Revue

L'atelier de discussion philosophique pour enfants à l'Université populaire de Caen

L'HISTOIRE

Au début de l'année 2002, je connaissais à peine Michel Onfray. Je savais (depuis peu) qu'il était caennais, qu'il avait écrit plusieurs livres, et qu'il se prononçait nettement en faveur d'activités philosophiques avec les enfants, dès l'école primaire, ce qui m'avait décidé à échanger quelques courriers avec lui. À la rentrée scolaire de cette année-là, je lus un article de presse qu'il avait rédigé. Il y disait à la fois les raisons qui le poussaient à démissionner de l'Éducation nationale, et son intention de créer à Caen une Université Populaire, axée sur la philosophie. Il y écrivait " je souhaite encore enseigner, mais plus sous l'oeil de l'administration, ni dans le cadre officiel de l'État, encore moins dans les logiques productives et reproductives de la classe terminale.1

Bien d'autres passages de ce texte seraient à citer, pour comprendre pourquoi sa lecture m'a poussé à entrer à nouveau en contact avec lui. Parmi ceux-ci, cet extrait qui ne peut que parler à des enseignants travaillant avec des élèves issus de milieux défavorisés (ce qui est mon cas, depuis plus de vingt-cinq ans) : " le cours platonicien est une fiction : il n'existe pas d'élève idéal, de programme idéal, d'enseignant idéal effectuant son exercice devant un inspecteur idéal, sous les yeux d'une directrice idéale, mais des élèves réels, dont l'Éducation nationale, platonicienne jusqu'à l'os, se moque comme d'une guigne... "2.

Ceci, et les premiers contacts que j'avais eus avec lui, me convainquit de lui envoyer un message de soutien pour la création de son Université Populaire, ce que je fis un samedi après-midi ensoleillé, après avoir bu mon café. C'était le 14 septembre 2002, soit deux jours après la parution de l'article en question, que j'avais dû lire, probablement, le vendredi 13... Je disais dans ce long message que je voyais de nombreuses convergences entre les prises de position dont cet article se faisait l'écho et ma propre réflexion mais, tout en lui rappelant les quelques échanges que nous avions eus, je lui indiquai que le cas de l'école élémentaire me semblait assez sensiblement différent de ce qu'il disait des lycées, et qu'il était possible d'y tenter des expériences en bénéficiant, au moins, d'une certaine neutralité de l'Éducation nationale. À vrai dire, et vu les derniers développements de la position de l'Inspection Générale de Philosophie en ce début 2005, je ne dirais plus la même chose aujourd'hui, dans le domaine qui nous intéresse...

Je lui rappelais donc les détails de mon travail, ainsi que l'adresse de mon site Internet, et lui joignis un article que j'avais écrit sur le caractère innovant de la démarche que je tentais d'utiliser et de promouvoir. Je terminais en disant que je me sentais tout à fait solidaire de son projet et concluais sur ces mots :

" Nous allons nous mettre au travail, en ayant pour notre part le réconfort de voir que nous ne sommes pas seuls, puisque votre Université Populaire poursuit, me semble-t-il, des objectifs très comparables aux nôtres. J'ai quant à moi l'intention d'assister, bien sûr dans la foule des anonymes, aux séances que vous organiserez... ".

Ce courriel partit à 14 heures 04. À 14 heures 15, onze minutes après, je reçus de Michel une réponse dont voici un extrait : " Merci pour votre lettre et ce que vous m'y dites, ne restez pas dans la foule des anonymes ! Voyons-nous et parlons d'un projet qui me venait en vous lisant : pourquoi pas un secteur philo pour les enfants à l'université populaire ? Ce serait bien, non ? Vous pourriez vous en occuper ? ".

J'ai dit oui...

MODALITÉS

Mais quelque peu effrayé par l'ampleur de l'enjeu, et par la disponibilité requise, il me fallut un bon moment de discussion avec Michel pour accepter ce qu'il me proposait, en terme de fréquence : une séance hebdomadaire, de deux heures, constituant une entité, dans la mesure où aucune exigence d'assiduité n'est posée, et que, par conséquent, rien n'assure que les mêmes enfants seront présents chaque semaine. Nous convînmes que le mieux serait de faire coïncider mon atelier avec son cours, ce qui pourrait inciter des parents y assistant à venir avec leurs enfants. Par ailleurs, et pour éviter de contraindre quiconque à faire des choix épineux, le lundi fut exclu de la programmation de l'ensemble de l'Université Populaire de Caen. C'est en effet ce jour-là que se tient le principal café-philo de Caen, animé par Charles-Edouard Leroux, au Mémorial. Le mardi fut donc retenu comme jour de notre intervention, Michel assurant son séminaire dans l'auditorium du Musée des Beaux-Arts, moi recevant les jeunes dans une salle annexe3. Dès l'année suivante, 2003-2004, les quelque cinq à six cents personnes qui viennent régulièrement l'écouter étant décidément trop nombreuses pour un amphithéâtre de deux cent cinquante places, nous avons émigré vers des lieux plus vastes, mis à notre disposition par l'Université de Caen.

Ce qui fait la spécificité de notre Université Populaire, et d'un certain nombre de celles qui naquirent après la nôtre, dans sa mouvance, valait bien entendu également pour moi : gratuité absolue pour les participants ; pas d'inscription ; rien qui soit demandé à l'entrée ou délivré à la sortie ; pas d'exigence d'assiduité. Pour moi, comme pour les autres intervenants, pas de rémunération : nous agissons sous le régime du bénévolat intégral. Seuls les frais engagés (déplacements, hôtel, repas) sont éventuellement remboursés à ceux qui vivent loin de Caen, ce qui n'est pas mon cas.

D'UN NATUREL PHILOSOPHE

Partant de l'idée que nous naissons tous philosophes, mais que seuls certains le demeurent, il m'apparaît impératif d'offrir l'occasion aux enfants et aux adolescents de pratiquer des activités philosophiques, de maintenir vivace la flamme du questionnement, de la curiosité intellectuelle présente en chacun d'eux, mais souvent éteinte par des dispositifs éducatifs qui se déclarent pourtant pétris des meilleures intentions.

Fondée sur ces principes, la démarche que j'emploie à l'Université Populaire, depuis 2002, est largement influencée par celle que j'ai lentement mise au point depuis mes débuts dans la pratique de la discussion philosophique, en 1998, après un stage à l'IUFM4 de Caen, initié par Marc Bailleul. En retour, il va sans dire que l'animation d'un nombre si important de séances à l'Université Populaire - près d'une trentaine par an - à une telle fréquence, avec un public aussi motivé, puisque volontaire, sous le regard bienveillant de telles personnalités (citons, aussi, Séverine Auffret) est extrêmement riche d'enseignements, et que ceci influence de façon nette ma pratique en classe.

Ma façon de procéder ne conserve donc que quelques traces de celle élaborée par le philosophe américain Matthew Lipman, qui, soulignons-le, n'envisage manifestement pas chez les enfants un quelconque naturel philosophe. Il a donc conçu, dans les années 70, un programme complet, qui n'est d'ailleurs quasiment jamais réellement appliqué dans son ensemble5. Je ne retiens de ce lourd dispositif que les textes déclencheurs de questions qu'il a écrits, qui sont de petits romans mettant en scène des enfants. Et encore, ce texte n'est-il proposé systématiquement qu'aux groupes débutants, les enfants souhaitant généralement très vite s'en affranchir, ce que j'accepte volontiers.

Car la principale caractéristique du dispositif que j'utilise est précisément son caractère évolutif, les évolutions étant proposées, discutées et éventuellement acceptées par les enfants. Les groupes qui se lassent du recours unique au texte proposent, selon les cas, soit de s'en libérer totalement, soit de le conserver mais en ayant la possibilité de proposer aussi des questions " libres ", soit de le remplacer par un autre déclencheur, objet, oeuvre d'art, voire un simple mot, l'un ou l'autre étant amené ou proposé par des enfants.

Les intentions qui me guident là sont claires : d'une part, il s'agit de montrer, mais autrement que par des mots ou des exhortations, que la vérité n'est pas dans les livres, mais dans la vie ; que nous sommes en conséquence à même de philosopher à partir de n'importe quel objet, du plus culturellement valorisé (une oeuvre d'art) au plus trivial (un bijou fantaisie, un téléphone mobile) ; que nous sommes aussi capables d'initier une réflexion ou une méditation existentielle non seulement à partir d'un support visuel, mais aussi à partir d'une odeur, d'un goût, d'une musique, d'un son, selon les principes d'une philosophie sensualiste qui tenterait, autant que faire se peut, de rompre avec la typologie habituelle, quoiqu'en grande partie inconsciente, entre sens "nobles", parce que non matériels (la vue surtout, et l'ouïe) et sens "ignobles", parce qu'exigeant un contact, un rapport plus intime à la matière (le goût, le toucher, l'odorat) ; c'est ainsi que plusieurs séances ont utilisé comme déclencheurs des odeurs, parfums ou autres, des sons, des goûts6... Cette initiative laissée au groupe de décider lui-même de son fonctionnement veut aussi lui montrer que nous sommes, individuellement et collectivement, responsables de ce que nous vivons ; qu'il s'agit, pour entrer dans une vie philosophique, de devenir les auteurs de nous-mêmes, nos propres sculpteurs. Là encore, la rupture avec Lipman est claire : il s'agit plus pour moi de permettre à des individus de se construire, par l'éducation libertaire d'un corps sensualiste, que d'éveiller à une conscience démocratique ou politique, au sens noble du terme, ou de développer des attitudes citoyennes. Même si, à l'évidence, l'un est condition des autres.

Après le choix du support déclencheur et sa mise en commun (lecture partagée dans le cas d'un texte, circulation de l'objet, écoute, olfaction suivant les objets proposés), je demande aux enfants de proposer des questions d'ordre général. Quand nous partons d'un texte, donc dans les groupes débutants, je donne simplement deux consignes : les questions inventées par les enfants ne doivent pas contraindre à revenir au texte pour y répondre ; comme corollaire, il faut éviter d'y inclure des noms de personnages. Quand le support est différent, après quelques séances, aucune consigne n'est plus nécessaire. C'est une des questions proposées par les enfants qui sera le sujet de la discussion de la deuxième partie de la séance : elle est choisie par vote.

DES FINALITES EXISTENTIELLES

Cette activité, telle que je la conçois, a des finalités existentielles. Il s'agit de penser les rapports qu'on entretient à soi, aux autres et au monde, enjeu majeur de la philosophie. Tout le reste, tout ce qui pour d'aucun est censé représenter le coeur de la philosophie, est pour moi subordonné à ces objectifs. Rien ne sert d'accéder à la pensée conceptuelle, d'utiliser la logique formelle, de produire de belles argumentations, si on ne vise l'ataraxie, l'absence de trouble des philosophes de l'antiquité grecque, la réconciliation avec soi, les autres et le monde.

On pense donc par soi-même, et pour soi-même. Penser par soi-même, devenir un majeur intellectuel, pour le dire dans les mots d'Emmanuel Kant, a pour condition que nul n'est fondé à dire aux autres où est le bien, le beau, le vrai. Au-delà même, nul n'est fondé à se poser en intercesseur unique entre ce qui apparaîtrait dès lors comme la pensée vulgaire du commun et la pensée experte du philosophe : pas d'autre accoucheur d'âme que l'ensemble du groupe constitué en " communauté de recherche entre pairs ", selon l'expression de Matthew Lipman. En ce sens, la discussion philosophique apparaît comme un dialogue socratique libertaire, sans référence à un maître unique et auto-proclamé, désigné d'emblée et tenant une place centrale même si, par réelle démagogie, il a fait disposer le groupe en cercle parfait sur lequel il se place. Pourquoi cette disposition, si l'animateur prononce plus de la moitié des paroles émises lors de la discussion, empêchant le dialogue de s'instaurer entre les enfants présents ? Seul un effacement réel qui consiste à parler peu, à ne pas répondre aux questions qui lui seraient directement posées, à ne pas réagir à ce qui se dit, même par une mimique approbatrice (ou désapprobatrice), ni par un hochement de tête - seul cet effacement signe le pédagogue libertaire. Lui seul recherche réellement l'autonomie intellectuelle et affective des enfants, des jeunes qui fréquentent l'atelier.

J'ai animé une table ronde sur la question de la discussion philosophique entre enfants et adolescents, lors de la troisième journée mondiale de la philosophie, organisée par l'Unesco en son siège parisien, en novembre 2004. Comme j'en ai l'habitude quand j'anime un moment d'initiation ou de réflexion ayant cette pratique pour objet, cette table ronde comportait une mise en situation avec des adolescents volontaires. D'autres personnes assistaient à la séance, quelque peu artificielle disons-le, vu le contexte. Une discussion s'est néanmoins engagée sur ce que nous vivions en vraie grandeur devant eux.

L'une des personnes présentes - une adulte - a affirmé que certaines des questions proposées par les enfants ce jour-là n'étaient pas philosophiques, et que cela lui semblait être une limite de l'exercice. Une première réponse que l'on pourrait faire à cette objection, c'est que l'un des objectifs de la démarche, le premier peut-être par ordre chronologique, c'est de faire comprendre aux jeunes que, dans cette activité, ils sont considérés comme des êtres pensants, et que leur parole est reçue sans censure, sans exclusive, sans jugement. Il est donc pour moi inconcevable de leur dire qu'une question n'est pas philosophique, à fortiori de la refuser. D'autant que cette attitude de l'animateur restaurerait une attitude de jugement, surplombante, dont on aura compris que je cherche à tout prix à éviter, à plus forte raison dans un groupe de débutants. Par ailleurs, qu'est-ce qu'une question philosophique ? Qui est fondé à en juger ? Nous savons tous que les définitions de la philosophie sont extrêmement diverses, comme le notait Sénèque, au Ier siècle de notre ère. " La philosophie, écrit-il, a été encore définie de bien des manières "7. Le moins que l'on puisse en dire, c'est que ce constat, renouvelé entre autres par Henri Bergson8, n'est que plus vrai après deux mille ans de développement de la pensée.

Toute action éducative est sous-tendue par une philosophie, souvent implicite, qui la conditionne absolument. Au cours des multiples conversations que j'ai pu avoir ces dernières années avec des personnes qui ne partageaient pas ma façon de considérer ces activités, j'ai eu plusieurs fois l'occasion de constater que, en dernière analyse, c'était bien des divergences sur la nature humaine elle-même qui provoquaient des lignes de fracture, et plus précisément sur la prise de position que je revendique, avec d'autres, sur le naturel philosophe des enfants. L'une des finalités que l'on pourrait donc assigner à cette démarche serait que les enfants, les jeunes qui la vivent entrent en réflexion pour élaborer leur propre définition de la philosophie. Gageons qu'elle se rapprocherait, peu ou prou, d'une de celles qui furent données par les penseurs de jadis. Un moyen d'y parvenir est précisément de ne refuser aucune question proposée par les participants aux discussions. Si d'aventure une question très technique, factuelle ou de connaissance pure devait être proposée, retenue telle quelle et votée, ce qui ne m'est jamais arrivé, notons-le, après plusieurs centaines de séances, nul doute que les enfants, les jeunes participants, amenés à échanger, à discuter sur une telle question, se rendraient inévitablement compte du peu d'intérêt qu'il y aurait à renouveler l'expérience. En ce sens, l'immense avantage des questions réputées non philosophiques, si elles sont acceptées par l'animateur, ce que je fais de façon systématique quand le groupe ne les rejette pas, est bien de montrer ce qu'une question philosophique n'est pas.

CARACTÉRISER LA PENSÉE PHILOSOPHIQUE

Je me sens en accord total, de tous ces points de vue, avec la position que François Galichet exprime dans les Actes du colloque qui s'est tenu à Rennes en mai 20029. Pour lui, une activité philosophique ne se caractérise pas par son objet, car il n'existe pas de questions proprement philosophiques, mais seulement des traitements philosophiques de toutes les questions possibles. De même, le philosopher ne se définit pas par sa méthode. La conceptualisation, la problématisation, l'argumentation ou, ajouterais-je, les outils de la logique formelle chers à Lipman ne sont que des aspects de la pensée philosophique et n'en constituent pas l'essence. Seule sa finalité, que François Galichet exprime comme la possibilité que " le sujet s'arrache ou tente de s'arracher à tous les conditionnements pour accéder à l'autonomie, à la fois théorique et pratique, intellectuelle et morale "10 la définit clairement.

Et comment viser cela en maintenant les enfants en situation d'hétéronomie ? Parce qu'alors, à quel moment deviendraient-ils autonomes ? Par quel miracle ?

Dès lors, pour moi, une seule posture possible, celle du pédagogue libertaire qui travaille à son effacement personnel.

Sites internet :

Université Populaire de Caen : http://perso.wanadoo.fr/michel.onfray/accueilup.htm

Philosophie pour enfants en ZEP : http://gillg.free.fr

Philosophes en herbe : http://perso.wanadoo.fr/philoherb/


(1) Michel Onfray, Pourquoi je quitte l'Education nationale, in " Le Nouvel Observateur ", n° 1975 du 12 septembre 2002.

(2) Michel Onfray, ibid.

(3) Michel et moi intervenons tous les mardis, hors vacances scolaires, de 18 heures à 20 heures. Nous nous calquons en gros sur le calendrier universitaire : début des sessions vers la mi-octobre, fin en mai. Voir le planning détaillé sur le site de l'Université Populaire de Caen, adresse en fin d'article.

(4) Institut Universitaire de Formation des Maîtres.

(5) Voir Matthew Lipman, À l'école de la pensée, traduit de l'anglais par Nicole Decostre. Bruxelles : De Boeck, 1996 ; et également les différents romans qu'il a écrits, avec leurs guides d'accompagnement. (Elfie, Kio et Augustine, Pixie, etc.), ouvrages d'ailleurs quasiment impossibles à trouver en France.

(6) Je rédige un compte-rendu de chacune de ces séances, depuis avril 2003. Ces compte-rendus sont disponibles sur le site " Philosophes en herbe ", que j'ai conçu avec Laure Bühlmann-Galvani. Voir l'adresse en fin d'article.

(7) " Philosophiam quoque fuerunt qui aliter atque aliter finirent ", Sénèque, Lettres à Lucilius, XIV, 89, voir site internet Itinera electronica.

(8) Henri Bergson : " Il n'y a pas, il ne peut y avoir une philosophie comme il y a une science ; il y aura toujours, au contraire, autant de philosophies qu'il se rencontrera de penseurs originaux " (La pensée et le mouvant , Paris : PUF, 1934, rééd. 2003, p. 147)

(9) voir François Galichet, " Qu'est-ce que le philosopher ? " in Les activités à visée philosophique en classe, CRDP Bretagne, 2003

(10) François Galichet ibid.

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