Ceci est le texte de la communication que nous avons présentée au colloque des NPP (14-11-2012). La version longue du texte sera publiée dans la revue " Childhood & Philosophy".
Les défis du 21e s. sont de taille, car les problèmes à résoudre ne trouvent plus toujours leurs solutions dans les traditions, ni dans les connaissances acquises, ni dans les procédures éprouvées. Dans ce contexte, le développement d'une pensée critique (PC) devient de plus en plus fondamental (UNESCO, 2007, 2011).
Il n'y a pas une définition arrêtée de la PC, mais les philosophes s'accordent pour affirmer que c'est une pensée qui doute et qui évalue les principes ou les faits de manière méthodique (Foulquié, 1982 ; Lalande, 1991). Des études théoriques et empiriques indiquent qu'il est essentiel de la développer chez les jeunes, en ce qu'elle stimulerait l'autonomie intellectuelle (Cuypers et Haji, 2006 ; Mejia et Molina, 2007), favoriserait la stabilité des apprentissages (Peters et al., 2002 ; Torff, 2006), et permettrait de résoudre plus adéquatement le problème à l'étude (Golding, 2009) ; lorsqu'exercée sur soi, elle permettrait à chaque individu d'apprendre à se connaître et améliorer son expérience (MEC-B, 2000) ; elle permettrait de mieux s'intégrer socialement (MEO, 2005), de prendre des décisions éthiques éclairées (Darling, 2002, 2006 ; Fong, 2002 ; Thomas, 2001), et elle vitaliserait les démocraties (Lipman, 2003).
Dans cette communication, nous examinons trois questions : comment se manifeste le développement d'une PC chez des élèves de la maternelle et du primaire ? Qu'est-ce que le relativisme? Comment les enseignants peuvent-ils faire progresser la pensée des élèves au-delà du relativisme?
I) Comment se manifeste le développement d'une PC chez des groupes d'élèves de 4 à 12 ans?
Depuis 2005, nous avons conduit des projets de recherche dans 28 classes d'élèves de 4 à 12 ans dans divers pays francophones, anglophones et hispanophones. Ces élèves "philosophaient" à partir de l'approche de Philosophie Pour Enfants (PPE) mise en avant par Matthew Lipman (Lipman et al.,1980).
Les analyses ont fait ressortir que la pensée critique dite "dialogique" (PCD)est un processus qui se construit à la manière d'un échafaudage et qu'elle présuppose quatre modes de pensée (logique, créatif, responsable, métacognitif), plutôt que le seul mode logique qui est généralement associé à la PC (Kwack, 2007). Les analyses ont également permis d'observer que chacun de ces modes est dynamique et, pour rendre compte du processus dynamique de développement de la pensée, nous avons eu recours à la notion de "perspectives épistémologiques". Ces perspectives, que nous avons nommées égocentrisme, post-égocentrisme, pré-relativisme, relativisme, post-relativisme/pré-intersubjectivité et intersubjectivité, reflètent les représentations que l'enfant se fait du monde, de la plus simple à la plus complexe (Daniel & Gagnon, 2011, 2012) (Voir l'opérationnalisation du modèle en annexe A).
Les trois perspectives charnières du modèle se définissent ainsi : dans l'égocentrisme, les représentations des élèves sont simples et centrées sur le moi ; l'égocentrisme met en lumière la certitude des croyances et des opinions. Dans le relativisme, les représentations sont tournées vers autrui ; le relativisme reflète la pluralité des points de vue et une certaine réflexivité chez les élèves. Dans l'intersubjectivité, les représentations des élèves sont complexes en ce qu'elles sont nuancées et visent un bien commun ; l'intersubjectivité est marquée par l'incertitude et le questionnement ; elle suppose une réflexion de type évaluatif (Daniel, 2007).
Dans ce texte, nous nous attardons sur le relativisme, car la majorité des interventions d'élèves (âgés de 4 à 12 ans) que nous avons analysées se situent dans les perspectives relativistes, c'est-à-dire dans le pré-relativisme et le relativisme, pour les groupes qui ont une praxis philosophique d'une année, et dans le post-relativisme pour les groupes d'élèves âgés de 8 à 12 ans qui ont deux ans et plus d'expérience de Philosophie Pour Enfants (PPE).
II) Qu'est-ce que le relativisme?
Dans le modèle du processus développemental d'une PCD, le relativisme présuppose une rupture dans les représentations des élèves, en ce que ces derniers semblent alors comprendre qu'une situation ou un événement peut revêtir des significations diverses selon les individus. La conscience de cette diversité conduit les élèves, au moment d'un échange entre pairs, à présenter leur point de vue de manière mieux articulée et à l'expliquer davantage, notamment en ayant recours à des justifications.
À l'issue d'un atelier de philosophie, les élèves se sentent valorisés, car ils réalisent qu'ils sont capables de penser par eux-mêmes, que leur pensée est originale, mieux articulée qu'avant, et que leur point de vue est écouté par leurs pairs (Gagnon et al., 2011). Parallèlement, les enseignants retirent beaucoup de satisfaction d'un échange relativiste entre les élèves. En effet, cette perspective met en lumière une pensée réfléchie et une pensée de la sollicitude (caring thinking) qui est peu répandue à l'école traditionnelle, laquelle favorise plutôt des interventions du type question-réponse.
Bien qu'il soit une perspective essentielle à cultiver, le relativisme comporte certains écueils dont il faut tenir compte. Le premier relève de la satisfaction que les élèves et les enseignants ressentent à l'issue d'un atelier de PPE. En effet, tous deux estimant que la limite cognitive et épistémologique est atteinte, ils freinent l'effort intellectuel / l'étayage avec, pour conséquence, l'arrêt du processus développemental d'une PCD.
Ensuite, le relativisme est un principe qui admet la relativité de la connaissance humaine. Dans son acception absolue, le relativisme nie toute vérité, et considère que différents points de vue sont équivalents entre eux. Ainsi, il risque de conduire à tout accepter - même ce qui est inacceptable - sans questionner ni hiérarchiser (Collins, 2004). Cette tendance, qui est fréquemment observée dans les classes de philosophie et qui prend de l'ampleur dans les sociétés contemporaines, a des incidences majeures sur "la réduction des horizons" (Bourgeault, 2012, p. 113) et sur l'appauvrissement individuel et social (Taylor, 1992).
Est-ce que le dépassement du relativisme est une visée réaliste à l'école primaire? Quelques résultats de recherche (entre autres, Daniel, 2007) révèlent que des élèves du primaire sont capables de dépasser cette perspective s'ils bénéficient d'une pratique régulière et soutenue de la PPE, et s'ils sont adéquatement stimulés dans ce sens. L'étayage de l'enseignant est un facteur essentiel du développement cognitif. À preuve, une majorité d'études empiriques démontre que, sans étayage particulier de l'enseignant, la pensée des étudiants universitaires (inscrits au baccalauréat) est réfléchie, mais pas critique (Berland & McNeill, 2010; Forges et al, 2011; Kuhn, 2009).
III) Comment aider les élèves à dépasser le relativisme ?1
Plusieurs auteurs soutiennent que, pour stimuler le processus de réflexion, il est nécessaire de créer un doute, ou un conflit cognitif, ou une faille dans les certitudes des élèves (entre autres, Dewey, 1933 ; Doise & Mugny, 1997 ; Sorsana & Troadec, 2007), au moyen de questions ouvertes qui vont stimuler la pensée vers l'intersubjectivité. Dans cette dernière, les élèves conceptualisent et argumentent leur point de vue à l'aide de critères (pensée logique) ; ils transforment les points de vue et les perspectives du groupe pour les faire progresser (pensée créative) ; ils catégorisent les règles en principes sociaux et éthiques et les évaluent en vue d'un bien commun (pensée responsable) ; ils s'autocorrigent (pensée métacognitive).
Questionner les élèves en vue d'ébranler leurs certitudes peut être interprété par certains comme un acte anti-pédagogique en ce qu'il interrompt la construction d'un point de vue personnel ou qu'il représente une contrainte inutile pour l'enfant (voir Lévine et al., 2004). Néanmoins, pour d'autres, le questionnement de l'enseignant demeure une "belle contrainte" car il permet l'émergence de la pensée (Korzcak cité par Meirieu, 2012 ; Perrenoud, 2001). En effet, le questionnement déstabilise les représentations des élèves, ce qui les motive à entrer dans un processus de recherche (Dewey, 1933), et à parvenir à une résolution/définition plus complexe du problème/concept (Golding, 2009).
A) Des questions susceptibles de conduire au dépassement du relativisme
L'expérience d'analyse de nombreux verbatims conduit à estimer que, pour favoriser le développement cognitif des élèves, il est important de travailler sur deux plans, nommément la diversification de la pensée et sa complexification. La diversification est associée aux quatre modes de pensée, et la complexification aux perspectives épistémologiques.
1) Diversification de la pensée
Nous sommes d'avis que, pour qu'une PCD advienne, il faut mobiliser d'autres modes que le logique. En effet, c'est grâce au mode créatif que des relations nouvelles sont proposées et que des questions inattendues sont soulevées ; c'est grâce au mode créatif qu'une faille se crée dans les certitudes et qu'un processus critique s'amorce. Ensuite, c'est dans le mode responsable que surgit le courage de remettre en question les principes sociaux et éthiques en vue de l'amélioration de l'expérience individuelle et sociale ; qu'advient aussi l'équilibre entre le droit de s'exprimer et la responsabilité de le faire avec empathie. Finalement, la PCD a besoin d'une pensée métacognitive pour advenir, car c'est le seul mode qui permet une rétrospection en vue d'une éventuelle auto-correction.
Or, les résultats d'analyses que nous avons menées auprès de groupes d'élèves qui avaient une praxis de la PPE indiquent qu'ils mobilisent principalement une pensée logique ; ils mobilisent parfois une pensée créative et très rarement une pensée responsable ou métacognitive (Daniel & Gagnon, 2011, 2012). Aussi, pour diversifier la pensée des élèves et les conduire à mobiliser les quatre modes de pensée inhérents au modèle du processus développemental d'une PCD, nous suggérons les questions suivantes. En lien avec le mode logique, des questions comme : "En quoi ton point de vue est-il relié à la question discutée? Pourquoi dis-tu que ...? Sur quoi te bases-tu pour affirmer...?", permettent de s'éloigner des opinions non fondées.
En lien avec le mode créatif, des questions comme : "Qui peut donner un exemple pour clarifier le point de vue de x ? Qui peut apporter un contre-exemple ? Qui a un autre point de vue sur la question ?", permettent de clarifier les points de vue et de faire ressortir divers éléments d'une situation ou d'un concept.
En lien avec le mode responsable, des questions comme : "Qu'arriverait-il si tout le monde faisait x (action, geste...)? Est-ce que x (comportement, point de vue, règle, valeur...) est acceptable dans tous les contextes? Quelles sont les conséquences de x (point de vue, décision, comportement...) sur soi/sur les autres/sur la société?", permettent d'éviter les généralisations (qui sont une des causes de la violence), et d'anticiper les conséquences.
En lien avec le mode métacognitif, des questions comme : "Qu'est-ce qu'on est en train de faire, dans le moment, sur le plan cognitif /discursif /social? Veux-tu modifier ton point de vue à partir des points de vue des pairs qui viennent d'être énoncés? Quelles habiletés de pensées ont été mobilisées durant notre échange (exemples, définitions, hypothèses...)?", permettent d'effectuer des retours sur les comportements, les idées, ainsi que l'autocorrection.
2) Complexification de la pensée
L'autre plan sur lequel il convient de stimuler les élèves est associé au processus de complexification de la pensée, lequel sous-tend deux mouvements : la décentration et l'abstraction. La décentration advient progressivement en se dégageant du moi (qui siège dans l'égocentrisme), pour se tourner vers autrui (relativisme) et finalement vers la société (intersubjectivité). Parallèlement, l'abstraction est un mouvement qui chemine de l'expérience particulière et concrète (qui se manifeste dans les perspectives associées à l'égocentrisme), vers des relations simples ancrées dans l'expérience quelque peu généralisée (perspectives associées au relativisme), puis vers des relations complexes et conceptuelles (perspectives associées à l'intersubjectivité).
En vue d'aider les élèves à dépasser les perspectives associées à l'égocentrisme, des questions comme les suivantes sont pertinentes en ce qu'elles aident à la décentration de l'expérience personnelle et à la généralisation des points de vue : "Est-ce que ce que tu dis pour x (i.e. ton chien) s'applique à tous les x (i.e. chiens)? Est-ce que cela s'applique à tous les y (i.e. animaux) ? Est-ce que cela s'applique à tous les z (i.e. êtres vivants)?". En outre, nous avons noté que des questions qui contiennent un déterminant neutre comme "le" ou "les" (au lieu de "ton") aident à la généralisation. Pour exemple, cet extrait d'échange dans un groupe d'enfants de 5-6 ans qui se situe dans une perspective pré-relativiste:
- Ens. : Est-ce que les bébés pensent ou ne pensent pas?
- E1 : (Oui parce que) les bébés ils ont des cerveaux comme les humains.
- E2 : Le problème c'est juste que le bébé il a un petit cerveau parce que quand on est rendu grand notre cerveau commence à grossir.
Ensuite, pour stimuler la réflexion des élèves vers la perspective du relativisme, des questions comme : "Qui veut poursuivre l'idée de x? En relation avec ce que vient de dire x, penses-tu que...?" favorisent l'écoute active et la construction de relations convergentes avec les propos des pairs. Pour exemple, dans un groupe d'enfants de 5 ans qui réfléchissent sur la gravité d'une morsure, E1 répond qu'il est plus grave de se faire mordre par un animal que par une personne et il justifie ainsi son point de vue :
- E1 : parce que les animaux ont des dents plus pointues.
- Ens. : Qui peut aider E1 à compléter son idée?
- E2 : Parce que toutes nos dents sont à plat sauf deux et elles sont toutes pointues chez les animaux c'est pour cela que les animaux peuvent mordre plus fort que les humains2.
Finalement, pour aider les élèves à dépasser le relativisme et à accéder aux perspectives plus complexes associées à l'intersubjectivité, il convient de poser des questions qui vont guider leur réflexion vers des relations, mais cette fois-ci, qui sont évaluatives : "Qui peut apporter une nuance à ... ? Quels sont les avantages et les désavantages de x (action, tradition, valeur)? Parmi les critères que l'on vient de nommer, lequel semble le plus approprié, utile...?". Pour exemple, un dialogue critique dans un groupe d'élèves (11-12 ans) qui philosophaient sur l'ordre ou la hiérarchie entre les humains et les animaux3. Comme les élèves avaient une praxis philosophique de plus de deux années, l'enseignante n'a pas eu besoin d'intervenir dans cet extrait car les élèves avaient intégré les questions conduisant à une réflexion intersubjective :
- E1 (Déterminer des critères). Si c'est à propos de l'intelligence je pense que les humains sont en premier sur la liste. Je pense que les humains sont les seuls qui peuvent faire des mathématiques. Les humains ont inventé l'anglais et les mathématiques. Les maths c'est comme un autre langage qu'on a inventé. On l'utilise pour comprendre les choses pour bien faire les choses qu'on a à faire pour comprendre les raisons des choses. Comme pourquoi le ciel est bleu et pourquoi on ne peut pas flotter ou voler. Alors on a inventé les mathématiques pour expliquer ces choses. Mais les animaux ils font juste penser ciel et ils ne pensent pas vraiment ils ne pensent pas vraiment à propos du ciel.
- E2 (Douter, nuancer, remettre en question des comportements et valeurs). Je ne sais pas encore (...) ça dépend parce qu'on a inventé les mathématiques mais on ne peut pas les blâmer pour cela. On ne peut pas dire que les animaux sont stupides parce qu'ils ne font pas des mathématiques. Ce sont nos mathématiques pas les leurs. On n'a pas à s'asseoir avec les animaux pour leur enseigner nos façons de faire ils ont leurs propres façons de faire. Les gens pensent que les animaux sont stupides parce qu'ils ne font pas comme nous, mais si les animaux pensaient ils penseraient probablement qu'on est stupide parce qu'on ne fait pas comme eux. Alors je ne sais pas. Et les humains regardons-nous. Nous avons des holocaustes massifs et nous tuons des milliers de personnes. Je pense que les animaux sont plus intelligents que nous dans certaines choses et que nous sommes plus intelligents dans d'autres choses.
- E5. Alors il y a comme deux paradigmes différents.
- E6 (Ressortir les aspects positifs et négatifs d'un état). Oui, il y a l'intelligence de penser à comment fabriquer des choses et il y a l'intelligence de comment tu vas utiliser ces choses. On est à la fois le plus stupide et le plus intelligent.
En résumé, pour aider les élèves à dépasser le relativisme (qui risque d'être absolu) et à cheminer vers la réflexion intersubjective, le rôle de l'enseignant consiste à étayer la pensée des enfants au moyen de questions ouvertes, lesquelles vont contribuer à créer des failles dans leurs croyances et leurs certitudes et, de ce fait, stimuler l'émergence d'une pensée diversifiée et complexe.
Conclusion
Étant donné les défis cognitifs, sociaux et éthiques inhérents au 21e s., le développement d'une PCD s'avère une compétence essentielle à développer chez les élèves. Des études menées auprès de plusieurs groupes d'élèves qui philosophaient à partir de l'approche Lipman ont fait émerger un modèle du processus de développement d'une telle pensée et ont montré que ce processus se complexifie parallèlement aux représentations que l'enfant se fait du monde. Il comprend quatre modes de pensée (logique, créatif, responsable et métacognitif), et six perspectives épistémologiques qui s'échelonnent de la plus simple (égocentrisme) à la plus complexe (intersubjectivité) en passant par le relativisme. Des analyses de verbatim d'élèves, effectuées à partir de ce modèle du processus développemental d'une PCD, ont indiqué que dans la majorité des groupes, la pensée des élèves semblait stagner dans les perspectives relativistes. Le relativisme, bien qu'il sous-tende une pensée réfléchie, n'en comporte pas moins des écueils. Afin d'éviter ces derniers, nous avons proposé des questions ouvertes susceptibles d'aider les élèves à diversifier leur pensée puis à la complexifier.
Annexe : Modèle du processus développemental d'une PCD (Pensée Critique Dialogique)
MODES / ÉPISTÉMOLOGIE |
LOGIQUE | CRÉATIVE | RESPONSABLE | MÉTA COGNITIVE |
---|---|---|---|---|
ÉGOCENTRISME | Énoncé basé sur l'expérience sensorielle d'un fait particulier et personnel | Énoncé qui donne du sens à un point de vue personnel et concret | Énoncé relié à un comportement personnel et particulier en lien avec une croyance sociale ou morale | Retour sous forme d'énoncé sur une tâche, point de vue, sentiment... personnel et particulier |
POST-ÉGOCENTRISME | Énoncé basé sur l'expérience (personnelle ou d'un proche) + raisonnement | Énoncé qui donne du sens au point de vue personnel (mais éloigné du moi) |
Énoncé particulier/concret relié à une règle morale ou sociale (apprise) Non contextualisé |
Retour sous forme d'énoncé d'une tâche, point de vue, sentiment... personnel (éloigné du moi) |
PRÉ-RELATIVISME | Énoncé quelque peu généralisé Non justifié ou avec volonté de justifier (justification au je, implicite, circulaire, fausse) |
Énoncé nouveau ou divergent ou qui présente diverses situations/ solutions/ hypothèses (unités) en lien avec une idée personnelle ou d'autrui |
Énoncé relié à un agir quelque peu généralisé dans une perspective sociale ou morale | Retour sous forme descriptive d'une tâche, point de vue, sentiment... personnel (éloigné du moi) |
RELATIVISME | Justification Incomplète/ concrète (explication) basée sur raisonnement + expérience Parfois induite par l'adulte |
Relation qui donne du sens au point de vue d'un pair (en la complétant ou y ajoutant une nuance ou nouvelle relation) | Énoncé qui explique un désir de comprendre/inclure autrui (environnement immédiat) | Retour descriptif sur une tâche, pensée... d'autrui (environnement immédiat) |
POST-RELATIVISME / PRÉ-INTERSUBJECTI-VITÉ | Justification basée sur des « bonnes raisons » à partir d'un raisonnement simple | Relation qui présente un contexte différent en prenant en compte la perspective du groupe | Énoncé qui justifie un désir de comprendre /inclure autrui (environnement éloigné) | Retour descriptif sur une tâche, pensée... d'autrui (environnement éloigné) |
INTERSUBJECTIVITÉ | Justification basée sur des critères Conceptualisation basée sur raisonnement simple |
Relation évaluative qui apporte un sens divergent et transforme la perspective | Doute qui sous-tend l'évaluation des catégories (règles, principes, valeurs sociaux/moraux) | Énoncé évaluatif exprimant un changement de perspective (correction/autocorrection) suite à l'intégration d'une critique |
(1) Dans Daniel & Gagnon (2011), nous avons défini le processus développemental d'une PCD comme un "échafaudage", c'est-à-dire comme un processus qui advient dans une optique d'inclusion des acquis antérieurs. Dans ce sens, viser le dépassement du relativisme ne signifie pas qu'il faille renier cette perspective dans son acception positive (réflexion centrée sur le pluralisme et le souci de l'autre), mais plutôt qu'il convient d'y ajouter progressivement d'autres perspectives en vue de poursuivre le processus de complexification de la pensée.
(2) On peut retrouver l'échange complet dans Daniel & Delsol, 2010.
(3) On peut retrouver l'échange complet dans Daniel, 2007.