La Philosophie pour Enfants (Lipman et Sharp) constitue une innovation pédagogique majeure, dans l’apprentissage du philosopher. Entre l’exigence platonicienne « Nul n’entre ici s’il n’est géomètre » et la recommandation d’inspiration épicurienne du « Philosopher à tout âge » (Galichet), on note le « droit à la philosophie » (Derrida). Entre contestation d’une Didactique de la Philosophie et hypothèse d’une Didactique d’Apprentissage du Philosopher (Tozzi), philosopher avec les enfants relève des Nouvelles Pratiques Philosophiques. Au Gabon, la problématique n’est pas officielle. Nous initions le débat à partir des leçons d’Eveil et d’Education Civique dispensées dans l’enseignement pré-primaire et primaire. Il est possible en effet de philosopher avec les enfants de 3 à 12 ans dans l’école gabonaise. Après un état de la question, nous proposons des notions à étudier, des compétences à développer, des auteurs. Enfin, nous posons un rapport entre éducation coutumière gabonaise et éducation à l’éthique en vue de formuler des règles élémentaires pour cette étude.
Philosophie pour enfants de 3 à 12 ans et éducation à l’éthique au Gabon : un état de la question
Au Gabon, il n’existe pas un programme scolaire, institutionnalisé, de philosophie pour enfants de 3 à 12 ans. Depuis l’Arrêté N°260/MENRS-IPN-DE2 du 18/12/1974 fixant les programmes de philosophie dans les classes terminales du second cycle du second degré de la République gabonaise, la philosophie s’enseigne encore au secondaire, dans les Lycées, à partir de la classe de Terminale d’abord, puis en Première dès 1979. Même si, dans l’Arrêté N° 21/MENRS-IPN-DE2 du 29/01/1975 fixant les programmes de morale et d’instruction civique dans les classes du second degré de la République gabonaise, on remarque des notions qui incitent, invitent déjà à une réflexion de type philosophique dès la classe de sixième des Collèges. C’est le cas de Justice ; Courage ; Bonté.
Officiellement, en République Gabonaise, il y a l’Eveil au pré-primaire et l’Education civique* au primaire. Pourtant, nous soutenons que les enfants gabonais de 3 à 12 ans philosophent à l’école, au pré-primaire, au primaire et sont autrement éduqués à l’éthique. S’il n’existe pas un programme officiel de philosophie avec les enfants au Gabon, les enfants gabonais philosophent, tout de même, à partir d’autres programmes scolaires, institutionnels. C’est le cas des programmes d’Éveil au pré primaire et de l’Éducation Civique au primaire. C’est ce que nous tentons de légitimer, ici. Considérons les tableaux suivants :
Eveil
Education civique
Il va de soi que l’idée de Leçon de philosophie est fondamentalement à problématiser. C’est son essence même. Toute Leçon de philosophie implique déjà un problème philosophique qu’il convient de résoudre, ensemble, à travers la DVPD par exemple.
On peut effectivement évoquer l’idée de « morale » comme « ce que l’on retient, in fine, des échanges avec les enfants », cette sorte de « leçon préétablie ». C’est un choix sémantique fort appréciable puisqu’on finit toujours par retenir quelque chose d’essentiel, de nécessaire pour les enfants. C’est ce que nous appelons Leçon à visée philosophique.
Maintenant, le choix du vocable peut appartenir à tout un chacun. Toutefois, avant toute chose, nous conseillons de relire le 3.1. Nature de la LVP. En entendant, dans le point qui suit nous énonçons les éléments indispensables qui participent de cette LVP, à la base.
Philosopher avec les enfants gabonais de 3 à 12 ans, en vue d’être éduqués à l’éthique : notions philosophiques, compétences pédagogiques et auteurs
Une leçon de philosophie part toujours d’un problème philosophique qu’il convient d’abord d’identifier, pointer du doigt la difficulté de la difficulté, en termes de ce qui ne va pas de soi. Toutefois, pour une même notion à l’étude, les orientations didactiques de traitement philosophique ne sont jamais à l’identique, sur le plan pédagogique. Il faut donc interpréter ou expliquer, à sa manière, ce qui est posé comme moins évident.
En outre, si le philosopher se nourrit des contradictions, la philosophie n’est pas contradictoire. Apparait ici la nécessité de synthétiser : obligation de retrouver, par-delà la diversité, les liens logiques entre des points de vue en apparence opposés les uns aux autres. Pour ce faire, nous devons argumenter, c’est-à-dire justifier des thèses, dire que ce qui est vrai est vrai ; ce qui est faux est faux. C’est aussi cela critiquer : montrer que l’évidence est constamment à débattre. L’horizon est d’approfondir, aller à la chose même.
Identifier ; interpréter ; synthétiser ; argumenter ; critiquer et approfondir constituent les compétences pédagogiques de base que nous jugeons premières, pour philosopher avec les enfants, éventuellement être éduqués à l’éthique. Aussi, nous proposons :
Enseignement pré-primaire
Enseignement primaire
La perspective est heuristique. Par la découverte, et au travers d’une méthode active, nous proposons d’amener progressivement les enfants à se familiariser avec les philosophes.
Le principal n’est pas précisément d’enseigner les philosophes aux enfants. Mais, comment, par le biais des échanges, ces enfants parviennent, individuellement, à associer une idée émise à un philosophe précis. C’est le travail de l’animateur, lors de la synthèse des discussions, de fixer les choses en trouvant le lien qui pourrait exister entre les propos des enfants, leurs différents points de vue et certaines philosophies, en termes des pensées des philosophes. Par exemple, en réfléchissant sur La Nature avec les enfants de Petite Section, dont le point précis des échanges pourrait être la question « Pourquoi est-il nécessaire de protéger le milieu dans lequel nous vivons? », c’est l’occasion d’introduire Hans Jonas, de rappeler son point de vue sur l’impérieuse nécessité de protéger l’environnement, pour notre propre survie, celle de la postérité, des générations futures. Le reste relève du génie de l’animateur qui devrait logiquement partir de l’environnement immédiat des enfants, la salle de classe par exemple, pour ouvrir les débats, initier le questionnement, poser la question centrale sur laquelle devrait se fonder la DVPD. Le 3.1. Nature de la LVP précise théoriquement comment les choses devraient se passer.
De la Leçon à Visée Philosophique (LVP) dans l’enseignement pré-primaire et primaire au Gabon
Nature de la LVP
La Leçon à Visée Philosophique (LVP) est une leçon comme toutes les autres. Muglioni (1992, p. 25) ne dit pas autre chose lorsqu’il parle de la Leçon de philosophie :
En tant que leçon, elle doit se comprendre en même façon qu’une leçon de gymnastique, de dessin ou de chant. Elle est l’acte même, indivisible, d’instruire ou de s’instruire, soit qu’on fasse une leçon devant des élèves, soit qu’on l’écoute pour la suivre, l’apprendre et la retenir.
La Leçon à Visée Philosophique (LVP) n’est pas moins une Leçon de philosophie. Elle est réalisée en situation de classe, conformément à une progression pédagogique, en rapport avec un programme scolaire institutionnel. C’est une activité précise d’enseignement, exécutée dans un temps préalablement déterminé, et dont l’objectif général, en termes d’intention pédagogique, est connu en amont, au même titre que les objectifs spécifiques ou idées directrices à développer, ensemble, enseignants et apprenants, animateur et enfants. De même, les outils didactiques sont tout de suite définis pour plus d’efficacité.
La particularité de la LVP, c’est qu’elle n’est pas déjà une leçon de philosophie, ainsi qu’on le conçoit traditionnellement. La LVP devient une leçon de philosophie, stricto sensu. C’est le travail de l’animateur qui a pour mission essentielle de mener une activité pédagogique à vocation philosophique. Car, l’objectif fondateur d’une LVP n’est pas déjà d’enseigner les philosophes et les philosophies, ainsi qu’on l’aurait fait dans une certaine tradition universitaire, héritée des Universités du Moyen-âge[1]. À l’opposé, la LVP, c’est susciter du débat, contradictoire. Précisément, inviter au philosopher, à l’étonnement; au questionnement permanent, à la pensée critique; à la culture ouverte, éclectique de la réflexion philosophique; au doute méthodique. C’est dans la Discussion à Visée Philosophique et Démocratique (DVPD), d’inspiration tozzienne, que la LVP se fait. C’est à travers cette DVPD que les philosophes et les philosophies sont progressivement abordés, pour les faire découvrir à la fin, comme références utiles, là où il est absolument nécessaire. Surtout, au moment de synthétiser, étape cruciale où l’animateur prend en charge les multiples, diversifiés et différents points de vue des enfants, pour les éclairer davantage; justifier philosophiquement chacune des deux thèses en présence, en apparence contradictoires.
On retient que les philosophes et les philosophies ne sont pas, tout de suite, prioritaires dans une LVP. Ce qui est premier, c’est ce que pense chaque discutant, au sujet de l’objet d’étude, de la notion à étudier, à débattre, dans l’esprit d’une Communauté de Recherche Philosophique (CRP) de Mathew Lipman. Par exemple, dans une LVP sur La liberté en 5è Année de l’enseignement primaire au Gabon, les conceptions philosophiques d’un Jean-Jacques Rousseau et d’un Jean-Paul Sartre y relatives, ne constituent pas déjà le principal. L’essentiel, c’est le débat contradictoire, la discussion nourrie qui s’organise autour de ce que pense effectivement chaque enfant au sujet de « La liberté »; la définition qu’il en donne, l’avis qu’il formule pour une thèse ou pour une autre. La priorité, c’est l’ensemble des questions et réponses qui émergent lors de la DVPD et qui nourrissent perpétuellement la LVP. À ce propos, ce qui doit fondamentalement intéresser l’animateur, ce sont les définitions des enfants, leurs avis qui doivent souvent être repris et précisés, par lui, en y associant les philosophes, au besoin, s’il le juge opportun. Une LVP sur La liberté en 5è Année de l’enseignement primaire au Gabon se déroulerait ainsi qu’il suit :
Un exemple de la LVP sur La liberté en 5è Année de l’enseignement primaire au Gabon
Les compétences à développer que nous avons retenues pour ce niveau sont :
1) Critiquer
L’animateur pourrait commencer sa LVP sur La Liberté par cette petite allusion :
« En pleine séance d’explication d’une leçon, un(e) de vos camarades ressent le besoin de se rendre à l’extérieur de la salle de classe. Sans préalablement s’adresser au maître ou à la maîtresse, en vue de demander une permission, il se lève et sort. Est-il libre d’agir ainsi ? Être libre, est-ce se lever de son table banc et sortir sans permission ? La liberté consiste-t-elle à faire tout ce que l’on veut ou à respecter les règles du vivre-ensemble? Un enfant qui sort régulièrement de la maison de ses parents, sans autorisation, est-il libre? »
2) Argumenter
À ce stade, il s’agit, pour l’animateur, de recueillir tous les points de vue possibles des discutants sur le concept de « Liberté ». Il compile les avis des uns et des autres, pour une thèse première ou pour une autre, thèse seconde. Il prend le soin de libeller clairement les deux thèses possibles sur La Liberté, en apparence contradictoires. Car, argumenter ici à le sens que lui accorde Lalanne (2007) : « Tenter d’aller au bout d’une thèse jusqu’à ce qu’elle révèle sa famille ». L’objectif est de nuancer un propos et non de convaincre un auditoire.
La nuance n’est pas non plus une opposition catégorique, mais un dépassement. En logique, on ne peut pas affirmer une chose et son contraire, sous un même rapport. La philosophie est logique. Pour notre LVP sur La Liberté, nous dirions :
- « Être libre, c’est d’abord et avant tout faire ce que l’on veut » ;
- Cependant, « la liberté véritable réside surtout dans le respect de l’autre, des règles élémentaires du vivre ensemble, des lois ».
L’animateur pourrait alors ranger, dans ces deux casiers, toutes les définitions possibles, les avis motivés que les discutants se donnent à propos de la liberté.
3) Synthétiser
C’est le moment essentiel des échanges où le rôle de l’animateur devient crucial.
À la suite des avis recueillis, et correctement rangés dans les deux thèses en présence, les deux tiroirs ouverts, l’animateur s’assure de la pertinence de chaque thèse, de manière dialectique, sans tomber dans les pièges du oui ou non, pour ou contre. L’objectif, à terme, est double : établir des liens logiques entre les éléments d’une même thèse, d’une part et montrer les limites d’une thèse première par rapport à une thèse seconde, d’autre part. C’est à ce niveau des échanges que l’animateur peut légitimement recourir aux philosophes et aux philosophies, au besoin, et si absolument nécessaire ; s’il le juge opportun, pour justifier une thèse. Le principal consiste à aller plus loin, dans la réflexion ; faire découvrir la densité de la culture philosophique, rendre compte de l’effort de pensée de certains auteurs par rapport aux problématiques abordées. L’horizon est le souci d’honnêteté intellectuelle vis-à-vis de nos prédécesseurs ; là où, parfois, une certaine originalité philosophique manque crûment. La synthèse devient le lieu de la conclusion du débat.
Pour une philosophie avec les enfants de 3 à 12 ans au Gabon qui articule éducation coutumière et éducation à l’éthique
Education coutumière et éducation éthique au Gabon
L’éducation coutumière, entendons par là l’éducation gabonaise traditionnelle, n’est pas étrangère à l’éducation éthique telle qu’elle se conçoit aujourd’hui. Qu’il s’agisse des questions environnementales du moment (le climat ; la faune ; la flore ; la pollution, etc.) ou des problématiques sociétales actuelles (le genre ; le transgenre ; l’homosexualité ; l’avortement ; le don d’organe ; la fin de vie ; le clonage ; etc.), la réflexion est autrement orientée. Toutes ces préoccupations sont abordées chacune sous un angle particulier, avec des outils propres à la culture du terroir. L’enfant gabonais y est associé trop tôt suivant un protocole explicite ancré dans un processus éducatif de socialisation bien défini.
A ce propos, les travaux d’Erny (1987) et de Moumouni (1998) indiquent trois étapes :
1) De 0 à 6 ans : l’éducation par la mère
La mère enseigne à l’enfant l’antériorité du groupe par rapport à soi. Elle développe ainsi chez ce dernier le sens de l’altérité. Si un membre de la communauté est dans le besoin, il ne faut pas le laisser seul, face à sa mort. Il doit absolument être secouru. C’est le communautarisme africain. Personne ne doit mourir seul. Nous devons accompagner l’autre, tant qu’il respire encore. Aussi, la fin de vie implique un accompagnement multiforme de tous pour un. S’il y a des organes à donner, par exemple, cela ne devrait normalement pas poser problème. C’est un parent, un frère dans le besoin. C’est le devoir du village :
- « Soyons à l’écoute les uns les autres » ;
- « Acceptons-nous les uns les autres » ;
- « Travaillons ensemble ».
2) De 6 à 10 ans : l’éducation par la mère ou par le père, selon que l’enfant est une fille ou un garçon
La mère ou le père s’occupent respectivement de former la fille ou le garçon à la responsabilité. Ils développent en chacun, toute capacité à supporter la difficulté, à gérer l’imprévu, à assumer ses propres turpitudes : Faire face à toute épreuve existentielle.
La fille et le garçon sont progressivement initiés aux arcanes du mariage, la plus grande institution dans la culture gabonaise. La fille est entrainée pour devenir une épouse attentionnée, digne de son époux et de sa belle-mère ; une excellente mère au foyer, une belle-fille honorable, etc. Aussi, elle se dit :
- « Je me comporte bien » ;
- « Je suis obéissante » ;
- « Je sais donner mon opinion ».
Le garçon doit apprendre à assurer ses charges, à s’occuper de sa famille. Il est éduqué pour devenir un bon père, un mari attentif, toujours à l’écoute des siens. Son rôle est de protéger sa femme et ses enfants ; leur fournir tout ce dont ils ont besoin pour leur survie. Un homme éduqué, donc responsable, devrait toujours se dire :
- « Je prends soin de ce qui m’appartient » ;
- « Je fais bien ce que j’entreprends ».
Au final, la responsabilité implique que chacun s’occupe de ce qui lui est prescrit par l’éducation coutumière. La fille et le garçon ne partagent pas les mêmes taches. L’un est formé pour être mère ; l’autre pour être père. Aucune confusion n’est possible.
Le mariage traditionnel consacre un homme et une femme, et non un homme et un homme ou une femme et une femme. La question de l’homosexualité ne se pose pas pour l’éducation coutumière. Aussi, si l’égalité homme-femme est pensée dans le respect des rôles sociaux respectifs, assignés traditionnellement à chacun, le mariage pour tous est une aberration, une excroissance sociétale du point de vue de la coutume, de la tradition.
Une façon de concevoir l’éducation qui transparait nettement de 10 à 15 ans, au moment des initiations où l’éducation coutumière atteint son haut plus degré d’accomplissement.
3) De 10 à 15 ans : l’éducation par le village, suivant le sexe de l’enfant
La fille est initiée dans des rites féminins. Le garçon est pris en charge par les hommes du village pour sa formation initiatique. Les rites masculins ne sont pas ouverts aux femmes qui doivent se contenter de leurs propres rites. Mais cela ne dispense guère la fille et le garçon d’être globalement formés pour la vie, pour la société, pour la responsabilité humanitaire. On apprend par exemple l’hospitalité vis-à-vis de l’étranger ; la préservation de la nature à travers certains interdits alimentaires ; les bonnes meurs comme « ne jamais ôter la vie à son prochain, sous peine de la colère des esprits de la forêt et ou des eaux ». Se dire en soi-même :
- « Non à la violence » ;
- « Soyons prudents » ;
- « Il ne faut favoriser ni rejeter les autres » ;
- « Soyons solidaires ».
Signalons tout de même, qu’avec la « libéralisation des mœurs », l’éducation coutumière gabonaise, dans son orientation éthique traditionnelle, est de plus en plus éprouvée.
L’éducation coutumière gabonaise à l’épreuve d’une éducation éthique actuelle libéralisée
L’apparition des faits sociaux nouveaux, l’avènement des comportements sociétaux d’un autre genre réclament une éducation éthique autrement orientée. Dans le cas des « Droits de la femme » par exemple, l’image d’une société phallocratique est ruinée. La répartition des tâches, entre l’homme et la femme, pour une société actuelle de consommation, est désormais revisitée. Si l’homme reste le « Chef de famille », conformément aux dispositions du code civil gabonais, il n’en demeure pas moins qu’il aide, accompagne sa femme dans son rôle de mère ; la soutient par rapport à des tâches traditionnellement prédéfinies. D’ailleurs, le combat pour « l’égalité homme et femme » n’a pas survolé le Gabon. Des dispositions légales sont prises au plan national pour protéger la femme. On parle de la « protection de la veuve et de l’orphelin »; du « respect des quotas des jeunes et des femmes » dans l’administration ; des espaces d’écoute et de lutte contre les violences faites aux femmes (violences conjugales ; viols; harcèlement sexuel en milieu scolaire, universitaire et professionnel ; discrimination sexiste…); aide aux « jeunes filles mères », etc.
Aussi, on peut dire, sans risques de se tromper, que la femme gabonaise actuelle est moins méprisée. Toutefois, il reste encore d’autres combats sociétaux à justifier. Dans une société gabonaise où la politique nataliste est promue, eu égard au faible taux démographique de la population, l’avortement n’est pas très encouragé. Un avortement clandestin est légalement réprimé. Il est mal perçu par les pouvoirs politiques. En outre, pour un peuple assis sur des traditions millénaires, conservateur, la dépénalisation de l’homosexualité au Gabon n’a jamais été favorablement accueillie. Aussitôt après la chute du régime du Président Ali Bongo Ondimba, les militaires au pouvoir se sont empressés, dans leur Charte de transition, de déconstruire cette loi en réaffirmant que le mariage est une institution qui consacre l’union de deux personnes : « un homme et une femme », et non « une femme et une femme » ou « un homme et un homme ». C’est l’héritage ancestral. Du coup, la légalisation du « mariage pour tous » n’est pas pour maintenant en République gabonaise.
Le Gabon encourage les causes jugées nobles : la protection de l’environnement, nécessaire à la survie de l’espèce humaine. On dénombre 13 Parcs nationaux, où la faune et la flore abondent. La lutte contre le réchauffement climatique constitue une priorité gabonaise dans l’éducation éthique actuelle. Elle garde des traces symboliques de l’éducation coutumière gabonaise, notamment à travers des interdits alimentaires et le respect quasi incantatoire des éléments de la nature (arbres, montagnes, rivières, fleuves, océans, etc.). Le rôle de la philosophie est d’accompagner l’État gabonais dans ses efforts constants de sauvegarder nos écosystèmes, protéger la biodiversité, les forêts, les mers et les océans. Il est surtout éducatif. En effet, le philosophe se veut être une conscience éclairée. A ce propos, il se positionne comme un lanceur d’alerte par excellence par rapport aux dangers qui guettent une déforestation sauvage, par exemple. Aussi, il milite pour une protection accrue de la nature, gage de notre propre survie, et celle des générations futures. A travers ses réflexions (Conférences-débats ; articles scientifiques ; ouvrages ; séminaires ; symposiums, etc.), le philosophe participe au débat sur la protection de la nature, en proposant des idées visant à promouvoir une action en faveur du développement durable.
Aux côtés des ONG, le philosophe prône pour une économie verte, en tenant compte des exigences actuelles de développement de chaque Etat. A ce sujet, si une exploitation barbare des ressources de la nature, par et pour des grands groupes industriels, est à blâmer, les pays pollueurs doivent payer pour leur pollution, en versant des suffisamment des sous aux pays qui ont choisi de protéger les forêts pour le bien de l’humanité, comme le Gabon. Par ailleurs, et en vue d’éduquer les enfants gabonais à l’éthique, nous formulons ces quelques règles élémentaires, dix au total, pour philosopher opportunément :
Règles élémentaires pour philosopher avec les enfants gabonais de 3 à 12 ans, réaliser une LVP en situation de classe
- L’étude des notions se fait sous forme d’« Atelier de philosophie » à l’Anne Lalanne (2007).
Un « Atelier de philosophie » à la Lalanne s’organise autour de ce qu’elle appelle, elle-même, le « travail philosophique ». Celui-ci repose sur trois moments essentiels, progressifs, solidaires les uns aux autres, constitutifs du philosopher en soi, à savoir :- Problématiser
Mettre à jour un problème philosophique.
Pointer ce qui fait obstacle à la pensée, par un examen des opinions : « Faire l’inventaire de ce que chacun sait, des représentations les plus connues ». - Argumenter
Passer d’une thèse à une autre.
Tenter d’aller au bout d’une thèse jusqu’à ce qu’elle révèle sa faille, sa contradiction interne et que par-là, elle en appelle une autre. - Synthétiser
Mettre en forme, structurer toutes les idées développées ; établir des liens entre elles.
- Problématiser
- L’idéal est de partir d’un conte ; d’un mythe ; d’une épopée ; d’une légende voire d’une image qui appartiennent à la culture gabonaise voire africaine ; en vue de susciter un questionnement philosophique pertinent, opportun et à propos.
- Les apprenants se constituent en Communauté de Recherche Philosophique (CRP) au sens de Mathew Lipman (1978).
- Tout questionnement philosophique pertinent doit se distinguer, dans sa structure, d’un simple renseignement sur la notion à étudier ou des philosophes homologués.
- Problématisant en amont comme en aval, l’interrogation philosophique est proportionnelle au niveau réel des apprenants, et conforme aux préoccupations du moment.
- Les débats s’organisent matériellement[2] en référence au Dispositif de la Discussion à Visée Philosophique et Démocratique (DVPD) élaborée par Michel Tozzi (2005). Les discutants sont attablés en U. En face est prévue une table pour l’équipe d’animation constituée de quatre personnes (Animateur ; Président de séance ; Reformulateur et Synthétiseur) auxquels il convient d’ajouter des observateurs, placés à l’extérieur de l’espace de discussion. Un rôle précis, spécifique est défini par le dispositif, et attribué à chaque membre de l’équipe.
- Entre texte et image, l’enseignant est libre. Toutefois, son choix doit être légitimé par la situation, le vécu de l’apprenant, ses traditions, sa coutume ; et nourrit à « la maïeutique socratique » pensée par Oscar Brenifier (2007).
- Tout au long des débats, l’éthique de la discussion à la Jürgen Habermas (2003) est la règle d’or, pour penser une répartition équitable de la parole et du temps d’interventions.
- Au terme de toute Discussion à Visée Philosophique et Démocratique, un bilan philosophique, sous forme de synthèse, est proposé aux apprenants par l’enseignant, en sa qualité d’animateur principal.
- Les bilans philosophiques sont enrichis par l’expérience personnelle des apprenants, la culture générale de tous et la maitrise des philosophes par l’enseignant.
Finalement, si le dispositif de la LVP demeure celui de la DVPD, sa méthode de réalisation, tout en se fondant sur les échanges avec les enfants, est un mixte de pratiques. L’esprit du groupe, celui qui doit animer les discutant, reste celui de la CRP de Matthew Lipman. L’effort de mettre à jour un problème philosophique est pensé sous le mode des Ateliers de philosophie à la Anne Lalanne. Pour conduire les discussions, interroger les enfants, la maïeutique socratique d’Oscar Brénifier devrait inspirer l’animateur des débats.
Ouvrages/Articles
- Brénifier, O. (2007). La pratique de la philosophie à l’école primaire. Paris : Ed. Nassier.
- Erny, P. (1987). L’enfant et son milieu en Afrique Noire. Essais sur l’éducation traditionnelle. Paris : L’Harmattan.
- Habermas, J. (2003). L’éthique de la discussion et la question de vérité. Edité et traduit par P. Savidan. Paris : Grasset.
- Lalanne, A. (2007). Un atelier de philosophie à l’école primaire. Repéré à : http://philohorsclasse.free.fr/spip.php?article27
- Lipman, M. (1978). A la découverte d’Harry Stottlemeier. Paris : Vrin.
- Muglioni, J. (1992). La leçon de philosophie. Philosophie, 1, Bulletin de Liaison des professeurs de philosophie de l’académie de Versailles, CRDP, p. 25-37.
- Moumouni, A. D ; (1998). L’éducation en Afrique. Paris : Présence Africaine.
- Tozzi, M. (2005). L’émergence des pratiques à visée philosophique à l’école et au collège : Comment et pourquoi ? Spirale. Revue de recherches en éducation, 35. Philosopher avec les enfants, p. 9-26.
Documents institutionnels
- IPN (2005). Super en Education Civique, 1è année. Education à l’environnement et à la santé. Libreville/Paris : EDIG-EDICEF.
- IPN (2006). Super en Education Civique, 2è année. Education à l’environnement et à la santé. Libreville/Paris : EDIG-EDICEF.
- IPN (2007). Super en Education Civique, 3è année. Education à la citoyenneté, à l’environnement et à la santé. Libreville/Paris : EDIG-EDICEF.
- IPN (2008). Super en Education Civique, 4è année. Education à la citoyenneté, à l’environnement et à la santé. Libreville/Paris : EDIG-EDICEF.
- IPN (2009). Super en Education Civique, 5è année. Education à l’environnement et à la santé. Libreville/Paris : EDIG-EDICEF.
- IPN (2018). Super Petite Section, 3 ans. Eveil. Libreville/Paris : EDIG-EDICEF.
- IPN (2019). Super Moyenne Section, 4 ans. Eveil. Libreville/Paris : EDIG-EDICEF.
- IPN (2020). Super Grande Section, 5 ans. Eveil. Libreville/Paris : EDIG-EDICEF.
Textes de lois
- Arrêté N°260/MENRS-IPN-DE2 du 18/12/1974 fixant les programmes de philosophie dans les classes terminales du second cycle du second degré de la République gabonaise.
- Arrêté N° 21/MENRS-IPN-DE2 du 29/01/1975 fixant les programmes de morale et d’instruction civique dans les classes du second degré de la République gabonaise.
Enseigner la Philosophie revient toujours à enseigner les philosophes, à interpréter leurs philosophies, commenter leurs pensées. ↩︎
Nous parlons là de la disposition physique des enfants; de leur positionnement pratique, leurs emplacements respectifs pour discuter; des places qu’ils doivent individuellement occuper lors du débat, au moment des échanges. ↩︎