Revue

Définir l’émancipation à partir du concept de rationalité instrumentale

La pratique de la philosophie, remède à une pathologie sociale ?

Le 20 Novembre 2024, à l’occasion de la journée mondiale de la Philosophie, des adolescents ayant expérimenté pendant plusieurs années les ateliers de philosophie ont eu l’occasion de témoigner à l’UNESCO. Ce moment émouvant fut aussi l’occasion d’entendre le rapport qu’iels entretiennent avec la pratique de la philosophie. Il me semble que deux aspects ont été évoqués : des éléments qui ont trait aux bénéfices liés à une motivation intrinsèque à la pratique de la philosophie, et d’autres aux bénéfices liés à une motivation extrinsèque. J’entends par le premier aspect ce qui relève de l’expérience de la philosophie en elle-même et pour elle-même, comme, par exemple, la joie que l’on peut ressentir à penser ensemble, la possibilité d’exprimer ses idées et d’être entendu, de réfléchir à des questions qui sortent de l’ordinaire, etc. Le deuxième aspect, quant à lui, m’a semblé manifesté par le témoignage d’une dimension utilitaire, en quelque sorte, de la pratique de la philosophie : le développement de compétences mobilisables dans un cadre scolaire ou professionnel, pour enrichir ses rédactions notamment, mais aussi l’habitude prise à l’argumentation, la faculté à parler en public, à travailler en groupe ; ce que l’on pourrait appeler, dans un langage managérial contemporain, les soft skills[1].

Ces deux approches m’apparaissent particulièrement intéressantes à interroger au regard d’une visée émancipatrice de la pratique de la philosophie ; en effet, elles engagent le rôle social que cette pratique peut avoir, et la manière dont elle s’insère dans le contexte du capitalisme contemporain. Ces approches sont-elles également compatibles avec une visée émancipatrice ? Questionner la manière dont cette pratique est présentée, vécue et réinvestie doit permettre de clarifier le concept d’émancipation que l’on mobilise lorsque l’on en fait l’un des objectifs de la philosophie. D’un point de vue général, il semble que depuis les années 80 “s’émanciper ne veut plus dire se libérer des dominations, mais s’affirmer dans un contexte marqué par une compétition généralisée.” (Galichet, 2022). Or, la pratique de la philosophie pourrait s’inscrire dans cette dynamique en proposant des ressources valorisables favorisant la distinction sociale et la concurrence ; jouer, par conséquent, le rôle de perpétuation d’une certaine organisation sociale hiérarchique.

Pour examiner cette deuxième approche, il me semble nécessaire de s’appuyer sur le concept de raison instrumentale. Je voudrais tenter de montrer que ce concept permet de rendre compte d’un certain rapport à la pratique de la philosophie, qui apparaît central pour interroger la visée émancipatrice de celle-ci. La philosophie, en tant qu’activité intellectuelle plutôt valorisée socialement (en dépit des critiques adressées à la philosophie pour ou avec les enfants), entretient un lien particulier avec, d’une part, la rationalité et son développement, et, d’autre part, la représentation sociale et politique véhiculée par ce type d’activité. Et cela, en premier lieu, car c’est l’objet de cette pratique de favoriser l’exercice de la raison et d’interroger les cadres sociaux, les préjugés, la doxa. Les bénéfices et les effets attendus, la promotion qui est faite de cette pratique, la manière dont l’atelier est conçu et réalisé, façonnent un certain engagement qui peut servir un système de valeurs ou inciter à une attitude critique. Il s’agit de s’interroger sur la manière dont cette pratique peut ou pourrait se trouver intégrée à une pédagogie néo-libérale, au service de cette idéologie et de ses intérêts, et peut-être à l’insu des praticien.ne.s. La conception instrumentale de la raison peut trouver un écho dans la pratique de la philosophie et la manière dont elle est abordée.

En s’intéressant à cette possibilité, je ne souhaite évidemment pas jeter l’anathème sur des praticien.ne.s, je serais moi-même victime de celui-ci à bien des égards. En revanche, il me semble souhaitable de clarifier la manière dont la pratique de la philosophie peut soutenir un projet idéologique, y compris contraire à la volonté de celleux qui la portent, malgré leur vigilance et leur attention. Aussi, je propose en premier lieu de préciser le concept de raison instrumentale, et l’ampleur de son emprise sur nos imaginaires, dans les limites de ce qu’il me sera possible d’écrire. Je m’emploierai ensuite à définir la notion d’émancipation eu égard à ce qui aura été développé plus tôt. Enfin, je souhaiterais pouvoir expliciter la manière dont la philosophie peut être une pratique émancipatrice, en un sens spécifique.

L’hégémonie de la raison instrumentale

Définition

Dans un premier temps, il semble nécessaire de présenter de manière succincte la notion de raison instrumentale. De nombreux débats et dissensus existent par rapport à cette notion et à sa pertinence, et je ne serai malheureusement pas en mesure d’en rendre compte ici ; j’espère tout au plus pouvoir en dresser une description assez claire pour l’usage que je voudrais en faire.

La notion de raison instrumentale se développe à partir des écrits de Max Weber (voir Weber, 1971). Le sociologue analyse ce qu’il appelle un processus de rationalisation du monde, qui s’opère en parallèle du développement du capitalisme dans les sociétés occidentales. Il observe la tendance croissante, à la fois dans le domaine de la vie publique et dans celui de la vie privée, à penser l’homme dans une forme de maîtrise, qui passe en particulier par le recours à la mesure et à la technique. Pour autant, il faut selon lui considérer plusieurs types de rationalité à l’œuvre[2]. Cette distinction entre des formes de rationalité est tout à fait cruciale pour le devenir de la notion de raison instrumentale.

Cette dernière désigne une forme particulière de rapport au monde qui prend appui sur la distinction moyen/fin ; elle prend chez Weber le nom de rationalité en finalité (Zweckrationalität), mais se retrouve peu ou prou dans les expressions “rationalité économique”, “raison calculante” ou encore “rationalisme bureaucratique”, telles qu’employées usuellement. Il s’agit, en première approche, de considérer l’action à l’aune de son efficacité compte-tenu d’une finalité donnée, ou pour reprendre la définition de Charles Taylor :

“Par « raison instrumentale », j’entends cette rationalité que nous utilisons lorsque nous évaluons les moyens les plus simples de parvenir à une fin donnée. L’efficacité maximale, la plus grande productivité mesurent sa réussite.” (Taylor, 1992, p. 15)

Autrement dit, considérer la raison sous un aspect instrumental, c’est se placer dans un rapport utilitaire au monde ; c’est se demander dans quelle mesure et de quelle manière nous pouvons nous en servir pour aboutir à nos fins. Ainsi, la raison instrumentale, tout à fait centrale dans le développement des méthodologies scientifiques modernes, s’exprime dans la mesure, la catégorisation, la hiérarchisation du réel.

Néanmoins, elle n’épuise pas toute la rationalité. Déjà dans les travaux de Weber, il existe au moins une autre forme de rationalité, qu’il nomme rationalité en valeur, ou axiologique (Wertrationalität), et qui porte plus sur la cohérence et la justification de l’adhésion à des valeurs que sur une adéquation entre les moyens et les fins. Elle consiste, chez l’auteur, en une forme d’adéquation de l’action avec des convictions personnelles (par exemple, il sera rationnel en un sens pour un capitaine de navire de ne pas abandonner son bateau qui sombre, dans la mesure où ce comportement répond peut-être à une certaine conception de l’honneur, des rapports entre l’homme et son navire, d’une représentation sociale ; et pourtant cette attitude ne relève pas d’un calcul de moyens). Aussi, il apparaît nécessaire de percevoir la contingence et les limites de la rationalité instrumentale, qui n’est qu’une forme de rationalité, qui a certes connu un succès tout à fait particulier, mais qui ne détient pas l’exclusivité de l’exercice de la raison. Pourtant, elle semble détenir une emprise totalisante dans les sociétés modernes.

L’envahissement de la logique d’efficacité

Il semble en effet que ce mode de rationalité s’impose de manière quasi exclusive à nous, au détriment d’autres usages de la raison. Aussi, l’exemple de la manière dont on peut vanter les mérites de la pratique de la philosophie s’intègre dans une logique instrumentale : elle doit servir tel ou tel objectif, et en particulier des objectifs compatibles avec une vision du monde néo-libérale (ce sur quoi nous reviendrons plus loin). C’est en substance ce que notent un certain nombre de praticien.ne.s qui mettent en garde contre les prétendus bienfaits de cette pratique, sans en nier les apports, mais pour susciter la vigilance face à une tendance à concevoir la pratique de la philosophie comme une panacée (Blond-Rzewuski, 2018, p. 64 ; Gagnon et Yergeau, 2016, p. 42). Ce type de rapport au monde, cet usage limité et restrictif de la raison, est d’abord contraint par une organisation sociale qui la valorise : le poids du marché et de la compétition généralisée semble imposer la recherche d’efficacité dans la plupart des domaines de nos existences, à mesure que cette marchandisation se déploie comme unique source de valeur (le temps est compté et doit être mis à profit, nos activités doivent participer à une création de valeur, etc.)[3]. Aussi, Charles Taylor explicite cet impérialisme de la raison instrumentale :

“Dans une société dont les forces du marché modèlent l’économie, tous les agents économiques doivent accorder un rôle crucial à l’efficacité s’ils veulent survivre. […] Le rationalisme instrumental semble pouvoir nous imposer ses exigences, dans la sphère publique comme dans la vie privée, dans le monde des affaires comme dans l’administration de l’État (…).” (Taylor, 1992, p. 122)

Nous sommes soumis à un impératif d’efficacité qui semble imposer un certain type de rationalité, qui conduit, d’une part, à un vision techniciste de la raison (elle doit être pensée comme une compétence technique, un outil qui permet de définir les moyens les plus efficaces d’aboutir à des fins qui s’imposent elles-mêmes à nous), et d’autre part à un rapport utilitaire aux monde (tout doit pouvoir être valorisé, servir à quelque chose, s’intégrer dans une visée téléologique).

C’est cette thèse qui réunit l’école de Francfort, avec plus ou moins de radicalité selon les auteurs. La raison instrumentale se déploie dans un aspect théorique :

“le règne de la logique et du formalisme : la pensée logique formelle détermine les moyens conceptuels, les enchaînements nécessaires, pour établir une vérité. Elle est opératoire, calculatrice, et noue des rapports étroits avec les mathématiques. C’est l’aspect théorique de la rationalité instrumentale, déjà critiqué par Husserl qui dénonce son éloignement par rapport à la subjectivité et au monde de la vie (Lebenswelt)” ;

et dans un aspect pratique :

“le règne de la technique : l’activité technicienne détermine les moyens physiques efficaces afin de réaliser concrètement un objectif. C’est l’aspect pratique de la raison instrumentale qui réduit l’action humaine au travail technique organisé.” (Hottois, p. 2005)

Or, l’envahissement de ce type de rationalité dans toutes les sphères de la vie conduit à une expérience partielle de nos potentialités en tant qu’être humain, et devient même déshumanisante sitôt que tout est perçu sur le mode de la chose, de la marchandise. Axel Honneth reprend la notion de réification pour désigner ce processus :

“Qu’il s’agisse d’objets, de personnes, de compétences et de sentiments propres au sujet, tout devient chose, tout devient objet sitôt que ces éléments sont saisis du point de vue de leur utilité dans les transactions économiques.” (Honneth, 2007, p. 24)

C’est ainsi que l’on peut parler, au sujet de la place hégémonique qu’occupe la raison instrumentale, d’une forme de pathologie sociale.

Une pathologie sociale

Il ne s’agit pas de nier l’apport de ce type de rationalité, tant en termes de connaissances qu’en termes pratiques. C’est un usage tout à fait légitime et désirable de la raison. En revanche, réduire la rationalité à un aspect purement instrumental peut être considéré comme un problème dans la mesure où cela limite notre accès au réel à une perspective déterminée, celle de ce qu’il est possible de quantifier, d’utiliser, de hiérarchiser ; et où cela nous empêche de déployer la richesse de notre intelligence et nous aliène, en quelque sorte, en nous coupant d’une partie de l’expérience authentiquement humaine.

Nous pouvons parler d’une pathologie sociale, au sens que définit Axel Honneth (2006, p. 179) : “Par « pathologies sociales », j’entends des relations ou des évolutions sociales qui portent atteinte, pour nous tous, aux conditions de réalisation de soi”.

De nombreux développements seraient nécessaires pour cerner le concept de pathologie sociale[4], et si je ne peux pas approfondir comme il le faudrait l’explicitation de celui-ci, je peux néanmoins faire remarquer une contradiction qui me semble assez manifeste et permet d’en développer la définition. En effet, les démocraties contemporaines ont comme cœur normatif la participation des citoyen.ne.s à la vie politique ; néanmoins, l’emprise de la rationalité instrumentale semble s’opposer à la possibilité de l’implication politique, à la fois car ce n’est pas un type de fonctionnement adéquat pour définir les valeurs et les modalités à même d’organiser la vie en société, et parce que la quête d’efficacité et de performance que promeut une économie néo-libérale est par nature individualiste, et s’oppose par conséquent à la construction collective de sens. Il y a là un paradoxe, une contradiction entre les objectifs d’une structure sociale et la manière dont elle cherche à les réaliser, ou, pour reprendre les mots d’Axel Honneth (2006, p287), on pourrait dire que “la tentative de concrétisation d’une intention produit les conditions allant à l’encontre de cette intention initiale”. C’est précisément le risque qui me semble peser sur la pratique de la philosophie pour autant qu’elle cherche à être une pratique émancipatrice.

La pratique de la philosophie peut reconduire cette dimension pathologique dans la manière dont elle est abordée, ou bien dans le type de rationalité qu’elle met en œuvre. Par exemple, des ateliers de philosophie à l’école sont régulièrement demandés par les enseignants pour servir un objectif utilitaire. Récemment, un.e enseignant.e m’a demandé de réaliser des ateliers dans sa classe car ses élèves étaient, d’après iel, incapables de gérer leurs émotions. Malgré nos échanges, elle me présentait aux élèves comme “l’intervenant qui va les aider à gérer leurs émotions”. Alors, la pratique de la philosophie était mise au service d’un objectif imposé aux enfants, et lui-même dicté par des attentes sociales contraignantes et non interrogées : il faut développer la compétence “gestion des émotions” afin de s’intégrer dans un marché qui valorise cette dernière. On peut douter du potentiel émancipatoire d’une telle injonction. La question de l’efficacité est d’ailleurs très présente dans l’institutinalisation des compétences psychosociales, et les interventions qui y sont liées sont considérées sur le modèle de la médecine evidenced based (Lamboy B. et al., 2022, p. 24) : il faut être en mesure de prouver que ça fonctionne.

Cela ne veut pas dire que ces compétences soient inutiles, bien au contraire. Mais elles se situent dans un processus idéologique qui tend à attribuer une valeur aux individus en fonction de leur place et de leur compétitivité sur un marché généralisé. Elles contraignent à un système de valeur préexistant et à des finalités qui sont hors de toute remise en question. En dernière instance, cela peut créer une réelle souffrance, qui s’exprime notamment par un sentiment d’injustice, lié à l’incapacité de se servir de ses capacités rationnelles de manière satisfaisante :

“[L]es sujets humains ne peuvent pas rester indifférents devant une limitation de leurs capacités rationnelles : puisque leur autoréalisation est liée aux conditions d’une activité rationnelle de coopération, ils sont condamnés à souffrir psychiquement de cette déformation.” (Honneth, 2006, p. 127)

S’il appartient à la philosophie de favoriser l’usage de sa raison, et si l’on accepte la thèse d’un besoin anthropologique de déploiement de cette dernière, il me semble dès lors crucial que la pratique de la philosophie permette l’exercice d’une rationalité non instrumentale. S’émanciper, ce serait alors se réapproprier ses aptitudes rationnelles, au sens large, pour ne pas se laisser dicter, sans même en prendre conscience, un certain comportement et des finalités.

L’émancipation comme construction d’un autre rapport à soi, aux autres, au monde

Le piège de l’émancipation comme autonomisation

Ainsi, à première vue, le projet de développer des compétences individuelles liées à l’exercice de la raison semble aller de pair avec l’idée d’émancipation : il s’agirait d’acquérir une certaine indépendance de jugement, d’une part en ne dépendant pas d’autrui pour penser, et d’autre part en étant capable de réaliser un examen critique des propos formulés. Pourtant, il faut s’interroger sur le sens que prend l’indépendance dans ce contexte : de quoi se libère-t-on, de quelles tutelles s’émancipe-t-on, par l’acquisition ou le développement de compétences philosophiques ? Il est clair qu’il ne s’agit pas de se défaire de toute influence. Comme le rappelle Johanna Hawken :

“[…] penser par soi-même n’équivaut pas au fait de penser en l’absence d’influences extérieures : l’autonomie intellectuelle se construit, au contraire, dans le frottement vis-à-vis de ces impositions reçues : pour en devenir conscient, pour les examiner, les évaluer, les critiquer. Penser par soi-même, ce serait adopter des pensées de façon examinée, critique, consciente et volontaire, en lien avec les influences extérieures. C’est donc paradoxal.” (Hawken, 2022)

L’autonomie dont il est question, plutôt que l’indépendance, ne consiste pas nécessairement à se défaire de ce qui est extérieur, mais d’abord à le percevoir comme extérieur, et à pouvoir effectuer un choix raisonné, tout en sachant que ce choix lui-même est influencé.

Or, il me semble que la confusion entre cette idée d’autonomie et une forme de désir d’indépendance, fondée sur une conception instrumentale de la raison, peut être à l’origine de l’autodestruction du potentiel émancipatoire de la pratique de la philosophie. Autrement dit, la recherche d’outils pour s’émanciper peut fournir des outils qui s’intègrent à un système pathologique. C’est le renversement de l’idéal des Lumières :

“On serait ainsi confronté historiquement à deux versions des Lumières. La première […] consiste à libérer l’homme par le biais d’une domination de la nature qui se retourne en définitive contre l’homme lui-même dont elles s’appliquent à dominer la nature sensible et irrationnelle. C’est finalement la nature même de l’homme dans ce qu’elle a d’irrationnel et l’homme lui-même qui sont tout aussi bien instrumentalisés à des fins opératoire et politique dans un monde où barbarie et progrès techniques se superposent l’un à l’autre de manière indifférenciée. L’idéal de ces Lumières travesties, c’est ce que la Théorie critique associe à la réalité de nos sociétés contemporaines, c’est-à-dire un monde où toute contingence et tout aspect irrationnel est administré ou réorienté, instrumentalisé à des finalités « productives », c’est-à-dire à la destruction de la nature, du penser et de l’autonomie.” (Chaput, 2020, §31)

Transmettre une conception techniciste de la raison, fondée sur des compétences à mettre en œuvre, sur une maîtrise, peut être abordé comme le moyen de se faire une place, de chercher à dominer plutôt qu’être dominé. On peut se confronter à des questions philosophiques, et même utiliser des habiletés de penser (comprises dans leur sens logique), en ayant comme conception de l’émancipation une sorte d’enrichissement individuel permettant de se rendre plus productif, plus compétitif, et, en effet, en un sens conforme à l’économie marchande, plus libre. Néanmoins, cette liberté s’accompagne d’un enfermement dans une conception étroite et déformée de la raison, et dans une idéologie qui n’est pas nécessairement conscientisée et n’offre pas d’alternative. La volonté d’indépendance se détourne en perte d’autonomie :

“Les fausses Lumières travesties du monde administré qui finissent par se retourner contre les êtres mêmes qu’elles prétendaient libérer prennent en effet la forme d’une autonomisation de la raison […]. Plutôt que d’« être constamment à soi-même son propre législateur » comme le voulait les Lumières kantiennes selon Rudolf Eisler (Eisler, 2011 : 646), l’individu moderne est soumis, pour l’École de Francfort à l’impératif hétéronomique de l’objectivité sociale qui en détermine la fonction et la conformité. Quelle place reste-t-il alors pour l’autonomie réflexive et la responsabilité individuelle ?” (Chaput, 2020, §33)

Ce qui pose question, ce n’est pas la compatibilité entre cette perspective de l’émancipation et une idéologie néo-libérale ; l’interrogation se situe davantage au niveau de la possibilité d’une récupération à l’insu des praticien.ne.s et des participant.e.s, qui s’opposerait au final à un aspect pourtant fondamental et évident de l’émancipation : travailler des compétences qui, en dernière instance, ne sont pas elles-mêmes interrogées sur leur situation dans l’économie générale de la connaissance, et dans leur rapport avec le pouvoir. Le recours à un type de rationalité qui se rapproche de la raison instrumentale pourrait alors servir un système de domination plutôt que de permettre l’émancipation vis-à-vis de celui-ci.

Approche critique de l’émancipation

Alors, il s’agit peut-être de considérer l’émancipation non pas comme une quête individuelle qui reposerait sur le développement de de compétences, permettant à chacun de se rendre plus libre, plus indépendant, mais comme un processus social par lequel on peut interroger l’ordre établi, par lequel on expérimente une sorte de libération collective et une mise en perspective de la société dans laquelle nous nous insérons d’ordinaire[5]. Plusieurs filiations peuvent être convoquées pour soutenir cette idée ; mais je crois que l’on peut rapprocher l’émancipation prise en ce sens de l’attitude critique telle qu’elle est définie par Foucault dans sa conférence de 1978 : “L’art de n’être pas tellement gouverné” (Foucault, 2015, p. 37).

En effet, l’émancipation intellectuelle est indissociable d’une émancipation au sens politique, et cela en raison des liens essentiels qui unissent le triptyque savoir - pouvoir - sujet, dont l’œuvre de Foucault cherche à rendre compte. Comme je tentais de le défendre plus tôt, le développement de facultés intellectuelles, que l’on pourrait associer de prime abord à une émancipation, me semble tout à fait pouvoir être décorrélé d’une prise de recul réelle par rapport à un système de domination, et même aller de pair avec un assujettissement à celui-ci, si ces facultés ne relèvent que de la rationalité instrumentale. Ainsi, Foucault définit la critique :

“la critique, c’est le mouvement par lequel le sujet se donne le droit d’interroger la vérité sur ses effets de pouvoir et le pouvoir sur ses discours de vérité ; la critique, ce sera l’art de l’inservitude volontaire, celui de l’indocilité réfléchie.” (Foucault, 2015, p. 39)

Faire de la philosophie, c’est exercer et acquérir un pouvoir à la fois durant les ateliers, mais aussi en dehors. L’attitude critique, et donc la possibilité de l’émancipation, passe par la mise au jour de ce pouvoir au niveau individuel, et au niveau des structures qui le soutiennent et le cristallisent. Or, la technique déployée en philosophie, au sens des gestes logiques tels qu’argumenter, problématiser, conceptualiser, etc. ne suffit pas en tant que telle à se situer dans les rapports de pouvoir. Développer une rigueur logique, formelle, sans investir l’aspect social de la raison, revient à abandonner l’horizon émancipatoire et à s’insérer dans une dynamique pathologique. Et pourtant, comme le relève Anne Lalanne (2009, p.66) : « on entend parfois parler de la philosophie comme d’une technique formelle efficace pour apprendre à raisonner logiquement ». Nous reviendrons plus loin sur les possibilités d’une pratique de la philosophie qui mette en jeu des aspects non instrumentaux de la raison.

Davantage, cela pourrait relever, en un sens, d’une conception “bancaire” de l’éducation. Paolo Freire utilise cette expression pour parler de la manière dont les éducateurs “remplissent” les élèves. On pourrait se dire que, précisément, la pratique de la philosophie remet en question la relation maître-élève, en se défaisant des stéréotypes du sachant et de l’ignorant, en sortant de la narration d’un cours. Mais la conception bancaire de l’éducation va plus loin, en insistant sur un rapport spécifique de la conscience au monde et à elle-même :

“Elle suggère une dichotomie inexistante entre les êtres humains et le monde. Des êtres humains simplement dans le monde et ni avec le monde, ni avec les autres. Des êtres humains spectateurs et non recréateurs du monde. Elle ne les conçoit pas comme des « corps conscients », mais voit leur conscience comme une chose spatialisée en eux, comme une section « à l’intérieur » d’eux, compartimentée de façon mécaniciste, passivement ouverte au monde qui la « remplirait » de réalité. Une conscience-contenant recevant en permanence les dépôts que le monde lui fait, dépôts qui se transforment en contenus. Comme si les êtres humains étaient une proie du monde et celui-ci, leur éternel chasseur, ayant pour distraction de les « remplir » de ses fragments.” (Freire, 2021, II)

Chez Paolo Freire, la conception “bancaire” de l’éducation relève au premier chef d’un rapport spécifique de la conscience au monde et à elle-même : elle voit le monde comme un objet à faire entrer en soi, une quantité à ingérer, un “dépôt”. On peut rapprocher cette conception de l’éducation de la pratique d’une rationalité instrumentale, en ce qu’il s’agit de considérer le monde et les autres comme des quantités mesurables, d’acquérir des contenus qui sont perçus comme des moyens, et pas de créer du sens à partir de sa situation avec le monde et les autres, dans une perspective davantage relationnelle.

Plus encore, cette perspective recherche une sorte de résignation face à un monde considéré comme extérieur, immuable, face à un statu quo :

“Selon la conception « bancaire », plus ils seront adaptés, mieux ils seront « éduqués », car en adéquation avec le monde.” (Freire, 2021, II)

Ainsi, une pratique de la philosophie émancipatrice, ou du moins qui cherche à participer à l’émancipation, ne peut pas se contenter d’être descriptive, et de faire le vœu pieu que les outils intellectuels exercés ne soient pas simplement des instruments mis au service d’injonctions néo-libérales. Freire insiste sur le caractère créateur de la pédagogie critique :

“Or, il n’est de savoir que dans l’invention, la réinvention, la recherche sans relâche, impatiente, permanente, que les êtres font dans le monde, avec le monde et avec les autres. Une recherche pleine d’espoir aussi.” (Freire, 2021, II)

Une formule d’Irène Pereira (2019) synthétise ces idées : “Les techniques en elles-mêmes ne sont pas émancipatrices.”

Quelle pratique pour une philosophie émancipatrice ?

La pratique de la philosophie comme réponse à un malaise social

Compte tenu des éléments proposés jusqu’ici, donner un rôle émancipateur à la pratique de la philosophie semble passer par la considérer en quelque sorte comme un remède à une pathologie sociale. En un sens, la pratique de la philosophie doit reprendre une fonction thérapeutique, en tant qu’elle doit pouvoir répondre à un malaise social, celui de la perte de sens et d’exercice de la raison dans une société dominée par la rationalité instrumentale. Il ne s’agit pas de psychologiser l’atelier de philosophie, mais de faire droit à une expérience vécue, et de lui redonner de la valeur, individuelle et collective, dans la mesure où elle participe à l’exercice d’une rationalité sociale (comment entrer en relation avec autrui ? Comment partager ce qui relève de la subjectivité ?) et à une construction de sens (le travail herméneutique sur l’expérience : de quelle manière interpréter mon vécu pour qu’il ait du sens pour moi et pour les autres ?).

Aussi, il me semble que deux possibilités existent pour se défaire d’une logique instrumentale : soit chercher à proposer une alternative distincte des opérations ordinaires de la raison mises en place dans la société néo-libérale (sortir tout à fait d’une logique de performance et concurrentielle pour favoriser une forme collective de créativité et un imaginaire alternatif) ; soit conscientiser et subvertir les processus instrumentaux de la raison : développer des réflexions métacognitives sur l’aspect compétitif des dispositifs expérimentés durant les ateliers, inciter à une démarche critique vis-à-vis de cet usage de la raison.

Autrement dit, la pratique de la philosophie serait l’occasion d’exercer des facultés rationnelles qui sont d’ordinaire laissées de côté ou soumises à des impératifs instrumentaux. Reprenant les trois types de pensées de Lipman, nous pourrions dire qu’accentuer caring et creative thinking, même au détriment de la pensée critique, participerait potentiellement davantage à un souci d’émancipation. Cela ne signifie pas que les actes méta-cognitifs associés à ce type de pensée ne participent pas à la possibilité de l’émancipation, mais que, sans le soutien (voire la primauté) de la pensée attentive et de la pensée créative, la pensée critique est celle qui se rapproche le plus d’une rationalité instrumentale et est la plus susceptible d’être détournée au service d’intérêts marchands.

Accentuer une rationalité alternative dans la pratique de la philosophie

Afin de construire une pratique de la philosophie authentiquement émancipatrice, en réponse à l’hégémonie d’une conception instrumentale de la raison, la pensée d’Ann Margaret Sharp me semble salvatrice et féconde. En particulier, l’autrice nous enjoint à recourir au caring thinking et au travail créatif, qui peuvent être conçus comme des exercices rationnels non instrumentaux. Dès son origine, la communauté de recherche philosophique semble être conçue dans une perspective émancipatrice, au sens où nous l’entendons :

“la pratique de la philosophie au sein d’une communauté de recherche est une démarche critique et créative visant à modifier et à remettre en question les croyances et les pratiques de la culture dominante qui maintiennent les conditions de vie injustes qui caractérisent les opprimés” (De la Garza, 2023, p240)

Il s’agit de construire un lieu et un temps où il devient possible de questionner et de déconstruire les fonctionnements ordinaires, et d’imaginer d’autres mondes possibles, en s’appuyant sur un travail réflexif, en dehors des considérations d’efficacité, de performance, de quantification.

Aussi, bien que les recommandations concrètes ne soient pas systématiques chez Sharp, nous pouvons en trouver quelques-unes :

“Afin de stimuler le caring thinking, il est donc important de mobiliser l’imagination morale et sur ce point, Sharp donne des conseils aux facilitateur.ice.s d’ateliers philosophiques (1995b)[6] :

  • découvrir d’autres visions du monde (par le témoignage, le récit, les romans, l’art)
  • stimuler la pensée hypothétique
  • s’entraîner à défendre d’autres positions que la sienne
  • découvrir des fictions
  • réfléchir à l’avenir
  • s’entraîner à décrire des situations et des portraits
  • s’entraîner à appliquer des principes généraux à des situations particulières.” (Hawken, 2024, §33)

Ces quelques conseils me semblent bien s’intégrer à un mode de rationalité alternatif par rapport à des considérations technico-logiques, tout en étant pleinement philosophiques dans la mesure où elles participent d’un exercice du jugement sur des problèmes qui relèvent des champs propres de la discipline[7].

Si l’on n’abandonne alors pas tout développement des facultés individuelles, par peur d’une proximité trop grande avec une logique concurrentielle, ce développement est toujours en lien avec un travail relationnel et créatif, qui permet de maintenir une conscience de sa situation avec le monde et les autres, tout en favorisant l’estime de soi et l’agentivité :

“Les femmes et les enfants ne peuvent s’émanciper qu’en devenant conscients du potentiel qui leur permet de s’engager dans un travail créatif en vue de construire un monde meilleur” (De la Garza, 2023, p245)

Il y a bien une dimension d’empowerment, de développement de facultés et de pouvoir d’agir, mais celle-ci est immédiatement en lien avec un aspect créatif et non utilitaire, avec la possibilité de faire changer le monde plutôt qu’avec l’impératif de s’y adapter, de répondre à des finalités imposées.

Considérer la philosophie pour elle-même

Malgré tout, en dernière instance, nous pourrions nous dire que tout est instrumentalisable : le concept de soft skills en est le témoignage le plus explicite. Aussi, chercher à mettre en œuvre une rationalité différente au sein de la pratique de la philosophie n’immunise pas contre une récupération de la pratique dans un contexte pathologique. En effet, la créativité, la capacité à entrer en relation, à écouter, peuvent être des compétences évaluables et mises en avant comme des moyens de se distinguer. Or, compte tenu des thèses défendues ici, cela revient à abandonner les prétentions à l’émancipation de cette pratique.

Nous pouvons, avec François Galichet, décrire deux rapports au savoir :

“Dans le premier cas, les savoirs sont des moyens (on l’a vu avec Condorcet) et l’émancipation qu’ils permettent se borne à l’égalité politique, c’est-à-dire à l’indépendance mutuelle : les citoyens sont inégaux, mais grâce aux savoirs minimaux qu’ils ont acquis, aucun n’est subordonné à l’autre pour sa subsistance ou sa pensée.” (Galichet, 2018, §51)

Ce premier cas relève de l’instrumentalisation, et ainsi ne permet pas une émancipation réelle, recherchant l’indépendance plutôt que l’autonomie.

“Dans le second cas, les savoirs sont des fins en soi, et ils se donnent comme émancipateurs seulement à cette condition d’être recherchés pour eux-mêmes, pour la seule joie qu’ils procurent et le seul sentiment de puissance et d’exubérance. L’émancipation n’est pas seulement future, comme perspective d’une société plus juste ouverte par les « savoirs critiques » ; elle est aussi présente dès maintenant, dans la classe, quand elle donne à l’enfant des occasions de « rire de tout son cœur, comme au plus beau des jeux », selon le mot d’Alain. Le savoir alors s’identifie au bonheur, qui devient un principe à la fois éthique et pédagogique.” (Galichet, 2018, §52)

Ce second cas ne soumet pas le savoir à un impératif utilitaire, mais l’érige en quelque sorte en finalité. C’est pour lui-même que le savoir doit avoir du sens, s’il doit être émancipateur, plutôt que comme moyen de satisfaire des finalités imposées par un marché. De la même manière, nous pourrions considérer qu’une des conditions pour que la pratique de la philosophie participe à un processus d’émancipation est qu’elle doit se présenter comme fin en elle-même, comme désirable pour elle-même, par l’expérience d’une libération de la raison qu’elle permet.

Cependant, cela interroge sur la manière dont cette pratique peut être promue, et sur la cohérence même d’une approche qui en ferait le moyen de développer des compétences que l’on juge utiles et d’une autre qui en louerait le potentiel émancipatoire. Il est possible que ces deux approches soient exclusives l’une de l’autre, que poursuivre une visée didactique de la philosophie soit, en un sens, incompatible avec une volonté d’émancipation, dans le contexte néo-libéral.

Conclusion

En s’appuyant sur le concept de raison instrumentale, j’ai tenté de définir l’émancipation possible par la pratique de la philosophie comme l’exercice d’une rationalité alternative, qui ne se soumettrait pas aux impératifs marchands d’une société néo-libérale. Aussi, j’ai tenté de défendre l’idée selon laquelle l’émancipation ne peut pas consister en le développement de compétences qui pourraient servir à se faire une place, mais plutôt en l’exercice d’une rationalité sociale, au recours à la pensée attentive et créative, qui peut permettre de prendre conscience de sa situation dans la société, des conditions de la réalisation de soi, et des obstacles à celle-ci. Ainsi, on peut comprendre l’émancipation en un sens qui ne serait pas celui d’une forme d’indépendance, de libération vis-à-vis d’autrui ; mais plutôt comme la capacité à créer du lien, à exercer un pouvoir, sans pour autant s’insérer dans une logique de domination, que ce soit dans une soumission à un ordre établi, ou dans une posture de dominant cherchant les moyens de se valoriser en dévalorisant autrui.
Alors, il me semble important de s’interroger sur la manière dont on fait la promotion de cette pratique, pour autant qu’on la souhaite émancipatrice, et sur les bénéfices qu’on lui prétend, qui pourraient renverser cette visée en en faisant un instrument de domination et de distinction sociale.

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Notes
  1. Sur les soft skills et la récupération néolibérale des pédagogies nouvelles, voir Irène Pereira, “Pédagogie entrepreneuriale et néo-libéralisme”, Revue Skhole, Février 2018. En particulier, le paragraphe 1.2.2 explore l’exemple de la formation à l’esprit critique selon une approche entrepreneuriale, et les réponses des pédagogues critiques. ↩︎

  2. Voir Colliot-Thélène, C. (2011). Retour sur les rationalités chez Max Weber. Les Champs de Mars, N° 22(2), 13-30. ↩︎

  3. Les critiques de cette conception sont assez communes et d’origines très diverses. A tel point que le pape François mentionne la “raison instrumentale” comme le fondement des “mythes de la modernité” qui cause les désastres écologiques que l’on connaît : Franciscus, (2015). Laudato si, Lettre encyclique, Vatican, II, 219 ↩︎

  4. A ce sujet, voir l’article de Katia Genel qui cerne davantage la notion et les problèmes qu’elle soulève : Genel, K. (2023) . Diagnostics critiques. Maladies et pathologies sociales dans la Théorie critique de l’École de Francfort. Rue Descartes, N° 103(1), 27-44 ↩︎

  5. C’est d’ailleurs en ce sens que l’on peut comprendre l’élaboration de la Philosophie pour enfant et de la CRP, surtout par Ann Margaret Sharp, dans sa dimension normative, liée dès l’origine à une réflexion sur les valeurs et à une posture éthique. Voir Hawken, J. (2024), Concilier pratique de la réflexion éthique et pratique de la réflexion philosophique dans la philosophie pour enfants (ppe) : éclairages théoriques et préconisations pratiques chez Ann Margaret Sharp. Revue française d’éthique appliquée, N° 15(1), 42-59 ↩︎

  6. Johanna Hawken s’appuie ici sur Sharp, A. M. (1995b). Letter-Writing: a tool in feminist Inquiry. Inquiry: Critical thinking across disciplines, 14(3), 54-63 ↩︎

  7. La question de la philosophicité des ateliers reste tout de même un enjeu, qu’il serait pertinent de questionner par ailleurs. ↩︎

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