Revue

Le rôle des pratiques philosophiques dans la prévention des violences sexistes et sexuelles

Introduction

Après de longs siècles de silence et silenciation, la question des violences sexistes et sexuelles est devenue, à la suite d’une série d’événements depuis #MeToo en 2016, un phénomène de société ; elle occupe une place inédite dans les médias (documentaires, articles, dossiers, podcasts, etc.), les productions culturelles (littérature, séries, cinéma), mais aussi dans la vie des entreprises et des collectifs (associations, partis politiques, etc.). L’éducation nationale n’est pas en reste : des référent.e.s « égalité » sont nommé.e.s dans les établissements et les plans académiques de formation s’élaborent autour des questions d’égalité fille-garçon (EFG) et d’éducation au consentement – par exemple le programme « il, elle, on » pour l’académie de Versailles –, de prévention des violences sexistes et sexuelles (VSS[1]), du cybersexisme ou des risques prostitutionnels. La récente promulgation d’un nouveau programme d’Éducation à la Vie Affective Relationnelle (pour l’école primaire) et à la Sexualité (pour le collège et le lycée)[2], dans un contexte toujours sensible dès lors que ces sujets concernent l’école et l’enfance, témoigne de la place qu’ils occupent désormais dans la société[3].

Parmi les chantiers d’une pédagogie critique et émancipatrice, l’éducation à l’égalité fille-garçon se présente, au cœur de l’école, comme un défi majeur pour les pratiques philosophiques avec les enfants et les adolescents. Ces dernières peuvent-elles jouer un rôle dans la déconstruction des stéréotypes de genres et participer ainsi à la prévention des violences sexuelles et sexistes ? N’est-ce pas confondre la visée philosophique et critique de ces pratiques avec la finalité plus normative des « éducation à… » ? Est-il possible de trouver une voie pour une pédagogie et une didactique philosophiques qui participent à l’émancipation d’une des plus anciennes et plus violentes logiques de domination tout en conservant sa dimension critique ? Cette ambition critique et émancipatrice ne doit-elle pas précisément se mettre au service de la lutte contre le « continuum des violences » (Kelly, 2019) que produit l’un des stéréotypes les plus profondément ancrés dans l’esprit des humains ? Malgré les réserves formulées à l’égard d’une éducation féministe qui privilégierait la dimension éthique à l’école, plutôt que la transformation politique des institutions[4] (Mozziconacci, 2022), il nous semble possible et nécessaire de mener, à l’école et par des pratiques philosophiques, un travail de déconstruction des stéréotypes sexistes et des logiques de domination qui en découlent (Froidevaux-Metterie, 2015, 2021) et dont on sait par ailleurs qu’elles concernent massivement les enfants (Piterbraut-Merx, 2024).

Le Centre Académique d’Aide aux Écoles et aux Établissements (CAAEE[5]) de l’académie de Versailles, en tant que centre de prévention des violences, est particulièrement actif sur les sujets de l’égalité fille-garçons et de la prévention des VSS dans le domaine de la formation des personnels et de l’accompagnement des établissements. En lançant, sous l’égide du CAAEE, en 2018 le programme franco-québécois PhiloJeunes (Budex, 2020b) dans le plan de formation académique sous l’étiquette de la prévention des violences, Stéphanie Miraut et moi-même proposions alors de poursuivre la réflexion initiale de Michel Tozzi (Tozzi, 2017) sur le rôle que les pratiques philosophiques avec les enfants et les adolescents peuvent jouer dans la prévention des violences. Nous avions, dans le cadre d’une recherche sur les conditions et les enjeux d’une éducation à la fraternité (Budex, 2020a), initié une réflexion et présenté les premiers outils pédagogiques qu’il nous semblait possible d’expérimenter – supports de médiations culturelles, exercices, dispositifs – pour « travailler » l’égalité fille-garçon et la prévention des violences sexuelles et sexistes par les pratiques philosophiques[6].

Cet article se situe dans la continuité de ces recherches et poursuit trois objectifs : présenter certains outils pédagogiques issus des formations académiques menées par le CAAEE[7]; les soumettre à la critique des lecteurices pour en évaluer la philosophicité ; partager une réflexion générale sur les enjeux, conditions et limite d’une « éducation féministe » par les pratiques philosophiques.

Philosophie et prévention des violences

Dévoiement ou nécessité ?

L’Enseignement Moral et Civique n’est pas la seule cible des critiques adressées à une instrumentalisation des « ateliers philo » (Ogien, 2013). C’est aussi le cas de toutes les thématiques que l’on peut subsumer sous la catégorie de l’éducation à – l’environnement, l’égalité fille-garçon, la santé, la sexualité – ou de la prévention des violences en milieu scolaire (harcèlement, cyber violences, violences sexuelles, rixes, etc.). La crainte est toujours la même : comment la liberté philosophique pourrait-elle s’accorder avec une volonté de prescription normative – si louable soit-elle – sous forme de « bonnes pratiques » ou de prévention des comportements « à risque », voire de conduites moralement et ou légalement condamnables ? Peut-on aborder des thématiques de prévention sans inscrire la philosophie dans une relation ancillaire qui lui fait perdre son identité critique ? Peut-on philosopher pour prévenir la violence ? Là encore, il faut entendre l’avertissement de Nicolas Go lorsqu’il demande s’il faut faire de la philosophie à l’école : « tout dépend de ce qu’on entend par là » (Go, 2018, p. 142).

Si nous sommes bien convaincus qu’« il n’est pas nécessaire de philosopher sur des questions éthiques pour que la pratique philosophique soit un acte éthique » (Hawken, 2019, p. 53), il nous semble toutefois important de considérer la responsabilité éducative qui est la nôtre dans ces temps troublés. De la même façon que l’ enfant se trouve être « récepteur de valeurs » (Hawken, 2016, p. 458), il est appelé à évoluer dans une société qui n’est pas exempte de violences et de dangers dont il paraît raisonnable de chercher à le prévenir sans que cette démarche n’apparaisse pour autant pour un paternalisme moral ou une injonction normative excessive (Ogien, 2017). Parmi les phénomènes de violences inhérents à la vie sociale, les phénomènes de discrimination et de rejet occupent une place de premier rang à l’école. Les enquêtes de climat scolaire soulignent depuis plusieurs années que les principales tensions vécues par les élèves « trouvent leur ancrage dans le rapport à l’altérité, tout particulièrement dans la non-acceptation de la différence et plus largement, dans la construction identitaire et les valeurs qui la fondent » (Marsollier, 2017a, p. 39‑40). Il apparaît en particulier qu’il existe un « continuum des violences » (Kelly, 2019) par lequel la cause des violences sexuelles et sexistes est à chercher dans le poids des stéréotypes de genre sur l’éducation des humains et la représentation qu’ils se forgent des attendus de genre et des relations entre les sexes (HCE, 2024).

Les ateliers philo qui se développent à l’école – primaire et collège – depuis dix ans[8], ne constituent-ils pas de trop rares occasions, pour les élèves, de « discuter des questions socialement et politiquement vives » (Tozzi, 2018, p. 62) ? Ces ateliers ne peuvent-il pas, dans la diversité de leurs pratiques – Discussion à Visée philosophique, Communauté de Recherche Philosophique à partir d’un album jeunesse, ciné philo, débat mouvant, photolangage, atelier d’autodéfense intellectuelle, etc. –,prendre leur part dans la réflexion sur les origines et les enjeux de violences – harcèlement, discriminations raciales, complotisme et intégrisme politico-religieux, VSS – qui portent atteinte aux valeurs intrinsèques qui les constituent eux-mêmes : liberté, égalité, fraternité, laïcité (Budex, 2022a) ? Alors que le constat du lien entre les stéréotypes de genres et les violences sexistes et sexuelles est clairement établi (Debarbieux, 2018 ; Haut Conseil à l’Égalité, 2024 ; Salmona, 2022) et que la parole et la réflexion restent encore particulièrement timorées sur ces sujets dans l’école (Ovidie, 2018), faut-il considérer qu’un travail généalogique ne peut être entrepris par un questionnement de nature philosophique ? Faudrait-il se priver de la puissance réflexive de la philosophie par crainte de l’instrumentaliser ? La philosophie n’est-elle pas ici au contraire mise au défi d’assumer sa dimension éducative pour permettre aux élèves d’éprouver, par l’usage de la raison, la valeur des valeurs qui leur sont transmises à l’école ?

Philosophie et non-violence : quelle efficacité ?

La question de savoir quel est le degré d’efficience des ateliers philo comme outil de prévention des violences doit inviter à la prudence et résister à l’instrumentalisation d’un dispositif qui pourrait être trop rapidement perçu comme un remède miracle. Une évaluation rigoureuse d’un tel effet mériterait une étude approfondie et rigoureuse[9]. Il semble toutefois possible envisager la contribution des pratiques philosophiques à une prévention des violences à plusieurs niveaux : intellectuel, psycho-affectif, conatif.

La dimension intellectuelle d’une Discussion à Visée Philosophique (DVP) peut, en facilitant l’analyse réflexive de l’origine et de la nature de la violence, contribuer à déconstruire son prestige auprès des jeunes, parfois fascinés par les rapports de force, notamment physiques : « il n’est pas facile de lutter contre de telles représentations quand quelqu’un est persuadé que la force, ça marche, ça assure le respect, ça jouit de la transgression…Le pari de l’éducation est de tenter de déplacer ce roc de certitude » (Tozzi, 2017, p. 37). Discuter du sens de l’expression « la raison du plus fort », interroger les distinctions entre puissance, pouvoir, force et autorité, questionner l’efficacité de la violence, sont des exemples parmi bien d’autres de moyens pour déconstruire les figures ordinaires de la violence à l’école et dans la société – sexisme, racisme, classisme, harcèlement, etc.

La pratique de la DVP offre également l’occasion d’une expérience psycho-affective et conative de situations de non-violence. Dans les conclusions de sa recherche, Sylvain Connac note qu’à « défaut d’avoir pour intention formelle la prévention des faits de violence (…) les DVP permettent aux enfants de vivre des situations de non-violence » (Connac, 2004, p. 495). Le cadre éthique d’une discussion régulée permet aux enfants de faire l’expérience de désaccords, voire de conflits qui sont médiatisés par la parole et la réflexion. Ce faisant, l’immédiateté des réactions affectives et des passages à l’acte est rompue. La médiation du langage et des supports culturels – littérature de jeunesse, cinéma, etc. – , le dispositif du cercle, les règles de la prise de parole déplacent « le curseur de l’échange par l’action et les corps vers les idées et le verbe » (Tozzi, 2017, p. 9). La DVP modifie la forme de la confrontation en transformant un conflit socio-affectif entre personnes en un conflit socio-cognitif entre des idées. On peut en attendre un renforcement du jugement et une régulation des affects qui conduisent à suspendre les passages à l’acte[10]. Selon Sylvain Connac, la « sensibilisation au philosopher incite à une modification des conduites dans les moments de la vie quotidienne » (Connac, 2004, p. 499). Lors des entretiens qu’il a menés, les enfants ont précisé à propos des DVP :

Que ces activités ont de l’intérêt pour la vie dans le quartier (…) parce qu’ils aideraient les personnes, par la discussion et la rencontre, à mieux se comprendre. Cela serait surtout probant en abordant des thèmes sensibles comme la violence, les relations entre les garçons et les filles, ou le racisme. Quelques enfants expliquent que ce travail les mène à veiller à leur comportement, notamment lors des récréations. Le fait d’avoir acquis le geste mental de s’interroger, les conduit à faire de même dans des situations de conflits (Connac, 2004, p. 499).

Comme je l’ai montré dans la partie empirique de ma thèse (Budex, 2020), les entretiens avec les enseignants nous invitent à des conclusions plus modérées. De nombreux enseignants affirment en effet avoir constaté les effets bénéfiques de la DVP sur le climat de la classe, en particulier sur la tendance, chez les élèves, à mettre l’impulsivité de certaines réactions violentes à distance pour privilégier la discussion, notamment dans la cour. D’autres, en revanche, sont plus perplexes quant à la reproduction de telles conduites en dehors du cadre de l’école et sur la durée. Creuser le sillon d’une complexion pour forger un habitus de non-violence suppose sans doute une pratique régulière et sur un temps long. La force de cette habitude peut par ailleurs se heurter à d’autres affects ou motivations qui justifient alors pour l’individu l’usage de la violence[11].

Sans préjuger de sa capacité à modifier les conduites[12], on peut au moins avancer que la fréquentation régulière d’une pratique discussionnelle se présente comme une alternative à l’usage ordinaire des rapports de force pour résoudre les conflits. Si les conflits ne sont pas nécessairement négatifs, ils peuvent trouver une issue plus satisfaisante que la violence. La DVP participe à cet égard de l’affirmation civilisationnelle d’une éthique de la non-violence par la sanctuarisation d’un espace-temps qui privilégie la discussion rationnelle à la force pour examiner et dépasser les désaccords. « Renforcer le jugement est un prérequis indispensable si on souhaite réduire la violence ou parvenir à la paix. Or ce n’est possible qu’à condition que les élèves soient engagés sérieusement dans un travail de discussion » (Lipman, 2011, p. 120). Nous retrouvons ici le lien intrinsèque qui unit philosophie, démocratie et laïcité : le choix de la raison comme norme de connaissance, de décision et d’action. La volonté de s’interroger sur les rôles des pratiques philosophiques dans la prévention des violences n’est pas plus neutre que « le néant ». Elle trouve sa justification dans la volonté d’opposer le logos à la violence, du moins dans ses formes les plus destructrices. C’est un choix axiologique, celui d’un humanisme qui considère, avec Eric Weil, que « la non-violence est le point de départ comme le but final de la philosophie » (Weil, 1996, p. 59).

Remonter le continuum des violences pour déconstruire le plus ancien préjugé du monde

Dans le cas particulier d’une prévention des violences sexistes et sexuelles, quels peut être le rôle des pratiques philosophiques ? Il me semble qu’elles peuvent œuvrer à un travail de déconstruction des représentations et des préjugés que l’on nomme « stéréotypes de genre ». J’entends par là des croyances et des généralisations simplificatrices qui prêtent des capacités naturelles aux femmes et aux hommes de façon générique : ils constituent à la fois des critères attribués, par principe, à toute femme ou tout homme, des normes et des attendus auxquels chacun.e est sommé.e de se conformer sous peine d’être jugé a-normal.e, déviant.e et qui les enferment, dès l’enfance, dans des rôles de genre et même un « script sexuel » (Clair, 2023). Ainsi les femmes seraient : faibles, passives, patientes, jolies, douces, fragiles, discrètes, attentionnées, intuitives, empathiques, serviables, etc. tandis que les caractéristiques masculines seraient la force, l’activité, la maîtrise, l’ambition, l’initiative, la combativité, le courage, le goût du risque, etc. Toujours déjà présents dans l’imaginaire culturel – jouets, contes, livres, films, publicités, etc. – et véhiculés avant même la naissance et tout au long de l’éducation des enfants par la famille, l’école et la société, les stéréotypes de genre constitueraient une forme a priori de la sensibilité et de la perception. L’entreprise de leur déconstruction s’apparente alors à une fouille archéologique et généalogique en profondeur. Parce que nous avons toutes et tous baigné.e.s dans le bain des stéréotypes, il nous faudrait tenter de regarder notre ombre sous le soleil de midi au risque d’une remise en question fondamentale de notre identité et de notre rapport à soi, aux autres, au monde.

Une telle ambition suppose d’utiliser toute la palette des outils propres aux pratiques philosophiques et notamment leur capacité à cultiver la triple dimension – intellectuelle, psycho affective et conative – qu’engage la diversité des dispositifs pour permettre à la fois de questionner, d’éprouver et de vivre en acte les problèmes, les concepts, les valeurs, les jugements et les représentations. Avec un objectif et une méthode : opérer un « recadrage » (Mozziconacci, 2025) problématique, conceptuel, mais aussi expérientiel et sensoriel autour des questions d’inégalités, de privilèges et de domination pour donner à voir le continuum des violences qui va de la blague sexiste au féminicide, de l’intériorisation du stéréotype à sa production de violence. Pour ce faire nous proposons maintenant de partager une diversité de dispositifs qui permettent, chacun à sa façon, d’appréhender l’un de aspects du continuum, mais dont nous ne saurions dire si l’ensemble hétéroclite relève toujours d’une pratique philosophique ou d’une sorte d’atelier d’auto-défense intellectuelle[13].

La mise en œuvre[14]

Le traitement philosophique des Questions Socialement Vives

L’exercice décrit ici est généralement proposé à des animateurices[15] d’ateliers philo (ou à des personnels éducatifs ou enseignants en formation) qui souhaitent répondre à des commandes institutionnelles d’« éducation à … » sur les thématiques EFG et prévention des VSS, tout en conservant une certaine visée philosophique.

Ici deux approches sont possibles : soit débuter par l’identification native des thématiques des questions philosophiques qui permettent de s’interroger sur les problèmes et concepts en jeu dans le continuum, en particulier dans le lien entre les stéréotypes et les conduites qu’ils produisent comme des injonctions, des « réflexes » sociaux ou des attendus de rôle de genre ; soit partir de ce que l’on appelle les Questions Socialement Vives (QSV) par lesquelles ces problèmes philosophiques sont d’abord visibles dans les productions sociales : opinions, conversations, actualités médiatiques et culturelles, etc. Nous proposons donc ici un premier type de travail qui consiste à : 1/ Identifier les thématiques ou questions socialement vives 2/ Transformer celles-ci en questions philosophiques. Il s’agit notamment de viser un traitement réflexif et problématique de ces thématiques « à bonne distance », c’est-à-dire en évitant la dimension épidermique et polémique d’un débat d’opinions. Je liste ici celles qui sont les plus souvent citées par les stagiaires :

  • Le genre et les questions d’identité de genre
  • L’égalité fille-garçon
  • Le consentement
  • Le viol, les violences sexuelles, les féminicides, l’inceste
  • Le programme d’EVARS à l’école
  • L’homosexualité
  • Le virilisme toxique
  • « Pour » ou « contre » la pornographie
  • Tik tok et l’hypersexualisation

Je liste maintenant quelques propositions de questions philosophiques qui permettraient d’aborder certaines QSV à « bonne distance » :

L’identité :

  • Qu’est-ce qui fait l’identité de chacun.e d’entre nous ?
  • Est-on obligée d’être une fille/un garçon ?
  • Les femmes sont-elles des frères comme les autres ?
  • L’amour a-t-il un genre ?

Le consentement, l’emprise, le contrôle coercitif :

  • A-t-on toujours le choix ?
  • Que vaut l’expression : « qui ne dit mot consent » ?

Violences sexuelles :

  • L’amour peut-il être violent ?
  • Peut-on faire du mal à quelqu’un qu’on aime ?
  • Jusqu’où peut-on aller par amour ?
  • L’amour a-t-il un âge ?
  • Que pensez-vous de l’expression : « l’intime est politique » ?

Sexualités :

  • Peut-on penser la sexualité sans amour ?
  • Peut-on penser l’amour sans sexualité ?
  • L’amour : une affaire de sexe(s) ?
  • La sexualité est-elle un usage du corps comme un autre ?
  • La sexualité peut-elle être l’objet d’un commerce ? d’un travail ?

La pornographie, la prostitution :

  • Être libre, est-ce faire ce qui me plaît ?
  • La liberté est-elle plus précieuse que la sécurité ?
  • L’État peut-il réglementer l’usage de nos corps ?
  • Puis-je user librement de mon corps ? (éthique minimaliste vs éthique maximaliste)
  • La sexualité est-elle l’affaire de l’État ?
  • Peut-on tout acheter ?

Cette liste n’est évidemment pas exhaustive. Elle se présente plutôt comme l’initiation d’un chantier à poursuivre pour identifier les thématiques – le corps, l’amour, la sexualité, la liberté, la violence, le genre etc. –, mais aussi les questions qui pourraient faire l’objet d’une discussion à visée philosophique. La « bonne distance » du traitement suppose ici la formulation d’une question dont le niveau de généralité permet de décontextualiser le problème pour l’arracher à sa situation temporelle et sociale, en espérant par là-même remonter « au fond » du problème tout en se préservant d’un traitement affectif et polémique qui ne permettrait pas une réflexion sereine et approfondie. Certaines questions sont certainement perfectibles dans leur formulation tandis que d’autres utilisent un vocabulaire qui n’est sans doute pas pertinent pour tous les âges. Certaines enfin inclinent trop fortement du côté de « l’éducation à » et font courir le risque d’une séance de prévention plus normative que problématisante. Reste évidemment la question de l’âge à partir duquel certaines thématiques ou questions peuvent être abordées avec les enfants et les adolescents. Nous ne traitons pas non plus ici la question, pourtant décisive, du choix des supports inducteurs de médiation culturelles qui pourraient être pertinents et adaptés au traitement de ces thématiques sensibles.

Une expérience sensorielle des stéréotypes de genre : Do it like a girl (collège, lycée)

Si « les conditions de vie sont aussi des conditions de vue » (Bellacasa, M.P., 2013, p. 190), il faut parfois inviter les participants – enseignant.e.s, éducateurices, élèves – à « chausser les lunettes du genre » par la médiation d’une expérience sensorielle et conative dont il apparaît que c’est le moyen le plus efficace pour mettre en lumière la puissance d’intériorisation des stéréotypes. L’atelier, inspiré par le travail d’Iris Marion Young[16] et élaborée par Stéphanie Miraut, commence par un exercice dans lequel les stagiaires ou les enfants sont invités à suivre les consignes suivantes : « cours comme une fille », « bats-toi comme une fille », « lance comme une fille », « saute comme une fille », « jette comme une fille ». Suivant les groupes d’adultes avec lesquels nous l’avons expérimenté, les observations nous ont montré l’intérêt de réactions pourtant très diverses : certain.e.s la jouent très « genré », d’autres moins, mais tous.tes réfléchissent à « comment je le fais ? » et se le pose comme un problème ! Est-ce que je ne réfléchis pas et le fais en ayant intériorisé le stéréotype ? Suis-je un humain qui doit « dé-stéréotyper » la consigne ? Est-ce que je le joue délibérément selon le stéréotype ou contre le stéréotype ? Pour les enfants, en revanche, les réactions sont très différentes selon les âges : les très jeunes comprennent la consigne, mais ne peuvent y répondre parce qu’ils n’ont pas encore l’expérience des stéréotypes. Plus ils avancent en âge, plus on peut constater leur intériorisation.

C’est cette progressivité que la deuxième partie de l’expérience met en lumière : elle consiste à montrer les images du petit documentaire Do it like a girl[17]. On y voit d’abord des adolescents et des adultes suivre les consignes et reproduire les mêmes stéréotypes. Puis la même consigne est donnée ensuite à de jeunes filles de dix ans : elles ne reproduisent aucun stéréotype, mais courent, lancent, sautent, jettent normalement. La fiche pédagogique[18]  s’appuie ensuite sur l’expérience vécue, puis les images visionnées, pour interroger à la fois la puissance des stéréotypes et des assignations identitaires : que signifie « être ou agir comme une fille » ? Peut-on être masculin et féminin à la fois ? En quoi ces assignations engagent-elle différemment la liberté ? Peut-on s’en affranchir ?

Débat mouvant « Sexistes, pas sexistes » (collège, lycée)

Ce dispositif consiste en un débat mouvant : les stagiaires sont invité.e.s à juger du caractère sexiste ou non sexiste d’une banque images[19] proposées en se positionnant franchement d’un côté ou de l’autre d’une ligne, ou plus au centre lorsqu’iels sont indécis.e.s ou incertain.e.s. L’animateurice modère ensuite la discussion qui s’ensuit entre les participant.e.s qui sont invité.e.s à échanger leurs impressions et leurs arguments. Il importe ici de prendre soin des personnes en posant préalablement un cadre de bienveillance et de non-jugement pour permettre le déplacement des représentations sans heurter les fenêtres de perception qui se croisent. L’objectif est ensuite de permettre, à partir d’une définition du sexisme[20], un travail d’analyse des images et des stéréotypes qu’elles véhiculent à partir de quelques critères essentiels : sexualisation et objectification des corps, propos et attitudes dégradantes et réductrices, essentialisation, assignation et injonctions de genres, etc. Il ne s’agit pas de stigmatiser les participant.e.s qui ne verraient pas le caractère sexiste des images, mais de les amener, par l’analyse des images et la discussion, à faire émerger les critères que la perception sensorielle ordinaire ne distingue pas, faute d’avoir conscience des catégories qui l’informent pourtant. L’imaginaire culturel a si bien forgé notre regard qu’il faut donc le convertir pour enfin apercevoir les modalités et les conséquences d’un « toujours déjà là ».

Il importe de préciser ici que dispositif n’est pas proposé isolément aux stagiaires ; il s’insère dans des formations de six heures, voire douze, au cours desquelles différents apports sont faits sur la nature des violences sexuelles et sexistes, les stéréotypes de genre et le continuum qui les relie. C’est à la lumière de cet ensemble qu’il faut envisager la temporalité et les modalités inhérentes à un travail de déplacement puis de recadrage des représentations sur le sexisme afin qu’un nouveau regard puisse être porté sur les conduites des participant.e.s.

Le dilemme de « gégé » (3ème, lycée)

Ce dispositif, imaginé par Stéphanie Miraut, s’inspire très largement de celui proposé par Didier Valentin alias Dr Kpote, travailleur social (Valentin, 2023). Il a été proposé à des personnels éducatifs dans le cadre d’une formation sur l’égalité fille-garçon dans le but d’animer des séances avec des collégiens – plutôt en 4ème ou 3ème –. La séance débute d’abord pour un atelier de photolangage sur le consentement[21]. Les participant.e.s sont invité.e.s à regarder des images puis choisir l’une d’entre elles qui illustre au mieux la notion de consentement avant d’échanger en petits groupes pour tenter d’identifier au moins trois critères du consentement. Le second moment[22] consiste à proposer une expérience de pensée à partir du récit d’une histoire qui concerne deux adolescents :

Aby, 15 ans, et John, 14 ans, sont amoureux et vivent dans un village dont les deux quartiers principaux sont séparés par une rivière. Ils habitent chacun d’un côté de la rivière et, pour se retrouver, doivent traverser un pont. Un jour une tempête a lieu et le pont est détruit de sorte qu’il n’est plus possible de traverser la rivière. Ne reste que le bateau de Gégé. Aby voit le voir et lui demande s’il est possible d’utiliser son bateau pour traverser et rejoindre John. « Bien sûr, répond Gégé, mais ce ne sera pas gratuit ; je veux bien vous aider, mais vous aussi il va falloir m’aider ». Gégé demande à Aby une relation sexuelle en échange de la traversée. Aby va demander conseil à sa mère qui lui répond : « c’est la tempête, j’ai la maison à reconstruire. Prends tes responsabilités, débrouille-toi ! ». Aby retourne voir Gégé qui n’a pas changé d’avis et demande toujours une relation sexuelle en échange de la traversée. Aby cède[23] et traverse la rivière avec Gégé. Une fois qu’elle a rejoint Johan, ce dernier lui demande : « comment as-tu fait pour me rejoindre ? ». Aby explique à Johan ce qu’elle a fait et ce dernier ne veut plus lui parler car il considère qu’elle l’a trompé. Aby part en pleurant et croise son ami Eric qui lui demande pourquoi elle pleure. Elle lui raconte toute l’histoire et Eric décide de casser la figure de John.

Nous posons ensuite trois questions aux participant.e.s :

  • Qui a eu le meilleur comportement ? Pourquoi ?
  • Aby était-elle consentante lorsqu’elle a cédé ?
  • D’après vous y a-t-il eu des violences, des délits et/ou des crimes dans cette situation ? Si oui lesquels ?

La dimension philosophique est ici principalement convoquée par la discussion à laquelle invite la question sur « le meilleur comportement » car elle engage une réflexion morale. Là encore, il est souhaitable que ce dispositif ne soit pas proposé isolément mais plutôt inséré dans une séquence, par exemple d’Enseignement Moral et Civique, qui aborde la connaissance du cadre légal sur les violences sexuelles, des stéréotypes de genre ou encore des critères du consentement. Ce dispositif doit également s’assurer d’un cadre de discussion protecteur et régulateur (bâton de parole, parler en « je », demander la parole pour parler, ne pas se couper la parole, etc.). Il est souhaitable de préciser en amont de la séance qu’il n’est pas permis de prendre des exemples personnels ou qui concernent des personnes présentes. La discussion peut se prolonger par une réflexion conceptuelle sur ce qu’est une « relation sexuelle ». Elle s’achève par un rappel du cadre légal concernant les violences sexuelles et la prostitution.

Réflexions sur la posture de l’animateurice

Comment faut-il penser la posture des formateurices ou des animateurices lors de ces ateliers, qu’ils soient proposés à des élèves ou à des adultes, par exemple des personnels éducatifs ? Nous avons déjà évoqué le risque de reconduire ici des dérives bien identifiées dans les pratiques philosophiques (Budex, 2022b) : substituer une finalité normative et prescriptive à une visée problématique et réflexive, voire imposer une leçon de morale plus ou moins déguisée du type : « il ne faut pas harceler » ; « les hommes et les femmes sont égaux », « la violence c’est mal », etc. Au-delà de ces risques, comment penser le positionnement des enseignant.e.s ou formateurices, entre impartialité[24], neutralité[25] et engagement[26] (Maxwell et Senécal, 2023), voire militance ? Alors que d’ordinaire la posture de neutralité[27] est une exigence à la fois éthique et épistémique attendue des animateurices de DVP, il semble que le travail de déconstruction des stéréotypes de genre nécessite une autre attitude. La posture d’impartialité, en particulier, suppose un positionnement spécifique tant la production de connaissances, dans le domaine de l’égalité homme-femme a été biaisée et a produit, non seulement des représentations, mais également des productions scientifiques erronées[28].

Si l’on considère la théorie de l’Epistémologie Féministe de Positionnement (EFP) et la recherche d’une « objectivité forte » (Harding, 2021), il n’est pas possible d’en rester à la représentation de l’opinion commune sur des sujets qui réclament un « recadrage » (Mozziconacci, 2025), tant il faut redresser, dans le domaine de la connaissance, le prisme de nos représentations déformées par des millénaires de domination épistémique et de phallogocentrisme[29]. Le travail de déconstruction qui préside à la mise en lumière du continuum des violences ne relève pas d’une militance idéologique, mais d’une entreprise scientifique ; l’identification du rôle des stéréotypes dans les violences sexuelles et sexiste ne relève pas de l’opinion, mais d’une causalité établie et démontrable. Toutefois, si les chiffres qui montrent l’ampleur des violences sexuelles ne semblent plus faire l’objet d’une critique ou d’un déni par le plus grand nombre, il n’en va pas de même du rôle des stéréotypes de genre. Il est donc nécessaire de proposer des exercices de réflexion à partir de dispositifs qui donnent à voir plus ou moins explicitement les stéréotypes et de les identifier pour ce qu’ils sont : des déformations infondées qui essentialisent, mais aussi autorisent, légitiment des inégalités et des violences. L’interprétation des situations proposées par ces dispositifs – expérience sensorielle, dilemme, photolangage – n’est donc pas libre dès lors qu’il s’agit de reconnaître les stéréotypes pour ce qu’ils sont.

En formation d’adultes, la posture des formateurices suppose également des compétences relationnelles – tact, écoute, empathie, accueil des émotions, formulations bienveillantes – pour accueillir avec patience, mais fermeté, les différentes formes de résistances qui ne manquent pas de survenir lorsqu’il s’agit de remettre en question les habitus de soumission, de privilèges ou de domination des participant.e.s[30]. Comment qualifier cette posture attendue ? Il nous semble qu’elle doit éviter l’engagement, au sens où les formateurices donneraient leur avis personnel. Elle suppose en revanche une assertivité (combativité ?) et une résilience pédagogiques souvent mises à rude épreuve tant les connaissances sur la nature, la fonction et les conséquences des stéréotypes de genre sont encore largement recouvertes par les croyances et supposent une implication à la hauteur des résistances que ces croyances occasionnent. C’est d’ailleurs un des écueils difficiles à éviter lors des formations, et qui exige une vigilance permanente, notamment à l’égard du langage verbal, paraverbale et non verbal : le fait de délivrer des connaissances sur ce sujet est souvent perçu par les personnes qui ne sont pas encore déconstruites comme une entreprise idéologique de persuasion ! Si une certaine combativité pédagogique peut-être utile, il faut toutefois se prémunir de tout militantisme agressif par lequel une présomption d’adversité deviendrait contre-productive. Tout à l’inverse, nous préconisons de méditer cette formule d’inspiration spinozienne : « l’amour désarçonne même les plus endurcis (…) Et surtout, l’amour protège dans les rudes combats, il est un rempart indispensable contre la folie qui guette au cœur des combats abominables – où l’on se heurte à tant de violence et de stupidité qu’on risque d’y laisser sa peau » (Charbonnier, 2018, p. 117).

C’est plus que jamais la question psychopédagogique du déplacement ou de la transformation d’autrui que le praticien philosophe affronte alors : comment ouvrir la fenêtre d’une perception qui n’est pas déconstruite et qui se présente même comme résistante ? Notre expérience nous a appris qu’il est sans doute préférable d’initier le travail de déconstruction des stéréotypes après un premier temps durant lequel les chiffres des violences sexuelles sont donnés pour instaurer a minima un état des lieux objectif ; alors peut venir le moment du « travail » sur les représentations par les différents dispositifs ici présentés. Mais la volonté de transformer autrui doit s’accompagner d’une humilité fondamentale tant, « dans l’interpellation d’autrui, la visée d’un résultat empêche intrinsèquement toute relation, tout communication. « Connect before correct », suggère Marshall Rosenberg lorsqu’il évoque les situations éducatives, voulant signifier par là qu’il est impossible de faire quelque chose avec l’autre tant que je n’aurai pas réussi à me situer en un lieu commun avec lui, intellectuellement et affectivement » (Charbonnier, 2018, p. 117). Parvenir, par le dialogue, à la création d’un terrain commun dans lequel nous coexistons, telle est peut-être la seule définition de la vérité qui vaille.

Il apparaît dans tous les cas qu’au-delà des connaissances philosophiques et sociologiques, voire biologiques, nécessaires à ce travail, la maîtrise des compétences relationnelles et communicationnelles du tact – et une bonne connaissance de soi ! – sont ici plus que jamais indispensables pour cheminer le long d’une zone philosophique à fortes réactions. C’est certainement à la fois la maîtrise de ces compétences ainsi que l’habitude de travailler le matériau émotionnel instable des idées et des convictions qui prédisposent l’animateurice d’ateliers philo à s’aventurer avec une certaine expérience sur le terrain de la déconstruction des stéréotypes de genre.

Conclusion

Cet article se présente à la fois comme une proposition et une invitation : la proposition de partager des outils de formation sans garantie ni certitude de leur pertinence et de leur efficacité ; l’invitation à les critiquer, les tester, les compléter, mais aussi à poursuivre la réflexion sur la possibilité d’ouvrir, dans l’école, les pratiques philosophiques à d’autres modalités que celles de l’enseignement traditionnel en classe de Terminale. Convoquant le paradigme de la complexité, les éducations à articulent des champs de connaissances multiples à partir de questions socialement vives que le savoir-faire philosophique peut utilement dégager et éclairer. La prévention des violences sexistes et sexuelles, en particulier, peut s’appuyer sur la puissance de questionnement généalogique des pratiques philosophiques, c’est-à-dire leur capacité à distinguer, dans les jugements humains, la part de valeurs, d’intérêts, de croyances et d’erreurs ; tel serait leur possible rôle dans le travail de déconstruction des stéréotypes qui font obstacle à une existence individuelle et collective émancipée du mythe de la virilité, ce piège pour les deux sexes (Gazalé,2017), et des violences qu’il produit. Pour qu’enfin la fraternité puisse s’émanciper de son passé androcentré et accéder à une universalité qui ne tient plus à l’écart de son concept la moitié de l’humanité, tout en imposant à tous.tes la folie de son aveuglement.

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  • Weil, É. (1996). Logique de la philosophie. J. Vrin, 1996.

Notes
  1. J’utiliserai désormais cette abréviation par commodité. ↩︎

  2. https://www.education.gouv.fr/un-programme-ambitieux-eduquer-la-vie-affective-et-relationnelle-et-la-sexualite-416296 ↩︎

  3. Même s’il convient de rappeler que seules 3 heures par an et par classe sont pour l’heure consacrées en classe à ces questions. ↩︎

  4. Réserve qui nous semble discutable tant les institutions – qui doivent être selon Tronto (2013) le moyen essentiel d’une véritable transformation sociale – sont les cristallisations d’affects communs qui présupposent sans doute l’éducation du citoyen qui les crée. ↩︎

  5. https://caaee.ac-versailles.fr ↩︎

  6. Ces outils pédagogiques ont notamment été l’objet de formations, co-animées avec Stéphanie Miraut entre 2018 et 2021, dans le cadre d’un module d’approfondissement sur la fraternité auprès des animateurices de l’association SEVE. ↩︎

  7. Ces formations sont délivrées aux personnels de l’éducation nationale (enseignant.e.s, assitant.e.s d’éducation, conseiller.e principale d’éducation, personnels de direction, personnels de santé) selon les intitulés suivants : éducation à l’égalité fille-garçon, prévention du cybersexisme, éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle, la prévention des violences sexistes et sexuelles. ↩︎

  8. Ils existaient bien avant, mais leur essor depuis 2015 tient notamment à plusieurs événements concomitants : la promulgation d’un programme d’Enseignement Moral et Civique favorables à ces pratiques, la création d’une Chaire UNESCO, le développement de l’association SEVE. ↩︎

  9. Il serait par exemple souhaitable d’évaluer l’impact d’une pratique régulière sur le climat scolaire d’une classe, voire d’un établissement. ↩︎

  10. « La recherche éthique produit à son tour un renforcement du jugement éthique et le jugement éthique renforcé intervient pour opérer une réduction de la violence et des préjugés ainsi que la diminution d’autres actes et attitudes regrettables. Le problème consiste donc à trouver un moyen d’introduire la recherche éthique à l’école, pas seulement pour avoir l’occasion de mettre en jugement des actes de violence déjà commis, mais pour donner à titre préventif des considérations à propos de tels éventuels actes futurs » (Lipman, 2011, p. 119). ↩︎

  11. Ainsi, les situations de harcèlement (Galland, 2021) montrent comment des individus qui ne sont ni des sociopathes, ni des pervers assoiffés de violence, peuvent devenir intimidateurices par stratégie sociale (recherche de popularité, intériorisation de l’idéal social selon lequel il faut entrer dans des logiques de domination pour réussir sa vie). ↩︎

  12. « Disons d’abord qu’on ne peut garantir que l’amélioration du raisonnement entraînera nécessairement chez l’enfant une amélioration du jugement, ni non plus que de meilleurs jugements seront d’office suivis d’actions meilleures. C’est du domaine de la probabilité, non de la nécessité » (Lipman, 2011, p. 263). ↩︎

  13. Mais au fait, qu’est-ce qui les distingue ? ↩︎

  14. Je remercie ici en particulier Chloé Chambet et Stéphanie Miraut conseillères et formatrices du CAAEE, membres du groupe académique « Egalité Fille-Garçon et prévention des violences sexuelles et sexistes », qui ont élaboré tout ou partie des dispositifs de formation présentés dans cet article. ↩︎

  15. Notamment dans le cadre des modules de formation continue de l’association SEVE. ↩︎

  16. Young, Iris Marion (1980). « Throwing Like a Girl : A Phenomenology of Feminine Body Comportment, Motility, and Spatiality », Human Studies, (3)2, p. 137-56. ↩︎

  17. http://www.culturepub.fr/?p=26137 ↩︎

  18. Vous pourrez la fiche pédagogique qui détaille les questions posées aux stagiaires ici : Fiche pédagogique_CommeUneFille.pdf ↩︎

  19. Sexiste_pas_sexiste.pdf . Je remercie Chloé Chambet, chargé de mission « EFG et prévention des VSS » pour le CAAEE, qui a élaboré ce photolangage. ↩︎

  20. Définition du sexisme par le HCE : « une idéologie qui repose sur le postulat de l’infériorité des femmes par rapport aux hommes, d’une part, et d’autre part, un ensemble de manifestations des plus anodines en apparence (remarques) aux plus graves (viols, meurtres). Ces manifestations ont pour objet de délégitimer, stigmatiser, humilier ou violenter les femmes et ont des effets sur elles (estime de soi, santé psychique et physique, exclusion de nombreuses sphères et modification des comportements) », HCE (2024). ↩︎

  21. Vous trouverez ici le photolangage : PhotolangageConsentementInterdegré.pdf ↩︎

  22. Vous trouverez ici le document de présentation du dilemme : AtelierExpPensée_gégé.pdf ↩︎

  23. Il importe ici d’utiliser ce verbe dans le récit pour permettre ensuite une réflexion sur la notion de « consentement ». ↩︎

  24. L’impartialité consiste à traiter un thème de manière équilibrée et non biaisée en montrant tous les façons de considérer un problème. ↩︎

  25. La neutralité réclame de s’abstenir de divulguer son point de vue. ↩︎

  26. L’engagement consiste à divulguer sa position personnelle aux élèves ou stagiaires. ↩︎

  27. Partant d’une formule de Jaurès selon laquelle « il n’y a que le néant qui soit neutre », nous avions défini la neutralité en un sens différent (Budex, 2020), comme neutralité axiologique, en considérant qu’elle était illusoire tant une Discussion à Visée Philosophique promeut des valeurs par son dispositif même (Budex, 2023) ; en revanche, l’animateurice doit faire preuve d’impartialité, en se gardant, au cours de la discussion, de donner son avis personnel. Edwige Chirouter considère pour sa part que l’animateurice ne doit pas être neutre dès lors qu’iel est garant.e des vérités scientifiques, historiques ou législatives et doit intervenir pour les rappeler si besoin et éviter ainsi le relativisme des opinions (Chirouter, 2025, p. 172-174). ↩︎

  28. « Les connaissances sont toujours socialement situées, et l’échec des groupes dominants à interroger de manière critique et systématique leur situation sociale avantagée et l’effet de tels avantages sur leurs croyances fait que leur situation est scientifiquement et épistémologiquement désavantageuse pour produire de la connaissance » (Harding, 2021, p. 143). ↩︎

  29. Le phallogocentrisme, expression forgée par Derrida (1972), désigne l’appropriation, par les hommes, à leur profit et ici au détriment des femmes, de la signification des mots et des idées. Cette attitude entraîne un angle mort qui appelle à la fois à une déconstruction et une reconstruction de concepts pensés par les hommes et pour les hommes. ↩︎

  30. Il est également fréquent, ce qui ne surprendra pas au vu de l’ampleur quantitative des violences sexuelles, que l’un.e des participant.es soit directement concerné.e. en tant que victime. L’écoute, voire le recueil d’une parole de victime engage alors des compétences spécifiques qui peuvent mettre l’animateurice ou la formateurice qui n’en est pas doté.e en difficulté. ↩︎

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