Revue

Mes "contes philosophiques"

Comment déclencher un apprentissage autonome ?

Comment déclencher un apprentissage autonome ?

L'héritage de Jean Piaget

Afin de mieux situer ma démarche dans son aspect pédagogique, je dois revenir brièvement aux conceptions de Jean Piaget, dont j'ai été l'élève. On sait que Piaget insistait sur l'activité de l'enfant, sur l'importance de son questionnement propre dans l'apprentissage. Il ne niait pas pour autant le rôle de la transmission du savoir, de l'imitation, ni de la pression de l'environnement, mais il mettait l'accent sur l'autonomie de l'individu dans le développement intellectuel. Sans cette autonomie, argumentait-il, on ne peut expliquer les "stades" du développement (Cellérier, 1973), et on ne peut expliquer que la même succession de stades se retrouve partout.

Je ne veux pas revenir sur les controverses que sa théorie a suscitées, qui sont d'ailleurs largement dépassées, mais je retiens son intérêt pour l'apprentissage spontané (Notons que Piaget ne parle pas d'apprentissage mais de développement cognitif ; aujourd'hui cependant, ces deux notions tendent à être confondues). Disons qu'un apprentissage est spontané quand c'est l'enfant lui-même qui corrige ses conceptions lorsqu'il rencontre ce qu'il perçoit être une contradiction (Piaget, 1974). Bien entendu le pédagogue ou le psychologue peut le conduire vers cette prise de conscience, mais le "travail" cognitif, le travail de prise de conscience et de dépassement, est fait par l'enfant.

Je retiens aussi ce que j'ai appris lors des travaux pratiques que nous faisions sous la direction des assistants de Piaget. Nous interagissions alors avec des enfants, leur posant des questions ouvertes, reprenant leur réponse et essayant de les approfondir ; c'est la méthode "clinique" de Piaget (Droz, R. et al., 1973). C'est alors que j'ai vu et entendu l'intérêt des enfants pour des questions réputées difficiles, par exemple des questions de physique relatives au temps ou à l'espace, de logique concernant l'inclusion ou la sériation, voire de morale à propos d'équité ou de réciprocité.

Bien sûr, il fallait mettre ces questions à la portée de l'enfant, plus précisément et dans la perspective d'un apprentissage, il fallait, une fois déterminé son niveau de développement, perturber un peu son système conceptuel pour tenter de le faire progresser. Pour que l'apprentissage soit autonome, il fallait aussi ne pas apparaître comme celui qui sait et qui impose son savoir. Pour cela, nous faisions parfois expressément des erreurs grossières de raisonnement, ce qui permettait à l'enfant de nous corriger. J'ai retenu le plaisir que les enfants avaient à corriger des adultes, et la motivation que cela leur donnait pour apprendre. Cette astuce doit toutefois être adaptée à l'âge de l'enfant, et malgré cet ajustement, fonctionne d'autant moins bien que les enfants sont plus âgés. De là vient mon idée de mettre en scène des hommes de l'antiquité. Ceux-ci en effet font des erreurs (pour nous), et - c'est un avantage - ils ne le font pas exprès. Mais il y a une autre raison, plus importante, à ce choix de l'antiquité. Selon Piaget, il y a un parallèle entre l'histoire et la genèse du développement cognitif. Pour prendre un exemple un peu simpliste, l'enfant va de l'égocentrisme vers une progressive décentration, ce qui semble aussi avoir été le cas de l'homme dans son histoire. S'il est vrai qu'il y a un parallèle, comme le pense Piaget, entre l'évolution historique des conceptions du monde et la genèse individuelle de ces conceptions, alors l'enfant d'aujourd'hui pourrait avoir une certaine familiarité avec des conceptions historiquement anciennes. En situant mes histoires dans l'Antiquité, je peux donc mettre en scène des adultes qui se trompent, ce qui amuse et motive les enfants, et mettre à leur portée des idées accessibles sans être simplistes.

Trois contes philosophiques

Voyons cela de plus près à propos de 3 contes : (1) Ping Pou l'astronome, un conte astronomique, (2) Aristibule et le roi Nozé, un conte à dilemme moral, et (3) Le zéro d'Oxymoron, un conte logico-mathématique.

1) Ping Pou est un astronome de l'Antiquité chinoise, qui pense que les étoiles sont collées à la voûte céleste. Pour son collègue Li Fu, elles sont suspendues à des fils. Ils font tous deux des observations qui confirment leurs croyances. Pour voir les choses de plus près, ils gravissent ensemble une montagne, et font des découvertes étonnantes qui sont cependant perturbées par un étrange nuage.

Les personnages sont fictifs, de même que leurs théories. Il n'en reste pas moins que le rapport entre la voûte céleste et les étoiles constituait un problème pour les astronomes de l'antiquité, problème que j'ai transposé dans ce conte. Les enfants d'aujourd'hui, à partir d'un certain âge, savent que les idées des deux astronomes sont fausses. Mais, encore une fois, quand les enfants sont en face d'adultes qui se trompent, ils sont davantage poussés à comprendre pourquoi ils se trompent que s'il s'agissait de camarades. L'adulte en effet apporte en général la vérité, le savoir, à partir d'une position de supériorité ; quand il se trompe, quelque chose est perturbé. Ce conte est aussi l'occasion d'une réflexion sur le système solaire (pourquoi le soleil se lève le matin et se couche le soir), et sur la découverte en astronomie.

2) Aristibule est un philosophe convoqué à la cour d'un roi de l'Antiquité grecque. Très vite, la discussion porte sur les pauvres ; le roi ne sait qu'en faire, ou plutôt il ne sait comment les punir d'être pauvres. Le philosophe propose alors un dilemme moral du type de la fable du "vol altruiste" de Piaget, repris par Laurence Kohlberg (Moessinger, 1989), laissant ainsi entendre qu'on peut prendre aux riches pour donner aux pauvres. Le roi rejette catégoriquement cette idée, "injuste pour les riches". Il affirme sans nuance qu'il faut couper la main des voleurs.

Au-delà de ce problème moral, s'affrontent deux visions de la société, l'une basée sur l'autorité et la loi du Talion, l'autre sur l'équité et la réciprocité. Ce conte peut donc conduire à discuter avec l'enfant lecteur de nombreux points tels que l'effet et le rôle de la punition, les raisons de la soumission ou de la non soumission à l'autorité, l'importance de l'intentionnalité de l'action, ainsi que le dilemme moral du vol altruiste qui conduit à évaluer la place de la morale par rapport à la loi ou aux normes sociales. Tout cela a l'air compliqué, mais c'est abordable pour l'enfant quand c'est présenté dans des exemples simples. Par exemple, le roi prétend que si on ne punit pas les pauvres, ils vont se multiplier. Que répondre au roi ? Celui-ci prétend aussi que c'est comme les élèves qui trichent à l'école : si on ne les punit pas, il y en aura de plus en plus. On peut alors aborder avec les lecteurs la question de savoir si pauvres et tricheurs posent bien le même problème moral. Ici encore, la question est difficile, mais il ne s'agit pas de donner la bonne réponse, il s'agit, en discutant, d'élargir le point de vue du lecteur, éventuellement de le faire progresser.

3) Oxymoron est un mathématicien qui impressionne ses contemporains par ses aptitudes à manier l'addition et la soustraction. Il fait état de ses capacités, alors qu'il est invité chez le Général Aurélias, en compagnie du Professeur Nikias, en additionnant des choses très différentes. Les convives sont impressionnés, même s'ils ont de la peine à le suivre. Quand cependant Oxymoron propose d'introduire le zéro pour faciliter certaines soustractions, il n'est pas suivi. C'est qu'en effet, Aurélias et Nikias ne distinguent pas entre zéro et rien, et ne peuvent donc pas comprendre la notion de zéro. Ici encore, les personnages sont fictifs, mais les problèmes de la compréhension du zéro correspondent aux questions que se posaient les hommes de l'Antiquité, voire plus tard, et sont accessibles aux enfants d'aujourd'hui.

Les problèmes que soulèvent ce conte se réfèrent à la construction du nombre chez l'enfant, c'est-à-dire à l'élaboration d'un invariant numérique, indépendamment de tout support matériel et de tout rapport à l'action. Dès son plus jeune âge, l'enfant est capable de dénombrer des objets mais on ne saurait parler d'un nombre tant que ce dénombrement dépend de la disposition des objets ou des actions exercées sur ces objets. Comme le dit Piaget (Chalon-Blanc, 2005), "c'est par la formation d'un invariant dépassant les illusions perceptives que se mettent en place les conditions de possibilité du nombre au sens mathématique du terme." Or il y a fort à parier qu'avant la constitution de cet invariant, zéro et rien sont confondus, et il semble qu'une telle confusion ne soit pas seulement l'apanage des enfants, mais qu'elle ait aussi affecté les hommes de l'antiquité, et au-delà.

Ce conte pourrait donc être l'occasion de revisiter, avec ses lecteurs enfants, les questions liées à la "construction" du nombre, telle que l'équivalence de deux collections de choses dont on modifie la disposition. On peut aussi tester le rôle de l'hétérogénéité des objets sur l'addition ou la soustraction. Quant au zéro, on peut tester un début de compréhension en proposant des additions du type "zéro plus quelque chose" ou "zéro moins quelque chose".

Ces "contes philosophiques" sont donc aussi des contes pédagogiques. Ce sont des contes par une certaine atemporalité, par ce qui apparaît comme la naïveté des personnages, ou comme une mise en scène burlesque de la science, mais ce sont avant tout des histoires, c'est-à-dire des événements singuliers reliés de manière parfois inattendue mais toujours plausible et cohérente par rapport aux situations ou aux personnages ; par ailleurs, ces histoires conduisent à une chute, et non pas à une "leçon" ou une "morale".

Annexe : un conte - Aristibule et le roi Nozé

Aristibule, fils de Zélé, était originaire de Chypre. On le surnommait "Palmier d'Egypte" car il était grand, maigre et de peau foncée. Il avait le cou de travers, ce qui lui permettait de voir des choses que les autres ne voyaient pas ; cette singularité déclenchait aussi moqueries et ricanements, c'est pourquoi il acceptait rarement d'aller aux banquets ; il préférait manger des radis et des figues chez lui en lisant Héraclite ou Pythagore. De Pythagore il aimait les idées sur la musique : elle permet de guérir le mauvais caractère. Il avait aussi essayé de comprendre son théorème, mais il avait remis ce travail à plus tard, et n'y était jamais revenu ; après tout, il était philosophe et non pas calculateur. D'Héraclite il avait appris qu'on ne fait jamais deux fois la même chose. Cette idée lui paraissait très juste, très profonde ; il y pensait tous les jours. Arriva un moment où il eut trop réfléchi, et la science et la culture se mirent à déborder de son esprit. Ses idées s'écoulèrent dans un livre sur la vie qu'il écrivit la nuit, en suçant des noisettes de Byzance. Sans s'interrompre, il rédigea encore De la nature, De l'art ,et Des choses. Il cessa d'écrire à soixante-dix ans - il avait tout dit - et reçut, un peu plus tard, une lettre en parchemin du roi Nozé de Céramique, apportée par un messager :

"Le Roi Nozé de Céramique est bien au-dessus d'Aristibule par le rang et par la gloire, mais Aristibule le surpasse par la science et la sagesse qu'il possède. C'est pourquoi le Roi a décidé de le faire venir à lui. Il attend Aristibule à son palais où il vivra désormais. Salut.

Le Roi".

Aristibule fut surpris, c'était la première fois qu'un roi lui écrivait. Il prit un morceau de papyrus et, après réflexion, trouva des phrases qui lui parurent polies et respectueuses :

"Je suis très flatté par ton invitation, ô mon Roi. Malheureusement je suis bien trop vieux pour me déplacer. Malgré mes prières, mes jambes me portent mal et je ne peux plus lire. La seule chose que les dieux m'aient accordé, c'est de ne plus entendre les bruits du monde. Que cette lettre te trouve en bonne santé !

Très humblement, Aristibule".

Nozé ne prit pas cette lettre pour un refus. Il envoya une douzaine de serviteurs chercher Aristibule chez lui. Ses protestations restèrent vaines ; on l'emmena de force. Les serviteurs s'emparèrent aussi de quelques papyrus, de statuettes en plâtre, de tablettes de cire et de trois vases dont les peintures résumaient l'oeuvre du philosophe.

Aristibule fut installé dans une aile du palais, non loin de la demeure de Nozé. Il reçut des soins attentifs ; on lui frottait les oreilles avec des cornes d'abondance pour améliorer l'ouïe, son cou était saigné pour le rectifier, et des ventouses lui étaient appliquées tous les matins pour guérir de maux inconnus de lui, mais connus des dieux et des médecins. Un matin le roi se présenta chez lui à l'heure du petit déjeuner, suivi de son chambellan, de quelques pages, d'un général et d'un fou.

- Merci d'avoir accepté de vivre chez moi et de m'illuminer de ton savoir, dit le roi. Tu m'enseigneras la sagesse. Grâce à toi j'atteindrai les sommets de l'esprit ; mon peuple et moi-même deviendrons plus heureux et plus vertueux.

- Je veux rentrer chez moi, répondit Aristibule, le regard dirigé vers la fenêtre.

- Comment ! s'exclama Nozé, interloqué. Chez toi, il n'y a rien !

- Pardon, dit Aristibule, chez moi il y a tout ce que j'aime. Il y a le calme, il y a le chant des grillons, il y a l'odeur des lauriers, et il y a la forêt qui apporte sa fraîcheur.

Le roi pensa : "Les grands hommes sont capricieux", et le meilleur exemple qu'il trouva pour illustrer cette pensée ne fut autre que lui-même. Son admiration pour Aristibule augmenta encore. "Voilà qui me change des vils flatteurs qui m'entourent", se dit-il, et, poursuivant son idée, il compara Aristibule à un dieu. Par prudence, cependant, il fit placer un garde devant la résidence du philosophe.

Quelques jours plus tard, au terme d'un bon repas, le roi eut envie de parler savamment. Il se fit amener Aristibule. Nozé commença par un hoquet.

- J'adore la purée de lentilles à l'ail, dit-il, le vin à la menthe et les cerises à l'alcool de blé. D'ailleurs je ne mange et ne bois que des choses que j'aime. J'ai une bonne santé, et je vis dans un royaume très civilisé. Dès lors, mon cher Aristibule, je te pose une question : existe-t-il un mortel plus heureux que moi ?

Aristibule se tenait debout devant le roi. Ses jambes étaient enflées, son dos écorché par les ventouses. Comme il entendait mal, il ne sut pas si le roi lui avait posé une question. À tout hasard, il lança :

- Je penserais exactement comme toi si j'étais à ta place et toi à la mienne !

- Aha ! dit le roi, voilà une fine réponse !

Il avala un morceau de fromage trempé dans de l'huile d'olive, et continua la bouche pleine :

- Mon cher Aristibule, j'aimerais te consulter sur une question qui me préoccupe depuis longtemps : que faut-il faire des pauvres ? Ils sont partout, ils crachent sans cesse, salissent les rues et les cours, ils boivent du vin impur, donnent le mauvais exemple aux enfants.

Aristibule, qui avait entendu le mot "pauvre", remarqua : "Ils sont nombreux". Nozé continua, tandis qu'Aristibule tendait l'oreille :

- Il y a quelques années, je suis allé consulter la prêtresse d'Epidaure pour lui demander comment résoudre ce problème. Sais-tu ce que la prêtresse m'a répondu ? Elle a dit "il faut". Qu'est-ce que cela signifie, Aristibule ? Il faut quoi ? Peux-tu m'expliquer cela ?

Aristibule réfléchit tandis que Nozé se gargarisait avec une gorgée de vin cuit.

- La prêtresse d'Epidaure n'aime pas les longues phrases...

Nozé ne lui laissa pas le temps de terminer.

- Si on ne punit pas les pauvres, il y en aura de plus en plus !

Aristibule entendait bien car le roi s'était mis à parler fort. Il répondit, pensif :

- Être pauvre n'est pas très agréable.

- Au contraire, c'est très agréable, il n'y a rien à faire, il n'y a qu'à rester pauvre !

Aristibule regarda Nozé avec scepticisme, mais Nozé ne le vit pas ; il était emporté par son raisonnement.

- C'est comme les écoliers qui trichent ; si on ne les punit pas, tous les écoliers vont se mettre à tricher !

- Hum... ce n'est pas tout à fait la même chose...

Nozé faillit s'étouffer après avoir avalé une louche de gruau d'orge fortement épicé. Aristibule en profita pour enchaîner :

- Si tu me le permets, ô mon roi, je vais te raconter l'histoire d'un enfant de mon village, Thrasybule, qui avait un ami très pauvre. Un jour, Thrasybule, voyant son ami souffrir de la faim, alla voler un pain à Gérasime le boulanger, qui était aussi l'homme le plus riche du village. La question que je me pose est la suivante : Thrasybule a-t-il fait quelque chose de très mal, de moyennement mal, ou seulement d'un petit peu mal ?

- Eh bien c'est très mal, dit Nozé sans hésiter, il faut lui couper la main !

Aristibule se contenta de pousser la lèvre inférieure dans une moue dubitative.

- Voyons, mon cher Aristibule, on ne peut tout de même pas prendre aux riches pour donner aux pauvres, ce serait absurde !

Nozé but une coupe de thé aux pommes, et marmonna :

- Ce serait totalement injuste pour les riches !

Aristibule, qui n'avait entendu que des gargouillements, répondit par une phrase tirée d'un de ses livres :

- Un pain vaut mieux que de la mort aux rats.

- Voilà une excellente idée, dit Nozé, le regard perdu dans sa coupe de thé. C'est de la mort aux rats qu'il faut donner aux pauvres. Voilà donc ce qu'il faut faire !

Dans les jours et les mois qui suivirent, Aristibule et Nozé se virent souvent. Le roi faisait venir le philosophe chaque fois qu'il se heurtait à un problème difficile. Certes, il n'avait pas besoin de conseils pour mener ses armées : si des merles sifflaient au coucher du soleil, il attaquait à l'Est, si une courroie de ses chaussures cassait, il attaquait à l'Ouest. Il n'hésitait pas non plus pour rendre la justice : il fallait couper la main des voleurs et lapider les assassins. Il y avait cependant des questions plus délicates qui le laissaient perplexe. Lorsqu'une souris rongeait un sac de farine, qu'est-ce que cela signifiait exactement ? Le roi allait-il recevoir un cadeau, ou était-ce le moment de cueillir les figues, tout simplement ? Quels malheurs annonçaient les canards lorsqu'ils traversaient la route ? Si un serpent tirait la langue, fallait-il se protéger en crachant dans un coquillage ou en se frottant la tête avec de l'ail ? Interrogé sur ces questions, Aristibule répondait : "Les choses les plus complexes ne sont pas les plus simples". Ravi, Nozé ne tarissait pas d'éloges sur la sagesse d'Aristibule. Il l'appelait "mon ami".

Épuisé par l'agitation du palais et torturé par ses médecins. Aristibule ne songeait qu'à partir. Un beau matin d'automne, il demanda à son garde d'aller lui chercher des pois chiches au marché. Le garde, auquel on avait oublié d'interdire d'aller chercher des pois chiches au marché, accepta. Aristibule en profita pour s'en aller sans rien dire, ne laissant qu'un billet d'adieu pour Nozé :

"Merci pour ton hospitalité, mais je préfère vivre au contact de la nature.

Aristibule".

Nozé pensa que c'était un caprice de philosophe, qu'il ne tarderait pas à revenir. À tout hasard, il dicta à ses scribes une affiche qu'il fit placarder le lendemain dans tout le royaume.

Avis de recherche

"Le roi Nozé recherche le philosophe Aristibule, dit "Palmier d'Egypte". Signes particuliers : peau foncée et cou de travers. Royale récompense à qui le ramènera vivant au palais".

L'avis était accompagné d'une illustration, plutôt mal copiée, supposée montrer Aristibule assis sur le rebord d'une fontaine dans les jardins du palais, un chrysanthème à la main.

Malgré les recherches, Aristibule demeura introuvable. Le chef de la sécurité, qui n'était autre que le cousin du roi, assura Nozé que le philosophe avait quitté le territoire du royaume. "Peut-être est-il retourné à Chypre", suggéra-t-il.

Il fallut bien quelques semaines à Nozé pour qu'il comprenne et accepte qu'Aristibule ne reviendrait pas. Il se retira alors dans sa chambre, y resta enfermé de longues heures sans manger. Quand il en sortit, il convoqua la cour. Les yeux encore rougis par les pleurs, il ordonna qu'on ne lui parle plus jamais d'Aristibule. "J'ai trop souffert", dit-il.

Questions à discuter :

Répondre à la question que pose Aristibule à propos de Thrasybule (est-ce très mal, de moyennement mal, ou seulement d'un petit peu mal ?)

Pourquoi ? (distinguer les réponses qui font appel à l'autorité, à la loi, à l'équité, voire aux droits humains, et proposer un autre type d'argumentation que celui présenté par le sujet afin de tester sa résistance)

Faut-il punir les tricheurs ? (pourquoi ?, pourquoi pas ?)

Faut-il punir les pauvres (pourquoi ?, pourquoi pas ?)

Faut-il punir les pauvres pour les mêmes raisons qu'il faut punir les tricheurs, comme le pense Nozé ? (pourquoi ?, pourquoi pas ?)

Il est toujours intéressant de confronter l'avis d'un enfant à celui d'un autre enfant un peu plus âgé et plus mûr, cela peut l'amener à progresser. Pour stimuler la discussion, on peut aussi faire intervenir un enfant supposé ("j'ai posé cette même question à un/e garçon/fille [donner nom et âge], voici ce qu'il/elle m'a répondu..."

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