Revue

Québec : formation des maitres et communauté de recherche virtuelle

On explique selon qu'on a su comprendre et on comprend selon qu'on a su observer. Gustave Guillaume

L'univers virtuel des cours en ligne est en pleine expansion. La venue de l'informatique et du réseau Internet dans le monde de l'enseignement annonce des possibilités inouïes. Cependant, comme tout cours en classe, un cours en ligne est d'abord une forme d'enseignement. Or, tout enseignement suppose, directement ou indirectement, une relation entre des personnes. On peut imaginer que les termes de cette relation sont au nombre de deux : l'un, l'enseignant, dispose d'un savoir et sa tâche consiste à transmettre ce savoir à l'autre, l'étudiant, qui ne le possède pas encore. Mais on peut aussi concevoir que les termes de la relation sont plus nombreux. Si d'un côté, il y a encore l'enseignant qui possède un certain savoir, de l'autre il y a des étudiants qui, parce qu'ils sont plusieurs, peuvent entrer en interaction, en discussion et, ce faisant, collaborer au développement du savoir qui se tisse entre eux et l'enseignant.

La première forme de relation a inspiré bon nombre de concepteurs de cours en ligne. Pour ces derniers, un enseignement virtuel doit permettre la transmission d'un savoir : celui qui provient de l'enseignant et qui est destiné à l'étudiant. S'appuyant sur des logiciels qui permettent le transfert de l'information, la formule connaît plus d'un adepte. Cela ne veut pas dire qu'un tel enseignement ne fait aucune place à la discussion. Ainsi, on verra des échanges se construire sur les forums de discussion qui accompagnent parfois ces cours, mais il est bien difficile, du moins dans l'état actuel des possibilités qu'offrent les outils de forum, d'y observer des discussions prenant la forme d'une argumentation partagée menant à une co-construction des connaissances et à une auto-correction. Conçus pour permettre le libre échange des idées entre les étudiants, les forums de discussion ouvrent aussi la voie à la dérive et aux commentaires incohérents.

En conséquence, ceux et celles qui souhaitent créer des cours en ligne en s'appuyant sur une pédagogie faisant appel à la discussion, à la recherche en commun et à l'auto-correction doivent faire preuve d'imagination pour trouver des outils informatiques appropriés. Les forums de discussion, pour utiles qu'ils soient, ne permettent pas toujours de centrer l'attention des étudiants sur la matière du cours. Si on ajoute à cette difficulté celle d'offrir la possibilité de partager une expérience d'observation où chacun peut contribuer à la compréhension des éléments à observer dans le cadre d'une communauté de recherche virtuelle, on a tôt fait de conclure que les outils informatiques actuellement disponibles sont pratiquement inexistants1.

Afin de combler cette lacune, une équipe de recherche ayant son noyau à l'Université Laval a entrepris la construction d'une plate-forme informatique - un Observatoire Virtuel Collaboratif (OVC) - qui permet d'épouser les présupposés d'une pédagogie faisant appel à l'observation, la recherche collaborative et l'auto-correction. Ce faisant, nous avons créé un cours à distance permettant une initiation à la philosophie pour les enfants. Dans les pages qui suivent, je souhaite examiner certains des présupposés ayant conduit à la création de ce cours ainsi que ses principales articulations. Pour ce faire, je présenterai d'abord la nature des programmes de formation offerts en philosophie pour les enfants sur le campus de l'Université Laval. Puis j'examinerai dans quelle mesure l'ajout d'un cours en ligne, faisant appel à une série documentaire (télévisée ou accessible sur DVD) et un observatoire virtuel collaboratif (accessible via Internet), permet d'envisager un cadre de formation adapté à la pratique de la philosophie avec les enfants.

Les séminaires offerts sur le campus

S'appuyant sur le modèle élaboré par Ann Sharp et Matthew Lipman, les séminaires de formation offerts à l'Université Laval proposent de participer activement à la création et à l'animation d'une communauté de recherche philosophique2. Ces séminaires mettent l'accent, notamment, sur la transformation d'attitudes, tant sous l'angle du savoir (le savoir n'est plus le résultat d'un seul être pensant, mais plutôt le fruit d'une construction collective), que sous celui des perceptions que nous pouvons avoir des enfants (les enfants vont bien au-delà de ce qu'on attend d'eux dans les faits lorsque placés dans une situation expérimentale comme celle de la communauté de recherche).

Le but de ces séminaires est d'apprendre à faire de la philosophie dans le contexte d'une communauté de recherche. La pédagogie qui sous-tend ces séminaires repose sur le principe qu'on apprend à faire de la philosophie en étant activement engagé dans l'acte de philosopher. Il s'agit de vivre pour soi-même l'expérience de la création d'une communauté de recherche. Mais, que faut-il entendre par communauté de recherche? En première approximation, on peut avancer qu'il s'agit d'un groupe de personnes engagées dans une recherche avec un intérêt commun. Étant donné la diversité des participants, on peut s'attendre qu'une communauté de recherche permettra l'émergence d'une diversité de points de vue, de styles de pensée, de manières de voir le monde. Du coup, on assistera à une série de confrontations, mais ces dernières se réaliseront dans un contexte où le respect, l'entraide, la co-construction et la solidarité sont valorisées. C'est dire que dans une communauté de recherche, la pensée attentive sera sollicitée : une pensée qui est préoccupée notamment par la présence de l'autre et le respect de sa différence. Mais qui dit communauté de recherche dit aussi délibération et, dès lors, présence de la pensée critique, soucieuse de rigueur, de cohérence et d'auto-critique. La pensée créative sera aussi sollicitée dans une telle démarche. Car on ne saurait s'engager dans la création d'une communauté de recherche sans imagination, sans originalité. On y apprend à devenir indépendant d'esprit, capable de penser par et pour soi-même, préoccupé d'une vision globale, plutôt que simplement concentré sur tel ou tel aspect d'un problème. En somme, participer à la création d'une communauté de recherche, c'est s'engager à pratiquer une pensée complexe, multidimensionnelle, qui combine à la fois la pensée attentive, critique et créative dans un contexte où la faillibilité et l' auto-correctionsont des valeurs fondamentales appelant des attitudes correspondantes.

Avec les années (le premier séminaire remonte à 1987 et plus de 5200 étudiants ont suivi l'un ou l'autre des cours que contiennent les différents programmes de formation en philosophie pour les enfants), nous sommes devenus conscients, cependant, que la transformation des attitudes à l'égard des enfants (tout particulièrement le doute quant à leur capacité à philosopher) souffrait d'une certaine lacune. Aucun de ces séminaires, jusqu'à tout récemment, ne permettait d'examiner attentivement des enfants en action et ainsi d'apprendre à observer leurs conduites, telles qu'elles se présentent à l'école. Si la création d'une communauté de recherche entre adultes est à l'image de ce qui se déroule entre enfants, elle ne saurait être identique et les différences sont parfois très importantes. Le "terrain", à cet égard, est riche d'enseignements.

Il y a longtemps que nous souhaitions la présence (réelle ou virtuelle) des enfants au sein de nos programmes de formation. Car nous estimons qu'une formation de qualité suppose aussi la possibilité d'apprendre à observer une communauté de recherche composée d'enfants, donnant ainsi l'occasion, notamment, d'apprendre à écouter, à analyser et à évaluer les propos de ces derniers3. Mais les moyens dont nous disposions (vidéo, cassette audio) nous apparaissaient inadéquats, en raison de la piètre qualité des enregistrements. De plus, bien que nos programmes de formation proposent un stage en milieu éducatif, celui-ci vise davantage la pratique de l'animation. Nous aurions pu envisager la création d'un nouveau stage, axé cette fois sur l'observation, mais nous avons plutôt opté pour une autre activité qui, semblant répondre aux besoins que nous avions, offrait aussi l'avantage de rejoindre une population dépassant largement ceux et celles qui sont inscrites aux programmes de formation. C'est ainsi qu'est née, au printemps 2001, l'idée de mettre sur pied une série documentaire (13 émissions) télévisée, réalisée de manière professionnelle et présentant des enfants et des enseignant-e-s engagé-e-s dans la pratique de la philosophie en communauté de recherche.

La série documentaire : Des enfants philosophent

La série documentaire raconte différents moments de trois groupes d'enfants du primaire engagés dans une réflexion philosophique. Qu'est-ce que l'imagination ? Peut-on aimer plus un objet qu'une personne ? Peut-on être curieux sans être indiscret ? Les races existent-elles ? Qu'est-ce que la violence ? Comment la prévenir ? Autant de questions, et bien d'autres encore, que des enfants âgés entre 6 et 12 ans abordent de manière critique et créative avec sérieux, attention, respect et collaboration.

À ces séquences tournées à l'école Tourterelle de Brossard (banlieue de Montréal, Canada), s'ajoutent des témoignages de certains élèves, ceux des enseignants et de parents, des séquences d'analyse des événements et des entrevues avec des experts. Ainsi, la série traite aussi des questions suivantes: qu'est-ce que la philosophie pour les enfants ? Comment peut-elle servir les objectifs sociaux, cognitifs et culturels de l'éducation ? Quels sont les rôles de l'animateur ? Comment une telle pratique peut-elle contribuer à la prévention de la violence ?

S'appuyant sur les travaux de Matthew Lipman et Ann Margaret Sharp, ce documentaire montre le bien-fondé d'enraciner l'acte éducatif dans les questions que les enfants aiment se poser. Les enfants choisissent eux-mêmes les thèmes de discussion; les adultes animent l'échange et s'engagent comme eux, activement, dans la recherche de sens et de vérité. Au Québec, il est diffusé sur la chaîne de télévision éducative Canal Savoir. Il est aussi disponible en format DVD4.

Bien que cette série documentaire offre l'avantage de voir et d'entendre des enfants engagés dans la création d'une communauté de recherche (en plus de donner la possibilité, notamment, d'entendre des enfants et des enseignants témoigner de leur expérience, des spécialistes venant expliquer tel ou tel aspect du processus), nous éprouvions un certain malaise quant à l'idée de nous en tenir uniquement à l'utilisation de cette série lorsqu'il s'agit d'apprendre à observer des enfants formant une communauté de recherche philosophique. En effet, regarder simplement une série documentaire portant sur la philosophie pour les enfants peut certainement donner l'occasion de s'informer sur la nature d'une telle pratique (les principes tout autant que les enjeux), mais nous renvoie à une activité d'apprentissage où l'étudiant est essentiellement un spectateur. Or, nous étions convaincus qu'une formation mettant l'accent sur l'observation devrait être en accord avec les principes pédagogiques et épistémologiques qui président aux formations de l'animateur et qui sont ceux, en fait, de la communauté de recherche.

Dans le modèle standard d'une pratique classique, l'éducation consiste essentiellement à transmettre un savoir. Dans ces conditions, l'enseignant occupe une position d'autorité : c'est de son savoir que dépend entièrement l'apprentissage des étudiants. Dans ce modèle, l'apprentissage consiste essentiellement à acquérir un savoir en emmagasinant la plus grande quantité possible d'informations. Dans le modèle réflexif d'une pratique critique - comme cela est le cas dans une communauté de recherche - l'éducation se traduit par la participation des étudiants à la construction d'une communauté de chercheurs qui ont comme but principal de parvenir à une meilleure intelligence du monde et à un jugement personnel bien fondé. En outre, l'enseignant reconnaît sa faillibilité. Il se présente comme un être qui peut se tromper et ne se place pas en position d'autorité. Cela n'implique pas qu'il perd toute autorité, car s'il n'est plus celui qui détient la vérité, il conserve tout de même une autorité instructive, étant le gardien des procédures conduisant à une recherche rigoureuse. Enfin, dans ce modèle, l'apprentissage suppose qu'on pense avec les autres, puisque le dialogue est le moteur de l'apprentissage. En outre, on attend des étudiants qu'ils se montrent réfléchis et capables de penser, de juger par et pour eux-mêmes. Ainsi, l'accent n'est pas mis sur l'acquisition d'informations (ce qui n'est pas exclu, cela va sans dire), mais sur la capacité de remettre en question, d'apprendre par soi-même. Il s'agit de faire preuve d'une utilisation de plus en plus appropriée des connaissances, d'une capacité de justifier ce qui est dit ou fait, d'être capable de communiquer d'une façon claire, de tenir compte du point de vue d'autrui et d'être disposé à l'auto-correction5.

C'est avec ces éléments en tête que nous avons imaginé un cours en ligne combinant la série documentaire et des activités d'apprentissage permettant de conserver l'essentiel des principes éducatifs régissant une communauté de recherche.

Le cours en ligne : l'observation en philosophie pour les enfants

S'appuyant en partie sur la série documentaire, le cours en ligne L'observation en philosophie pour les enfants donne à l'étudiant-e la possibilité d'être un acteur dans sa formation, en l'invitant à participer à la création d'une communauté de recherche virtuelle dont l'objet est l'observation et l'analyse des comportements (cognitifs, sociaux, affectifs) d'enfants (6 à 12 ans) et d'enseignant-e-s pratiquant la philosophie en communauté de recherche6. Le cours est composé de modules. Ces derniers attirent l'attention sur un thème précis. Ils comportent un certain nombre d'activités d'apprentissage permettant d'atteindre les objectifs du cours. Ces activités se retrouvent dans l'OVC (le site du cours).

L'OVC a deux fonctions principales :

  • Observation. Comme son nom l'indique, sa première fonction est d'être un observatoire, c'est-à-dire une vitrine multimédia qui permet d'observer librement les enfants en train d'agir et de discuter. C'est un peu la vitre sans tain des psychologues, mais virtuelle. Le matériel d'observation intégré dans l'OVC est essentiellement constitué de séquences filmées dans les mêmes trois classes de la série télévisée ; notons toutefois qu'il s'agit d'un matériel différent et qui dépasse largement, en quantité, ce qui est présenté dans la série télévisée.
  • Collaboration. La seconde fonction de l'OVC permet à l'apprenant d'échanger avec ses pairs sur des séquences vidéos spécifiques qu'il aura été donné à tous d'observer en des temps différés, en concordance avec la feuille de route du cours. Au moyen de prises de positions compilées statistiquement, de rapports et de commentaires partagés, l'OVC permet en quelque sorte de recréer une communauté d'opinions, de raisons et d'échanges (la communauté de recherche), cette fois à distance et de façon asynchrone.

Pour mener à bien l'ensemble des activités des différentes modules, les participants ont à leur disposition des outils qui se trouvent dans les locaux de l'OVC. Ce dernier comprend actuellement six locaux: Accueil, Observatoire, Bibliothèque, Secrétariat, Vidéothèqueet Agora. L'Accueil présente une série d'informations annonçant notamment les différentes activités d'apprentissage prévues pour le module en cours. L'Observatoire permet d'observer les séquences à l'étude et de réaliser les activités d'apprentissage du module en cours. C'est la partie centrale de l'OVC. La Bibliothèque regroupe l'ensemble des textes à lire pour un module en cours. Le Secrétariat donne accès au Profilde l'étudiant, à son relevé de notes pour chacun des modules et aux rétroactions du tuteur. La Vidéothèque contient un outil de recherche permettant d'accéder à toutes les séquences du site (actuellement, le cours donne accès à 144 séquences totalisant plus de 12 heures) ainsi qu'aux informations (durée, description, remarques, éléments) qui leur sont associées. L'Agora rassemble les commentaires des participants (commentaires ayant trait notamment aux séquences et aux textes dans la Bibliothèque) pour l'ensemble des modules parcourus. Elle permet aussi d'en rédiger de nouveaux qui s'ajouteront à ceux déjà existants.

Afin de comprendre un peu mieux l'interactivité permise par l'OVC, examinons la nature de certaines activités d'apprentissage qu'il permet de réaliser. Bien que l'OVC propose sept (7) types d'activité d'apprentissage (rapport initial, rapport révisé, rapport comparatif initial, rapport comparatif révisé, rapport récapitulatif, journal de bord, document synthèse), nous concentrerons notre attention sur deux (2) d'entres elles : le rapport initial et le rapport révisé. La compréhension de ces deux rapports et des liens qui les unissent permettra de saisir les dimensions collaborative et auto-correctrice de l'OVC.

Le rapport initial invite l'étudiant à jeter un premier regard sur un ensemble d'éléments (de conduites des enfants ou des enseignants) susceptibles d'être présents dans certaines séquences. Par exemple, on lui demandera, dans un module donné, de déterminer si les éléments "des enfants donnent des raisons", "l'animatrice encourage la considération de plusieurs points de vue" sont ou non présents dans un ensemble de séquences vidéo. Si l'étudiant juge que ces éléments sont présents dans les séquences, il devra indiquer le moment et justifier son jugement en définissant l'élément en question (pour ce faire, il peut faire appel au texte présent dans la Bibliothèque) et en montrant comment tel ou tel passage est bel et bien représentatif de cet élément. En moyenne, un rapport initial contient deux séquences et deux éléments. Le rapport ne sera pas évalué sur les jugements qu'il contient, mais sur la qualité de la justification accompagnant chacun des jugements. En utilisant la fonction " Recherche de justifications  " présente dans l'Observatoire, l'étudiant a accès à toutes les justifications de ses collègues. Il pourra, au besoin, construire son argumentaire en tenant compte des idées (ou arguments) avancées par ses collègues. Il est même recommandé d'inclure quelques références à ces justifications.

Au module suivant, l'étudiant est invité à produire un rapport révisé qui lui permet de porter un regard critique sur les jugements consignés dans son rapport initial. À première vue, le rapport révisé est semblable au rapport initial. Les séquences et les éléments à observer qui y apparaissent sont ceux du rapport initial du module précédent. Mais là s'arrête la ressemblance. En effet, lorsqu'un étudiant débute son rapport révisé, son rapport initial du module précédent y est automatiquement chargé. Mais, pour chaque observation, on y voit, sous forme de pourcentage, l'opinion de l'ensemble du groupe.

En outre, le rapport révisé inclut une programmation qui non seulement affiche le cumul (en %) des observations de l'ensemble du groupe mais aussi, le cas échéant, les observations pour lesquelles l'étudiant diverge d'opinion avec la majorité de ses pairs. En effet, lorsqu'un étudiant a repéré au rapport initial un élément dans une séquence alors que la majorité de ses collègues soutiennent qu'il ne s'y trouve pas, l'OVC affiche un indicateur d'auto-correction potentielle (petit rectangle bleu entourant le jugement minoritaire). Cela impose la rédaction d'une nouvelle justification venant confirmer le jugement initial ou supporter son changement. Il en va de même lorsque l'étudiant n'a pas repéré au rapport initial un élément dans une séquence alors que la majorité de ses collègues ont plutôt estimé que l'élément s'y trouve : un indicateur d'auto-correction potentielle apparaît alors pour cette observation demandant ainsi de reconsidérer le jugement. Puisque le rapport n'est pas évalué en fonction d'une réponse qui serait attendue du tuteur, il va sans dire que l'étudiant n'est pas obligé de modifier son jugement initial (lorsque celui-ci est minoritaire). Sa position minoritaire l'invite toutefois à reconsidérer les raisons qui l'ont poussé à une telle prise de position et à proposer un argumentaire renouvelé, qui tient compte notamment des arguments qu'ont avancé ses collègues. En outre, l'étudiant peut aussi, s'il le désire, modifier l'un ou l'autre des jugements majoritaires. En s'opposant ainsi à la majorité, un indicateur d'auto-correction potentielle accompagnera son nouveau jugement. Ceci s'explique par le fait qu'un tel revirement nécessite de sa part une nouvelle justification qui, elle aussi, devra tenir compte des arguments développés par les pairs.

Afin de connaître les avis des pairs, et étant donné que les nouvelles justifications du rapport révisé doivent contenir des références aux justifications des collègues, il est précieux d'avoir accès à leurs justifications. Encore une fois, la fonction "Recherche d'une justification" présente dans l'Observatoire permet à tout moment d'aller consulter les justifications des pairs. De cette façon, chaque étudiant a la possibilité de prendre connaissance des points de vue des autres membres de la communauté et éventuellement de modifier le sien s'il juge que les arguments apportés par ses collègues le conduisent à un tel changement.

Ainsi, les activités d'apprentissage mettent l'étudiant au défi de penser par et pour lui-même, mais avec les autres. Elles l'obligent aussi, le cas échéant, à reconsidérer ses jugements à la lumière des arguments de l'ensemble du groupe dont il fait partie. C'est en ce sens que l'OVC est un instrument permettant d'apprendre à observer, collaborer et s'auto-corriger.

Conclusion

Depuis 2004, plus de 200 étudiants provenant du Québec, de la France, de la Suisse et de la Belgique ont suivi le cours en ligne. En terminant, voici quelques commentaires tirés des journaux de bord (autre activité d'apprentissage présente dans l'OVC) de ces étudiants portant sur ce cours :

  • " J'aime beaucoup le fait de pouvoir savoir ce que mes collègues pensent et comment ils voient la philosophie pour enfants. C'est plus enrichissant que d'avoir seulement ma propre opinion en référence. " Stéphanie Robitaille-Arbour (Québec)
  • " J'ai beaucoup appris sur la philosophie et l'animation de la philosophie avec les enfants. J'aime bien les séquences que vous nous proposez, car elles nous permettent de voir la philosophie sur le terrain, dans la classe. J'aime bien la communauté de recherche que nous avons créée sur Internet. J'aime beaucoup pouvoir lire les commentaires sur les séquences faites par mes collègues. Parfois, ils soulèvent des points et des détails que je n'avais pas vus lors de mon visionnement. Ma plus grande réussite, je crois, réside dans le fait que je pense être guérie de mon allergie à la philosophie. Cette matière ne m'avait jamais intéressée auparavant, mais maintenant, je me surprends à m'intéresser et à vouloir en lire davantage dans le module de la semaine. " Caroline Gosselin (Québec)
  • " Je suis très intéressée par les émissions télévisées et ma motivation me pousse à me mettre dans la peau des différents acteurs. Cela me permet donc de comprendre le rôle de chacun et ainsi, de rendre la théorie beaucoup plus complète. " Tania Leblanc (Québec)
  • " Cette activité d'observateur m'étonne par sa richesse (et c'est pas fini...). Malgré une trame de travail relativement semblable d'un module à l'autre, je suis toujours aussi intéressée par l'observation, qui découvre de nouvelles interactions à chaque visionnement, et les liens à faire avec les écrits. Il m'a été difficile de rendre compte de mes constatations de manière compréhensible (pour le tuteur du moins, moi je me comprends très bien!) J'y travaille et désire être capable de rendre des justifications succinctes et suffisantes. Sur le fond, j'essaie de m'imprégner de plus en plus de la "philo attitude". Je ne peux plus écouter une émission de discussion ou de débat sans analyser les interventions du journaliste et chercher la cohérence des arguments des uns et des autres. En classe, je m'observe animant et je m'observe observant les enfants et j'essaie quand même d'être là au premier degré. Un jour peut-être tout cela sera intégré... " Muriel Rusillon (Suisse)
  • " Le fait de faire ce cours en communauté m'incite à développer davantage ma pensée, mes opinions, mes affirmations. " Émilie Verret (Québec)
  • " J'aime bien l'expérience en relation avec mes attentes. Comme ma motivation principale était d'expérimenter un mode d'enseignement plutôt que les enseignements eux-mêmes, je dois dire que je suis agréablement surpris. Le cours est bien construit, il est intéressant et offre une certaine flexibilité. Même si je ne me dirige pas vers l'enseignement comme plusieurs de mes collègues, je trouve un paquet d'autres applications pratiques qui me servent déjà dans ma vie de tous les jours. L'approche de la communauté de recherche s'avère très constructive lorsqu'on la transpose dans d'autres types de réunions et de discussions. Il y a une belle réflexion sur l'écoute, l'entraide et l'humilité. Je trouve très intéressants les échanges que nous pouvons avoir entre nous, même si nous sommes à des kilomètres de distance. " Élie Belley-Pelletier (Québec)

Il y a encore beaucoup de choses à dire au sujet de l'OVC et du cours en ligne! Les pages qui précédent auront permis, nous l'espérons, d'entrevoir certains des présupposés qui sont à son origine et ses deux articulations principales : la série documentaire et les activités d'apprentissage présentes dans le site du cours. Chemin faisant, nous avons laissé de côté certaines questions qu'il serait tout de même important d'examiner un jour ou l'autre. Ainsi, dans un proche avenir, nous aimerions traiter de la place du tuteur dans le cours en ligne en nous attardant tout particulièrement sur la comparaison qu'il est possible de faire entre son rôle et celui d'un animateur d'une communauté de recherche. De plus, le caractère transférable de l'OVC permet-il d'entrevoir de nouvelles pistes pour la formation des maîtres dans toutes les disciplines ? Si oui, cela aurait-il pour effet de consacrer à nouveau une rupture épistémologique avec la tradition de la magistralité, tout en conservant une part des acquis reliés à l'écriture et la lecture ? D'ici là, peut-être que certains lecteurs auront envie de s'inscrire au cours. Pour ce faire, nous vous prions de consulter le site de la philosophie pour les enfants en cliquant sur l'onglet : Cours à distance (http://www.fp.ulaval.ca/philoenfant).


(1) On trouvera quelques articles très intéressants touchant la création d'une communauté virtuelle en se rendant à l'adresse suivante : http://64.71.48.37/teresadeca/webheads/online-learning-environments.htm#Community. De plus, le livre de Howard Rheingold, The Virtual Community (accessible en ligne à l'adresse suivante : http://www.rheingold.com/vc/book/) est certainement un bon point de départ pour comprendre l'importance de ce phénomène, notamment dans le monde de l'éducation. La bibliographie qui accompagne ce livre montre clairement l'intérêt pour la création de telles communautés. Voir aussi, sous la direction de Serge Proulx, Louise Poissant et Michel Sénégal, Communautés virtuelles - Penser et agir en réseau, PUL-IQCR, Québec, 2007.

(2) Cf. : http://www.fp.ulaval.ca/philoenfant/sem_ps.asp

(3) Cf. La pratique de la philosophie avec les enfants, (Dir. M. Sasseville), PUL, Québec, 2000, chapitre 5.

(4) On peut se procurer la série documentaire à l'adresse suivante : http://www.zone.ul.ca/jahia/customer.productDetails.action?productId=316174&dispatchURL=/Jahia/lang/fr/pid/101/cache/bypass ou en écrivant à eric.thibault@zone.ul.ca, Monsieur Éric Thibault, responsable à la librairie de l'Université Laval, des ventes à l'étranger.

(5) Cf. Lipman, M. Thinking in Education, Cambridge University Press, 2e édition, Cambridge, 2003.

(6) Pour une présentation détaillée du but, des objectifs et du contenu du cours en ligne, cf. : http://www.fp.ulaval.ca/philoenfant/cours.asp#top

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