Introduction
Les animateurs de communautés de recherche philosophique multiculturelles, avec des enfants ou des adolescents, sont confrontés à de nombreux défis, notamment la manière dont leur identité affecte le rôle qu’ils jouent, la pluralité/diversité des identités des étudiants et l’objectif de développement de la pensée. Si chacune de ces questions rend le travail de l’animateur intéressant, elles créent différents cercles qui se rencontrent et soulèvent des questions problématiques. Cet article cherche à dévoiler les différents cercles dans lesquels l’animateur évolue dans les communautés de recherche philosophique.
Cercle 1 : L’identité de l’animateur affecte ses performances
Les animateurs sont – bien évidemment - issus de milieux divers, certains appartenant à des groupes sociaux ou autres au sein de la communauté philosophique d’enquête, d’autres non. Lorsque les animateurs et les étudiants partagent le même cadre/statut social, les premiers s’identifient souvent (trop) à un groupe spécifique. Ce biais constitue un défi de taille, qui amène à se demander si les animateurs doivent divulguer leur appartenance à un groupe ou la garder privée. En effet, le choix de révéler ces détails peut être perçu comme un geste d’ouverture et d’accointance, perturbant ainsi les enfants d’autres groupes sociaux.
Lorsque des animateurs adoptent des pratiques visant à examiner comment promouvoir des sociétés plus justes, équitables et égalitaires, ils cherchent à éviter de laisser leur identité neutraliser l’activité d’autres groupes au sein de la communauté. S’agissant de l’antiracisme quotidien dans les écoles, Mica Pollock (2008) suggère que les enseignants devraient toujours chercher à déterminer les moments où la relation à l’identité est utile aux élèves et ceux où elle est nuisible. Cette question est cruciale en ce qui concerne la divulgation de l’identité des animateurs, certains d’entre eux n’étant pas en mesure de garder leur identité privée en dehors de la communauté en raison de la couleur de leur peau ou des traits de leur visage.
Par définition, les animateurs de communautés de recherche philosophique (CRP) travaillent dans un environnement pédagogique et éducatif non neutre, les écoles s’identifiant comme des « façonneurs d’identité » sous le couvert de la socialisation. Même lorsque le discours officiel de l’école parle de valeurs - égalité, respect, inclusion et acceptation -, c’est le discours émanant des terrains éducatifs qui régit la pratique scolaire, en cherchant à maintenir le statu quo par le biais des manuels, des messages délivrés par les éducateurs et les enseignants, des discussions de couloir et, bien sûr, les opinions que les élèves apportent de chez eux.
Les animateurs se trouvent donc confrontés à un dilemme important. Bien qu’ils cherchent à instiller un discours antiraciste dans la communauté et à renforcer l’autonomie de l’Autre, ils n’ont pas de super-pouvoirs et ne peuvent ignorer leur bagage personnel. Il se peut qu’ils aient été eux-mêmes exposés à la discrimination en raison de leurs origines, que ce préjudice subi les ait profondément affectés et qu’il les rende vulnérables dans leurs contacts avec d’autres groupes, y compris dans leurs relations aux élèves.
Doivent-ils introduire leur parcours autobiographique dans l’équation ? Doivent-ils dire : « Lorsque j’avais votre âge, moi aussi j’ai été victime de racisme et je peux donc m’identifier à vous » ? Si cela peut susciter de l’empathie chez certains membres du groupe, cela peut aussi conduire à un rejet, voire à un blâme manifeste ou caché chez d’autres. Ainsi, il n’existe pas de réponse claire à cette question. Ceux qui soutiennent que les animateurs doivent s’intégrer à la communauté affirment qu’ils doivent veiller à ne pas cacher leur identité, en servant de modèle d’ouverture et de franchise dans une société vouée à représenter la différence. Ils soutiennent également que le processus d’habilitation identitaire ne laisse aucune place à l’indifférence, qu’il s’inscrit dans la continuité de la politique d’exclusion et qu’il perpétue la marginalisation de certains membres de la communauté - en particulier lorsque les animateurs font partie du cercle du discours philosophique bien qu’ils aient un rôle différent.
L’identité ne peut cependant pas être complètement ignorée. Ceux qui s’opposent à ce que l’animateur fasse partie intégrante de la communauté philosophique affirment que l’enfance et le non-classement sont des valeurs plus importantes que l’identité propre. Les animateurs devraient donc se contenter de déclarer : “Bien sûr, je suis l’une des personnes présentes ici. Mais aujourd’hui, je pense que nous devons nous concentrer sur vous en tant que membres de la communauté philosophique. Si cela vous convient, nous n’évoquerons pas mon identité, mais vous donnerons le devant de la scène.”
Une question encore plus aiguë se pose : que doivent faire les animateurs lorsque leurs identités entrent en confrontation ? Doivent-ils intervenir de manière proactive dans des situations spécifiques ou éviter la question de l’identité et les conflits qu’elle pose ? Il n’existe pas non plus de réponse univoque à cette question. Lorsque des membres de la communauté sont en conflit direct, les animateurs peuvent adopter un modèle en deux étapes : a) demander aux participants de cartographier le conflit qui les oppose en posant des questions et en s’efforçant de ne pas se mettre sur la défensive - « observer la réalité avec les yeux ouverts » afin d’obtenir une image complète ; b) demander aux membres de formuler des idées et des solutions. Ici aussi, la question se pose de savoir si l’auto-divulgation du facilitateur (le plus tôt possible au cours du processus) contribue au développement d’un dialogue honnête et constructif qui offre un espace ouvert et inclusif.
Cercle 2 : Identités des étudiants
Dans la mesure où les membres de la communauté de recherche viennent d’horizons divers et possèdent des identités narratives variées, la communauté devient rapidement un réseau d’identités qui non seulement favorise l’acceptation et l’inclusion, mais conduit également à la confrontation et au conflit. Dans des situations d’acceptation et d’inclusion, les animateurs doivent être prêts à intervenir s’ils constatent que les membres des groupes les plus faibles dévoilent leur identité à ceux appartenant à un récit hégémonique. Ils doivent le faire avec tact, en posant des questions plutôt qu’en fermant la discussion, en proposant des questions ouvertes permettant aux élèves défavorisés de briser le carcan de la soumission et aux élèves dominants de se libérer de la « prison conceptuelle » dans laquelle ils cherchent peut-être à enfermer autrui. Cette vision normative d’un état du monde qui serait le plus droit, le plus adapté, le meilleur et que tout le monde finira par reconnaître et accepter, cette vision hiérarchique est caractéristique de l’impérialisme et du colonialisme. Les participants dominants ne se posent pas de questions sur ce qui est évident - c’est-à-dire sur leur propre groupe - ils sont enfermés dans une « prison ».
Lorsqu’ils sont confrontés à des situations aussi complexes, dans lesquelles un groupe affirme sa supériorité sur les autres, les animateurs doivent chercher des moyens d’ouvrir la discussion et de l’orienter dans une direction plus égalitaire. Les participants privilégiés percevront sans aucun doute le fait de poser des questions comme une atteinte à leur identité, se sentant souvent mal à l’aise lorsque leur position privilégiée est remise en question et n’ayant pas peur d’exprimer leur mécontentement. Cependant, lorsque la communauté sert d’espace sûr pour les questions, elle légitime le fait même de soulever des problèmes, en excluant les réponses fermées ou « correctes ».
Contrairement aux enseignants des classes multiculturelles qui interviennent souvent en assumant une position d’autorité, les communautés de recherche philosophique (du moins sous leur forme plus ouverte et moins structurée) ne cherchent pas à mettre en évidence et à réparer les injustices. Chez les plus jeunes, l’intervention excessive risque de clore la discussion trop tôt. Un « espace pour poser des questions » qui permet la fraîcheur et la crudité est donc d’une importance cruciale. Dans ce contexte, les animateurs doivent veiller à ne pas être trop prompts à proposer des solutions/décisions qui, étant justes et équitables, « résolvent le problème ».
La question qui se pose alors est la suivante : quel rôle les facilitateurs doivent-ils jouer ? S’ils appartiennent au groupe hégémonique, doivent-ils représenter les absents de la communauté, c’est-à-dire les défavorisés, introduisant ainsi un défi intellectuel ? S’ils sont issus d’un milieu marginalisé, doivent-ils promouvoir un discours comme : « Je viens d’un milieu qui n’est pas représenté ici » ou « Venant d’un milieu qui n’est pas représenté ici, je veux représenter ce groupe afin d’ouvrir une discussion plus large » ?
Cercle 3 : L’idéal : développer la pensée
L’animateur d’une CRP doit également s’intéresser sur l’ethos central de la communauté, autrement dit viser le développement de cercles de pensée. Cet objectif consiste à encourager la pensée critique, créative et bienveillante dans le contexte spécifique des identités plurielles. La question clé à laquelle sont confrontés les animateurs est la suivante : Doivent-ils privilégier la reconnaissance des identités au détriment du développement des habiletés de pensée ou inversement ? Selon Michaud,
La neutralité est certainement un principe important pour le facilitateur d’un atelier de philosophie pour enfants, en ce sens qu’il ne doit pas prendre position par rapport au sujet abordé. Son rôle est défini par la méthodologie de la CRP : il doit veiller à ce que le processus d’enquête soit respecté et que les participants utilisent les compétences et les attitudes appropriées. (2020, 39)
Une telle attitude ostensiblement neutre à l’égard de questions complexes exige que le facilitateur reste indépendant, qu’il laisse la place aux questions et à la discussion plutôt que d’intervenir dans des questions liées à l’identité, par exemple. Comme le notent Kennedy et Kennedy :
Dans la CRP telle que nous la pratiquons, le rôle de l’animateur est de garantir les conditions nécessaires à l’émergence d’une sphère de jugement (ce qui est une question de procédure), de modéliser et d’encadrer son heuristique. D’un point de vue procédural, le facilitateur peut agir pour réguler la distribution des tours de parole ou la durée de l’intervention d’un orateur, pour demander un résumé ou une formulation d’argument, ou pour soutenir les appels à la réponse du groupe qui ne sont pas pris en compte ou qui sont ignorés par l’orateur suivant. Son objectif opérationnel est en fait de distribuer son autorité procédurale à travers le groupe, c’est-à-dire de promouvoir un système dans lequel tous les participants, y compris elle-même, participent à la régulation de la distribution des tours de parole, à l’appel au résumé ou à la reformulation, et ainsi de suite, ainsi qu’à la demande de définitions ou d’exemples, à l’encouragement d’hypothèses alternatives, à l’identification d’hypothèses non formulées, et ainsi de suite. (2011, p. 3)
Privilégier le développement des habiletés de pensée par rapport au travail sur les identités crée un espace éducatif qui risque de laisser le discours dominant écraser les autres et la violence cachée se développer, devenant ainsi un immense tabou dans la salle de classe. Les animateurs doivent donc relever le défi presque impossible de trouver un équilibre entre les deux positions. À cet égard, le meilleur modèle se déploie en deux étapes, au cours desquelles ils commencent par s’émanciper pour ensuite permettent à la communauté de le faire.
Les animateurs en tant qu’auto-libérateurs de l’« éducation bancaire »
Selon Freire (1970), la majorité des enseignants sont des agents du système d’« éducation bancaire », dans lequel les élèves se contentent d’enregistrer les informations qu’ils leur transmettent.
Freire identifie neuf caractéristiques du modèle de « l’éducation bancaire » : les enseignants enseignent, les élèves apprennent ; les enseignants sont omniscients, les élèves sans cervelle ; les enseignants pensent, les élèves sont les objets de ce processus ; les enseignants parlent, les élèves écoutent ; les enseignants éduquent, les élèves sont éduqués ; les enseignants choisissent et imposent leurs choix aux élèves, qui s’y conforment ; les enseignants agissent, les élèves ont l’illusion de le faire par l’intermédiaire de l’enseignant ; les enseignants choisissent le programme, les élèves l’acceptent ; les enseignants sont sujets du processus d’apprentissage, les élèves en sont l’objet.
Contrairement à ce type d’éducation, qui sépare les êtres humains du monde qui les entoure, les communautés de recherche philosophique encouragent un dialogue authentique. Comme le prévient Freire, même ceux qui sont attachés à l’idée de liberté éducative peuvent se retrouver dans une atmosphère qui encourage le système de « l’éducation bancaire », tout en appliquant parfois ses principes ou en ne parvenant pas à entraver son potentiel déshumanisant. Souvent, ils se contentent de « jouer » avec les éléments philosophiques de la communauté de recherche en matière d’éducation tout en continuant à épouser l’approche « bancaire ». Ils doivent donc se libérer des principes fondamentaux de l’éducation conservatrice promus par les systèmes éducatifs majoritaires dans le monde et assimilés par les programmes scolaires standards et les organes de décision. Ils peuvent ainsi s’émanciper et permettre l’émancipation des participants.
L’éducation auto-émancipatrice repose sur un mécanisme de reconnaissance et non de transfert de connaissances. Les animateurs doivent donc chercher à dépasser le clivage enseignant-élève, en promouvant une forme d’éducation qui place les problèmes au centre, c’est-à-dire qui aborde des défis tels que les problèmes socio-économiques, les tensions entre hommes et femmes, etc.
Les animateurs en tant que libérateurs de l’éducation normalisante.
Le processus de libération fait partie de ce que Freire (1970) appelle la pédagogie radicale, c’est-à-dire l’affranchissement des certitudes. Plus les gens deviennent extrêmes, plus ils cherchent à pénétrer cette réalité ; plus elle est connue, plus il est facile de changer, en éliminant la peur de la confrontation, de l’écoute ou de voir le monde démasqué.
Les éléments fondamentaux de ce processus de pédagogie radicale sont l’absence de conformité et l’adaptabilité. Les animateurs doivent d’abord se libérer des contraintes imposées par le système éducatif central et conservateur. En développant une sensibilité et une conscience critiques, ils doivent résister à la tentation de se limiter à l’inculcation de connaissances. En se libérant de la prison conflictuelle dans laquelle les ont enfermés leur formation d’enseignant, le système éducatif conservateur dans lequel ils travaillent, les écoles dans lesquelles ils officient et les chefs d’établissement devant lesquels ils sont responsables, ils seront appelés à se transformer en sujets pensants autonomes et cesseront d’être des objets transmettant simplement des informations à l’élève.
Ce n’est pas une tâche facile, car l’éducation conservatrice que la plupart des enseignants contemporains ont reçue régissent leur vie professionnelle et dictent la logique qui sous-tend leur identité professionnelle, mais aussi leurs méthodes d’enseignement et leur engagement en faveur d’une forme « normative » d’éducation.
Les enseignants sont souvent enferrés dans une éducation normalisatrice, incapables de se libérer de ce qu’ils sont encore ou ne sont pas encore, oscillant entre les forces et les dynamiques concurrentes qui donnent naissance au changement et à de nouvelles possibilités dans les limites des systèmes dans lesquels les gens assument l’identité qui leur est imposée de l’extérieur. En se libérant de cette situation, il est probable que
Se créent des alternatives qui contribuent aux luttes de pouvoir qui dominent l’agenda éducatif et les connaissances perçues comme nécessaires, formant ainsi la base de différents critères pour l’évaluation et l’appréciation des connaissances - qui rivalisent avec celles présentées jusqu’à présent comme pertinentes et légitimes.
Les animateurs en tant que contre-éducateurs actifs
Plutôt que d’aborder les problèmes afin d’examiner la réalité, les animateurs libérés devraient chercher à devenir des contre-éducateurs actifs, en encourageant les questions qui favorisent un discours déstabilisant le statu quo. Cette critique fondamentale des réalités sociales, économiques et de classe permet aux étudiants de remettre en question la réalité plutôt que de la considérer comme acquise, la contre-éducation active résiste à la violence symbolique de l’éducation normalisante. La contre-éducation apparaît comme la négation de l’ordre existant et la critique de l’action du mécanisme de fonctionnement et de production des biens, des fabricants et des consommateurs. La contre-éducation peut et doit assumer une expression dialogique et subversive, offrant une alternative à la réalité existante, même si elle est essentiellement négative. (Gur-Ze’ev 2010)
En tant que contre-éducateurs actifs, les facilitateurs auto-libérés créent des communautés qui servent d’espaces pour l’éducation diasporique. Ils peuvent ainsi promouvoir la pensée critique « dans un monde multiculturel dominé par la logique et les pratiques de la mondialisation capitaliste » (Gur-Ze’ev 2004, 194). Les animateurs peuvent également se percevoir comme faisant partie d’un phénomène plus large qui favorise l’auto-libération et l’émancipation.
Les facilitateurs auto-libérés en tant qu’improvisateurs
Les méthodes d’apprentissage conservatrices considèrent l’espace d’apprentissage comme planifié, préconçu et préfiguré, incarnant les avantages d’un apprentissage systématique qui est ordonné, organisé, intérieurement logique et orienté vers les objectifs et l’avenir. Cette attitude se trouve aux antipodes de la vision portée par la philosophie pour enfants selon laquelle l’apprentissage autodéterminé constitue une forme légitime, fertile et vivante d’improvisation dans le contexte du dialogue.
La philosophie pour enfants et adolescents encourage deux aspects de l’improvisation : a) la capacité créative des apprenants à s’engager dans des variations sur un thème standard - inventer quelque chose « à la volée » ; et b) le faire dans un contexte dynamique et interactif avec d’autres membres de la communauté - écouter, anticiper ce que les autres pourraient dire ou faire, tirer parti de la sérendipité, et entrelacer leur propre improvisation avec celle des autres, stimulant et inspirant ainsi de nouveaux degrés de créativité. En ce sens, une classe dialogique fonctionne comme un orchestre qui performe ensemble.
La philosophie pour enfants et adolescents contient tous ces éléments. En encourageant l’improvisation, les questions et les sujets de discussion, il encourage les élèves à aborder des questions philosophiques diverses et créatives, ce qui suscite à son tour de nouvelles questions et réponses, positives et négatives. L’improvisation sert ainsi de base à une pensée libre et créative fondée sur l’imagination et l’inventivité.
Les animateurs en tant que facilitateurs
Après s’être émancipés, les animateurs peuvent entrer dans la phase de facilitation - l’étape la plus centrale de la communauté de recherche philosophique. Ayant reconnu leur processus de formation et la fausse certitude dans laquelle leurs attitudes ont été façonnées et modelées - en particulier leurs présupposés et préjugés issus de la « famille » et la pédagogie de la peur qui en est le fondement - les animateurs doivent chercher à participer de façon ouverte et critique à la communauté.
Lorsqu’ils commencent à travailler avec les élèves, ils doivent comprendre qu’ils sont chargés d’apporter leur propre identité à la communauté. L’identité est une question complexe. Tout en possédant un élément essentialiste déterministe préétabli - origine ethnique, sexe, etc. - elle peut également être hybride et liquide (Bauman 2000). Pendant la période où le mouvement de la philosophie pour enfants a émergé, de nombreuses personnes considéraient que le philosopher prenait forme dans le vide, comme si les élèves entraient dans le processus de réflexion dépourvus d’identité nationale, religieuse, communautaire, de genre, locale ou autre.
Les animateurs, facilitateurs des jeux de pouvoir et des environnements multi-narratifs
Lorsque les animateurs émancipés veillent à ce que la CRP accueille toutes les identités et tous les récits, ils peuvent passer à l’étape suivante. Certaines personnes se méfieront d’un mélange d’identités, considérant les communautés de recherche philosophique comme un terrain fertile pour les conflits et les affrontements, intimidant les étudiants vulnérables et sensibles et permettant à ceux qui s’affirment de dominer et de dicter l’ordre du jour.
Les ateliers philosophiques et multi-narratifs permettent à tous ceux qui y participent - animateurs et élèves - de tolérer des perspectives diverses. En déplaçant l’accent de la recherche d’une méta-narration globale vers une réalité labile marquée par l’ouverture, ils valorisent les questions plutôt que les réponses, l’incertitude et la contingence plutôt que les théories confortables.
Les relations réciproques entre la philosophie pour enfants et la théorie narrative peuvent être présentées à travers l’affirmation de Lyotard (1984) selon laquelle la connaissance humaine n’est plus soumise à des méta-récits qui représentent des perspectives universelles monolithiques (par exemple, les sujets connaissants qui construisent leur connaissance à partir d’informations et d’expériences antérieures en tant qu’êtres observateurs dépendants du temps et de l’espace).
Les animateurs comme facilitateurs d’identité
Les animateurs qui souhaitent jouer le rôle de facilitateurs doivent reconnaître le potentiel que représente ce mélange d’identités et de récits, tant pour l’action que pour la rencontre et la connaissance. Lorsqu’elle est abordée, la diversité des identités au sein de la communauté peut être nommée au lieu d’être passée sous silence. Sur la voie de l’« attention », l’habilitation appelle les animateurs à reconnaître les identités de tous les membres de la communauté, qu’elles soient larges ou étroites, et à leur permettre de les exprimer.
La présentation artificielle de chaque identité est superficielle. Tout ce que les animateurs ont à faire, c’est de laisser les participants poser des questions ouvertement, sans censure et à partir de leur propre perspective identitaire, « à propos d’eux-mêmes » - dans le sens de « leur pleine identité » : “Chacun apporte son entièreté ici - foyer, communauté, origine, religion, sexe. Nous respectons tout le monde ; chacun apporte une contribution importante au discours ouvert que nous tenons entre nous”. Cette déclaration peut être suivie d’une phrase telle que : “Nous ne laissons pas des parties de nous-mêmes à l’extérieur de cette pièce. Nous entrons dans la communauté tels que nous sommes - des individus entiers, à part entière, avec tous les aspects variés de notre identité.” Cela permet de faire tomber les murs et de légitimer la pluralité de l’identité.
La philosophie pour enfants et adolescents renforce cette richesse en prêtant attention au développement cognitif de l’enfant. Les facilitateurs d’ateliers philosophiques possèdent les compétences nécessaires pour que les enfants ayant des identités sociales différentes se sentent suffisamment en sécurité pour s’exprimer de manière indépendante et démocratique.
Les CRP doivent aspirer à être des espaces qui effacent les cloisons, promeuvent la pluralité et intègrent la pensée et l’action. Encourageant l’activisme philosophique fondé sur la sensibilité, elles doivent servir de lieu de stimulation du changement. En quoi le discours identitaire et les communautés qui encouragent et valorisent l’expression diffèrent-ils ? Le discours identitaire permet aux gens de s’exprimer sans être remis en question, de faire du « commerce » dans un contexte de « marché libre », en quelque sorte, en créant leurs propres « échoppes identitaires ». Si le résultat est généralement coloré et pluraliste, ce processus peut également créer des ghettos culturels. Avec leurs réservoirs d’identité ouverts et explicites, les communautés philosophiques facilitent le questionnement sur l’identité. Un participant peut ainsi déclarer : « En tant que Palestinien, je veux dire que la question qui me vient à l’esprit quand je vois cette photo est… Mais je peux comprendre qu’en tant qu’Israélien, vous voyiez autre chose ».
Les participants à la communauté ne cachent pas leur identité lorsque des questions leur sont posées. Afin de créer les conditions du dialogue, les facilitateurs doivent - selon Freire (1970) - adopter une attitude aimante et humble en se demandant par exemple : « Comment puis-je entrer en dialogue si je traite constamment les autres avec condescendance sans même m’en rendre compte ? ». L’humilité est une condition préalable au respect des identités au sein du groupe. Les facilitateurs doivent donc veiller à ne pas exprimer involontairement - par leur langage corporel, leurs gestes ou leurs commentaires - une arrogance nationale, culturelle, religieuse ou sexiste.
Le dialogue exige également une grande confiance dans les autres, dans leur capacité à créer et à recréer. Être plus humain n’est pas l’apanage d’une élite, mais le droit inaliénable de chaque individu. Les pédagogues dialogiques croient donc en l’autre avant même de le rencontrer en face à face. Cela diminue-t-il leur rôle ou leur statut d’une quelconque manière donne-t-il la prédominance aux élèves ? Je ne le crois pas. Éviter la condescendance ou les hiérarchies permet de placer tous les participants sur un pied d’égalité. Plutôt qu’artificiel, cet égalitarisme constitue un équilibre des pouvoirs qui encourage la confiance mutuelle, permettant aux membres de la communauté de tisser des liens étroits alors qu’ils agissent ensemble pour changer le monde.
Bien que les facilitateurs déclarent souvent leur volonté (pour eux-mêmes et pour les autres) à diriger avec amour, humilité, respect et dialogue, leurs actions contredisent souvent leurs paroles. En particulier, le travail avec des participants les plus jeunes peut créer un fort sentiment de responsabilité et un besoin de protéger les plus vulnérables. Il est important de veiller à ne pas laisser la condescendance s’installer sous couvert de sens des responsabilités.
Les adultes traduisent cette responsabilité par une forme d’aide et de protection des enfants. Cette attitude entrave le dialogue, l’expression de l’identité, la communication et la réflexion philosophique chez les enfants. En effet, ces derniers ne sont pas destinés à être protégés artificiellement. L’espace sûr, émancipateur, et surtout stimulant que créent les facilitateurs vise à favoriser une atmosphère sécurisante plutôt que protectrice. En tant qu’« adultes responsables », les facilitateurs ont tendance à adopter une attitude coloniale envers les enfants, présupposant, malgré leurs bonnes intentions, qu’ils savent ce qui est le mieux (bon ou mauvais) pour leurs protégés et comment ils doivent penser et se comporter, en tirant parti de leur âge, de leur expérience et de leur maturité.
Les facilitateurs en tant que facilitateurs de la justice épistémique
Les facilitateurs doivent s’abstenir de tenter d’agir en « sauveurs » à la manière des leaders révolutionnaires, car ils trahiront leurs protégés s’ils le font. Avec les élèves, ils doivent plutôt apprendre et se familiariser avec la réalité afin de comprendre la manière dont ceux-ci se perçoivent eux-mêmes et perçoivent le monde. Partant de cette idée, je suggère que les facilitateurs abandonnent leurs prétentions et se concentrent sur la facilitation de l’identité, permettant ainsi à la communauté d’enquête de se développer naturellement, conformément à la tendance documentée dans les études de philosophie pour enfants. Les facilitateurs doivent également chercher à éviter ce que Freire appelle « l’oppression », c’est-à-dire un comportement anti-dialogique dans le cadre duquel ils cherchent à submerger l’Autre avec tous les moyens à leur disposition ; même l’activité la plus subtile, comme le paternalisme, peut être oppressante.
Les facilitateurs devraient renoncer à « sauver » et « secourir » les participants au motif qu’ils savent ce qui est le mieux pour eux, au profit d’un processus d’apprentissage mutuel. Cette étape est particulièrement difficile pour ceux qui pensent (même implicitement) qu’ils occupent une position supérieure en raison de leur âge et de leur expérience. Leur « statut privilégié » fait en réalité partie de la prison conceptuelle décrite ci-dessus, c’est-à-dire un état de certitude concernant les connaissances, la conduite appropriée, l’ordre social, etc. Pris dans un tel piège dialectique, les facilitateurs ont tendance à osciller entre le recours à leur vaste expérience et la limitation de leur influence (Kizel, 2024).
Les facilitateurs en tant que catalyseurs d’un processus dialectique de rencontre identitaire
L’une des tâches les plus importantes qui incombent aux facilitateurs de communautés d’enquête philosophique est de faire une place au passé, avec toutes ses souffrances et ses douleurs. Si les récits apportés en classe par des élèves défavorisés peuvent être perçus comme menaçants, comme une boîte de Pandore qu’il vaut mieux garder fermée, les facilitateurs doivent s’efforcer de promouvoir un processus dialectique d’engagement face à la souffrance sociale.
Les écoles et le discours dominant ont souvent tendance à saper les fondements épistémiques de l’injustice en ignorant ou en niant les inégalités comme des événements ponctuels, des situations qui étaient justifiées dans le passé mais qui ne se produisent plus aujourd’hui. Dès leur plus jeune âge, les élèves défavorisés ou ceux qui vivent dans des milieux socio-économiques défavorisés sont exposés quotidiennement à la discrimination, aux politiques d’exclusion et au racisme, mais peu de place est accordée à leurs « récits de souffrance ». Afin de permettre leurs contre-questions, les animateurs doivent promouvoir une discussion dialectique qui non seulement reconnaît leur douleur et l’injustice dont ils sont victimes, mais leur permet également de poser des questions relatives à leur expérience : « Ces choses appartiennent-elles uniquement au passé ou font-elles partie de notre propre histoire ? »
Bien entendu, les CRP ne sont pas des classes « ordinaires ». Non seulement elles adoptent des méthodes éducatives/pédagogiques alternatives, mais elles s’opposent aussi largement à celles pratiquées dans les écoles conventionnelles. Représentant l’opposition à la recherche de certitudes, elles exigent un engagement dans un processus dialectique qui défend ce que j’appelle « l’inclusion identitaire totale ». Plutôt que de simplement accepter les élèves en tant qu’individus, cela implique d’accueillir tout le bagage identitaire qu’ils apportent avec eux. Cela implique donc non seulement une sensibilité culturelle et économique exprimée dans un langage convivial (principalement dans le domaine du politiquement correct), mais aussi une reconnaissance profonde des cicatrices causées par les injustices persistantes, souvent à la fois structurelles et historiques. Il est faux de croire que les enfants n’enregistrent pas ces événements et ces expériences ; les élèves vivent dans un environnement physique, communautaire et humain qui confirme quotidiennement leurs perceptions.
Le choix des textes qui serviront de base aux discussions philosophiques revêtent donc une importance capitale. Selon les principes de la philosophie pour enfants, les textes jouent un rôle crucial pour stimuler/provoquer des questions. Les textes ne doivent donc être ni trop simples/informatifs (ne laissant pas de place aux questions d’identité), ni trop abstraits (ignorant ainsi l’identité). Dans cette perspective, les facilitateurs doivent aider les élèves à développer des compétences leur permettant de rechercher des textes qui leur permettront de poser des questions authentiques dans une perspective identitaire. À cette fin, ils peuvent consulter d’autres facilitateurs issus de milieux différents et/ou investir du temps et de l’énergie dans l’examen de textes possibles. Lipman (2003) préconise une utilisation intensive des textes. Les facilitateurs doivent être sensibles au discours identitaire et contribuer à créer un large espace pour soulever des questions identitaires qui peuvent ensuite être cartographiées ou utilisées pour construire un réseau identitaire (Kizel, 2023).
Les discussions interidentitaires suscitent souvent des réactions vives, faisant remonter à la surface des sentiments et des émotions. Certains diront que cela accentue les tensions au sein de la communauté de recherche philosophique. Si cela peut sembler vrai à première vue, ces discussions réduisent en fait les tensions, permettant aux membres d’être véritablement, pleinement et authentiquement présents. Les facilitateurs qui empruntent cette voie favorisent un sentiment d’appartenance à un « village ouvert » plutôt qu’à une multitude de maisons distinctes. Les facilitateurs qui encouragent la discussion dialectique renforcent les membres de la communauté philosophique, la résilience allant généralement de pair avec l’empathie et le souci des autres. Son absence est donc en fait l’expression d’un égoïsme personnel ou collectif découlant du narcissisme, du manque de compassion, d’attention, d’empathie et de considération pour les autres. La résilience donne de l’espoir, les personnes fortes se caractérisant par la foi et la conviction que la réalité peut changer. La capacité des enfants à comprendre qu’ils ont le pouvoir d’influencer leur environnement par l’activisme découle généralement d’une résilience nourrie par une pédagogie de l’espoir, qui les amène à reconnaître le rôle qu’ils peuvent jouer dans ce changement.
La discussion philosophique peut ainsi conduire à la prise de conscience que, plutôt que d’aider les élèves à échapper à leur situation défavorisée, l’auto-oppression favorise un sentiment de victimisation et un manque de croyance en la possibilité d’un changement. Les élèves qui adhèrent à l’idée que leur destin est prédéterminé - que « c’est la vie » - sont peu susceptibles d’avoir un espoir de changement. Ils deviennent alors paralysés et développent un sentiment de culpabilité. Une discussion ouverte et attentive, qui laisse place à la diversité des identités, favorise l’émergence d’enfants capables de devenir des « agents de résilience », conscients qu’ils peuvent changer le monde dans lequel ils vivent ; même si cet espoir semble actuellement hors d’atteinte, ils ne l’abandonneront pas. Les facilitateurs doivent donc promouvoir une discussion qui permette dialectiquement leur croissance en tant qu’agents de résilience et futurs leaders agissant avec foi et espoir en l’humanité. Une discussion aussi large que possible au sein d’un réseau narratif et la reconnaissance de la richesse des identités renforcent non seulement la bienveillance, mais aussi une pensée optimiste, éclairée par une vision à long terme de l’avenir. Lorsque les enfants comprennent qu’ils peuvent s’exprimer comme ils le souhaitent – à travers leurs attitudes, leurs questions, les formes de discours qu’ils adoptent, leur couleur de peau, leur identité sexuelle ou celle de leurs parents, leur milieu socio-économique, leurs expressions idiosyncrasiques, etc. –, ils peuvent faire pleinement et inconditionnellement confiance aux autres. Ils peuvent également garder espoir dans la capacité de la communauté à leur faire confiance, à s’appuyer sur eux et à collaborer avec eux.
L’optimisme peut contribuer à la pensée critique en améliorant les critères, en exigeant des penseurs qu’ils manifestent une certaine espérance ou une pensée optimiste à propos d’un sujet. La pensée critique peut également renforcer la pensée optimiste en déterminant quels objectifs sont possibles et lesquels sont simplement probables. La pensée optimiste au sein des communautés philosophiques d’enquête s’oppose à l’hégémonie politique, sociale et économique, qui sont toutes régies par le principe « diviser pour régner », cherchant ainsi à imposer une ségrégation oppressive et/ou raciste aux individus et aux groupes afin de les empêcher d’accéder au pouvoir et de se soutenir mutuellement. Si la discussion collective est inclusive et développe l’espoir et la résilience, elle peut servir de pont entre les identités. Les CRP devraient promouvoir cette solidarité en débattant ouvertement et non de manière exclusive des positions et des sensibilités. À ce stade, les facilitateurs devraient éviter de prêcher ou d’être trop optimistes dans la création d’une vision de l’avenir souhaité. En s’adaptant à l’identité narrative à laquelle ils sont confrontés, ils doivent s’efforcer de ne pas brouiller les identités dans le but de créer une image idyllique. Ils doivent veiller à ce que les membres de la communauté s’engagent dans un dialogue marqué par la labilité et les points d’interrogation plutôt que dans un discours prônant la stabilité et les points d’exclamation.
Bien qu’il s’agisse en apparence d’un objectif indésirable visant à rendre les identités présentes et à renforcer la solidarité, un espace caractérisé par des points d’interrogation laisse place au changement. Ce n’est qu’ici que les enfants peuvent percevoir des possibilités et s’ouvrir à de nouvelles attitudes, en gardant l’espoir de pouvoir changer la réalité. Dans un tel espace, ils peuvent « marcher sans avoir les deux pieds sur terre », garantissant ainsi le progrès. Comment faire en sorte que la labilité renforce l’espoir et la résilience ? Je pense que c’est précisément à travers la critique que les élèves expriment dans leurs questions et leurs discussions, à travers une critique de la réalité et la remise en question de l’évidence et du connu. Dans un tel espace, les élèves peuvent oser remettre en question nos zones de confort et nos sensibilités. Ce n’est qu’ainsi qu’ils peuvent apprendre à sortir des sentiers battus et à remettre en question les conventions, une activité qui renforce leur pensée créative et leur donne la liberté d’exprimer leur identité.
Les facilitateurs peuvent permettre la création d’un espace régi non seulement par le hasard et le destin, mais aussi par l’espoir et la croyance en le changement, offrant ainsi aux jeunes membres de la communauté un éventail d’options et de modes d’action. Le discours dans lequel ils s’engagent ici les renforce plutôt que de restreindre leur identité, leur donnant le pouvoir en tant que groupe ayant foi et espoir en sa capacité à influencer la réalité. La discussion philosophique peut créer un espace propice à la prise de responsabilité, au débat sur les tâches à accomplir et à la motivation nécessaire pour s’attaquer aux maux de la société. Elle peut aider les élèves à comprendre qu’ils peuvent avancer ensemble à pas mesurés plutôt que de s’isoler dans des ghettos identitaires.
- Bauman, Zygmunt. (2000). Liquid Modernity. Malden: Blackwell.
- Freire, Paulo (1970). Pedagogy of the Oppressed. New York: Herder & Herder.
- Gur-Ze’ev, Ilan (2004). Towards Diasporic Education: Multi-culturalism, Post-colonialism and Counter Education in a Post-modern Era. Tel Aviv: Resling (Hebrew).
- Gur-Ze’ev, Ilan (2010). Diasporic Philosophy and Counter-education. Rotterdam: Sense.
- Kennedy, Nadia, & David Kennedy (2011). Community of Philosophical Inquiry as a Discursive Structure, and its Role in School Curriculum Design, Journal of Philosophy of Education, 45 (2): 265–283.
- Kizel, Arie. (2023). Philosophy, Inquiry and Children: Community of Thinkers in Education. Berlin: LIT Verlag.
- Kizel, Arie. (2024). Enabling Students’ Voices and Identities: Philosophical Inquiry in a Time of Discord. Lanham, Maryland: Lexington Books
- Lyotard, Jean-François (1984). The Postmodern Condition: A Report on Knowledge, Manchester: Manchester University Press.
- Michaud, Olivier (2020). What Kind of Citizen is Philosophy for Children Educating? What Kind of Citizen Should it be Educating? Philosophical Inquiry in Education, 27(1): 31–45.
- Pollock, Mica (Ed.) (2008). Everyday Antiracism: Getting Real About Race in School. New York: The New Press.