La récente sortie du film Ce n'est qu'un début (J-P. Pozzi et P.Barougier) a provoqué chez beaucoup d'enseignants français, et plus largement dans le grand public, une prise de conscience. Quoi ! Des élèves si jeunes non seulement s'interrogent, posent des questions, mais se révèlent capables, en progressant dans leur scolarité, d'échanger, construire des réponses, argumenter, se positionner, en se souciant davantage de l'autre pour construire leur pensée... Ils ne sont pas que mignons, ils pensent !!!!
Pourtant, cette idée n'est pas nouvelle : le philosophe américain M. Lipman, décédé en décembre 2010, avait depuis des dizaines d'années permis de développer des pratiques d'échanges philosophiques, les initiant de plus en plus tôt (voir l'article de M-F. Daniel et M. Gimenez Dasi), notamment sous l'impulsion de sa collaboratrice elle aussi récemment décédée, A-M. Sharp.
Le psychanalyste J. Lévine, avec une enseignante de maternelle A. Pautard et un inspecteur de l'éducation nationale, D. Senore, craignant que la place donnée au maître chez Lipman ne conduise trop rapidement à empêcher les élèves d'être des interlocuteurs valables, a proposé en France dès les années 1995-96 un modèle non interventionniste, garantissant à l'élève un cadre pour penser (voir l'article de G. Chambard).
Oscar Brenifier, avec Isabelle Millon1, s'est lui aussi progressivement intéressé à ce niveau. Peut-on cependant prétendre qu'un enfant de maternelle (préscolaire) pourrait s'inscrire dans cette réflexion dialectique ? Un chercheur russe avec lequel ils collaborent, Igor Shiyan, montrera comment il procède pour diagnostiquer la réflexion dialectique chez le jeune enfant.
Rien n'est donc simple et unifié, lorsqu'il s'agit de prétendre faire échanger ou penser de jeunes élèves de maternelle.
Échanger, oui, mais... sur quoi ? La revue Pomme d'Api a développé des supports spécifiquement adaptés et leur accompagnement philosophique et pédagogique (par J-C. Pettier)2. Ils ont initié la réflexion sur la création de supports spécifiques, - ici des images -, pour ce cycle. S'intéressant au récit, E. Chirouter, dans la logique de sa thèse brillamment défendue en 2008, permet d'identifier dans quelle mesure la littérature de jeunesse peut constituer un point d'appui essentiel pour l'entrée réflexive philosophique. Des écrivains reconnus s'y intéressent, soutiennent une création littéraire originale, spécifique : c'est le cas de M. Piquemal (voir son article).
Et de plus en plus d'enseignants de maternelle se sont lancés... Ils font des « ateliers philo » ! Sortant d'une pratique individuelle, ils s'organisent, développent même des projets communs, travaillent à plusieurs classes, plusieurs écoles. C'est ainsi que P. Dogliani et I. Duflocq, « vedettes » du film Ce n'est qu'un début, initient à présent des rallyes philo (voir leur article, puis celui d'E. Jacquot Deschamp et P. Martinez pour l'illustrer pratiquement).
Alors, amis lecteurs : qu'attendez vous ? Plongez avec nous dans ce bain de jouvence de la réflexion des jeunes élèves de maternelle !
N. B. : Les articles de Igor Shiyan et celui de M-F. Daniel et M. Gimenez Dasi se trouvent dans la rubrique internationale.
(1) Voir article « Les ateliers philosophiques en maternelle, les compétences langagières lors des ateliers philosophiques », in Diotime n° 38.
(2) Site : http://www.bayardeducation.com/category/intro-ressources-enseignants/intro-pomme-d-api/pomme-dapi/