Revue

Pour quoi faire?

Extraits d'un journal de bord...

Extraits d'un journal de bord...

Parce que le questionnement philosophique est un élément central de l'accession à une " citoyenneté responsable ", la fréquentation de la philosophie ne doit pas être confinée à la seule classe de terminale, quand on sait combien le poids du baccalauréat et de ses contraintes programmatiques laissent peu de place aux errances indispensables à la construction de soi. Une unité de valeur de philosophie, ouverte à tous, offre aux jeunes qui fréquentent notre établissement, une initiation à la démarche philosophique susceptible de faire face à l'urgence citoyenne : " savoir s'étonner pour comprendre "...

Cela ne va pas sans difficultés ou questions, liées à la philosophie et à son enseignement d'une part, à la position du professeur d'autre part. La philosophie n'est, en effet, aujourd'hui enseignée qu'en terminale, ce qui implique la préparation à l'examen du baccalauréat. Les professeurs sont alors souvent clivés entre le désir de faire partager l'aventure de la pratique philosophique (que chaque élève s'engage, i.e. construise le sens que cela prend pour lui, dans un exercice de réflexion rationnelle ou raisonnable), et l'impératif qui est de préparer à l'examen. Au sein de cette tension, le professeur ne peut manquer de définir une ou des priorités : boucler le programme, et se donner bonne conscience, en satisfaisant l'exigence " consumériste " des élèves (être prêt à l'examen au risque de la perte du sens); ou bien privilégier la construction de l'élève, la formulation de ses propres questionnements et problèmes, et l'élaboration d'un cours qui fasse sens, et qui constitue également le sens que le professeur investit dans sa pratique professionnelle. En un sens l'institution choisit pour le professeur (inspection, élèves et parents) : le sens est secondaire, le programme doit être bouclé.

L'enseignement de la philosophie en classe de terminale perd de ce fait pour beaucoup d'élèves, le sens qu'il devrait avoir; il devient synonyme d'ennui, de " prise de tête " inutile et abstruse, saisi comme pure rhétorique (sophistique?) peuplé d'arguments d'autorité (au mieux), qui tend le plus souvent à un naturalisme défaitiste (" je ne suis pas doué pour ", " je ne suis pas fait pour ", " la philo et moi ça fait deux ") où il y aurait les doués, ceux qui ont compris les codes du système, et ceux qui ne voient pas l'intérêt de réfléchir. Notre tendance " naturelle " de professeur de philosophie est de nous défendre en invoquant l'immaturité de nos élèves, le " fait " (le droit?) que leur adolescence ne soit pas centrée sur les problèmes et questions que l'expérience vécue fera émerger, en son temps, comme en témoignent de nombreux adultes qui disent avoir manqué la philosophie et qui souhaiteraient avoir l'opportunité de croiser à nouveau son chemin. Ce constat ou cet argument d'immaturité est également l'un des freins puissants à l'extension de la philosophie en amont de la terminale.

Pourtant nous faisons le pari au CLEPT que la philosophie peut intervenir dans l'enseignement dès le collège. En ce sens nous privilégions le versant qui est le moins privilégié institutionnellement dans le cours habituel, puisque nous avons, sur une durée variable, un cours à construire sans programme institué. Le cours peut ainsi, sans renoncer à toute dimension magistrale, faire une bien plus grande place à sa co-construction avec les élèves, en partant de leurs représentations, de leurs questions, de ce qu'ils connaissent, pour bien entendu les emmener plus loin, puisque l'éducation est une transformation et une construction de l'individu.

Ce contexte, associé au volontariat des élèves vis-à-vis de leur apprentissage est une donne nouvelle de l'enseignement philosophique, qui devrait favoriser le fait qu'il s'agisse d'apprendre à philosopher plutôt que d'apprendre la philosophie, selon la formule de Kant. Mais il ne faut pas se cacher que cela ne supprime pas toutes les difficultés. C'est donc plus dans une aventure que nous engageons, que vers la construction d'un enseignement très défini.

Citoyenneté et philosophie

Les professeurs de philosophie furent un temps pressentis pour assumer la tâche de ce qui devint par la suite " éducation civique, juridique et sociale ". Ils refusèrent globalement cette responsabilité, craignant d'être " obligés " de devenir les garants et les vecteurs d'une morale républicaine qui s'avérerait contradictoire avec le credo philosophique de développer l'esprit critique sans dogmatisme et sans exclusive d'objet (par exemple la République...). Ce refus (corporatiste?) ne saurait constituer un obstacle ou un frein pour la réflexion concernant l'éducation à la citoyenneté au CLEPT, ni vis-à-vis de sa prise en charge partielle par la philosophie.

En premier lieu, le CLEPT conçoit l'éducation à la citoyenneté comme intégrant une dimension pratique nettement plus importante que celle réservée à l'E.C.J.S., ce qui se traduit par une participation plus effective de l'ensemble des élèves à la vie et aux décisions engageant l'établissement. Autrement dit, celui-ci se dote d'instances démocratiques où, sans laisser tout pouvoir aux élèves (notamment en matière pédagogique et programmatique où les adultes sont souverains), leur représentation est d'ordre paritaire. Cette vie démocratique se doit d'être animée, mais également préparée et accompagnée. C'est notamment pourquoi un moment, intitulé pour l'instant " débat ", qui aurait pour objectifs d'apprendre à argumenter, donc à formuler sa pensée, à écouter l'autre, à clarifier les enjeux, et qui servirait de fil directeur pour une éducation à la citoyenneté est prévu. C'est notamment dans cet espace de débat que les élèves ayant pour objectif d'atteindre un niveau de fin de collège, feront de la " philosophie ". Pour ceux qui sont déjà à un niveau de seconde, un temps spécifique de philosophie est réservé dans leur emploi du temps.

Où en sommes-nous? (Avril 2001)

En début d'année, il avait été envisagé que l'initiation à la philosophie se fasse selon les groupes de base, suivant une mixité des élèves (âges, parcours scolaires, profils de décrochage); la complexité de l'organisation cette année a rendu impossible cette approche, sans qu'on n'ait jamais pu en discuter sur le fond. D'une manière générale, et sans vouloir à tout prix surcharger l'emploi du temps des collégiens, une heure d'initiation serait la bienvenue, qui pourrait en partie s'inscrire dans la dimension citoyenne que l'on souhaiterait donner à l'inscription de la philosophie au CLEPT, en s'inspirant éventuellement, si c'est pertinent, des programmes de l'éducation civique, juridique et sociale qui se met en place au lycée depuis l'an passé. C'est notamment le cas qui nous occupe cette année du module initial, où la philosophie pourrait être présente et active à tous les niveaux.

Pour plus de renseignements :

remydavid@free. fr

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