Cette étude traite du problème de l'accessibilité de la philosophie pour les élèves de la maternelle, du primaire et du collège. La première partie du mémoire s'efforce de rendre compte d'un conflit qui oppose, en France, d'une part les personnes faisant autorité dans le domaine de l'enseignement philosophique, et d'autre part les promoteurs d'une initiation ou d'un enseignement philosophique pour des élèves plus jeunes. Pour résumer brièvement la thèse des uns et des autres, on peut dire que selon les premiers, la philosophie exige un savoir et une culture sur lesquels s'appliquer, et l'on ne philosophe que parce que l'on sait déjà. C'est pour cette raison que la philosophie ne peut être enseignée au plus tôt qu'à la fin des études secondaires. Pour les seconds, en revanche, la philosophie peut être l'affaire de tous dès l'enfance, c'est-à-dire dès l'âge où l'on commence à se questionner. Réserver l'enseignement de la philosophie à la classe terminale, ce serait alors lui donner le rôle de couronnement factice du savoir.
De chaque côté, la thèse est forte et les arguments solides et convaincants. Mais en cherchant à clarifier les éléments et les enjeux du débat, nous pouvons nous rendre compte que cette opposition prend sa source principalement dans la définition accordée à l'enseignement de la philosophie et à la philosophie elle-même, ainsi qu'au statut accordé à l'apprenant. Pour dépasser ce conflit et réfléchir sur les possibilités concrètes que les enfants peuvent avoir en matière de philosophie, je me suis demandée spouvait y avoir une " définition minimale et consensuelle1 " de ce qu'est la philosophie et si l'on pouvait expliquer ce qu'est l'entreprise du philosopher. Cela m'a amenée à poser la nécessité morale d'enseigner la philosophie au plus grand nombre et à envisager l'idée d'un enseignement philosophique dispensé autrement et moins tardivement qu'en classe de terminale.
À partir de là, je me suis penchée, dans une deuxième partie, sur les différentes pratiques existantes en France qui proposent une initiation ou un enseignement philosophique différent de l'enseignement traditionnel. J'ai voulu faire ici une synthèse critique des quatre groupes et pratiques dont j'ai eu connaissance: les actions du GREPH (Groupe de Recherches sur l'Enseignement Philosophique), le programme Philosophy for Children créé par Matthew Lipman aux États-Unis, les Ateliers Philosophie autour de Jacques Lévine et Agnès Pautard, et l'action " Carré de Nature, Carré de Culture " gérée par la Fondation 93. A partir de cette synthèse, l'idée était de réfléchir sur les pratiques actuelles de la philosophie pour les enfants en France, et ses possibilités d'évolution.
La troisième partie réfléchit sur ce qu'on peut légitimement et réellement faire en matière de philosophie avec des élèves du niveau maternel, primaire et secondaire pour préparer à l'enseignement philosophique dispensé en terminale. Cette dernière partie veut d'abord montrer l'actualité du problème, en cherchant à comprendre le sens de la reconnaissance en cours de la philosophie pour enfants. Elle s'interroge ensuite sur le rôle du savoir, de la pédagogie et de la didactique propres à l'enseignement philosophique, et suggère enfin une autre approche d'un enseignement philosophique pour des publics jeunes. Dans ce dernier point, l'accent est mis sur ce qui ne peut être accepté et sur ce qui doit être exigé si l'on parle d'un enseignement philosophique pour les plus jeunes. Certains points qui ont semblé fondamentaux à ce niveau sont abordés: le questionnement de l'enfant, le dialogue, la formation du maître et l'importance de la notion de problématique et des textes philosophiques pour tout enseignement qui se veut philosophique.
NB: ce mémoire est disponible sur Internet à l'adresse suivante: www.pratiques-philosophiques.net
(1) Selon les termes de Sylvie Solere-Queval, Philosopher en SEGPA? Pourquoi pas?