande modularité dans l'agencement et le choix des techniques et des contenus.

Les techniques sont divisées en trois catégories :

  • expérientielle (ex: théâtre invisible, jeu de rôle, flash mob, cadavre exquis) ;
  • réflexive (ex: définir, comparer, justifier, carte heuristique, tempête d'idée)
  • interactive (ex: délocalisation, forum ouvert, bâton de parole).

Chacune de ces catégories compte une grande variété de techniques dérivées ou empruntées à des pratiques telles que la philosophie, les nouvelles pratiques philosophiques (philo avec enfants, CRP, café philo, atelier...), l'art performatif, l'art relationnel, l'art conceptuel, la littérature, le travail social, le travail de rue, l'action culturelle, la pédagogie des opprimés, les arts de la scène (théâtre, théâtre forum, cirque), etc. L'évolution constante de la pratique est donc ouvertement syncrétique, ce qui ne nous empêche pas, par ailleurs, de veiller à conserver ses traits méthodologiques précis. En ce sens, pour qu'il y ait une situation de médiation intellectuelle, les trois composantes centrales doivent être observables.

Du point de vue des contenus, on compte toujours dans une situation de médiation intellectuelle un thème (ou horizon thématique) ainsi qu'un objet17 (ou un parcours d'objet). Un thème est un cadre, un contexte, une carte, un panorama sur fond duquel on situe un objet. La liberté pourrait être un thème sur fond duquel on placerait une photo (l'objet) de la New-York Freedom Tower, par exemple. Selon la situation, un thème peut devenir un objet et vice-versa. L'objet, quant à lui, peut être matériel ou conceptuel. Il peut s'agir d'un pneu de voiture, d'une toile de Rembrandt, du concept de justice sociale, d'une question, d'un slogan, du dernier vidéoclip à la mode, d'un sophisme, du journal du matin, etc. L'important est d'assurer l'accessibilité et la pertinence de l'objet que l'on place dans la situation à la manière d'un centre de gravité pour la réflexion commune. Ce que nous appelons ici "objet" occupe un rôle similaire, schématiquement, aux romans philosophiques développés par Matthew Lipman pour les communautés de recherche philosophique. Nous tentons de susciter une expérience commune de l'objet dans la situation et c'est à partir de cette expérience commune située que s'amorcent réflexion et création. De plus, l'objet permet de fédérer l'attention et la réflexion; si le groupe divague, l'objet facilite un recentrement de l'attention, ce qui aide les médiateurs à proposer une situation dynamique et cohérente de co-construction de la réflexion. On ne saurait trop appuyer sur ce point : la préparation de chaque situation demande un agencement judicieux entre techniques et objets.

C'est donc avec la posture éthique, les stratégies et techniques ainsi que les contenus que la médiation intellectuelle tente de provoquer des situations propices à des réflexions créatives et à des créations réflexives. Pour emprunter les mots du rapport de l'UNESCO, nous croyons que ces situations

"[...] sont philosophiques en ce qu'elles tentent, en diverses proportions et à divers degrés, de produire du sens à partir des phénomènes observés, en ce qu'elles invitent à exprimer des idées, à les comparer et à les analyser, en admettant la relativité, l'imperfection ou la subjectivité de ces idées et des schémas qu'elles incarnent. Elles sont philosophiques en ce qu'elles questionnent la réalité de ce qui se sait et se pense, en ce qu'elles expérimentent ce qui pourrait se penser autrement, et en ce qu'elles travaillent les conditions de légitimité de cette pensée." (Unesco. 173-174.)

Considérant les conditions dans lesquelles nous pratiquons, nous tentons d'explorer plusieurs registres de réflexion et formats de situation afin d'échapper au préjugé selon lequel la pratique de la philosophie est une affaire strictement conceptuelle, discursive et textuelle pour laquelle il faut forcément savoir écrire, lire et "bien" parler. La modularité de l'agencement des techniques et des objets vise justement à pouvoir proposer des situations dans lesquelles faire et penser ou penser et faire vont d'un même geste. À cet effet, l'utilisation des techniques issues des pratiques artistiques est particulièrement judicieuse. Ces dernières agissent comme des ponts d'accessibilité : l'accès à la pratique philosophique par les voies des techniques artistiques et inversement. L'utilisation de techniques de théâtre forum, couplées à un thème comme la justice et à un objet comme les saynètes improvisées par les participants, est un bon exemple de situation dans laquelle faire et penser vont d'un même geste, car on y est autant acteur (dans la saynète) qu'analyste de l'action.

Le choix des objets relève d'un savoir-faire spécifique, on pourrait même parler d'un certain art du choix des objets. La plupart du temps, pour des questions d'accessibilité -connecter avec le mode de vie et les expériences des participants- nous favorisons un objet matériel, car cela facilite la médiation vers des registres plus abstraits et, de cette façon, on encourage les aller-retour philosophiques entre le général et le particulier. L'objet choisi peut être un objet usuel relativement banal (la photo d'un tatouage par exemple) ou un objet inusité que l'on importe dans un quotidien pour piquer la curiosité (des lunettes de soleil traditionnelles inuites). Si l'objet est usuel et banal, la médiation intellectuelle tentera de stimuler une distanciation réflexive permettant un regard critique et un changement de perspective (à partir d'un tatouage ou d'une photo de tatouage, on esquissera par exemple une réflexion de style anthropologique sur l'évolution de la fonction sociale, à travers l'histoire, du tatouage). On pourrait également détourner l'objet de sa fonction usuelle (prendre un livre quelconque et proposer, à partir du titre, l'expérience de pensée selon laquelle ce livre en viendrait à avoir sur l'histoire de l'humanité un impact aussi grand que celui qu'a pu avoir la Bible). Le choix d'un objet inusité, quant à lui, permet d'alimenter une curiosité intellectuelle et de susciter l'ouverture à la découverte d'objets qui relèvent habituellement d'autres milieux sociaux (pensons par exemple à des participants d'un centre pour jeunes de la rue qui assistent à une représentation d'Elektra de Richard Strauss (ici l'objet) suivi d'une communauté de réflexion avec la metteure en scène). Sous cet angle, nous oeuvrons à la démocratisation des objets et des pratiques culturelles.

Minimalement, une situation devrait se centrer sur au moins un objet ; cela dit, il nous arrive fréquemment de proposer ce que nous appelons des " parcours d'objets ". Ces parcours permettent d'intégrer plusieurs objets dans une même situation. Selon la proposition-soit l'agencement techniques et contenus- préparée par les médiateurs en amont de la situation, on aura prévu de faire intervenir tel ou tel objet à des moments spécifiques de la situation de manière à raviver constamment l'intérêt des participants, à favoriser la découverte, et à enrichir la réflexion collective en cours. Évidemment, le parcours d'objets contenu dans la proposition est préparé afin de stimuler, de situation en situation, une variété d'orientations réflexives18 avec les participants19. À titre indicatif, mentionnons que les parcours permettent de proposer des situations qui se trouvent à mi-chemin, en termes de format, entre un atelier philosophique de type "université populaire" (tendance magistrale) et une communauté de réflexion philosophique ; on y est autant apprenant que producteur et chercheur.

VI) Une pratique expérientielle

La médiation intellectuelle tente de cultiver activement20 un caractère expérientiel dans les situations qu'elle propose. Par expérientiel, nous entendons d'abord le fait de produire des situations qui n'engagent pas seulement l'échange conceptuel ou discursif, mais également l'activation, à des fins réflexives et créatives, du perceptuel et de l'affectif. Bref, nous cherchons souvent à faire vivre des situations pour mieux les prendre ensuite comme objet de réflexion ; ou, pour le dire autrement, nous cherchons à faire vivre des expériences affectives21 en continuité avec des expériences intellectuelles et vice-versa.

Voici quelques cas de figure. On pourrait par exemple performer une scène de théâtre invisible dans laquelle un personnage marginalise intellectuellement un second personnage, en caricaturant progressivement jusqu'à l'insoutenable. Un autre exemple consisterait à montrer l'efficacité des manipulations du discours (art rhétorique) en arrivant à convaincre les participants par des arguments séduisants et sophistiques, pour attirer ensuite leur attention sur la supercherie. Un dernier exemple nous renverrait à une expérience d'immersion sociale dans laquelle on se vêtirait comme un jeune punk de la rue pour ressentir les interactions sociales à travers ce mode de vie - sous l'observation attentive du jeune punk à qui on aurait emprunté le "costume" pour l'occasion. Les possibilités de propositions -agencement techniques et contenus- expérientielles sont évidemment innombrables.

Plusieurs motifs nous poussent à cultiver ce côté expérientiel de notre pratique. À l'instar de toute bonne pratique pédagogique, la médiation intellectuelle doit pouvoir capter la motivation, l'attention et l'intérêt des participants. Au fil de notre pratique, nous avons observé de façon récurrente que des moments expérientiels, à l'image des exemples précédents, facilitent cette captation.

Un des défis centraux est celui de combattre en acte le stéréotype selon lequel le savoir se ramène en définitive à une chose plus ou moins morte et ennuyeuse. Plusieurs personnes ont acquis, durant leur parcours scolaire ou au travers de leurs expériences professionnelles, l'idée que le savoir (ou la chose intellectuelle) renvoie à l'école comme à sa seule forme possible et qu'il doit, étant donnée une expérience scolaire souvent pénible voire punitive, avoir un rapport difficile au savoir. Nous cherchons donc activement à dissoudre cette association et à développer de nouveaux rapports entre les formes de savoirs, les pratiques de savoirs et les gens. À ce compte le rapport expérientiel s'avère être une arme efficace, qui se fonde pour nous sur les deux axiomes suivants :

  • nous pouvons tous vivre des expériences ;
  • nous avons tous la capacité de réfléchir sur ces expériences.

Considérant les milieux plutôt difficiles (routine ambiante, redondance, banalité des souffrances, banalité de la violence) au sein desquels nous travaillons, il est pour nous essentiel de faire émerger ou de susciter des affects, et peut-être en particulier des affects de joie, qui augmentent la puissance d'agir, le goût de philosopher et de créer. En d'autres mots, il s'agit d'opérer un certain réenchantement de la situation en passant par des techniques pour établir un rapport dialectique entre raison et émotions, entre techniques artistiques et techniques réflexives. Ce réenchantement est parfois, et non pas nécessairement, lié à des propositions plus récréatives et ludiques. Il va sans dire que le caractère ludique facilite bien souvent l'accessibilité au travail philosophique - si ce travail n'est pas lui-même porteur d'une dimension intrinsèquement ludique22.

Un motif additionnel nous poussant à cultiver le volet expérientiel tient au fait que plusieurs des participants avec lesquels nous travaillons ne sont pas ou peu habitués aux modalités de l'enseignement traditionnel (tel le cours magistral). Plusieurs d'entre eux disent avoir cultivé une sensibilité pratique, "concrète" ou manuelle. Ainsi, le fait de proposer des moments expérientiels permet de mieux donner accès à ce que les concepts ont de tangible, d'incarné, de pratique et de concret. Le goût du travail philosophique vient souvent avec la possibilité de saisir clairement sa pertinence sur un plan existentiel et social. Considérant l'importance, au moins dans un premier temps, d'entrer en contact avec les concepts philosophiques de manière tangible et incarnée, nous y mettons à contribution les ressources des techniques artistiques car ces dernières recèlent tout particulièrement le potentiel et la puissance nécessaire à la relève de ce défi.

D'un côté, comme on l'a dit, on parle donc d'un accès à la pratique de la philosophie à travers des techniques provenant de diverses pratiques artistiques. Un deuxième côté s'ajoute au premier, car il ne s'agit pas seulement d'accéder à la pratique philosophique en empruntant les voies offertes par les techniques artistiques : il s'agit également, et tout autant, d'expérimenter ce que l'activité philosophique a d'artistique, de sensible et d'expressif. La médiation intellectuelle se tient donc en équilibre sur la ligne de faille entre affects, concepts et percepts, entre émotion et raison, entre esthétique et épistémologie. Nous croyons qu'il faut souligner davantage la mesure dans laquelle les émotions sont nécessaires à l'activation d'une pensée analytique et que la pensée analytique a également une valeur sensible23. Bref, la médiation intellectuelle est une exploration de la frontière entre la création artistique comme contenu de pensée et la pratique philosophique comme geste expressif24. Cette tension ambiguë est intrinsèque, constitutive, mais surtout motrice ; nous avançons sans cesse dans l'intervalle entre la mise à distance philosophique et l'immersion perceptive25, dans l'exploration multiforme des dimensions plurielles de notre vie et du monde où cette vie est toujours déjà engagée.

"Passer du critique au créatif, c'est, en effet, passer de l'aptitude à l'art, d'une situation dans laquelle les fins contrôlent le déploiement de moyens à une autre, dans laquelle les fins et les moyens émergent et se répandent, évoluent ensemble, jouent tour à tour pour ensuite se retirer" (Lipman, 1995, 108)

VII) À venir

Une infinité de choses resterait encore à dire. Plusieurs éléments brillent par leur absence dans ce bref portrait brossé à gros traits. Nous avons survolé tour à tour la définition, les objectifs, la méthode et le registre expérientiel. Mais nous aurions également aimé pouvoir discuter des conditions de possibilité (financement, administration), des impacts26 espérés et observés, des études de cas détaillées, des variétés de dispositifs, de la posture performative, ou encore des degrés de philosophicité de notre pratique. Ces questions sont toutes aussi brûlantes les unes que les autres. Nous savons fort bien qu'il reste tant à faire et à améliorer.

Par-dessus tout, nous espérons que cette adresse faite aux lectrices et lecteurs contribuera à la poursuite d'un polylogue bien vivant entre nous, praticiennes et praticiens de la philosophie. Si jusqu'à assez récemment -il y a deux ans et demi- nous ignorions encore l'existence du réseau d'acteurs des nouvelles pratiques philosophiques, nous sommes heureux de rencontrer aujourd'hui une communauté d'esprits et de pratiques aussi riches et dynamiques, qui nous inspire désormais au jour le jour.

Ce qui nous énergise tout particulièrement, c'est que nous partageons manifestement des visées et objectifs communs : cultiver une acuité des gestes de pensée et, par-là, renforcer les tissus sociaux permettant de résister aux formes de l'exclusion et du mépris. C'est à une démocratie intellectuelle que nous travaillons, à un monde peuplé de penseurs, un monde où il fait bon "être le plus nombreux possible à penser le plus possible."27. Un monde où l'on apprend à "vivre l'expérience particulière de cette incessante négociation de sens"28, un monde où l'on sait trouver des dispositifs d'écoute et de prise de parole accueillants ; un monde où des mots comme dissensus, désaccords, dissension, riment avec multiplicité féconde ; un monde dans lequel les conflits sociaux ne se règlent plus par l'imposition de la force et de la domination, mais par l'invention de concepts et d'affects en partage.


(1) Pour plus d'information sur les disparités socioéconomiques entre allochtones et autochtones au Canada : http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/390067/peuples-autochtones-c-est-la-crise-au-canada-dit-le-rapporteur-special-de-l-onu

(2) Mohawk, Anishnabe, Innu, Atikamek, Cri, Odjibwe, Inuit, Migmag. Cliquer sur ce lien pour voir la carte des nations et communautés autochtones au Québec.

(3) [http://www.autochtones.gouv.qc.ca/nations/cartes/carte-11x17.pdf].
Voir à ce sujet le rapport de recherche Quand la prudence épistémique devient le buzzer du doute (Dir. Serge Robert. Lanci, UQAM. 2013). [ http://exeko.org/sites/fichiers/rapport_de_recherche_exeko_lanci_sac_2013.pdf]

(4) Ce panorama des pratiques par Michel Tozzi est une bonne base de comparaison : [http://www.philotozzi.com/2012/08/comparaison-entre-les-methodes-de-philosophie-avec-les-enfants/]

(5) Voir le texte très inspirant de Gunter Gorhan "Comment faire vivre la philosophie dans la cité?" Diotime, no. 63 (01/2015).

(6) Nous pensons ici au dispositif de Michel Tozzi et à ses trois grands ensembles d'opérations : Problématiser, conceptualiser, argumenter. Cf. l'article Animer une discussion philosophique en classe [http://www.philotozzi.com/2011/03/439/].
En matière d'habiletés de raisonnement, mentionnons ici le très inspirant livre de Normand Baillargeon, Petit cours d'autodéfense intellectuelle 2005), publié chez Lux éditeurs.

(7) Les définitions présentées ici sont tirées du dictionnaire en ligne CNRTL [ http://www.cnrtl.fr/definition/].

(8) Nous nous inspirons des travaux de Jacques Rancière (1987); en particulier de la figure du "maître ignorant" tel que Rancière la restitue dans le cadre de sa lecture du pédagogue Joseph Jacotot.

(9) David, 2015.

(10) "Cette émancipation est celle qui permet à l'individu d'utiliser sa propre intelligence, c'est-à-dire d'atteindre une indépendance par rapport à l'intelligence et à la raison d'autrui. Il s'agit ici de penser l'émancipation de l'individu comme autonomie, c'est-à-dire comme la capacité à se fixer ses propres règles." (Beauchemin, 2013, 6)

(11) Pour une présentation approfondie de la "présomption d'égalité des intelligences", voir le texte de Daniel Blémur sur le site d'Exeko.
[https://drive.google.com/a/projetexeko.com/file/d/0BzOepHp-C_YgdzJQXzNBcGtnYjQ/view].

(12) Il s'agit ici de l'expression du pédagogue Joseph Jacotot. C.f. Rancière, 1987.

(13) Rosenthal et Jacobson,1992.

(14) Michel Tozzi propose un belle synthèse de cette notion dans son article "Comparaison entre les méthodes de philosophie avec les enfants"
http://www.philotozzi.com/2012/08/comparaison-entre-les-methodes-de-philosophie-avec-les-enfants/

(15) Pour une exposition approfondie de la méthodologie voir le document de présentation de la médiation intellectuelle
[ https://drive.google.com/a/projetexeko.com/file/d/0BzOepHp-C_Ygb3N1aEsxRWY3cG8/view]

(16) Nous utilisons ici le terme dispositif au sens où l'entend Michel Tozzi lorsqu'il parle du dispositif (ou méthode) Tozzi-Delsol-Connac.

(17) Plusieurs praticiens parlent de "support". Cependant, "support" et "objet" (selon le sens technique qu'on lui attribue) ne s'équivalent pas complètement. Voir la section 5 "La place des supports" dans l'article suivant : [ http://www.philotozzi.com/2012/08/comparaison-entre-les-methodes-de-philosophie-avec-les-enfants/]

(18) On pourrait aussi employer la métaphore du "champ de forces magnétique" ou "gravitationnel", permettant à la réflexion d'explorer une zone particulière ou une orbite réflexive spécifique.

(19) À titre d'exemple : une proposition composée du thème "l'illusion d'optique", avec un parcours d'objets combinant le triangle de Penrose, divers dessins de M. C. Escher, un dessin animé de Mickey Mouse datant de 1928, et une photo de mirage dans le désert. Le tout avec la question initiale suivante : "Dans quelle mesure une illusion peut-elle être réelle ?"

(20) Le caractère expérientiel de la pratique est une visée, mais les situations ne doivent pas être en tout point et à tout moment expérientielles. Disons que le côté expérientiel de la pratique, sans en recouvrir l'entièreté, est recherché et valorisé.

(21) Ici au sens littéral d'expériences suscitant des affects, sans qu'il faille pour autant verser dans les registres émotionnels et psychologiques.

(22) Boss, 1979, 493-520.

(23) "La créativité, pour sa part, est le principe qui oriente les pratiques sensibles au contexte et qui met l'accent sur l'ajustement innovateur entre parties et tout. Pensée critique et pensée créative sont donc toutes deux rigoureuses et audacieuses " (Houssaye. 1995).

(24) Sur cette question, écouter le commentaire de Guillaume LeBlanc dans Les nouveaux chemins de la connaissance, "Penser la voix (2/4) vox populi, la voix en politique". 12-12-2013. Par Adèle Van Reeth. Réalisation : Olivier Guérin. France culture.
http://www.franceculture.fr/emission-les-nouveaux-chemins-de-la-connaissance-penser-la-voix-24-vox-populi-la-voix-en-politique-2.

(25) Suivant la réflexion de Mathieu Gagnon, et considérant que nous oeuvrons en complémentarité avec les secteurs de la santé, de l'éducation et du communautaire, nous précisons chaque jour notre compréhension, en termes d'impacts psychiques et psychologiques, de notre pratique philosophique. Notre type d'intervention étant pour le moins inusité dans plusieurs milieux, nous devons constamment en démontrer la pertinence. C.f. (Sasseville et Gagnon. 2011.145).

(26) Cela n'est pas sans rappeler les propositions de Schiller dans les Lettres sur l'éducation esthétique de l'homme (Schiller, 1992 [1794]), lorsqu'il évoque la complémentarité de l'instinct formel et de l'instinct sensible.En cela le terme de "proposition" pour désigner ce que les médiateurs préparent et soumettent aux participants est évocateur, puisqu'on peut entendre ce terme à la fois au sens d'une proposition artistique et au sens d'une proposition logique ou argumentative. Dans les deux cas, la proposition n'est pas un contenu de vérité à imposer ou à transférer, c'est plutôt un objet à examiner tout comme on examinerait une peinture.

(27) Charbonnier, 2013.

(28) Lang, 2011, 261.

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