Qu'est-ce qui permet de qualifier une discussion de philosophique ? Ne sont-ce pas les mêmes caractéristiques qui autorisent à qualifier une dissertation comme étant de nature philosophique ? Et comme tout professeur de philosophie le sait, bien que l'on tende parfois à l'oublier, il ne suffit pas de considérer que l'écrit ou la discussion se tienne dans le cadre d'un cours de philosophie pour les considérer comme philosophiques, le contexte ne suffisant pas en soi à affirmer ou infirmer un contenu philosophique. Le plus brillant des professeurs ne suffira pas, par sa simple présence ou son seul contact, à garantir la substantialité ou la qualité de la production intellectuelle de ses élèves. Ainsi, quel que soit le lieu, une série d'opinions peu travaillées, une liste de poncifs, un ensemble de déclarations peu substantielles, non étayées, qui sautent de manière inconsciente du coq à l'âne, ne composent nullement un ensemble philosophique, que ce soit à l'oral ou à l'écrit.
Chacun utilisera donc ses critères particuliers pour déterminer la valeur ou la teneur philosophique d'un propos ou d'un échange. Ces déterminations seront de nature intuitive ou formalisée, explicites ou implicites, arbitraires ou justifiées. Mais avant d'avancer une quelconque hypothèse à ce propos, une première mise en garde s'impose. Le qualificatif de philosophique nous semble très chargé. Pour une première raison : il semble vouloir dire tout et n'importe quoi. Sans doute parce que le terme de philosophie s'utilise en des acceptions très variées, qui vont du discours quotidien, général, sans contenu réel, sur les affaires du monde et de l'homme, à l'élaboration de doctrines savantes, l'étalage plus ou moins approprié d'une érudition, en passant par la production de rares abstractions. Face à cette situation on ne peut plus floue, chacun sera tenté de surenchérir sur la valeur de sa propre position, dénonçant et vilipendant toute autre perspective particulière ou générale, les plus téméraires des zélateurs philosophiques n'hésitant pas à recourir à l'invective et à l'excommunication.
Ceci dit, rien n'interdit à quiconque de tenter tout de même d'établir ce qui définit et constitue le cheminement ou le contenu philosophiques. Mais auparavant, pour éviter de surcharger cognitivement et émotionnellement cette tâche, il nous semble important d'affirmer et rappeler ce truisme : la philosophie ne détient pas le monopole de l'intérêt intellectuel et pédagogique. Autrement dit, une pratique, un enseignement ou une connaissance, même considérés comme non philosophiques, peuvent très bien présenter un grand intérêt autre. Ceci pour expliquer qu'en qualifiant un exercice ou un enseignement comme non philosophiques, avant de claironner la tromperie sur la marchandise et de dénoncer l'abus de confiance, nous devrions nous demander en quoi cette activité présente une quelconque utilité. Quand bien même nous aurions le plus grand amour et respect pour la chose philosophique, nous pouvons croire qu'il existe une vie de l'esprit en deçà et au-delà de la philosophie. Et si pour une perspective donnée, le terme peut être jugé d'utilisation inadéquate, lâche ou indéterminée, nous ne nous sentirons pas pour autant obligé de prononcer l'anathème. De surcroît, en acceptant la problématisation du terme et la pluralité conceptuelle, nous accorderons une chance plus grande à l'exercice philosophique qu'en nous donnant le rôle d'un frileux et rigide gardien du temple. Sans pour autant interdire la rigueur, bien au contraire, puisqu'il s'agira dès lors d'engager un dialogue porteur et fécond, nous obligeant à repenser le fondement de la discipline.
Pour substantifier notre propos et le rendre plus palpable, prenons un exemple qui nous tient à coeur : la discussion, qu'elle se nomme dialogue, débat ou autre. Que ce soit dans un cadre scolaire, formalisé ou non, la discussion peut ou pas être philosophique. Suffira-t-il que cette discussion porte sur les grands thèmes de la vie, tels l'amour, la mort ou la pensée, pour la qualifier de philosophique ? Dans la perspective particulière du présent article, nous répondrons par la négative. Toutefois, en premier lieu, comme nous l'avons dit, peu importe dans l'absolu que cette discussion soit considérée comme philosophique ou non. Exclusion de la philosophie, pour absence d'érudition ou pour excès d'érudition, exclusion pour absence de démocratie ou pour excès de démocratie, exclusion pour absence d'abstraction ou pour excès d'abstraction, exclusion pour acceptation d'une doctrine ou pour refus d'une doctrine. Nous refuserons tant le romantisme de l'enseignant qui doit minimiser son rôle, voire virtuellement disparaître, que le cléricalisme du professeur indispensable et si certain de sa science. Il réside dans ces postures un point de dogme et d'honneur qui ne semble guère convenir à notre affaire : nous n'avons point de copyright, d'estampille ou de pré carré à défendre. Voyons-nous une utilité à un tel exercice ? C'est la première question significative à se poser. Or il est vrai que dans notre société, comme partout et toujours sans doute, celui qui souhaite se poser de grandes questions existentielles éprouve une certaine difficulté à rencontrer des interlocuteurs attentifs et honnêtes. En général, l'être humain préfère éviter ce genre de questions, très ou trop occupé à vaquer à " d'utiles " occupations, peu soucieux de prendre le temps de contempler certains problèmes en face. Ainsi, le simple fait de se poser et calmement deviser ainsi, ou encore de durement confronter les visions du monde, nous paraît chose bonne et utile, sans compter que de ce type d'échange peuvent jaillir de profondes intuitions et de vaillants arguments. Mais refaire le monde, est-ce philosopher ?
En un deuxième temps, comme nous pouvons remarquer périodiquement que ceux qui se mêlent de telles discussions se contentent aisément d'égrener des banalités, sans se soucier le moindrement de rigueur ou d'approfondissement, nous refuserons d'accorder d'emblée le qualificatif de philosophique à un tel exercice, aussi sympathique soit-il. Jugement aux conséquences limitées, qui ne constitue en rien une catastrophe. Et si certains souhaitent vaille que vaille utiliser ce terme pour assurer un statut à leurs besoins, nous ne leur en tiendrons nullement rigueur : cela fait partie du jeu, dame philosophie en aura vu bien d'autres, elle n'en mourra pas. La " mort de la philosophie " est un concept dramatique qui nous est ici totalement étranger, sinon pour exprimer la xénophobie de ceux qui prétendent encadrer la philosophie à tel point qu'ils en demeurent l'unique - ou quasi unique - promoteur, défenseur, héritier ou possesseur. Et quoi qu'il en soit, en dépit des tentatives de délimitation et d'exclusion, et même grâce à elles, un débat s'engagera, qui tentera encore et encore de reposer le problème afin de ne jamais relâcher la tension bénéfique et nécessaire au plein exercice de la pensée. D'ailleurs, nous pouvons toujours nous demander si le fait qu'un exercice soit philosophique indique d'emblée une quelconque utilité.
Une fois cette mise en garde prononcée, tentons maintenant de proposer un cadre pour le philosopher. Nous aurons minimisé, faut-il l'espérer, le flux de réactions intempestives ou épidermiques, du bord des " aristocrates " comme du bord des " démocrates ". Mais enfin, afin de philosopher, sachons prendre des risques ! Nous proposerons donc, non pas tant comme cadre définitionnel et limitatif que comme structure opérationnelle et dynamique, le principe des antinomies. En effet, que ce soit au sein de la philosophie orientale, au coeur des grands mythes provenant des quatre coins du globe, dans la réflexion sur la vie au quotidien ou dans l'histoire de la philosophie occidentale classique dès son émergence en Grèce, les antinomies semblent rythmer la pensée. À commencer par le bien et le mal, le vrai et le faux, le juste et l'injuste. Ces antinomies articulent les points de tension autour et à partir desquels s'énoncent les grands principes, elles posent les oppositions fondatrices, elles formulent les jugements et axiologies multiples, elles permettent d'extraire la pensée du simple magma inchoatif d'opinions et d'idées. Bizarrement, contrairement à ce que l'on pourrait croire, à travers ces formalismes catégorisants et simplificateurs, la pensée passe de l'opacité et de l'épaisseur du ramassis d'idées à une architecture favorisant la transparence et la conscience de soi. À l'instar de l'architecture gothique qui, en installant artificiellement des contreforts extérieurs en des points précis, autorisa des perspectives plus légères et élancées, plus structurées et moins massives que son prédécesseur roman.
Ainsi notre postulat avance que la pensée n'est pas une accumulation ou un fatras d'opinions relativement étrangères les unes aux autres, s'ignorant et se contredisant, mais qu'elle est une géométrie, avec ses échos et ses cohérences, une architecture avec ses pierres angulaires et ses clefs de voûte, une musique avec ses harmonies, truffée d'incidentes. Quand bien même cela ne relève pas toujours du conscient - et heureusement car il aurait trop à faire - chaque fonctionnement intellectuel singulier ou collectif produit un certain nombre de concepts et de polarités conceptuelles qui servent tant bien que mal à organiser la vie de l'esprit, en dépit de l'immensité et de la pluralité de ses sollicitations, perceptions, sensations, intuitions ou opinions établies, récoltées ici ou là. Plaisir et douleur, moi et autre, être et apparaître, représentent autant de ces polarités dont nul ne saurait faire l'économie sans devenir fou. C'est uniquement au prix d'un immense travail sur soi, psychologique et intellectuel, que quelques grandes sagesses ou schémas révolutionnaires peuvent prétendre, comme idéal proposé ou révélation divine, faire fi de telles évidences. Si la pensée opère de manière principalement réactive, produisant au coup par coup des formulations, mécaniquement, pour se faire plaisir ou pour faire plaisir au voisin, elle opère néanmoins dans le creuset de catégories, de formes codifiées et d'axes spécifiques.
Si certaines de ces antinomies, en particulier celles que l'on rencontre dans la vie, généralement de nature pratique, empirique, perceptible et morale, nous frappent par leur banalité, d'autres semblent plus absconses. Mais dans les deux cas de figure, il s'agit de mettre au jour et de clarifier ces antinomies, les plus courantes souffrant des préjugés dont elles sont abusivement affublées, les plus rares au contraire agissant comme des épouvantails que l'on n'ose librement et sereinement aborder. Néanmoins, pour toutes fins utiles, nous partirons de l'hypothèse que toute antinomie importante ou fondatrice, au demeurant comme tout concept porteur, devra nécessairement renvoyer à une intuition courante, pouvant à peu près immédiatement être appréhendée par l'esprit commun. Autrement dit, au risque de choquer les âmes sensibles, nous affirmons que toute antinomie, tout concept fondamental est quelque peu banal et évident, tout au moins dans sa saisie générale. Ainsi nous conseillons au lecteur non familiarisé avec le lexique philosophique officiel de ne pas se précipiter sur un dictionnaire dès qu'il rencontre un de ces termes. Mieux vaut laisser parler l'intuition : elle saura faire parler les mots, que ce soit en eux-mêmes, ou par le biais des phrases qui les enveloppent et les produisent. Bien entendu, les néologismes ou autres barbarismes grossièrement façonnés résisteront de temps à autre à toute appréhension, et il n'est pas question pour nous de prohiber l'interdiction d'un dictionnaire philosophique, mais nous encourageons le lecteur à se lancer dans ces ouvrages uniquement lorsqu'une première lecture, préliminaire et naïve aura été réellement tentée. Méfions-nous des oeuvres savantes qui, à l'instar des préambules, notes de bas de page et appendices divers, réussissant parfois à constituer la majeure partie d'un ouvrage, étouffent l'oeuvre originale et en épaississent la lecture, plutôt qu'ils ne la facilitent. Erreur classique en philosophie, qui affecte en particulier le " bon élève " doté de quelques rudiments de culture philosophique : impressionné par ses maîtres, qui eux-mêmes en ont sans doute trop fait pour éblouir l'élève, il prétend faire " bien " les choses, s'applique et s'empêtre dans les détails plutôt que de lire librement et tranquillement ce qui lui est offert, sans trop se soucier de risquer la faute et d'omettre les fines nuances. Invitons le lecteur à une lecture drue, tracée à grands traits, qui au risque de l'erreur temporaire saura à terme se rendre compte des manques et des contresens qui l'entravent, sans chercher à vérifier à chaque pas ce que tout un chacun aura concocté et épilogué sur le sujet. Piège de l'érudition, qui réussit uniquement au bout d'une longue et patiente procédure à se débarrasser d'elle-même et de ses pesanteurs, pour découvrir que le simplisme n'est pas nécessairement une tare, bien au contraire.
Prenons un cas particulier : être et apparaître. Plus d'un spécialiste en la matière souhaitera nous montrer par diverses subtilités comment l'antinomie kantienne " noumène et phénomène " est autrement plus sophistiquée, plus subtile et plus savante que l'antinomie générale telle que nous l'avons simplement formulée, mais il nous semble que, mis à part celui qui prétend rédiger une thèse doctorale sur la question destinée à impressionner les pairs ou obtenir un diplôme, ces sophistications, nuances et subtilités, ne présentent guère d'intérêt. Si tant est qu'elles aient encore une quelconque substance autre que purement lexicale et occasionnelle. Nous aurons pu, à une occasion ou à une autre, observer à l'oeuvre quelque abstracteur de quintessence, qui en un premier temps nous impressionne peut-être, pour en fin de compte nous frapper par la vanité et le ridicule de sa démarche. Combien de thèses, pour prétendre à l'originalité et à la nouveauté, se lancent dans d'infimes spéculations qui atteignent l'inouï uniquement par l'exacte disproportion entre leur absence de substance et le volume de leur rédaction.
Tout être humain aura nécessairement fait l'expérience du décalage entre être et apparaître. Ne serait-ce que parce qu'il aura été déçu par son prochain, parce qu'il aura pris des vessies pour des lanternes, parce que la carpe prendra l'apparence du lapin, ou simplement parce que sa vision est défaillante. Combien de désaccords auront pour tout fondement cette simple différence, entre l'être et l'apparence, ou entre diverses apparences déterminées par des perspectives diverses. Et c'est précisément l'identification de ces perspectives ou de ces rapports particuliers à la chose qui résument l'articulation des enjeux philosophiques. Principe anagogique de Platon, qui nous demande de reprendre en amont une idée particulière, en son origine, en la vision du monde qui la génère, afin de saisir en sa cause la réalité fondatrice de cette idée. C'est en sens que les antinomies que nous présentons nous semblent capturer de près la démarche philosophique.
À ce point on nous objectera que les discussions philosophiques, que ce soit avec des enfants, des adolescents ou des adultes non initiés, chercheront plutôt à répondre à des questions sur le sens de la vie, la difficulté des rapports humains ou l'obligation morale, ce qui paraît-il nous cantonne bien loin des abstraites antinomies que nous proposons. Mais nous répondons à ceci que le philosopher ne se résume pas au simple échange d'opinions et d'arguments, car il exige en supplément de réaliser un travail d'analyse et de réflexion sur ce qui en soi ne constitue que la matière première du philosopher. L'exigence philosophique consiste à creuser et articuler les enjeux de ces diverses perspectives, différences qui très naturellement, menées plus avant, produiront les antinomies classiques que nous avons tenté de dénombrer. Ainsi la tâche de l'enseignant, comme celle de ses élèves, reviendra à rester sur les diverses idées émises, à les contempler avant d'en produire d'autres à l'infini, afin d'en extraire le sens profond et d'en éclairer les divergences. Plus question alors de se satisfaire de simples " Je ne suis pas d'accord " ou " J'ai une autre idée ", car il s'agira plutôt de mettre en rapport ces diverses idées, qui sans cela ne seront jamais que des opinions. Certes la production d'arguments détient comme valeur ajoutée le fait d'attribuer une raison à une opinion, nous éloignant déjà de la sincérité comme unique justification, mais il s'agit encore de comparer ces raisons, afin d'en clarifier le contenu, de les mettre au jour, c'est-à-dire conceptualiser, puis rendre compte de la multiplicité des perspectives, c'est-à-dire problématiser. Il s'agira d'émettre des jugements, de qualifier ses propos, pour approfondir et prendre conscience de sa propre pensée, de celle de ses interlocuteurs. Sans quoi l'exercice aura pour intérêt, non négligeable certes, d'offrir un échange d'idées et un lieu d'expression, mais il est moins que certain que dépourvue de la comparaison et de la qualification des diverses idées, il puisse prétendre au statut d'exercice philosophique. Il en va de même pour une dissertation en classe de philosophie, à la seule différence que cadrée par un programme défini, avec notions et auteurs, on pourra s'attendre à voir apparaître ici et là quelques références ou notions codifiées, ce qui n'est pas nécessairement le cas lors d'un écrit ou d'une discussion philosophique hors d'un programme établi ou consacré de philosophie.
Nous terminerons ce texte en citant à titre indicatif trois exemples de notre série d'antinomies, ainsi que la liste globale de toutes celles qui nous paraissent importantes et récurrentes.
1- Un et multiple
Problématique première et fondatrice : toute entité est à la fois une et multiple. Ainsi l'individu est un, il a une identité unique qui le distingue des autres individus, mais il est aussi plusieurs : sa conception de lui-même, son lieu, son histoire, sa composition, ses relations, sa fonction, etc. Il en va de même non seulement pour les êtres, mais aussi pour les choses et pour les mots, dont l'identité varie avec les circonstances. Ainsi la pomme sur un pommier, dans le fossé, sur l'étal du marchand, ou dans l'assiette n'est pas la même pomme. Ainsi un mot, selon la phrase dans laquelle il s'insère, peut voir son sens se modifier considérablement. Mais la multiplicité est un piège, tout comme l'unité. En effet, à travers la multiplicité casuelle, circonstancielle ou autre, à travers l'ensemble et la totalité, doit se profiler une forme ou une autre d'unité, aussi hypothétique, problématique et indéfinissable soit-elle, sans quoi l'entité n'est plus une entité mais une pure multiplicité, le terme n'est plus un terme puisqu'il ne renvoie à aucun ensemble, à aucune unité. Sans invariance aucune, sans communauté, sans une forme d'unité, une chose n'en est plus une, mais plusieurs. Mais sans multiplicité, sans communauté, sans parties ou attributs divers, une chose est insaisissable et inexistante. Aussi nous faut-il tenter de cerner l'unité à travers la multiplicité, tout comme la multiplicité à travers l'unité.
2- Être et apparaître
Cette problématique se greffe souvent sur la précédente. Car l'être, ou essence, peut très facilement se concevoir comme l'unité fondatrice d'une entité, intériorité dont l'apparence extérieure ne serait que la manifestation partiale et partielle. Dans cette perspective, la réalité ou vérité des choses et du monde serait plus ou moins accessible, voire inaccessible. L'apparence, en tant qu'intermédiaire entre deux entités, entre une entité et ce qui l'entoure, peut être conçue comme ce qui voile l'essence, ou comme ce qui en constitue l'expression, la trace, l'empreinte. L'apparence peut aussi être considérée comme la réalité unique, en affirmant qu'elle seule agit sur l'extérieur de manière efficace : elle est relation et substance vive. L'idée d'une réalité intérieure sans expression extérieure ni aucune portée sur le monde n'aurait alors qu'un intérêt factice, dénué de substance.
Toutefois l'exigence posée par le concept d'être est entre autres celui d'un invariant, postulant quelque caractéristique particulière et spécifique pouvant toujours être attribuée à l'entité en question, à la chose en soi, quelles que soient ses métamorphoses et la diversité de ses rapports. Cet invariant représente alors un lien entre les différents états possibles, au-delà des divers accidents produits par la contingence, lien qui incarne la substance même de cette entité.
3- Nature et culture
La nature s'oppose à la culture comme l'acquis s'oppose à l'inné. L'être humain est-il ce qu'il est par définition, a priori, ou s'instaure-t-il à travers des choix historiques, conscients ou inconscients ? La culture, principalement sinon essentiellement humaine, est-elle en rupture avec la nature, ou bien n'en n'est-elle que l'expression plus sophistiquée ? L'être humain s'inscrit-il dans le droit fil de l'évolution terrestre, ou représente-t-il une discontinuité, un accident, voire une catastrophe naturelle ? La raison, la conscience ou l'esprit émanent-ils de la vie, ou bien relèvent-ils d'une réalité autre, transcendant la réalité matérielle ou vivante ?
La nature s'oppose à la culture comme à un artifice. Elle représente toute réalité du monde qui ne doit pas son existence à l'invention et au travail humain. En ce sens elle incarne le monde dans sa totalité, en tant que l'on découvre en lui un déterminisme, un ordre, ou au moins une cohérence, et elle s'oppose à liberté, car la nature exprime ce qui dans un être échappe à son libre-arbitre. La culture renvoie au contraire à ce qui est engendré par l'homme dans son cadre historique et social. Elle se constitue à travers un ensemble de règles ou de normes instituées collectivement par une société, un peuple ou l'humanité toute entière. De manière plus singulière encore, elle est le processus de formation intellectuelle, responsable du jugement et du goût qui spécifie l'individu et son identité.
Liste des antinomies et triptyques
Un et multiple - Être et apparaître - Essence et existence - Même et autre - Moi et autrui - Continu et discret - Tout et partie - Abstrait et concret - Corps et esprit - Nature et culture - Raison et sensible - Raison et intuition - Raison et passion - Temporel et éternel - Fini et infini - Objectif et subjectif - Absolu et relatif - Liberté et déterminisme - Actif et passif - Actuel et virtuel - Matière et forme - Cause et effet - Espace et lieu - Force et forme - Quantité et qualité - Narration et discours - Analyse et synthèse - Logique et dialectique - Affirmation, preuve et problématique - Possible, probable et nécessaire - Induction, déduction et hypothèse - Opinion, idée et vérité - Singularité, totalité et transcendance - Bien, beau et vrai - Être, faire et penser - Anthropologie, épistémologie et métaphysique
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