Quelle autorité dans une discussion à visée philosophique ? Symposium du 9 septembre, organisé par Michel Tozzi, professeur des universités, directeur du CERFEE
Les pratiques de discussion à visée philosophique qui se développent en France en amont de la classe terminale (et dans la cité) reconfigurent le rôle du maître ou du formateur, et la nature de sa professionnalité, en mettant en avant sa compétence d'animation d'un échange réflexif entre pairs avec des exigences intellectuelles.
Il se produit de ce fait, tant chez le responsable de la discussion que chez les discutants, un déplacement du rapport au savoir, à la parole, au pouvoir. C'est alors la redéfinition de l'autorité éducative, pédagogique et didactique du maître qui est interrogée par ce type de pratique. Dans l'autorité traditionnelle, l'enseignant, comme son nom l'indique, est " maître ", au niveau doublement disciplinaire : d'une part de la gestion de la parole et du groupe, d'autre part du savoir dispensé. Il tient cette autorité du pouvoir conféré par l'institution, et du savoir acquis en formation.
Or les pratiques de la DVP laissent à voir un animateur qui intervient peu ou pas du tout sur le fond, que ce soit pour apporter du contenu ou proposer sa propre pensée, et il s'affirme lui-même en recherche, devant les énigmes de la condition humaine. Elles mettent par ailleurs souvent en place un dispositif de type coopératif, où certains attributs du pouvoir du maître sont partagés par délégation (donner la parole, reformuler ou synthétiser les échanges, etc.). L'institutionnalisation d'une " communauté de recherche " (Dewey, Lipman) semble donner à la visée de vérité un aspect non dogmatique au savoir poursuivi ; la diffusion du pouvoir, avec des statuts précis qui responsabilisent et des règles de fonctionnement qui sont co-élaborées, paraît construire un rapport coopératif à la loi.
Qu'en est-il alors de l'autorité dans cette configuration éducative ? Où est l'autorité ? Qui l'a et l'exerce ? Qui et quoi fait autorité ?
Sans oublier l'aspect déterminant de la visée philosophique dans les pratiques, nous nous centrerons plus particulièrement dans ce symposium, vu le thème du colloque, sur la DVP comme processus de socialisation démocratique.
- Quelle est la part de l'autorité du maître, qui d'une part conçoit le dispositif, le met en oeuvre et en est l'ultime garant, d'autre part exerce sa compétence en exigences intellectuelles pour chaque élève et pour le groupe considéré comme un " intellectuel collectif " ?
- Quelle est la part de l'autorité dévolue au dispositif comme cadre politiquement démocratique avec ses rôles et ses règles, et contenant psychologiquement sécurisant et pacifiant : droit d'expression de chacun et du minoritaire, pluralité des représentations, priorité à celui qui a le moins parlé, devoir de se taire et de ne pas se moquer quand quelqu'un parle etc. ?
- Quelle est la part de l'autorité de certains élèves, reconnus comme légitimes par délégation et compétence en voie d'apprentissage à gérer la parole dans un groupe (président de séance), à reformuler avec justesse un camarade, à devenir la mémoire fidèle d'un groupe, ou encore à devenir, convoqués devant les problèmes de l'existence, " interlocuteurs valables " (J. Lévine), par l'effort à fonder leur pensée d'homme... ?
N.B. : On trouvera tous les renseignements sur le colloque sur le site : recherche.univ-montp3.fr/cerfee