Revue

Le Centre d'étude de philosophies et d'enfances de l'Université de l'État de Rio de Janeiro (NEFI/UERJ)

réinventer une idée au sein de la communauté

Ce texte présente le Centre d’Étude de Philosophies et d’Enfances (NEFI), un groupe de l’Université d’État de Rio de Janeiro (UERJ) de plus de 20 ans d’expérience, centré sur l’intersection entre éducation, philosophie et enfance. Inspiré par la philosophie pour enfants, il promeut une pratique critique et inventive de l’éducation philosophique et infantine. Le groupe se caractérise par un environnement de recherche collective, où chacun a voix au chapitre et est traité sur un pied d’égalité. Il adopte cinq principes : (se) questionner, s’écouter, se présenter, égaler et errar, favorisant ainsi l’expérience d’une philosophie rêveuse et porteuse d’espoir pour de nouveaux mondes.

Donner naissance à une idée/une tentative

Nous nous efforçons dans cet écrit de faire ressortir l’inspiration de la vie que Matthew Lipman réverbère. Sa tentative audacieuse et pionnière de promouvoir des transformations pédagogiques entre adultes et enfants par le biais de la philosophie est devenue un mouvement mondialement connu et reconnu : la Philosophie pour Enfants. Créé à l’Institut pour le développement de la philosophie pour enfants (IAPC), avec Ann Margaret Sharp, il a donné naissance à une perspective éducative pour l’enseignement de la pensée critique, créative et éthique.

Dans son autobiographie, dès le titre, Matthew Lipman (2023) nous donne des indices sur la façon dont il a perçu sa vie et son métier : une vie à enseigner la pensée. Dans les années 1960, Lipman, préoccupé par l’orientation de l’éducation et le contexte politique américain, s’engage dans une “réflexion sur tout ce qui pourrait être une opportunité de transformation pédagogique”, comme il le dit, avec des “mesures incisives et transversales” (p. 120). En même temps, il se rendait compte de la capacité des enfants à penser de manière critique dès leur plus jeune âge. Dans ce contexte, la problématique renvoie à l’idée que la pensée doit être plus qu’un discours linguistique. Le fait de parier sur le pouvoir de la pensée des enfants dès leur plus jeune âge a ouvert la voie à l’héritage inspirant de Lipman. Sa tentative nous inspire pour écrire sur notre tentative, au Centre d’étude de philosophies et d’enfances (NEFI) de l’Université de l’État de Rio de Janeiro (UERJ), de former une communauté de recherche.

Ce texte se présente comme un essai entre voix, écoutes et gestes collectifs d’écriture de ce que nous avons vécu pendant plus de vingt ans d’existence et de construction de NEFI. Les dissonances, incohérences et inconsistances dénotent et connotent la tentative d’écrire ensemble, des expériences différentes d’un même Centre qui, en même temps qu’il nous rassemble, nous invite à affirmer nos perceptions, nos doutes, nos réticences et nos certitudes.

En pensant à la communauté de recherche, une invitation qui nous a été faite par nos chers amis María Teresa Suárez Vaca et Óscar Pulido Cortés, nous nous sommes retrouvés avec l’opportunité de revenir à nous-mêmes et d’écrire (Evaristo, 2017)[1] notre chemin. Une occasion de réaliser une fois de plus la trajectoire du travail philosophique et pédagogique que nous avons réalisé en tant qu’éducateurs publics au Brésil. Il n’est pas nouveau qu’un des agendas du NEFI soit de se penser lui-même.[2] Entre les livres, les articles, les conférences et les promenades, la réflexion sur ce que nous faisons, comment nous le faisons, pourquoi nous le faisons et qui nous sommes est une constante. Il est intéressant de réaliser comment cette question s’est construite au fil des ans, non pas comme une question ultime et fermée, mais comme l’acte même de penser à nous-mêmes. En ce sens, un mouvement singulier du Nucleus est en train de se constituer, parmi les membres - qui circulent - mais aussi sur les manières mêmes de faire le Nucleus. C’est à partir de ce mouvement que nous nous interrogeons : NEFI est-il une communauté de recherche ? C’est à cette question que nous voulons réfléchir.

À la recherche d’un Nucleus philosophiquement et enfantilement différent

Le Centre d’étude de philosophies et d’enfances (NEFI) est un groupe de l’Université de l’État de Rio de Janeiro (UERJ) qui a plus de vingt ans d’existence. Conçu à l’origine comme un groupe de recherche, le NEFI a émergé avec la proposition d’être un lieu de rencontre pour les personnes intéressées par la recherche sur les relations autour de l’éducation, de la philosophie et de l’enfance. Tout au long des vingt années d’existence du Centre, les réunions hebdomadaires ont donné lieu à des habitudes dont la spécificité réside dans la culture de l’étude en groupe. Pratiquement depuis ses débuts, tous les mercredis à 14 heures dans l’“Atelier Matthew Lipman Enfance et Philosophie”, salle 12.058 du Bloc F, à la Faculté d’Education de l’UERJ, Campus de Maracanã, les Néphiens se réunissent régulièrement. Parce qu’il est composé de personnes venues d’ailleurs pour étudier à l’UERJ, notamment dans le cadre du Programme de troisième cycle en éducation (PROPEd), le groupe se reconfigure de temps en temps, avec des personnes qui ont parfois un passage rapide ou une présence durable, apportant des langues, des perspectives et des parcours très différents. Cette habitude a permis de créer une manière unique de faire les choses à NEFI ; nous pourrions même nous risquer à créer une cartographie nefienne, dont la caractéristique principale consisterait à recréer en permanence des manières de composer des concepts et des relations autour de l’enfance, de l’éducation et de la philosophie. Les différentes compositions cartographiques inventées au cours de ces plus de vingt années ont donné lieu à des lectures et études diverses, à l’organisation de colloques, à des expériences de formation, à des projets de vulgarisation, à l’édition de livres, mais aussi à des voyages, des cafés, des danses et des amitiés. Il ne serait pas étonnant que, dans les vibrations de ces cartographies, le nom même du groupe, autrefois Centre d’études philosophiques de l’enfance, soit remis en question. Pourquoi une étude philosophique de l’enfance ? Qu’est-ce qu’une étude philosophique ? Pourquoi l’enfance au singulier ? Pourquoi définir au préalable le type d’étude ? Pourquoi faire de l’enfance l’“objet d’étude” ? Pourquoi un autre “Philosophie de…” ? Quels jeux de pouvoir s’enclenchent lorsqu’on veut réfléchir à une philosophie de l’enfance ou lorsqu’une étude est qualifiée de philosophique ? Que signifie une étude philosophique ? Quelles sont les implications de ce type d’étude pour les enfants ? Dans quelle mesure une étude philosophique permet-elle ou limite-t-elle l’enfance ? En fin de compte, quelles sont les frontières entre la philosophie, l’enfance et l’éducation, par quoi sont-elles définies, qui les fixe et dans quelles circonstances ?

Sous l’effet de ces questions, le groupe a décidé de changer le sens de l’acronyme NEFI. Le singulier a été pluralisé ; ce qui était un volet épistémologique est devenu un domaine d’étude qui rassemble, compose, joint. La philosophie et l’enfance, pluralisées, sont mises sur un pied d’égalité. Dans la processualité et le dynamisme propres au groupe, NEFI conserve son acronyme, mais change de sens : de Centre d’études philosophiques sur l’enfance, il devient Centre d’études de philosophies et d’enfances.

La philosophie a trouvé de nombreux noms pour ses rencontres avec les enfants, de la philosophie pour enfants de Matthew Lipman et Ann Sharp aux enfants dans la philosophie de Giuseppe Ferraro (2023).[3] Chaque fois qu’une relation entre la philosophie et les enfants est affirmée, une conception de l’enfance est présupposée. Or, l’enfance s’exprime de multiples façons. D’où le pluriel “enfances”.

Il en existe au moins deux : l’enfance majoritaire et l’enfance minoritaire (Deleuze ; Guattari, 1992). L’enfance majoritaire est pensée dans une perspective développementale et téléologique. C’est l’enfance présente, par exemple, dans les lois, les programmes et les statuts qui visent à soutenir, protéger et éduquer les minorités jusqu’à ce qu’elles atteignent l’âge adulte c’est aussi l’enfance de certains courants de la psychologie, en particulier de la psychologie du développement, qui établit des étapes dans la croissance des enfants jusqu’à ce qu’ils atteignent l’âge adulte ; c’est aussi l’enfance de certains courants de la pédagogie, qui visent à éduquer les enfants en vue de la construction d’un sujet idéal. C’est donc l’enfance d’une temporalité chronologique, entendue comme la première étape des autres dans la vie humaine. D’autre part, il y a l’enfance minoritaire (Deleuze ; Guattari, 1992), qui n’est pas nécessairement circonscrite dans une période de temps. C’est l’enfance comme expérience, comme invention du nouveau, qui peut être présente chez les enfants comme chez les adultes, qui peut être à la fois éduquée et éducatrice, selon les rencontres, les circonstances et les intensités (Kohan, 2005).

En d’autres termes, il y a l’enfance des âges, de la chronologie, du développement, des programmes, des règles éducatives et, d’autre part, l’enfance sans âge, aionique, du temps présent, l’enfance qui dure toute la vie, une bambinezza permanente (Kohan, 2021).

Dans chacune de ces enfances, d’autres s’ouvrent et se présentent, dans des temps et des espaces différents. Comme si la condition d’absence de parole, présente dans la racine étymologique du mot enfance, au lieu de faire taire, faisait résonner des balbutiements, des paroles, des discours, non seulement sur, mais aussi avec et par les enfances, les expressions de l’enfance. La philosophie affirmée à NEFI n’est pas une et transcendantale, car elle ne prétend pas parler de la vérité et de la connaissance d’un point de vue unique et prétendument impartial ; ce n’est pas non plus une philosophie dialectique, car elle ne cherche pas à atténuer les dissensions, à dépasser certains concepts ou à promouvoir des synthèses unifiantes et totalisantes. Au contraire, mise en jeu avec les enfants dans un exercice d’étude, la philosophie à NEFI est plurielle, car il s’agit davantage d’affirmer des modes efficaces de rapport au savoir et moins d’aboutir à une proposition irréfutable ou à une vérité prétendument absolue : les philosophies se manifestent dans l’exercice même de poser et de s’interroger avec d’autres.[4] Des philosophies qui visent à créer des problèmes, à inventer des relations uniques entre des concepts et des vies, entre le possible comme projetable et réalisable et le possible comme établissement de l’impossible (Deleuze, 2009). Il ne s’agit donc pas seulement de penser la multiplicité des manières de faire et de penser la philosophie. Il s’agit surtout d’interroger les prémisses et les significations que nous avons lorsque nous pratiquons la philosophie en tant qu’enfants, lorsque nous pensons l’enfance de manière problématisante, lorsque nous faisons l’expérience de l’éducation et des relations multiples entre les trois domaines. Il ne s’agit pas nécessairement de concevoir la philosophie comme un savoir spécifique, destiné à parler de quelque chose, mais comme un exercice de pensée, une manière d’entrer en relation avec les choses et les êtres du monde, un geste de suspension du savoir et de désacralisation des vérités que nous habitons pour rêver d’autres vérités et d’autres mondes.

Parmi les philosophies et les enfances, le mot “étude” reste dans le nom du groupe. L’étude se dit de plusieurs façons, d’où le mot “études”. On peut étudier des thèmes et des auteurs différents ; on peut étudier seul ou collectivement. On peut étudier avec des livres, des revues académiques, des photographies, des discours d’enfants, d’enseignants, de cuisiniers d’une école publique à la périphérie de la ville. Vous pouvez étudier en faisant des erreurs, à la fois dans le sens de faire une erreur et dans le sens de vous déplacer, d’errer, de marcher, d’errer dans une ville comme Rio de Janeiro, sans destination. On peut étudier d’innombrables autres façons.

Ce qui est commun à toutes ces manières, c’est la capacité de l’acte d’étudier à établir un temps très spécifique, distinct du temps quotidien ; un " temps libre ", suspendu, présent dont les principales conditions, effets et significations consistent à suspendre les relations avec l’ordre social, les obligations professionnelles et les attentes familiales, afin de rendre le monde disponible à ceux qui, ensemble, visent à penser, réfléchir et s’enquérir du monde (Masschelein; Simons, 2008). Temps démocratique par excellence, qui rassemble les personnes dans un même espace et un même temps, quelles que soient leurs origines, les plaçant sur un pied d’égalité, leur offrant le monde à étudier, le “temps libre” est aussi l’une des traductions du terme grec pour l’école, skholé, en portugais.

Curieusement, le seul élément qui est resté au singulier lors du changement de nom est le terme “centre”. Bien qu’il y ait des enfances différentes, des philosophies multiples et des types d’études différents, il a été décidé de continuer à utiliser le terme “centre” (núcleo, en portugais). Le centre-noyau semble être une sorte de lien, mais aussi un élan, capable de permettre la création de nouvelles possibilités. Tout le monde se tourne vers lui, les gens s’y rencontrent. Il colle ensemble, agglutine, compose, rassemble, amalgame, relie, traverse. Des étudiants de premier cycle y rencontrent des étudiants de deuxième cycle, des étudiants en éducation de base y rencontrent des étudiants de troisième cycle, des enfants y parlent à des adultes ; de nombreux étrangers y passent aussi constamment, recevant un type d’hospitalité qui abandonne le pouvoir de la langue locale au profit d’une rencontre radicalement autre, dans une expérience presque semblable à celle de Babel. Des personnes originaires d’Argentine, du Chili, de Colombie, du Mexique, du Pérou, de l’Uruguay, du Venezuela, du Canada, des États-Unis, d’Afrique du Sud, du Mozambique, d’Allemagne, d’Autriche, de Belgique, d’Espagne, de France, du Pays de Galles, de Hollande, d’Angleterre, d’Italie, de Lituanie, du Portugal, d’Inde, du Japon et de toutes les régions du Brésil sont passées par le NEFI. Ils viennent et restent ; ils viennent et repartent ; ils viennent et repartent et reviennent ; beaucoup de ces personnes ne parlent même pas portugais ; beaucoup ne partagent pas les mêmes lectures, les mêmes idées ou les mêmes principes que le groupe. Chaque semaine, au même endroit, à la même heure, NEFI semble créer une sorte d’habitude de rencontre dans laquelle l’exercice de l’étude est cultivé collectivement. Si la langue n’est pas la condition première de la rencontre, si les lectures communes ne sont pas la condition de possibilité du dialogue, si les prémisses individuelles ne sont pas le critère de participation, c’est parce que c’est l’exercice de l’étude que d’aller au-delà du connu, au-delà de l’établi et au-delà de soi dans la rencontre que cette ouverture peut provoquer.

Ce que fait NEFI est très similaire à ce que fait une école (publique) : rassembler des personnes, indépendamment de leur classe sociale, de leur milieu familial, de leur lieu de naissance ou de la langue qu’elles parlent, pour étudier, réfléchir et poser des questions sur le monde. En même temps, il ressemble aussi à une “école de samba”, dans le sens d’un espace ouvert accueillant des personnes qui se rencontrent pour danser en cercle et célébrer la vie.

Selon Masschelein et Simons (2013, p.29) :

L’école (…) apparaît comme la matérialisation concrète et la spatialisation du temps qui sépare ou retire littéralement les élèves de l’ordre social et économique (inégal) (l’ordre de la famille, mais aussi l’ordre de la société dans son ensemble) pour les faire entrer dans le luxe du temps égalitaire. (…) L’école offre le format (c’est-à-dire la composition particulière de temps, d’espace et de matière qui la constitue) d’un temps libéré, et ceux qui l’habitent transcendent littéralement l’ordre social (économique et politique) et les positions (inégales) qui y sont associées

D’autre part, ce que fait NEFI pourrait également s’inscrire dans le paradigme d’une "communauté de recherche ", entendue comme un groupe de personnes désireuses de réfléchir à quelque chose et d’exercer, collectivement et de manière dialogique, une sorte de réflexion curieuse sur ce qui est pensé et sur ce qui est pensé à propos de ce qui est pensé ; comme le disent Kennedy et Kennedy (2011), une communauté de recherche est un idéal de la praxis scolaire.

NEFI en tant que communauté de recherche

Marquée par l’autocorrection, la recherche communautaire devient un processus social et collectif qui met en perspective la pensée par une relation pendulaire entre le personnel et le commun, qui vise à dépasser les préjugés et les préceptes personnalisés en construisant des dialogues où les participants se parlent, s’écoutent et s’interrogent (Lipman, 1990).[5] Ce processus vise non seulement à respecter chacun des membres, mais aussi à ménager les idées et les concepts, dans le cadre d’une pratique réflexive à la fois généalogique et générative. En d’autres termes, nous recherchons la racine du concept, l’origine de l’idée, l’historicité du problème, tout en affirmant une relation active et créative avec les concepts, les idées et les problèmes. Kennedy suggère que la pratique régulière d’une communauté de recherche philosophique est essentielle pour problématiser les concepts avec lesquels nous vivons afin de les reconstruire de manière continue et permanente (Kennedy, 2023).

En ce sens, bien que la recherche scientifique tende à être, en règle générale, la plus utilisée dans les pratiques éducatives, la communauté de recherche philosophique, dont les origines remontent aux années 1970 avec la création du programme Philosophy for Children par Matthew Lipman et Ann Sharp (Lipman, 2023), ne se limite pas à la méthodologie scientifique ; au contraire, elle vise également à englober la recherche artistique, professionnelle et philosophique, en partant du principe que le contact avec les différents modes de recherche et les différents domaines de la connaissance est nécessaire dans le processus d’éducation.

En proposant la présence de la philosophie dans l’éducation de base et en préconisant que les enfants soient capables de faire de la philosophie, Lipman a envisagé la possibilité que la classe devienne une communauté de recherche philosophique. En d’autres termes, il s’est efforcé de créer une " communauté réflexive qui réfléchit aux disciplines relatives au monde et à ses réflexions sur le monde " (Lipman, 1990, p. 37).

Parallèlement à la création de la Communauté de recherche, Lipman et sa collaboratrice Ann Sharp ont développé leur propre curriculum avec une méthodologie spécifique, établissant un nouveau champ de connaissances, à savoir la philosophie pour enfants (Lipman, 2023). Il s’agit d’une préoccupation qui accorde une attention particulière à l’organisation de la pensée philosophique et à la manière dont les aptitudes et les compétences des enfants seront progressivement développées. Selon les termes de l’auteur,

Si le programme de philosophie pour enfants devait être autorisé à servir de paradigme éducatif, la manière dont il pourrait être le plus utile serait sans doute précisément de démontrer que l’acquisition de compétences et le développement deconcepts (dans ce cas, les compétences sont les capacités de raisonnement et d’investigation et les concepts sont les idées prédominantes dans l’histoire de la philosophie) peuvent s’accompagner et se renforcer mutuellement (Lipman, 1990, p.42).

Cependant, en comprenant que l’éducation devrait être conçue comme un " moyen de promouvoir la raison chez les enfants et, par conséquent, leur socialisation démocratisante “, la Philosophie pour les enfants a fini par ouvrir des espaces pour une approche concernée par les questions liées à la " moralité du comportement " et à l’” éducation des valeurs " (Kohan ; Carvalho, 2021, p.20). Ainsi, tout en reconnaissant le mérite des efforts déployés pour créer un programme de philosophie pour enfants, mais dans une perspective éducative et philosophique différente, la manière dont le Centre d’études sur la philosophie et l’enfance s’approprie le concept de communauté de recherche est assez différente de l’original, s’apparentant davantage à la perspective de philosopher avec les enfants.[6]

De la conception initiale du concept, NEFI a conservé un élément qu’il considère comme essentiel : l’hypothèse selon laquelle tous les participants sont traités sur un pied d’égalité, avec un droit égal à la parole et à l’écoute.[7] Cela signifie que dans le NEFI, comme dans la Communauté d’enquête, la différence est accueillie et l’inégalité est refusée.[8] Cela signifie également qu’en rejoignant le groupe, chacun participe à un mouvement d’écoute et de parole, dans lequel on sait qu’il y a toujours quelque chose à apprendre dans la relation dialogique, même si les gens parlent des langues différentes, font des gestes différents, ont des principes contradictoires…[9]

En tant que Communauté de recherche, dont le principe de l’éducation démocratique comme exercice de la relation est soutenu, NEFI se place aussi dans le double mouvement de penser le monde et de penser la pensée qui pense le monde. Mais il y a peut-être là une affirmation radicale de la question et de l’interrogation comme exercice pratiqué en permanence pour sa puissance philosophique et enfantine[10]. Cependant, si pour la Philosophie pour enfants il y a un programme préalable qui présuppose un curriculum bien défini, dans lequel il y a une vision spécifique de l’enfance - comme temporalité inhérente à la condition d’enfant -, de l’éducation - rationnelle et morale, dans le cadre d’une séquence conceptuelle en spirale, qui présuppose un ensemble de techniques et de procédures qui conduiraient au développement des capacités cognitives des enfants, selon chaque étape de l’éducation -, et de la philosophie - comme " penser rationnellement les valeurs " (Lipman, 1990, p.91).), pour NEFI, comme pour philosopher avec les enfants, le curriculum, s’il en a un, est situationnel et singulier, et non préalable ou normatif.[11]

En d’autres termes, si, d’un côté, Lipman considérait qu’il était essentiel d’organiser à l’avance des textes pour les enfants et des manuels pour les enseignants, en vertu d’un ensemble d’hypothèses avec des objectifs clairs et prédéterminés, NEFI s’inscrit dans la perspective de récits qui sont construits ou sélectionnés de manière procédurale, à travers des réunions de la communauté scolaire qui sont guidées par les curiosités et les intérêts des participants, qui prennent activement part à la pratique du groupe. Si les réunions soulèvent des questions, ce sont ces questions qui guideront ensuite procéduralement les choix textuels des réunions elles- mêmes. Il faut également noter que, dans le cas des réunions de formation du groupe, ces choix comprennent, outre des textes et des articles, des films, des vidéos, des pièces de théâtre, des jeux et des danses qui servent non seulement à répondre aux questions, mais aussi à les retravailler.

Il s’agit donc d’un changement par rapport à certains des postulats inhérents au programme de la Philosophie pour enfants, tels que l’existence de concepts et de vérités universels et nécessaires, la nécessité d’enseigner des questions philosophiques et la neutralité supposée du programme lui-même, pour n’en citer que quelques-uns.[12] Le rôle des enseignants dans la pratique du philosopher, les formes de formation et de préparation des enseignants au philosopher, ainsi que les significations politiques attribuées au philosopher, bougent clairement.[13]

Les infinitifs verbaux avec lesquels NEFI devient une communauté

Jusqu’à présent, nous avons affirmé que le Nucleus était la recréation d’une communauté de recherche. A cette fin, nous avons évoqué certaines des lignes directrices utilisées par Lipman et Ann Sharp pour construire le concept, en soulignant en particulier la nature dialogique de la communauté. Tout au long de la rédaction, nous avons cependant souligné certaines distinctions issues de lectures respectueuses mais critiques du programme de Philosophie pour enfants, et montré comment ces lectures, en provoquant des déplacements par rapport à la proposition originale, ont ouvert un espace pour ce que nous appelons ici philosopher avec les enfants ou entre les philosophies et les enfants.

En attendant, nous trouvons le travail du Centre beaucoup plus proche des glissements que de l’idée de départ. Bien que certains aspects de cette idée soient maintenus, comme la nature dialogique des pratiques, nous avons noté que NEFI s’oppose, pour ne citer que quelques exemples, au curriculum prescrit, aux manuels de conduite de l’expérience et à la centralité et à la “neutralité” de la figure de l’enseignant (ou, comme on l’appelle en philosophie pour enfants, du facilitateur, termes qui font encore l’objet d’une certaine controverse dans le domaine). Il est donc temps de réfléchir aux principes sur lesquels repose le NEFI et à la manière dont ces principes, ensemble, bien que différents des principes d’origine, peuvent continuer à être configurés dans le cadre du travail communautaire.

Nous avons provisoirement mis en évidence cinq principes : demander, écouter, être present, égaliser et errar[14]. Il pourrait y en avoir plus. Ou moins. Quoi qu’il en soit, ces principes constituent une manière pour NEFI de se vivre et de se penser dans le présent. Notez les formes verbales infinitives comme une manière d’exprimer un mouvement, un être en chemin, dans un double mouvement d’implication dans les questions et à propos des questions. Il faut aussi comprendre que nous avons préféré garder la communauté mais laisser l’enquête à la nature limitative de ce concept. Nous préférons ne pas le remplacer par un autre afin de laisser la communauté plus ouverte à l’éducation philosophique et enfantine.

Demandez-vous

Si, pour Lyotard (1987), la question est l’enfance de la pensée, pour NEFI l’acte de demander s’apparente à enfanter la pensée. Nous tentons de conjuguer ce verbe comme une ouverture pour penser l’impensé dans ce qu’il connote et dénote : entre l’impensé et l’impossible. Dans nos actions, nous cherchons à générer des conditions de rencontres avec des questionnements, dans la mesure où les rencontres se forment à partir d’intérêts communs, elles peuvent aussi interroger ce qui nous constitue et qui n’est pas forcément apparu comme une question, mais qui, dans le dialogue, entre l’écoute et la parole à/avec l’autre, peut faire naître une autre question. Le fait d’être en groupe peut créer des conditions pour partager et trouver, parfois de manière inattendue, ce à quoi on n’a pas encore pensé. Poser des questions est une caractéristique NEFIenne qui trouve/reconnaît dans la problématisation de l’éducation de Paulo Freire (2018) une manière de lutter contre une éducation bancaire qui favorise la passivité, l’absence de questionnement et reproduit un mode de vie qui subordonne et précarise la vie de beaucoup au détriment de la richesse de quelques-uns. Face aux manuels et aux fiches pédagogiques, apprendre à poser des questions est un acte de résistance. En tant que manière d’habiter un espace éducatif, poser des questions ouvre les portes pour une pédagogie de la question (Faundez ; Freire, 2014 ; Kohan, 2021).

C’est pourquoi “demander” vient en premier : pour encourager les nouveaux départs, pour susciter d’autres voies, d’autres voyages. Peut-être pourrions-nous poser la question suivante : comment savons-nous que nous prenons un nouveau départ ? Comment savons-nous que nous commençons réellement quelque chose ? Qui définit un début ? Qu’est-ce qui garantit que le commencement est réellement un commencement de joie, de beauté et d’amour ? Et s’il ne s’agit pas d’un début, mais d’un recommencement, est-ce que quelque chose change ? Et si les changements ne sont rien d’autre qu’une continuation d’un autre point de vue ? Mais qui peut garantir qu’il s’agit d’une continuation ? Et qui sait ce qu’est l’autre point de vue ? Nous ne savons pas et nous ne pouvons répondre à aucune de ces questions. Et peut-être que cela n’a pas vraiment d’importance. D’où la priorité de la question sur la réponse : la question déplace nos certitudes, décentre nos vérités et nous incite à créer des significations (Deleuze, 2010).

Nous avons mis la forme réflexive du verbe entre parenthèses pour souligner que demander n’est pas seulement un acte de l’intérieur vers l’extérieur, mais aussi de l’extérieur vers l’intérieur. Il est important de faire la différence entre les questions, les demandes et les interrogations. Les trois sont importants. Cependant, il n’y a que peu d’intérêt à poser de grandes questions si elles n’affectent pas notre présence dans le monde, si nous restons inertes face à l’exercice de problématisation que la question rend possible. De la même manière, poser des questions, tant individuelles que collectives, acquiert une force et un pouvoir philosophiques lorsqu’il se retourne contre la subjectivité même qui pose la question : après tout, il s’agirait de s’interroger sur la manière dont nous habitons le monde afin d’espérer et de rêver à d’autres manières que cette interrogation commence à faire exister.

écouter

Pour poser des questions, créer du sens, créer des changements, il faut écouter. L’écoute peut être comprise ici comme une manière attentionnelle de se rapporter à ce que, où et avec qui nous pensons. Nous écoutons les questions, mais aussi les mélodies ; nous écoutons les discours, mais aussi les silences, les voix et les corps. En bref : écouter, c’est prêter attention au monde.

En même temps, l’écoute exige aussi de s’écouter soi-même. Écouter l’autre, c’est se placer dans une position d’ouverture à ce qu’il a à dire et, en même temps, permettre à cette écoute de faire écho en nous. En tant qu’expérience qui nous fait sortir de nous-mêmes, l’écoute semble paradoxalement nous sortir de nos certitudes, nous déplacer de nos sécurités, nous disloquer de nos savoirs, de nos pratiques, de nos habitudes. Qu’est-ce qui, en nous sortant de nous-mêmes, nous ramène paradoxalement à nous-mêmes ? Quelles significations pouvons-nous créer avec l’autre à travers l’écoute ? Quelles questions résonnent en nous lorsque nous écoutons l’autre ? Quelle différence entretenons-nous et comment, avec ces différences, composons-nous de nouveaux territoires, créons-nous de nouvelles cartes, définissons-nous d’autres frontières ? L’écoute naît de l’amitié et la philosophie est une forme d’amitié. Il existe donc une relation profonde entre philosopher et écouter. Le fait d’être avec d’autres en philosophie nous permet d’offrir une sorte d’écoute que Giuseppe Ferraro décrit magnifiquement :

Un véritable ami n’est pas celui qui t’écoute, mais celui qui te donne l’ecoute. C’est celui qui, en t’écoutant, te fait écouter ce que tu ressens à l’intérieur, en te le disant. Qui te libère dans son lien. Qui te fait don de toi-même" (Ferraro, 2023, p. 155).

Nous offrons une écoute qui nous permet de nous sentir à l’intérieur, dit Giuseppe. Ainsi, en faisant de la philosophie, nous offrons une forme d’écoute qui nous permet de nous entendre nous-mêmes et de nous libérer de ce que nous sommes, de ce qui nous lie. C’est en ce sens que le NEFI est une école de l’écoute, si l’on entend par école une ouverture partagée au monde, qui provoque une expérience capable de suspendre le temps chronologique et d’établir un temps de l’écoute dans lequel nous pouvons profaner les vérités établies, à partir d’un mouvement qui nous amène à l’extérieur de nous-mêmes :

C’est l’événement magique de l’école, le movere - le vrai mouvement - qui ne doit pas être ramené à une décision individuelle, à un choix ou à une motivation. Si la motivation est une sorte d’affaire personnelle, mentale, l’intérêt est toujours quelque chose qui nous fait sortir de nous-mêmes, qui nous pousse à étudier, à penser, à pratiquer. Il nous lave de nous-mêmes. L’école devient un temps/espace d’interintérêt - de ce qui est partagé entre nous, le monde lui-même (Masschelein ; Simons, 2013, p.52).

Il s’agit en effet d’une relation unique entre l’école et les processus de subjectivation : l’école n’est pas, comme on le pense communément dans une perspective institutionnalisée, un lieu de formation des sujets, de configuration des types psychosociaux, mais plutôt un temps d’expérimentation avec soi-même, avec les autres. Lorsque ce temps suspendu est traversé par le questionnement et l’écoute, il y a des ouvertures pour les parcours pédagogiques et philosophiques des enfants, pour ce que Daniel Gaivota appellerait l’invisible de l’école, ce champ de forces et ce territoire qui résiste à l’impératif de visibilité (Gaivota, 2024). Cela signifie que faire l’école, c’est aussi ouvrir des brèches pour que les écoliers puissent, dans leur rapport au monde, et collectivement, expérimenter d’autres manières de résister aux formes dominantes de gouvernementalité pour pouvoir penser(-se) et être au monde autrement ; c’est aussi permettre aux écoliers de mettre le monde en question et de rêver à d’autres mondes.

Être présent

Presentarse est un mot étranger ou mal orthographié. En portugais, on dirait “apresentar-se”. Avec la forme étrangère, nous voulons rendre plus claire l’importance du présent dans la vie de NEFI.

La récente citation de Giuseppe dans la section précédente se terminait en disant que l’ami qui vous propose de vous écouter vous fait un don de lui-même. Écouter, c’est se rendre présent au triple sens du terme : a) d’un temps suspendu, car le chronos n’a que deux parties, le passé et le futur, tandis que le présent (le “maintenant”) n’est qu’une limite, une charnière, une frontière ; il faut donc vivre le temps de manière non chronologique pour habiter le présent ; b) d’une présence, d’un corps, d’un geste, qui est présent dans le présent ; c) de quelque chose qui est offert gratuitement, comme une friandise, sans rien attendre en retour, par le simple fait de se donner à l’autre. C’est cette triple présence que la manière de faire l’école de NEFI nous invite à habiter. Si l’interrogation et l’écoute naissent de la rencontre avec et dans le monde, elles présupposent cette triple forme de présence qui, d’une certaine manière, génère les conditions d’une présence qui se déploie dans la puissance philosophique et enfantine de la rencontre pédagogique.

Être présent semble proche d’une expérience aionique du temps, qui à son tour semble très proche de la relation de l’enfant avec le monde. Aion est le temps de l’enfant qui joue (cf. Héraclite, fr. 52), rit du sérieux, oublie le passé et le futur, étant tout présent, pure présence ; temps de l’intensité de la relation, du jeu sérieux, de l’oubli de l’horloge, des obligations, des normes ; temps de la présence en tant que présent, qui invite à une écoute attentive, à partir de laquelle le questionnement collectif ouvre une espérance sensible pour des rêves impossibles (Kohan, 2022).

Il s’agit de faire l’expérience d’une temporalité qui, en suspendant la relation avec le passé et le futur, nous ouvre un espace pour nous relier aux mondes et aux vies qui émergent dans la rencontre, sans conditions découlant d’une quelconque détermination, sans projections ou attentes à l’avance, sans trop nous préoccuper de nos intentions. Sans intention, mais avec attention : l’important n’est pas de savoir où nous allons, mais comment nous y allons.

Si demander nous amène à nous dépouiller de nos connaissances et de nos valeurs, si écouter nous amène à nous ouvrir à ce que nous ne pouvons pas prévoir et, ce faisant, à nous écouter nous-mêmes, être présent nous amène à affirmer la rencontre plus que son déroulement, ce qui ressort de l’écoute plus que l’objectif que nous avons avant même d’arriver à la rencontre, les questions plus que les réponses.

Cependant, être présent peut ne pas être une condition très simple pour les adultes qui sont tellement ancrés dans le temps chronologique, ajustés à l’idée que les débuts existent pour une fin et que les actions présupposent nécessairement des intentions. Les adultes qui vivent une vie d’adulte ont tendance à vivre immergés dans les " mondes intentionnels d’une culture " (Ingold, 2015), c’est-à-dire dans un ensemble de règles et de représentations qui conduisent à la fermeture, sous l’idée fausse qu’il existe un contrôle cognitif du sujet qui peut non seulement les protéger, mais aussi les guider.

" Il nous semble que le mouvement d’une vie humaine - peut-être en contraste avec la vie des animaux non humains - " et nous ajouterions en contraste avec l’enfance - " est temporellement allongé ", car il semble que nous soyons, par habitude, " constitutionnellement en avance sur nous-mêmes ", dit Tim Ingold (2015, p.32). Cette perception s’avère cependant souvent erronée, car nous sommes constamment confrontés par la vie à des situations inattendues, à des choses inconnues et à des questions inhabituelles. Être dans le présent, dans cet interstice entre le passé et le futur, nous expose à ce qui se passe (Masschelein, Simons, 2013), et en ce sens, cela signifie être ouvert et disponible pour sortir de soi - exposition - comme un geste éducatif.

Telle est l’invitation de NEFI - qui est, après tout, l’invitation de l’école (publique) : prendre le temps d’être présent, de prêter attention au monde partagé.

égaliser

S’égaliser est une action de départ, un point de départ, relatif aux conditions d’une rencontre telle que celle proposée par NEFI. Pour ce faire, NEFI nous invite à nous défaire de la manière inégalitaire dont la société, en règle générale, nous fait penser notre relation aux autres et à nous-mêmes. Il nous invite surtout à nous défaire des paramètres traditionnels de l’académie, qui distinguent les personnes en fonction de leur domaine de connaissance, de leur âge, de leur niveau académique, de leur catégorie, de leur programme d’études, etc. En fin de compte, l’invitation est à se déshabiller soi-même.

Comme nous l’avons déjà souligné dans la section “A la recherche d’un NEFI pluriel”, le Centre ne fait pas de distinction d’âge, d’éducation ou d’origine, ni même de langue, de culture ou d’appartenance pédagogique et/ou philosophique,

dans la pensée, il n’y a personne au-dessus ou au-dessous de personne. Personne. Nous avons tous la même capacité de penser, indépendamment de l’âge, du sexe, de la classe sociale, de l’appartenance ethnique, du quotient intellectuel, etc. La conséquence immédiate de ce principe est que personne ne peut penser à la place d’un autre ou parler à la place d’un autre. Personne ne peut dire qu’il pense au-dessus de l’autre parce que s’il le disait, dans le même geste, il montrerait qu’en réalité il est en dessous et qu’il a besoin de se mettre sur un pied d’égalité pour pouvoir vraiment penser avec l’autre, et non pour l’autre ou par l’autre. Ainsi, l’égalité, l’horizontalité, sont des manières d’affirmer un espace dans lequel nous pouvons tous réellement réfléchir, face à face, à ce que nous avons fait de nous-mêmes et à ce que nous pouvons en faire (Salas ; Kohan, 2012, p. 162).

À l’Atelier « Matthew Lipman. Enfance et Philosophie », UERJ campus Maracanã, tous les mercredis à 14h, l’invitation est faite à chaque participant d’être un de plus, sans être n’importe qui. En d’autres termes, l’invitation est faite à chacun d’être présent, d’écouter et de poser des questions enfantines, sans faire de différence entre les docteurs et les étudiants, les locaux et les étrangers. C’est le propre de l’égalité comme principe, par opposition à l’égalité comme but (Rancière, 2010), que de faire une place à chacun, sans pour autant homogénéiser les différences inhérentes à un groupe aussi divers que les NEFI. En ce sens, nous recherchons un " exercice permanent de la pensée qui questionne les significations créées et crée des possibilités pour l’émergence d’autres " (Kohan, Olarieta, Wozniak, 2012, p.169). Bien que nous n’ayons aucun désir d’enseigner ou de former qui que ce soit à une supposte méthodologie NEFI - et que nous ne soyons pas non plus intéressés par la fermeture d’une méthodologie - celle-ci tourne elle-même autour du fait d’être repensée, elle est constamment suspendue parce que nous affirmons la pensée avec nos vies, elle est donc vivante.

L’égalité, comme l’hospitalité, nous permet d’être ouverts à l’accueil de toute personne qui veut penser, poser des questions, écouter, parler et dialoguer avec nous au sujet de l’éducation publique. L’hospitalité, qui constitue ce principe d’égalité, s’inspire du sens que lui donne Derrida (Derrida ; Dufourmantelle, 2003). Bien qu’il s’agisse d’un concept complexe et multiforme, nous n’avons pas l’intention de le réduire, mais plutôt de nous en inspirer. Pour Derrida (Derrida ; Dufourmantelle, 2003), l’hospitalité inconditionnelle est un idéal éthique et pose donc une difficulté par rapport à son contraire, l’hospitalité conditionnelle, car la pratique de l’hospitalité implique toujours un certain degré d’exclusion ou de contrôle. Le dilemme indissoluble de l’hospitalité nous incite à mettre constamment l’accent sur notre ouverture à l’accueil et à la réception de ceux qui arrivent, sur nos implications éthiques dans les relations que nous établissons et entretenons, car, comme nous l’avons déjà dit, il y a une dimension de transformation de soi, et donc une implication de la vie dans l’étude, ou de la vie dans l’éducation. L’hospitalité nous aide à reconnaître nos contours tout en nous poussant à nous arrêter, encore et encore, pour réfléchir à la manière dont nous voulons et pouvons nous ouvrir à l’accueil de l’autre. Un exemple en est la transformation majeure que des colloque international sur la philosophie et l’éducation (CIFE) a subie au cours des dernières éditions (filoduc.org/12cife).

Il s’agit avant tout d’un principe politique qui refuse les hiérarchies et les catégorisations, considérant chaque être humain comme également capable d’apprendre, quel qu’il soit, au-delà des classes sociales, des âges, des sexes, des races et des équipes de football.

errar

Le dernier précepte pourrait sans doute être le premier : errar, au double sens de faire une erreur et de voyager sans destination anticipée. C’est l’héritage de Rodríguez, dans son “nous inventons ou nous errons” (Rodríguez, 2016). Errância, du latin errantis, est dérivé de l’infinitif errare, qui signifie erreur ou malentendu, et du suffixe -ante, qui est un participe présent utilisé pour indiquer une action, pour désigner un gérondif. Ainsi, nous pouvons dire que l’errance comme manière de rencontrer le NEFI est une sorte d’éloge non seulement du mouvement, mais aussi de l’invention : toute erreur est généralement pensée en termes de vérité, tout malentendu est pensé à partir de quelque chose qui va de soi. Cependant, si nous déplaçons la vérité et abandonnons le besoin de certitude - souvent comprise comme immuable- nous changeons de perspective.

C’est l’exercice habituel du pouvoir de sédentariser, d’immobiliser, de stagner, de catégoriser, etc. afin d’exercer des forces de domination. Comme l’affirme Maffesoli (2004, p.24) :

"La régulation du trafic, la bonne gestion des dysfonctionnements ou des accidents qu’il ne manque jamais d’induire, reste la préoccupation essentielle du pouvoir depuis l’Antiquité. Et que ce soit d’un point de vue individuel ou social, du mythe d’Œdipe (avec les conséquences que l’on sait) aux vagabonds contemporains, le pouvoir cherche à faire en sorte que tout se passe bien, c’est-à-dire que tout soit bien canalisé et que rien ne dérape.

D’autre part, c’est aussi le propre de la vie, de toute vie, que d’avoir une pulsion d’errance (Maffesoli, 2004), même si nous voyons l’installation, la solidité et la sédentarisation comme la destination finale de toutes les sociétés. Ou même comme le but ultime des études, comme si nous tendions à mettre nos efforts au service d’une fin : la fin d’une licence, d’un master, d’un doctorat, d’un concours ; chaque étape couronnée par un diplôme spécifique, attestant de la fin d’un cycle, ou même l’incorporation dans une institution, ce qui signifie, dans tous ces cas, la sédentarisation de la connaissance.

Dans cette errance, nous nous interrogeons sur la généalogie de la vérité et sur les lieux de pouvoir occupés par ce qui est établi comme certain, en revenant une fois de plus au premier principe néphite : demander. L’errance est généralement disqualifiée comme le fait de voyager sans direction ou sans connaître la destination du voyage. Pour NEFI, c’est précisément sa force : notre errance exige la connaissance : ne pas connaître la destination du voyage, parce que nous croyons qu’un voyage pédagogique est tel lorsque les significations du chemin ne sont pas fixées à l’avance, mais sont ouvertes au questionnement et à l’écoute, dans lesquels les significations émergeront de l’attention collective au cours du voyage. Il s’agit d’une tentative de rompre avec la logique du lieu sûr de la certitude, de ce qui est certain, et du fait qu’il y a un bon endroit où arriver ou à atteindre, en ouvrant l’espace pour accueillir l’errance, en marchant attentivement le long du chemin. On pourrait donc parler d’errance philosophique ou philosophique, inspirée par l’extraordinaire tradition des enseignants errants d’Amérique latine, dont Paulo Freire et Simón Rodríguez ne sont que deux exemples.

Considérations finales

À l’occasion du 100e anniversaire de la naissance de Matthew Lipman, dont l’œuvre a inspiré la publication en espagnol et en portugais de son autobiographie, A Life Teaching Thinking[15] , NEFI a été ravi de écrire sur notre histoire. Nous avons écrit sur notre parcours dans la création de NEFI - dans le groupe et en tant que groupe - pour tenter de trouver les sens et les significations, même s’ils sont transitoires et temporaires, de nos efforts éducatifs et philosophiques collectifs en faveur de l’éducation publique.

Puisque toute histoire est racontée d’un point de vue, et que toute histoire est le récit d’une trajectoire, l’invitation que nous avons reçue a été l’occasion pour NEFI d’expérimenter une réflexion sur lui-même, tout en (re)créant ses significations. En effet, nous ne sommes que trois membres du groupe à exprimer ici notre voix, nécessairement partielle, incomplète et provisoire. Tim Ingold (2015) nous offre une belle image pour penser cette ligne d’écriture avec laquelle nous nous sommes inscrits ici : l’idée du texte comme quelque chose de tissé, en l’occurrence de brodé. Peut-être que l’écriture que nous avons rencontrée ici n’était pas celle qui génère un fil qui court sur la surface de la feuille, comme ce serait le cas avec un stylo sur du papier, mais comme un fil et une aiguille qui courent sur une surface - elle aussi tissée (tissu) - cherchant sa perméabilité entre des voix et des mots qui partagent et cherchent à tracer une écriture. Le fil à broder est formé par le fil et est déjà filé, sa trame est tissée sur le fuseau, qui tresse les fibres libres et fait apparaître un fil… une ligne. Ingold (2015, p. 281) dit " […] alors que dans l’action d’un stylo ou d’un crayon la ligne inscrite croît à partir du point au fur et à mesure que le travail avance, dans l’action de l’aiguille la ligne brodée croît à partir des boucles répétées du fil entre l’endroit où le point rencontre la surface et l’endroit où le fil rencontre le trou de l’aiguille ".

NEFI est comme le fil de notre broderie. “La narration implique une boucle similaire de l’expérience présente pour la relier à celle du passé. Je me demande si la relation avec la vie telle qu’elle est vécue, et sa reconstitution narrative, est similaire à celle entre l’écriture et la broderie” (Ingold, 2015, p. 281). Ou pourrions-nous répéter l’écriture brodée ? Nous commençons cet article en rendant un bref hommage à Lipman, en montrant comment sa vie est étroitement liée à son œuvre, et comment les deux servent d’inspiration pour notre travail. Nous essayons de montrer comment la communauté de recherche, la pratique de base du programme de philosophie pour enfants, est une manière unique de se rapporter à la connaissance, en particulier dans sa nature démocratique et réflexive, en soulignant l’importance de Matthew Lipman et Ann Sharp dans l’établissement d’un nouveau domaine de connaissance et d’une autre manière d’habiter les espaces pédagogiques au nom de la philosophie.

Mais en nous éloignant de la perspective normative lipmanienne, qui voit dans la communauté de recherche un " modèle heuristique " pour une " éducation du futur " (Lipman, 1990), et en nous rapprochant des études sur le philosopher avec enfants, nous essayons de montrer les cinq verbes qui caractérisent la pratique des NEFI comme une communauté en mouvement, animée par le philosopher des enfants. Cinq infinitifs verbaux, il faut le souligner, qui sont réflexifs : il ne s’agit pas seulement de demander, mais de se demander ; d’écouter, mais de s’écouter ; d’égaliser, mais de s’égaliser ; d’être présent, mais d’être présent ; de déplacer, mais de se déplacer. Il s’agit de penser la communauté comme un exercice rêveur et plein d’espoir (Freire, 2014 ; Kohan, 2022) qui affirme la puissance des commencements, sans savoir où aller à l’avance.

Cette trajectoire, qui se concrétise à la fin de l’article, montre un alignement entre la pratique néphite de l’exercice de la pensée et l’écriture sur la pratique de l’exercice de la pensée : expériencier la pensée, penser l’expérience. Nous vous remercions donc pour cette opportunité et espérons que cet écrit inspirera d’autres promenades, présentes de manière errante, main dans la main avec un philosopher enfantine.

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Notes
  1. Dérivé du terme escrevivência, utilisé pour la première fois par l’écrivain Conceição Evaristo en 1995. Cf. Evaristo, 2017. ↩︎

  2. Avant ce texte, vous pouvez consulter les recherches de Berle (2018), et plus récemment Kohan ; Contage ; Almeida (2023). ↩︎

  3. Sur le nom « philosophie pour enfants » et d’autres formes de dénomination, voir Costa Carvalho (2020) ↩︎

  4. Dans une perspective deleuzienne, A. Wolff (2024) présente le concept d’affect afin d’approfondir les relations entre la pensée, le corps et l’expérience dans Philosophy for Children. Après avoir résumé la théorie deleuzienne de l’affect, l’auteur explore certaines de ses implications pour la pratique du philosopher dans une communauté de recherche philosophique, notamment en ce qui concerne ses engagements éthico-politiques. ↩︎

  5. Barrientos-Rastrojo (2024) a étudié en profondeur ce que signifierait et exigerait une pratique du philosopher dans le contexte des communautés indigènes du Mexique. ↩︎

  6. Ce passage mériterait un article à part entière, voire un livre ou plus. Il découle d’une première distinction entre la philosophie pour enfants et la philosophie avec enfants et se poursuit en verbalisant le substantif philosophie et en élargissant les enfants à l’enfance, en mettant l’accent sur le temps plutôt que sur un âge. L’objet de cet article n’est pas de disséquer les différences entre les deux. Il s’agit cependant de situer le point de rupture épistémologique à partir duquel on peut dire que NEFI s’inscrit dans le paradigme de la " Communauté de recherche ", en sauvegardant les distinctions entre la conceptualisation originelle du terme et la manière dont le groupe travaille en relation avec le mouvement qui s’en est dégagé. Dans la section “Les infinitifs verbaux avec lesquels NEFI devient une communauté”, nous expliquerons ce que nous appelons les principes (“infinitifs verbaux” qui animent le travail de NEFI). ↩︎

  7. Wurtz (2024) a problématisé certaines des implications politiques de la philosophie pour enfants en relation avec le racisme, en particulier en relation avec l’histoire du racisme aux États-Unis, mais qui nous permettent de problématiser les implications politiques de la philosophie pour enfants de manière plus générale. ↩︎

  8. Suárez Vaca et Burgos (2023) explorent certaines des prémisses de Jacques Rancière qui nous permettent de penser le potentiel politique de l’enfance, en partant, d’une part, de la reconnaissance des mots et du temps des enfants comme formes d’expérience communautaire et, d’autre part, de l’affirmation de l’égalité comme principe d’une pratique philosophico-pédagogique. ↩︎

  9. Sur l’importance et la signification de l’écoute dans une communauté de recherche et dans la formation des enseignants, voir Kohan ; Carvalho (2024) qui, à partir des expressions concrètes du philosopher d’un enfant, mettent en mouvement le renversement de la pensée comme son pouvoir le plus intime et peuvent ainsi commencer à problématiser leur propre travail d’enseignement et de formation. ↩︎

  10. Laura Agratti a réalisé une étude sur cette pratique du questionnement à partir de son suivi d’un projet d’extension universitaire à l’Universidad Nacional de La Plata, en Argentine, à l’Escoola Graduada (Agratti, 2020). Elle a notamment suivi le travail d’une enseignante, Malena Bertoldi, chez qui elle a identifié le fait de faire de la philosophie comme " penser avec tout " (Agratti, 2020, p. 197). Cirino a également étudié ce même projet en comparaison avec deux autres projets d’extension universitaire et de formation des enseignants par la pratique de la philosophie avec les enfants : l’un d’eux, à Caicó, Rio Grande do Norte, le projet " La philosophie dans l’enfance: identifier les défis - construire des possibilités ", du Département de philosophie de l’Université d’État du Rio Grande do Norte (UERN) et l’autre, le projet " À Caxias, la philosophie a-t-elle sa place ? ", coordonné par le NEFI/UERJ à Duque de Caxias, Rio de Janeiro (cf. Cirino, 2016). ↩︎

  11. Carmina Shapiro (2024) a récemment présenté et examiné de manière critique le projet “Ronda de Palabras” dans la province de Santa Fe, en Argentine, et a mis en tension les idées à partir desquelles le programme de philosophie pour enfants oriente politiquement et organise les interventions pédagogiques dans une certaine direction. ↩︎

  12. Dans l’ouvrage dont le titre porte le nom du programme, Filosofia para crianças, Kohan (2008) reconnaît qu’il y a, d’une part, une " valeur fondatrice incontestable " dans la proposition de Lipman, car elle ouvre " des voies que la philosophie n’avait pas empruntées jusqu’alors ", permettant de briser le paradigme philosophique et scolaire académique qui existait jusqu’alors, sans pour autant s’interdire d’en questionner les présupposés, les méthodologies et les conséquences. ↩︎

  13. Salas et al. (2022) présentent une expérience d’élargissement des significations du philosopher pour enfants avec le projet Nephi d’“alphabétisation philosophique” dans la formation des éducateurs de jeunes et d’adultes dans l’État du Rio Grande do Norte, au Brésil, en collaboration avec le département de l’éducation et de la culture de l’État. Pour sa part, Victoria (2024) propose une lecture inspirée de quelques auteurs de philosophie contemporaine et d’auteurs féministes qui ouvrent également de nouvelles perspectives pour penser des pratiques qui confrontent l’adultocentrisme et l’androcentrisme. ↩︎

  14. Nous avons choisi de ne pas le traduire. Cela signifie à la fois « faire des erreurs » et « se déplacer ». ↩︎

  15. Le livre, comme tous les autres livres des Editions NEFI, est disponible gratuitement en téléchargement. Pour accéder à ce livre et à d’autres, voir : https://filoeduc.org/nefiedicoes/colecoes.php ↩︎

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