Le simple qualificatif d' " Interculturel ", joint au terme d'Education, représente aux yeux de certains, une sorte de discipline " à part ", destinée à un public scolaire spécifique, et dont le seul objectif serait d'établir un " vivre ensemble " lénifié, autorisant enfin le " savoir " à se faire entendre au sein de cette engeance. Comment l'Éducation Interculturelle, cette " dame patronnesse ", pourrait-elle oser venir flirter, voire s'accoupler à cette " persona grata " qu'est la Philosophie ? Aurait-elle l'audace d'y puiser ses substrats : le doute, le questionnement, le sens des valeurs..., d'emprunter pour ce faire sa stratégie : conceptualiser, problématiser, argumenter, bref, philosopher, et de mettre ainsi ces plagiats au service du peuple ? Ou, plus précisément, de son peuple, largement décrié, puisque marqué par les fers d'un statut socio-culturel de pauvre, de chômeur, d'immigré, etc.
Eh bien oui, l'éducation dite " Interculturelle ", par le biais de ses acteurs, a l'aplomb et le courage de lancer une telle gageure à la philosophie. Et c'est tant pis pour la notoriété de cette " grande dame ", qui va devoir concéder ses privilèges à une classe que l'on nomme " défavorisée ", permettant à celle-ci de gravir les échelons qui la séparent de ce piédestal où la philosophie s'est installée depuis des siècles, et qui n'autorise qu'elle seule à penser, comprendre, juger, légiférer. Il ne s'agit nullement pour les " envahisseurs ", de vouloir lui subtiliser sa suprématie, mais plutôt de muter son principe " d'autorité " en principe " démocratique "", et ce, par la promotion d'une éthique résolument interculturelle et l'élaboration d'un humanisme universel.
S'il est vrai que tel a toujours été le voeu de l'école, son ferment en quelque sorte, en particulier depuis les lois Ferry sur la laïcité, celle-ci, aujourd'hui confrontée à de nouvelles normes, contraint ses enseignants à réfléchir, à se concerter, et à innover pour pallier les difficultés. C'est ainsi, qu'après des décennies de tentatives pédagogiques pour instaurer un vivre-ensemble harmonieux au sein de l'hétérogénéité culturelle, la philosophie semble vouloir entrouvrir les portes de l'école élémentaire, et par là même venir s'associer à l'éducation interculturelle dans les efforts déployés.
Nombre d'enseignants se sont donc lancés depuis quelques années dans l'animation de débats-philo avec des élèves de plus en plus jeunes. Cet avènement de " la philo à l'école ", et en particulier dans les zones dites " sensibles ", à public hétérogène, soulève quelques questions essentielles :
L'éthique de la diversité, telle que nous la concevons, est-elle présente dans l'esprit du " philosopher " : cette éthique même, qui invite à une prise de conscience de l'universel et du particulier, et qui selon nous, constitue la condition première d'une éducation à l'altérité ?
L'apprentissage du " philosopher " est-il apte à doter les enfants de certaines compétences intellectuelles indispensables : " capacités à établir et maintenir des relations, à communiquer (s'exprimer et écouter), à comprendre la pensée de l'autre et partager l'émotion qu'il ressent (empathie), à inter-agir (coopération), à agir sur l'autre sans le contraindre (assertivité) "1 ?
L'apprentissage du " philosopher " développe-t-il chez l'enfant les " capacités d'ordre cognitif utiles à tout acteur social pour orienter ses actions : capacités d'analyse, de mise en relation des faits entre eux, de "mobilité mentale", d'approche comparative, de décentration cognitive, de relativisation " ?2
Si tel était le cas, et dans la mesure où les modalités d'application une fois définies se révéleraient adéquates à la psycho-pédagogie enfantine, nous pourrions alors nous permettre de croire à une symbiose possible entre le " débat-philo " et l'éducation interculturelle, symbiose que nous considérons propice à une interculturalité efficiente.
Le culturel se veut par lui-même englobant de la personne dans sa totalité et recouvrant donc à la fois : ses origines ethniques, sa religion, sa culture, son milieu familial et social, ses goûts, ses affects, ses comportements, ses attitudes, ses compétences... Le préfixe " inter " contient, à lui seul, toutes les caractéristiques fondamentales que nous retenons pour ce type d'éducation : il renvoie à la réciprocité, à l'échange, à la communication, au dialogue, de telle façon que chacun offre à chacun l'opportunité d'un enrichissement mutuel.
Une éducation qualifiée d'inter-culturelle mettra donc un point d'honneur à vouloir relier ces deux volets du terme. Elle basera ainsi sa pédagogie sur la relation à l'Autre, d'une part pour reconnaître en lui une part de soi-même, et d'autre part, pour, non seulement apprendre à " tolérer " l'altérité, mais aussi et surtout, tenter d'en tirer le meilleur parti possible.
S'il est vrai qu'une telle forme éducative devrait " être intégrée dans le coeur même du système scolaire, comme une approche globale qui concernerait tous les élèves, quelle que soit leur origine "3, celle-ci se doit malgré tout d'opérer de manière plus radicale en milieu pluriculturel, dans le sens où c'est bien là que se vivent avec le plus d'acuité certains problèmes.
Mais, en quoi consiste une éducation spécifiquement inter-culturelle ?
- C'est d'abord celle qui s'adresse à des enseignants sensibilisés aux questions éthiques que soulève le phénomène de l'altérité ; non seulement sensibilisés, mais aussi formés pour affronter les divergences avec diplomatie, égards et respect vis-à-vis de tout un chacun.
- C'est une éducation qui s'adresse à tous les enfants. Fondée sur le respect mutuel, non de la seule différence, mais de la diversité, elle est envisagée en premier lieu comme un atout pour aider les jeunes esprits à se réaliser pleinement dans la matrice de la modernité : celle de l'internationalisation, de la globalisation, de la mondialisation.
Autrement dit, c'est dans la recherche de l'Universel que l'éducation interculturelle va devoir plonger ses racines et permettre à chaque individu de faire reconnaître sa singularité car " l'universel est présent dans chaque personne particulière dans la mesure où celle-ci relève pleinement de l'appartenance à l'humanité, donc est égale en dignité à toute autre semblable ".4 Comment faire prendre en compte cette vérité toute simple à des enfants, éduqués au sein de milieux divers, et croyant fermement aux valeurs qui leur ont été inculquées depuis leur plus tendre enfance, valeurs empreintes d'un affectif des plus prégnant ? En quoi chaque morale singulière diffèrerait-elle d'une éthique universelle ?
POUR UNE ÉTHIQUE DE LA DIVERSITÉ
" L'éthique nous paraît classable parmi les universels-singuliers, c'est-à-dire parmi les réalités présentes partout (universel) mais que chaque société (singulier) et même chaque personne interprète à sa façon "5. Auquel cas, vers quelles valeurs se tourner si chaque communauté d'individus est censée défendre les siennes propres, selon ses principes et traditions ? À notre avis, seuls la Déclaration Universelle des Droits de l'homme et le principe de Laïcité retenu par l'Ecole de la République devraient servir de socle commun à toute morale.
C'est ainsi que, d'après les valeurs de respect, de liberté, d'égalité et de fraternité qu'il affichent, certaines notions pourront apparaître comme inhérentes à la problématique de l'altérité vécue, à l'école comme dans la société, et certains principes pourraient s'avérer dès lors, indiscutables. Principes établis en commun, en partant de l'alter ego vers l'ego : " l'ego a besoin de se connaître d'abord comme ego pour reconnaître ensuite l'alter ego, et c'est bien plutôt lui-même qu'il découvrira comme l'autre de l'autre, c'est-à-dire le semblable de l'autre ; c'est sur le modèle de l'autre [...] qu'il apprendra à se connaître ; alors seulement, peut-être recourra-t-il à l'analogie, et de ce qu'il perçoit sur l'autre inférera-t-il ce qu'il est [...] En tout cas, ce n'est pas de l'ego a l'alter ego que l'inférence d'abord peut s'instituer : comment le pourrait-elle lorsque l'ego s'ignore lui-même? "6.
Ce processus, qui semble vrai en ce qui concerne le petit de l'homme en sa venue au monde, le demeure toujours chez l'enfant, voire l'adulte, lesquels n'ont pas encore effectué cette prise de conscience de leur ego. Il s'agit bien de la reconnaissance du sujet en tant que tel, par autrui, certes, mais aussi et d'abord par lui-même, de telle sorte que ne soient plus confondus sujet et objet dans l'appréhension de l'humain : " Ce n'est pas de soi que l'homme apprend ce qu'il est : un homme, et qui pourra revendiquer la dignité humaine. Mais voici que surgit l'autre [...] ici va apparaître vraiment la notion de transcendance, et l'exigence éthique qu'elle comporte. "7
Cette rencontre s'étant produite, c'est en elle que viendront se greffer les valeurs de solidarité et de générosité imprescriptibles de l'attitude inter-culturelle en question. Valeurs induites dans toute communication , dans le langage, la parole libérée : dans cet " inter ", celui qui s'insinue " entre ", c'est-à-dire, entre Moi et l'Autre, pour favoriser l'échange, la compréhension et l'estime mutuelles.
À quel endroit de cette action la démarche éducative va-t-elle se profiler ? Comment tentera-t-elle d'atteindre ses objectifs ? Son rôle consistera-t-il expressément à répertorier, comparer, démontrer, prouver le bien-fondé des diverses normes et valeurs respectives, par rapport aux valeurs de référence ? Et si sa tâche ne devait se situer qu'au niveau de la sensibilité, de la relation à soi-même et aux autres pour amorcer le nécessaire processus de décentration ? Peut-être est-ce bien là que réside la difficulté primordiale d'une éducation à l'éthique ?
Quoi qu'il en soit, il est grand temps d'apporter à l'enfant la clarté nécessaire pour se situer dans ce monde cahotant où s'entremêlent et s'affrontent diverses morales et valeurs, et dans lesquelles chacun tente de trouver son point d'ancrage. En quel sens l'école peut-elle contribuer à la recherche d'une identité personnelle ?
RÔLE DE L'ÉCOLE DANS L'ÉDUCATION INTERCULTURELLE
Sans contraindre l'enfant, ni pour autant le laisser sombrer dans un scepticisme radical, l'enseignant doit trouver en lui-même la force d'agir, et en la pédagogie, les moyens de la mise en oeuvre. Il s'agit là d'accompagner l'enfant, de le guider dans le domaine de la pensée, de la réflexion, pour tirer de sa relation à autrui, un bienfait optimal. De la qualité de cette communication dépendront ses choix culturels et éthiques, que nous voulons conformes à sa personnalité d'une part, et d'autre part, satisfaisant les enjeux en présence : intégration, socialisation, projection dans l'avenir, etc.
À notre avis, l'éducation interculturelle ainsi conçue devrait, par le biais des diverses disciplines enseignées (littérature, histoire, géographie, sciences, éducation civique, arts...) posséder les ingrédients de la réussite.
- La lecture et l'étude de textes littéraires appropriés à l'âge des enfants, et ciblés sur une valeur ou un thème que l'enseignant veut mettre en relief, ouvrent la discussion, facilitent la communication, l'échange de points de vue.
- L'histoire permet de préciser, d'expliquer par les faits et leur hiérarchie, le pourquoi et le comment des évènements, de remettre certaines choses à leur place, d'en mesurer la relativité, sans pour autant promouvoir un relativisme radical, contraire aux aspirations de l'interculturel.
- Les sciences ont le pouvoir de redistribuer à chacun le mérite qui lui revient dans sa participation respective à l'évolution de l'humanité.
- La géographie permet à l'enfant de se repérer dans l'espace, d'apprécier et de réajuster sa représentation subjective de chacun des pays étudiés (intérêt historique, politique, économique, physique...)
- L'étude des arts8 replace chacun des artistes en son lieu de vie propre, et rend ainsi à chaque point du globe concerné la part qui lui revient dans l'élaboration de la grande oeuvre humaine.
- L'éducation civique quant à elle, rentre directement dans le champ de l'interculturel : n'est-il pas en effet question ici de parler de civisme, des droits et devoirs du citoyen, de la démocratie, du respect des Droits de l'homme ?
Compte tenu de toutes ces voies et peut-être d'autres, offertes aux acteurs de l'école pour s'exprimer, éduquer, expliquer, comprendre...peut-on considérer qu'un tel type d'éducation, peut résoudre à lui seul les difficultés et problèmes que soulève la pluralité culturelle ? L'actualité nous prouve malheureusement le contraire : les écoles de ZEP sont trop souvent l'objet d'actes de violence, manifestation d'un décalage important entre la vie de la rue, impitoyable envers les plus démunis, et le langage tenu par l'institution scolaire. Apaisé, aseptisé, celui-ci s'évertue pourtant à juguler les tensions, à dé-passionner, à faire appel à la raison, au bon sens. Quoi de plus louable que ces objectifs ? Pourquoi l'investissement humain et professionnel de nombre d'enseignants n'est-il pas plus souvent récompensé ? Faut-il se résigner à l'échec ou bien trouver ailleurs la solution ? Quelle discipline novatrice pourrait-elle stimuler l'enfant, l'intéresser davantage, le motiver à participer activement à une communication que nous voulons inter-culturelle ?
Y A-T-IL UNE PLACE POUR LA PHILOSOPHIE À L'ÉCOLE ?
La philosophie, ou tout au moins, le " philosopher ", ayant depuis quelques années franchi les portes de l'école élémentaire, semble vouloir s'adonner à cette tâche. Mais qu'entend-on par apprendre à philosopher ?
C'est d'abord placer l'enfant devant un thème, une notion, une question, qui a été librement et démocratiquement sélectionnée. C'est l'amener par le biais d'une " discussion " structurée, à éclaircir ce dont il veut parler (conceptualisation), à rechercher en commun le noeud gordien de cette interrogation (problématisation), à illustrer toute déclaration par des exemples puisés au coeur de la vie elle-même et de son existence personnelle (argumentation), et enfin à accepter que son idée, opinion, point de vue, ne soient pas partagés par tous et même que la question posée reste sans réponse. Les enfants semblent éprouver un véritable plaisir, voire une jubilation à débattre ainsi de sujets qui les préoccupent, à délibérer selon de tels principes. Il ne reste qu'à les écouter pour s'en faire une idée9.
Aux questions : " À quoi servent les débats-philo ? Qu'est-ce qu'on y apprend ? ", les enfants ont donné des réponses satisfaisant à la fois le développement intellectuel, l'éducation à la citoyenneté, et l'éthique de la diversité. Les voici répertoriées :
1) Développement intellectuel :
- " ça sert à se remplir d'idées ; on apprend à se servir de sa mémoire ; ça sert à apprendre ce qu'on ne sait pas ; ça aide à réfléchir ; ça ouvre notre esprit ; ça sert à mieux parler ; non apprend de nouveaux mots ; on apprend à poser des questions ".
2) Éducation à la citoyenneté :
- " on apprend à ne pas se couper la parole ; on apprend à s'écouter ; on apprend à participer ; ça nous aide à mieux vivre ; ça nous permet de nous défendre avec les mots... ".
3) Éthique de la diversité :
- " on apprend à se comprendre et à se connaître ; on apprend à prendre les idées des autres et puis les mélanger ; ça ouvre notre imagination et notre coeur ; on apprend à partager ; on apprend à respecter les autres ".
La teneur et la spontanéité de ces remarques enfantines semblent bien satisfaire aux enjeux poursuivis par la démarche interculturelle : l'enjeu existentiel réalisé par la connaissance de soi-même, l'enjeu social appréhendé par la connaissance de l'autre, et enfin l'enjeu intellectuel dans l'apprendre à penser.
Une autre dimension majeure, l'empathie, non exprimée explicitement par les enfants dans l'enquête, mais qui y paraît en filigrane, mérite d'être optimalisée dans une perspective interculturelle. Différente de la sympathie que l'on peut éprouver pour l'autre (et c'est déjà
énorme !), l'empathie est du ressort de l'émotion, du sentiment. Elle nécessite de se mettre à la place de l'autre, d'épouser ses affects, de les ressentir profondément sans s'y noyer, et de chercher à y porter remède.
La démarche empathique met donc en oeuvre à la fois les dimensions cognitive et affective, interrogées dans les thèmes abordés par le débat-philo, et dont l'association peut aider, nous le pensons, à surmonter le fossé culturel.
Il ne faudrait cependant pas se laisser bercer par l'aspect enchanteur de cette analyse et laisser de côté les problèmes, les difficultés, les questions qui restent en suspens.
- Du côté de l'enfant, il s'avère presque indubitablement que la liaison de l'interculturel et du philosopher va lui être bénéfique dans les domaines que nous venons d'évoquer, mais, avons-nous réellement pris en considération l'effet produit sur sa psychologie ? Est-il en effet judicieux d'entraîner le jeune enfant à objectiver, rationaliser, se détacher de son affectivité, se tourner vers l'autre, alors que sa nature égocentrique, son penchant à troquer le réel contre un imaginaire magnifié, le poussent exactement en sens inverse ? En conséquence, faudrait-il déterminer un âge compatible avec le philosopher ?
- Du côté des enseignants-pédagogues, la tâche se présente-t-elle de manière aussi simple qu'il y paraît ? Suffit-il de s'asseoir au milieu des enfants, de leur raconter une histoire, et puis d'en parler ?
- Si cette méthode peut certes porter ses fruits pour d'autres désiderata, tels que la compréhension d'un texte, l'élocution, le vocabulaire, l'imagination...ce n'est pas là ce que nous considérons comme l'apprentissage du philosopher, tout au plus, cet exercice pourrait, dans des conditions adéquates, toucher de près ou de loin à l'interculturel.
- Si l'apprendre à philosopher, qui sans aucun doute, reste à la portée de tout enseignant prêt à l'instaurer dans sa classe et à le faire perdurer, il mérite cependant une attention toute particulière quant à ses différentes pratiques et à l'acquisition d'un savoir-faire qui, a priori, ne surgit pas spontanément.
Après avoir écouté les enfants, voici quelques points de vue d'enseignants très significatifs : " Depuis un an, j'ai digéré un certain nombre de choses. Pour moi aussi il y a prise de risque [...]. La peur de ne pas savoir mener un débat, la peur que cela m'échappe [...] J'ai pris conscience que je ne maîtrise pas tout. " (Maria, Nanterre). " J'ai pris conscience de la confusion, la lenteur, le parasitage de ma pensée. Je l'ai vécu comme un handicap pour mener à bien les ateliers-philo [...] J'ai souvent vécu les débats dans la souffrance. J'en sortais épuisée (mais pas ravie) ". (Dany, Nanterre). " La nouveauté de l'activité invite à une remise en question de notre fonctionnement personnel enseignant et à des adaptations. En observant les séances menées par Oscar1, on s'aperçoit qu'il y a une grande part d'improvisation, mais comme toujours cette improvisation s'appuie sur un savoir-faire important ". (Joëlle, Nanterre). " Cela reste tout de même pour moi un exercice difficile, un exercice qui me demandera encore un an ou deux d'attention avant de m'en sentir maître. " (Yves-Marie, Nanterre).
Une étude attentive des enjeux respectifs de l'éducation interculturelle et de l'apprentissage du philosopher m'a permis d'en reconnaître les similitudes et de comprendre l'importance d'une relation étroite entre ces deux perspectives pédagogiques, chacune mettant ainsi au service de l'autre sa propre potentialité. Tandis que la première est censée offrir à la seconde le terrain propice au débat : la pluricultiralité, le philosopher munira l'éducation interculturelle de l'outil essentiel à son action : le penser par soi-même. Cette démarche ne s'inscrit-elle pas précisément dans la ligne de mire de cet esprit de coopération qu'elles veulent toutes deux voir aboutir ( enrichissement mutuel, fécondité de la communication, de l'échange des savoirs...) ?
S'il est bien connu, selon le fameux adage, que " l'union fait la force ", celui-ci n'a-t-il pas le mérite de correspondre ici, exactement au souci humaniste contenu dans l'une et l'autre de ces formes éducatives? Dans ce cas précis, comme dans l'ensemble de la recherche et notamment en sciences de l'éducation, la mise en commun des résultats ne peut que faire progresser cette recherche vers l'objectif envisagé. C'est ce que diverses nations ont commencé à reconnaître pour ce qui est de la "discussion philosophique" à l'école, et c'est ainsi que des États tels que le Brésil, le Québec, les USA, et plusieurs pays d'Europe se sont déjà mobilisés. Ils ont compris que le problème de l'interculturel est loin d'être résolu, qu'il n'est pas le fruit d'évènements ponctuels, mais représente au contraire un phénomène permanent à la fois dans la durée et dans l'espace géographique.
Il est grand temps de donner à l'école le statut qui lui revient : celui de creuset d'un humanisme universalisé, porté par une gente enseignante convaincue, et où " l'enfant-philosophe " évoluera serein, au coeur d'une pluriculturalité tournée vers des valeurs, enfin devenues transculturelles.
(1) Cahiers de l'Actif, n°250/251.
(2) Ibid.
(3) Michel Giraud, Université d'été de Thiviers.
(4) Marie Abdallah-Pretceille et Louis Porcher, Éthique de la diversité et éducation, PUF,Paris,1998.
(5) Ibid, p. 29.
(6) Mikel Dufrenne, Pour l'homme, Éd. du Seuil, Paris, 1968
(7) Ibid.
(8) Classe de Claire Rioux, un CE1-CE2 de Nanterre.
(9) Oscar Brenifier : Docteur en philosophie, Formateur (ateliers de philosophie et philosophie pour enfants) et Consultant