Revue

Compte rendu du 2ème Philostival ("Les identités et la vie") (Lyon - 5 et 6 juin 2010)

Après une première édition organisée à Marseille en 2009 par l'association Himéros, un deuxième Philostival s'est tenu à Lyon les 5 et 6 juin 2010, organisé conjointement par les associations Himéros (présidée par Fernand Reymond, Marseille) et Agora Philo Lyon (présidée par Georges Dru, Lyon). Le comité d'organisation de ces journées était composé de : Defillon Annick, Delaunay Pauline, Dru Georges, Moncel Christian, Reymond Fernand et Sauvage Sanna Angèla. Etienne Haché, professeur adjoint à l'Université d'Alberta (Canada), a assuré la présidence de ce colloque.

Le programme des deux journées, qui croisait le thème "les identités et la vie" et celui des "Nouvelles Pratiques Philosophiques", alternait moments d'apports philosophiques (conférences), de discussion (cafés philo) et de détente (théâtre philo et visite du Vieux Lyon).

Le prochain Philostival se tiendra à Marseille durant le mois de juin 2011.

Déroulement des journées

Samedi 5 juin 2010

9h30 : accueil

10h : présentation du Philostival, par Georges Dru

10h15 : table ronde

  • Etienne Haché (Edmonton, Canada), "Savoir, autonomie et identité"
  • Christian Moncel (Lyon), "Pessoa et la quête de l'identité"
  • Fernand Reymond (Marseille), "Les identités subjective, sexuelle et culturelle"
  • Romain Jalabert (Narbonne), "L'identité narrative selon Paul Ricoeur"

12h30 : repas

14h30 : reprise de la table ronde

  • Gunter Gorhan, (Paris), "Identité et vérité"

15h : questions aux intervenants

15h30 : café philo (sujet voté), animé par Gunter Gorhan

17h30 : synthèse de Romain Jalabert et conclusions par Etienne Haché

18h : pause

18h15 : théâtre ; drame: Un destin de femme, écrit par Fernand Reymond, mis en espace par Angèla Sauvage Sanna ; avec Fanny Veillet, Benoit Musy et Lionel Four

Dimanche, 6 juin 2010

9h30 : visite du Vieux Lyon (départ Place Saint Jean)

11h : reprise du programme ; interventions

  • Etienne Haché: "La philosophie vue du Canada, théories et pratiques"
  • Romain Jalabert et Gunter Gorhan: "Philosopher dans la cité, en France et en Europe" ; apport de Fernand Reymond sur la pratique de la rando-philo

12h30 : repas

14h30 : questions aux intervenants du matin

15h : café philo (sujet voté), animé par Fernand Reymond

16h30 : synthèse par Romain Jalabert

16h45 : conclusions par Etienne Haché

17h : fin du Philostival 2010

Conférences

Le Philostival 2010 a débuté avec une table ronde sur le thème "les identités et la vie".

Etienne Haché ouvre la voie à partir d'Aristote et de l'idée du "nous" (que l'on trouve aussi chez Platon), participant de notre identité. Cette faculté de l'âme (la raison) qu'Aristote nous invite à cultiver autant que possible est précédée d'une théorie de la hiérarchie des êtres (le monde naturel, végétal, animal et finalement le monde humain). Cette thématique débouche ainsi sur une double immortalité pour l'homme : celle conférée par nature, du fait de la vie et de notre existence en tant qu'espèce la plus évoluée ; et celle qui nous permet de nous distinguer, membre à part entière de l'humanité, du reste des autres espèces vivantes, soit l'immortalité par la culture et la raison. Ainsi, nous voilà conduits à un tryptique : vie (vie biologique et spirituelle), identité (laquelle tient à la raison encore une fois, faculté suprême qui nous permet d'imiter les dieux, "dans la mesure du possible" toutefois) et immortalité.

Christian Moncet poursuit avec pour thème "Pessoa et la quête de l'identité". L'idée que, d'après certains aspects de son oeuvre, l'on a parfois donnée de Pessoa, comme d'un homme immobile, qui n'aurait pas agi, et se serait contenté de rêver, ne correspondrait pas à celle qu'il donne de lui-même dans ses lettres et ses notes d'analyse psychologique sur lui-même. Qu'a-t-il, d'après cette catégorie d'écrits, reconnu comme son identité, et comment a-t-il cherché à la construire ?

Fernand Reymond propose ensuite trois déclinaisons possibles de l'identité : l'identité subjective, à partir des questions "qui pense ?" et "qui agit ?" ; l'identité sexuelle, parce que l'anatomie seule ne conditionne pas l'identité sexuelle d'une personne ; et enfin l'identité culturelle, menacée par toutes les formes de perversion de la culture, de généralisation de l'anhistoricité et de perte des traditions culturelles.

A partir des principaux aspects de la notion d'identité narrative proposée par Paul Ricoeur, Romain Jalabert développe la notion d'identité dans le temps d'une vie. Qu'advient-il de l'identité d'une personne quand dans la vie le temps agit comme facteur de dissemblance ? Peut-on encore parler d'identité ? En somme, au cours d'une vie, qu'est-ce qui reste et qu'est-ce qui change ?

Gunter Gorhan s'interroge quant à lui sur le rapport entre identité et vérité, et plus précisément sur le type d'identité susceptible d'accueillir une vérité.

Au terme de cette table ronde et des échanges qui s'en sont suivis, les participants ont choisi (par vote) pour thème du café philo de l'après-midi : "La mondialisation : universalisation ou uniformisation ?" (cf. synthèse infra).

Deux autres interventions étaient proposées le dimanche 5 juin au matin. Etienne Haché faisant partager son expérience de l'enseignement de la philosophie au Canada (Université d'Alberta), dans un contexte philosophique et institutionnel différent, et en mettant à profit l'apport des nouvelles technologies. Après un tour d'horizon des diverses pratiques de la philosophie dans la cité, en France notamment mais aussi en Europe, Gunter Gorhan et Romain Jalabert ont esquissé plusieurs pistes de discussion sur le rôle, la légitimité et les orientations possibles de ces pratiques ainsi que, bien entendu, sur la place de la philosophie dans la cité aujourd'hui.

Au terme de ces interventions et des échanges qui s'en sont suivis, les participants ont choisi (par vote) pour thème du café philo de l'après-midi : "Qu'est-ce que la vraie philosophie ?" (cf. synthèse infra).

"La mondialisation : universalisation ou uniformisation ?", café philo animé par Gunter Gorhan

Un thème comme celui-ci force à la distinction conceptuelle, car si le préfixe ("uni") est le même, le processus et la visée diffèrent. L'universalisation chercherait l'union et le bien pour un monde commun, tandis que l'uniformisation tendrait plutôt à gommer les différences, à les faire disparaître jusqu'à obtenir un même monde pour tous. Perçue comme une visée réductrice de l'universalisation, l'uniformisation ne semble pas faire l'unanimité. Nous retrouvons là le principal présupposé du sujet choisi, à savoir que l'universalisation serait plutôt positive (unir, bien commun, etc.) tandis que l'uniformisation serait plutôt négative (réductrice, ne fait pas l'unanimité, etc.). Si l'uniformisation est présentée la plupart du temps comme réductrice, l'universalisation apparaît la plupart du temps (du moins au cours de cette discussion) en termes de surcroît, de plus-value, d'amélioration ; quelque chose de l'ordre du "1 + 1 = 3". Alors la question posée trouverait peut-être une issue pour ce qu'elle devrait être : il serait souhaitable d'envisager la mondialisation en termes d'universalisation. Mais qu'est-elle vraiment ?, car dire qu'il serait préférable qu'elle tende du côté de l'universalisation ne nous dit pas si elle est pour le moment universalisation ou uniformisation. Quelle doit être encore la visée de la mondialisation ? La justice ? L'équité ? La mondialisation est-elle affaire de pays riches ? La question serait-elle la même posée dans des pays pauvres ?

A l'évidence, la mondialisation doit plus s'orienter vers un monde commun qu'un même monde pour tous, même s'il demeure délicat de dire sur quoi cette construction peut reposer : l'argent ?, l'amour ?, le respect ?, etc.

"Qu'est-ce que la vraie philosophie ?", café philo animé par Fernand Reymond

Se demander "Qu'est-ce que la vraie philosophie ?", c'est reconnaître qu'il peut y avoir plusieurs formes de philosophie, voire plusieurs philosophies, et surtout que toutes les approches possibles de la philosophie ne se vaudraient pas. Chercher la "vraie" philosophie, est-ce admettre qu'il y a une fausse philosophie ? On aurait plutôt tendance à penser que, plutôt que vraie ou fausse, il y a ou il n'y a pas philosophie. Mais qu'est-ce que la philosophie ? Qui fait et qui ne fait pas de la philosophie ? Où fait-on et où ne fait-on pas de la philosophie ?

A priori, l'on peut faire de la philosophie en tout lieu, à condition bien sûr d'obéir à une certaine rigueur, que les différentes conditions permettent plus ou moins. L'Université permet sans doute cette rigueur, et l'exige même. Mais cela ne veut pas dire que le café philo (par exemple) l'empêche, même si l'on peut lui reprocher d'être un peu trop rapide. Ne peut-on pas le considérer au moins comme une amorce de la philosophie qu'il conviendrait ensuite de poursuivre ?

Il semble que l'on peut trouver deux approches possibles de la philosophie : théorique et pratique. Laquelle des deux est plus philosophique ? L'une est-elle plus philosophique que l'autre ? La philosophie tient-elle à l'usage de termes sophistiqués ? Est-elle la réflexion philosophique de chacun et son utilité dans la vie quotidienne ? Ou la philosophie serait-elle finalement à la croisée des deux, de sorte que le "philosophant" devrait aller voir les grands maîtres, comme les experts gagneraient très probablement à aller animer ou participer à des cafés philo.

Reste la question de la "fausse philosophie" (implicite dans le sujet). Qu'est-ce qui n'est pas de la philosophie ? La philosophie tient-elle précisément à ses sujets ? La philosophie résiderait peut-être plus dans le cheminement accompli par la pensée, de sorte qu'un participant de café philo ou même un individu seul chez lui pourrait effectuer un mouvement de pensée proche de celui d'un "expert", d'un "spécialiste".

Quoi qu'il en soit, l'on peut supposer que la (vraie) philosophie exige souplesse et élasticité. C'est une gymnastique (corps ou esprit ?) à laquelle il convient de s'exercer ; car il en faut de la souplesse, de l'élasticité et donc de l'entraînement, pour arriver à "prendre de la hauteur sans perdre pied". N'est-ce pas aussi cela, la "vraie philosophie" ?

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