Introduction
Le sixième pilier du socle commun, les "compétences sociales et civiques", répond essentiellement à la volonté de préparer les élèves à la vie en société, à participer à celle-ci de manière responsable et respectueuse des droits de chacun et des règles qui la régissent, ainsi qu'à transmettre des connaissances sur le fonctionnement, le droit et les valeurs de la démocratie et de la République. Le développement du sentiment d'appartenance à l'Union européenne et à la nation est également recherché. Ces grandes orientations sont détaillées et déclinées en une série de connaissances, capacités et attitudes regroupées selon deux grands objectifs : "vivre en société" et "se préparer à sa vie de citoyen". Leur acquisition est envisagée sur le long terme, de la première année de l'école primaire à la fin du collège, avec une sensibilisation dès l'école maternelle.
La description des compétences relatives à l'axe "vivre en société" met tout d'abord l'accent sur la nécessité de permettre aux élèves l'appropriation des règles de la vie collective et ainsi leur connaissance et leur respect. Des connaissances renvoyant à l'éducation à la sexualité, la santé, la sécurité et les premiers secours sont par ailleurs prônées et associées à des capacités correspondantes. La distinction entre sphères professionnelles, privées et publiques est également visée, de même que les capacités à communiquer et travailler en équipe, associées aux aptitudes à savoir écouter, faire valoir son point de vue et rechercher un accord. Nommer ses émotions et s'affirmer de manière constructive sont d'autres capacités mises en avant dans cet axe.
Enfin, les attitudes à mettre en place avec les élèves sont présentées comme étant celles du respect de soi, des autres, de l'autre sexe, de la vie privée, ainsi que la volonté de résoudre pacifiquement les conflits et la conscience que "nul ne peut exister sans autrui" ( Ministère de l'éducation nationale, 2006).
Par les mises en situation de dialogue, d'échange, d'écoute et de partage de la parole que génèrent les ateliers de philosophie, nous nous sommes demandés si et dans quelle mesure ces ateliers contribuaient au développement des compétences sociales et civiques du socle commun.
I) La pratique philosophique destinée à des enfants
La philosophie pour enfants est née aux États-Unis dans les années 1970. Matthew Lipman (1995) imagine alors des ateliers philosophiques durant lesquels les enfants seraient amenés à philosopher à partir de romans philosophiques. Depuis, la philosophie pour enfants s'est répandue et est mise en oeuvre dans certaines écoles, ce dès la maternelle. Dans le même temps, ses méthodes et ses objectifs se sont diversifiés. La philosophie à l'école primaire et maternelle se caractérise ainsi tout d'abord par une diversité, aussi bien dans ses pratiques que dans les objectifs particuliers qu'elles poursuivent. De même, on parlera tour à tour de débats philosophiques, d'ateliers philosophiques ou encore de discussions à visée philosophique.
Comme le soulignent Solère-Queval et Tozzi (2004), il semble exister au-delà de leur pluralité une certaine unité des pratiques philosophiques, une base partagée. Celles-ci se construisent en effet essentiellement sur une pratique orale, discursive. Ainsi, quel que soit le point de départ et le dispositif mis en place, les élèves sont invités à discuter autour d'un thème selon des modalités précises.
Ces pratiques se veulent par ailleurs toujours inscrites dans une démarche philosophique. Les arguments quant à ce caractère philosophique sont nombreux et semblent s'accorder sur le fait que c'est au regard des sujets abordés, de la démarche discursive et réflexive encouragée ainsi que des objectifs qui leur sont associés que se situe ce caractère. Ainsi, les pratiques philosophiques s'organisent autour de questions et/ou thèmes dits existentiels proposés par les élèves eux-mêmes ou choisis pour leur correspondance supposée aux questionnements des enfants. On peut citer par exemple des interrogations telles que "Qu'est-ce que le mort ?" ; "Est-ce la même chose de dire j'aime les fraises ou j'aime mes parents ?" ; "Peut-on tout savoir ?" ; "Peut-on mentir ?" (Calistri, Martel, Bomel-Rainelli & Rispail, 2007), autant de questionnements relatifs au rapport de l'enfant aux autres, à soi et au monde, interrogations au coeur de la philosophie.
Ces questions sont abordées collectivement avec différentes exigences au niveau du déroulement de la discussion. Au-delà des différences quand au cadre utilisé pour ce déroulement, on peut définir les pratiques philosophiques comme étant des discussions de type "heuristique" (Tozzi, 2004), où il s'agit de réfléchir ensemble autour d'une interrogation, où chaque argument constitue un apport à la réflexion de tous, où l'objectif n'est pas de convaincre l'autre mais de réfléchir avec lui à des éléments de réponse satisfaisants, réponse construite ensemble, qui pourra toujours évoluer et qui se situe dans une recherche plus large de la vérité. La controverse devient alors nécessaire et constitue l'occasion de réfléchir sur son jugement et de le repenser : "Dans une discussion ou un débat philosophique, la présence d'autrui impose à la pensée de se justifier et d'examiner celle des autres. La présence d'avis divergents oblige donc la pensée à se remettre en question et à investir un sujet de manière critique" (Agostini, 2008 a, p. 11). Par l'interaction, l'enfant est ainsi poussé à élaborer une pensée réfléchie se traduisant dans un discours construit rationnellement avec la conscience de la relativité de chaque jugement et la prise en compte des arguments d'autrui. Les moyens à mettre en oeuvre pour satisfaire ces exigences ne sont pas uniformément partagés parmi les penseurs. Un certain nombre d'entre eux semblent toutefois se ranger au côté de Tozzi (Tozzi et al., 2001) qui a défini "trois processus de pensée à garantir pour qu'une discussion soit philosophique" : la problématisation comme auto-questionnement, la conceptualisation comme clarté conceptuelle et l'argumentation comme discours construit et rationnel. Par ailleurs, l'ensemble des praticiens philosophes semblent s'accorder sur la nécessité de mettre en place des règles de communication telles que l'écoute de l'autre, le respect du temps de parole dû à chacun et la parole même de l'autre pour conduire une discussion philosophique. Comme le soulignent Solère-Queval (Solère-Queval et al., 2004) les penseurs paraissent donc réunis autour d'un objectif commun qui constitue dans le même temps leur caractère philosophique : apprendre aux élèves à penser par eux-mêmes, à développer un mode de pensée critique et réflexif, sur la base d'un questionnement dialectique.
A partir de cette base commune, les objectifs et outils de travail sont diversifiés. On note par exemple des variations quant aux supports, à la gestion de la discussion et aux interventions du maître, variations qui représentent notamment l'adéquation à différents objectifs singuliers recherchés. Plusieurs auteurs (Tozzi et al., 2001) ont dès lors tenté de dégager quelques approches dans les pratiques de la philosophie à l'école : une approche visant plus particulièrement la "maîtrise de la langue" ; une autre qualifiée de "philosophique" axant le travail sur les processus intellectuels mis à l'oeuvre dans la philosophie avec notamment une tentative de didactisation de sa pratique à l'école primaire (Tozzi et Brenifier s'attèlent notamment à ce travail), une troisième "psychanalytique" constituée autour de la figure de Jacques Lévine (Lévine & Moll, 2000) et de son protocole de travail, et enfin un courant "éducation à la citoyenneté" qui nous intéresse ici.
II) Philosophie et éducation à la citoyenneté
Se pose alors la question de ce qui est entendu par "éducation à la citoyenneté". Celle-ci paraît en premier lieu faire référence à une socialisation par la transmission de règles et valeurs sociales nécessaire à la vie ensemble, en société (Delsol, 2005 ; Agostini, 2008 b) : la pratique de la philosophie, en plaçant les enfants dans un cadre particulier comportant des principes de communication et de conduite, instaure par la même occasion un rapport particulier à autrui. Une des caractéristiques de ce rapport est comme nous l'avons vu le respect de l'autre dans sa parole et sa pensée, la tolérance. La pratique régulière de la philosophie permettrait aux élèves de vivre, réaliser et intérioriser progressivement ce principe, contribuant par là à leur socialisation, à l'apprentissage de la vie en société et des comportements sociaux qu'elle implique pour son bon fonctionnement, et qui sont à la base d'une citoyenneté responsable.
Dans le même ordre d'idée, Delsol (Tozzi et al., 2002) présente la discussion philosophique comme "un processus de socialisation démocratique", une manière de construire du lien social. Son approche se révèle toutefois spécifique en se basant sur la mise en place d'un dispositif particulier dont il souligne l'importance et dans lequel différentes fonctions sont définies et tenues à tour de rôle par les enfants tels que président, reformulateur, synthétiseur, questionneur, observateur, participant. Ce cadre a pour but de faire apprendre aux élèves "comment on peut organiser la prise de parole, la réflexion à plusieurs, dans le respect et la compréhension du discours d'autrui" (Delsol, 2005) en appuyant sur l'acquisition des aptitudes liées à chaque rôle. Autrement dit, c'est sur la manière dont se structure le débat et sur les règles éthiques qui le régissent, que Delsol souhaite particulièrement centrer son approche. Dans une perspective plus large, l'acquisition de certaines normes de vie en société, l'apprentissage du débat démocratique et la compréhension des atouts de la coopération intellectuelle sont visés. D'autres penseurs, notamment Leroy (2001), se placent dans la même démarche. On peut citer également Lipman, qui, bien qu'utilisant une méthode de travail différente, lie apprentissage de la philosophie et démocratie en appuyant notamment sur l'idée partagée avec Delsol de la nécessité d'instituer la discussion philosophique en une communauté de réflexion, où chacun est invité à parler et à coopérer et dans laquelle la participation à cette communauté devient un apprentissage de la citoyenneté démocratique (Calistri et al., 2007). Ce concept de communauté de réflexion ou communauté de recherche avec l'idée de co-construction du savoir se voit par ailleurs développé ailleurs, notamment par Tozzi.
En parallèle avec cet aspect, la contribution de la philosophie à "l'éducation à la citoyenneté" semble, de manière relativement unanime, se situer dans son apport à la construction d'une pensée réflexive et critique qui, une fois acquise, serait transférable dans différents champs, notamment celui de la vie citoyenne. L'attitude intellectuelle acquise avec la pratique philosophique permettrait donc aux enfants d'agir et de réfléchir de manière critique et responsable dans leur future vie citoyenne. Dans cette perspective, pour Agostini (2008 a), philosopher amène les enfants à acquérir deux habitudes, celle de l'esprit critique et celle de l'esprit civique. Pour l'auteure, l'esprit critique est "entendu comme une disposition permanente à l'examen rationnel de ce qui est dit et à la quête d'un jugement le plus nuancé possible" qui, "une fois contractée, [...] se déploie également en dehors du milieu scolaire" (2008 a, p. 13). Il se lie avec l'esprit civique qui est conçu comme "un certain savoir vivre en société accompagné du sentiment de tolérance" ( idem). On retrouve là l'idée de socialisation développée plus haut. Ces deux aptitudes dépendent l'une de l'autre et se construisent à travers la pratique philosophique : les enfants y sont amenés à relativiser leurs jugements par la confrontation à différentes opinions.
III) Méthodologie de recherche
Nous avons décidé de soumettre ce lien entre pratique des ateliers de philosophie et développement des compétences sociales et civiques à l'avis des enseignants qui ont recours à cette démarche. Nous avons ainsi mené plusieurs entretiens semi-directifs avec quatre enseignants de l'école primaire et maternelle ayant réalisé des ateliers philosophiques dans leurs classes, dans le cadre d'une méthodologie de recherche de type quasi-clinique. L'idée était de récolter l'opinion de ces enseignants concernant la pertinence de ce lien théorique tout en permettant sa mise en perspective. Ce faisant, nous avons choisi de travailler au niveau des représentations des individus interrogés, de l'interprétation et du sens qu'ils donnent aux pratiques philosophiques.
Notre réflexion nous a en effet amenées à nous pencher sur des attitudes, lieu présumé des apports du philosopher pour les compétences sociales et civiques. Mesurer l'impact d'une pratique sur des comportements représente toutefois une action délicate : comment savoir si les changements comportementaux notés au cours d'une pratique sont reproduits ailleurs, et donc réellement intégrés ? Comment savoir si de tels changements proviennent de la pratique elle-même et non pas d'un paramètre extérieur ?
A notre niveau, nous avons pensé que le recueil d'opinions d'enseignants experts ayant pratiqué la philosophie discursive à l'école serait pertinent pour dessiner des tendances quand à la question qui nous occupe. Plus précisément, des informations quand aux motivations de ces enseignants à faire de la philosophie en classe, à leurs observations concernant les impacts de cette pratique ainsi qu'à leurs références en termes de programmes et de compétences travaillées représentaient selon nous un matériau intéressant pour réfléchir autour de nos hypothèses.
L'enseignant est en effet un témoin important des effets d'une pratique aussi bien lors de son déroulement que dans un autre contexte : présent sur le long terme pendant ce déroulement et dans les différents moments scolaires, développant une connaissance de ses élèves et de leurs évolutions, il est à même de fournir une analyse relativement fine et riche. Son expérience quant à cette pratique en milieu scolaire lui permet par ailleurs de construire un discours réfléchi, ancré dans la pratique, avec des possibles comparaisons de différentes situations et dispositifs scolaires. En termes de programmes et de compétences, il représente en outre un des intermédiaires essentiel entre les attentes institutionnelles et les élèves, ce qui rend utile son opinion quand à celles-ci et à leur mise en oeuvre. Enfin, il est un témoin essentiel de la manifestation des différentes compétences chez les élèves.
A côté de ces éléments, le choix de procéder à un recueil des données à l'aide d'entretiens semi-directifs nous paraît pertinent pour permettre à la fois une mesure de notre hypothèse par les thèmes abordés tout en laissant place à une ouverture, la mise en avant d'aspects non envisagés venant enrichir notre recherche. Comme nous le verrons lors de la présentation des résultats, l'analyse de contenu thématique vient compléter cette démarche en axant l'étude des entretiens sur les thématiques du discours.
D'une durée de vingt à trente minutes, les entretiens se sont déroulés entre fin février et début avril 2012, dans les écoles des enseignants, dans un lieu à l'écart et tranquille. Ainsi deux entretiens ont été réalisés dans la classe de l'enseignant interrogé, un troisième dans une salle informatique et enfin un dernier dans un bureau. Dans tous les cas, c'est dans un cadre familier que les enseignants ont été invités à s'exprimer, ce qui permettait de les mettre à l'aise. Dans un souci de déontologie, ces quatre entretiens ont été anonymés : A, B, C et D.
Il convient de noter que les entretiens B, C et D concernent des enseignants travaillant en ZEP, alors que la personne interrogée dans l'entretien A enseigne dans un établissement n'entrant dans aucune catégorie particulière. Cette dernière enseigne en maternelle tout en possédant une expérience de la philosophie dans le primaire, alors que dans les autres entretiens, ce sont des enseignants du primaire qui s'expriment.
Après accord des enseignants interrogés, tous les entretiens ont été enregistrés. Ils ont ensuite été retranscrits intégralement, en incluant les hésitations. Ce choix a été dicté par la volonté de restituer le plus fidèlement possible la pensée des enseignants ainsi que de mettre en avant des éléments du contexte ayant pu influencer les réponses.
IV) Grille d'entretien
- Préambule : remerciements, rappel du but de l'entretien (recueillir l'opinion de l'interrogé sur la pratique d'ateliers philosophiques à l'école), rappel de la confidentialité et de l'enregistrement de l'entretien.
- Expérience de l'enseignant : durée et circonstances de la pratique philosophique de l'enseignant à l'école primaire.
- Motivations de l'enseignant : raisons qui ont poussé l'enseignant à pratiquer la philosophie discursive dans sa classe.
Intérêts perçus à réaliser cette pratique.
- Programmes : lien(s) fait(s) entre programmes et philosophie discursive.
- Compétences sociales et civiques du socle commun : bénéfice(s) de la pratique philosophique sur les compétences sociales et civiques du socle commun.
Impacts de la pratique philosophique sur l'assimilation et le respect des règles de la vie collective.
Rapport entre discussion philosophique et amélioration des compétences de communication : écoute, capacité à faire valoir son point de vue et à rechercher un consensus.
Lien entre pratique philosophique et développement d'une attitude respectueuse vis-à-vis des autres et de soi-même (notions de civilité, tolérance, refus des préjugés et des stéréotypes).
Apport de la philosophie pour diminuer la violence.
Relation entre philosophie discursive et constitution d'un esprit et d'un jugement critique (plus particulièrement idée de mise à distance de l'information ; construction de son opinion personnelle et capacité à la nuancer).
- Fin de l'entretien
Demander à l'interrogé s'il a quelque chose à rajouter, des remarques à faire.
Remerciements.
V) Présentation des résultats
Les différentes analyses menées nous mènent à avancer que ce sont essentiellement la pensée critique, la capacité à échanger ainsi qu'une attitude respectueuse de soi et d'autrui qui sont développées à travers la pratique philosophique. Autrement dit, celle-ci peut-être définie comme contribuant aux compétences sociales et civiques essentiellement sur trois compétences :
- celle de la capacité d'un jugement et d'un esprit critique, ce sur deux dimensions : apprendre à (...) soumettre à critique l'information et la mettre à distance ; savoir construire son opinion personnelle et pouvoir la remettre en question, la nuancer (par la prise de conscience de la part d'affectivité, de l'influence des préjugés, des stéréotypes) ;
- celle de la capacité à communiquer en sachant écouter, faire valoir son point de vue, négocier et rechercher un consensus ;
- celle d'une attitude respectueuse de soi, des autres (civilité, tolérance, refus des préjugés et des stéréotypes).
Dans le même temps, la philosophie permet de développer un comportement respectueux des règles de la vie collective en offrant la possibilité de l'exercer. L'apprentissage des règles de la vie collective quant à lui, est situé en-dehors des ateliers philosophiques.
Les propositions de notre cadre théorique viennent appuyer la validité de ces résultats. Ainsi, en ce qui concerne le développement d'un esprit critique, les notions de mise à distance des informations, de remise en question et de nuance de son jugement renvoient à plusieurs spécificités de la philosophie. En tant que discussion "heuristique" (Tozzi, 2004), celle-ci implique en effet l'idée d'une co-construction du savoir, co-construction basée sur l'auto-questionnement, l'écoute, la prise en compte et l'examen de l'opinion d'autrui ainsi que l'argumentation rationnelle de chaque opinion. Ce faisant, le fait de philosopher amène les élèves à adopter un point de vue critique et réflexif. La notion de pensée critique se lie avec une pratique particulière de l'échange dans laquelle l'écoute et le respect d'autrui prennent une place importante. En plus de représenter des règles caractéristiques de la philosophie, la tolérance et le respect d'autrui accompagnent le développement d'une pensée critique : à l'examen rationnel de sa propre pensée, de celle des autres et des informations qui nous entourent, on ne peut que constater leur relativité et leur légitimité, et ainsi émettre un jugement rationnel à leur égard. Ce faisant, on s'éloigne d'un jugement impulsif et arbitraire caractérisant notamment l'intolérance.
Ainsi, la pratique de l'échange, le développement d'un esprit critique et le respect d'autrui paraissent intimement liés dans la pratique philosophique.
Les nuances mises à jour concernent notamment l'âge. Ainsi, le lien entre philosopher et développement de compétences relatives au vivre ensemble et au respect des règles de la vie collective paraissent prioritaires pour les plus petits niveaux. L'esprit critique, quand à lui, semble plutôt valorisé pour les enfants plus âgés.
Dans tous les cas, la nécessité d'une pratique régulière pour construire efficacement ces apprentissages ressort de notre analyse. Ce constat se lie avec l'idée d'intériorisation nécessaire au développement des compétences citées.
A côté de ces éléments, notre analyse permet de réaffirmer le rôle de la pratique philosophique dans la maîtrise de la langue en termes d'expression orale. En ce sens, philosopher permet une contribution complémentaire aux compétences sociales et civiques : celle de la maîtrise de la langue pour une vie civique responsable. Dans le même temps, elle contribue à l'affirmation de soi.
Enfin, alors que le développement des compétences sociales et civiques ne semble pas représenter l'objectif prioritaire du philosopher pour la majorité des enseignants interrogés, sa pertinence est réaffirmée. En outre, nous pensons que tout dépend du point de vue adopté, des choix de l'enseignant : pour l'enseignante maternelle, le vivre ensemble est en effet un des objectifs poursuivis à travers le philosopher.
Conclusion
Malgré ses limites (nous n'avons pu interroger que quatre enseignants), notre étude nous a permis de déceler plusieurs contributions de la pratique philosophique à l'école sur les compétences sociales et civiques du socle commun.
De par sa spécificité, la philosophie pratiquée régulièrement semble en effet à même de participer au développement de l'esprit critique des élèves, ce par son apport pour construire une pensée réflexive capable de mettre à distance l'information, de se questionner sur la validité de sa propre opinion et de pouvoir la faire évoluer. Ces capacités se lient avec le développement d'une pratique de l'échange basée sur l'écoute de l'autre et l'aptitude à faire valoir son point de vue, à rechercher un consensus. À ces apports s'ajoutent ceux du respect de l'autre et de soi, découlant d'une pensée réflexive et critique ainsi que de l'échange philosophique.