Revue

Philosopher dans un musée archéologique

Narbo Philo à Narbo Via.

Présentation de Narbo Via

Narbo Via est un établissement public de coopération culturelle né en 2020. Il regroupe trois sites patrimoniaux antiques du Narbonnais, le Musée et l’Horréum à Narbonne, le musée de site Amphoralis à Sallèles-d’Aude.

1.1. Le musée Narbo Via est un écrin pour les collections archéologiques antiques de Narbonne. Réalisé par l’équipe d’architectes Foster & Partners, sa riche programmation démultiplie les expériences de visite : visites-découvertes des 1000 œuvres et objets du parcours permanent, expositions temporaires, ateliers, projections de films, nocturnes festives, découvertes des coulisses et des réserves du musée, visite des chantiers de fouille sur le territoire… Narbo Via est également un pôle de recherche archéologique. Il dispose à ce titre d’un atelier de restauration (céramiques, mosaïques, enduits peints, fragments lapidaires) et d’une salle d’étude pour les collections ainsi que pour le mobilier archéologique, et d’un auditorium de 200 places qui accueille des conférences et des colloques.

1.2. L’Horreum, classé au titre des Monuments Historiques en 1961, se trouve au cœur de la ville moderne. Ce sont des galeries souterraines construites au Ier siècle avant notre ère et situées à 5 mètres au-dessous du sol moderne. Elles devaient constituer les fondations d’un bâtiment, sans doute de type marché, dont la recherche n’a pas encore découvert tous les secrets (horreum signifiant « entrepôt » en latin). Avec les vestiges archéologiques du Clos de la Lombarde, l’Horreum est l’un des seuls monuments romains visible et visitable au centre de Narbonne.

1.3. Amphoralis, situé à Sallèles-d’Aude, à une douzaine de kilomètres au nord de la capitale antique Narbo Martius, est un ancien atelier de production d’amphores gauloises, mis à jour dès 1976. Son musée surplombe les fouilles archéologiques d’une fabrique antique de poteries (Ier– IIIe siècle). Il permet de découvrir la vie quotidienne et l’activité de ces potiers. Dans le parc, un parcours extérieur mène aux restitutions de fours et d’une habitation gallo-romaine, construits à l’identique des vestiges retrouvés. Derrière l’habitation, le jardin des potiers présente plus de 160 espèces de plantes répertoriées par les agronomes latins. Enfin, une promenade dans l’arboretum permet de découvrir des essences de bois utilisées à l’époque pour les cuissons et de comprendre la régénération d’une forêt. Centre d’expérimentation archéologique autant que lieu de découvertes et d’animations pour le public, Amphoralis est un site unique en Europe, entre patrimoine et environnement naturel préservé.

La politique culturelle de Narbo Via vise à démocratiser la culture, et faire du musée un tiers lieu rendant possible l’expérimentation et l’innovation dans la transmission culturelle.

La philosophie pour aborder les collections autrement et connecter le patrimoine au présent (Jennifer Gomez)

En tant que chargée d’étude et de valorisation du patrimoine depuis 2003, et actrice de la diffusion de la culture auprès d’un large public, je réfléchis à l’importance de connaître et de partager une culture commune.

Dans une dynamique professionnelle de conquête de nouveaux publics et de diversification des publics de musée, ma réflexion porte sur la mise en place d’approches alternatives des objets patrimoniaux. C’est particulièrement pour le public jeune, et notamment pour les publics scolaires, reçus en masse, que je me suis interrogée : « Comment rendre l’enfant, le jeune élève, l’adolescent plus actif dans sa démarche d’apprentissage et dans son goût pour la découverte des patrimoines ? ».

L’une des réponses résidait pour moi dans la compréhension de la démarche même de découverte mise en place par une équipe pédagogique ou bien le parent. Au-delà du contenu que dévoile une visite guidée ou un atelier de pratique, il me semble primordial que l’enfant questionne en premier lieu le « pourquoi » de ce mode de découverte. Pourquoi les parents, l’enseignant, le responsable de groupe mettent en place cette activité culturelle ? Pourquoi l’enfant, l’élève est-il conduit à visiter un musée, un site naturel ou culturel ? Le questionnement philosophique m’est apparu comme une voie de réponse à la question, mais aussi comme un mode d’accompagnement du public afin de le rendre acteur.

Entre octobre 2022 et juillet 2023, dans le cadre de mon activité professionnelle au sein de Narbo Via, le partenariat avec l’Université Populaire de la Narbonnaise a permis de mettre en place Narbo Philo. La phase d’expérimentation reposait sur le postulat suivant : la complémentarité entre une visite et un atelier philosophique fait émerger la mise en perspective du propos.

Le concept de cette offre repose sur deux temps, celui de la visite thématique et celui de l’atelier philosophique. La visite guidée a pour objectif double de développer un exemple qui illustre le sujet du débat et de constituer un référentiel commun pour le groupe de l’atelier philosophique.

Le musée Narbo Via et ses collections sont un vaste champ des possibles où l’on peut aborder une multitude de sujets à débattre. Les thèmes ont été pensés en amont autour d’une discussion entre les partenaires, et une attention toute particulière a été donnée à suivre la programmation culturelle de Narbo Via.

Par exemple, le questionnement philosophique du premier Narbo Philo adulte était : « comment s’inscrit l’homme dans le temps ? ». En résonnance, la visite guidée avait pour fil conducteur la présentation de vestiges d’une société disparue à travers la découverte d’une sélection d’objet du parcours muséographique. Ce principe s’est répété au fil des Narbo Philo adulte, et il était le même pour les Narbo Philo enfant à la différence près du mode de transmission.

La manière de transmettre du contenu culturel et scientifique était pensé et adapté à l’âge des enfants (8-11 ans). Les visites étaient alors participatives, mobilisant l’écoute tout en incluant le corps de l’enfant par le mime, le jeu ou encore une activité créative de dessin.

Enfant dans un musée reprodisant une oeuvre sur une feuille de papier Dessin d'un enfant représentant une oeuvre

Par exemple, pour l’atelier « Le mythe et moi… », la collection du musée est devenue un prétexte à diffuser la culture mythologique. Le mythe de Phaéton a été conté en résonnance avec la Peinture aux chevaux, deuxième moitié du IIe s. ap. J.-C., issue du site du Clos de la Lombarde. Après avoir découvert l’histoire de ce fils d’Apollon, gâté et foudroyé, les enfants ont pu réaliser un dessin trace de l’aventure au sein même des collections.
En préambule du Narbo Philo « Le musée, l’archéologie et moi ? », la visite introductive a pris appuie sur La fabrique du temps- frise 3D. J’ai conçu cette maquette à la manière des démonstrations de l’équipe pédagogique « C’est pas sorcier ! », afin de présenter trois phases d’occupation de l’espace par des peuples aux cultures différentes. Cet outil de médiation culturelle permet d’éclairer le propos du musée et de rendre intelligible ses collections. Un autre dispositif immersif de médiation numérique a été visionné montrant la pluralité des outils qu’un musée peut mettre en œuvre pour éclairer la compréhension de ses collections. Autant d’exemples que les enfants pouvaient mobiliser pour illustrer leur pensée durant le débat.

Enfants dans un musée

Après cette première année d’expérimentation, je constate que l’information diffusée pendant la visite peut être réinvestie aussitôt dans la discussion. Concernant le public jeune, cela contribue à l’apprentissage et à la mise en place d’une culture personnelle solide dès le plus jeune âge. Il y a aussi le contact avec l’objet. Le discours culturel repose sur des objets physiques auxquels on se confronte, ce qui donne un autre sens et une proximité matérielle au contenu, dépassant la seule approche intellectuelle. L’émotion est aussi très présente ; des études ont montré que l’affect est primordial dans l’apprentissage de tous et particulièrement des plus jeunes. Des informations reçues dans un moment ludique et joyeux s’ancrent plus durablement dans la culture personnelle.

L’atelier philo pour adultes (Michel Tozzi)

Atelier philo pour adultes

Dans le cadre d’un partenariat entre le musée Narbo Via et l’Université Populaire de Narbonne (UPN), il a été convenu du dispositif suivant : ½ heure de visite du musée par une médiatrice ou un médiateur de Narbo Via sur un thème convenu à l’avance, suivi d’un atelier philo pour adultes sur la même thématique d’une bonne heure dans une salle ad hoc, et en alternance le mois suivant un atelier philo avec les enfants de ¾ h. La charte de l’UPN comprenant la gratuité des activités, l’opération se déroula le 1er dimanche de chaque mois, jour de gratuité du musée. Animant chaque mois depuis 27 ans un café philo sur Narbonne, et depuis 19 ans l’atelier de philosophie de l’UPN, je procédais lors du premier atelier comme d’habitude : une introduction problématisée, suivie d’un échange interactif entre participants, avec un animateur sur le fond (moi-même), un ou une président.e de séance qui distribue démocratiquement la parole selon des règles, et une personne prenant des notes, en vue d’une synthèse distribuée avec mon introduction à la prochaine séance.

Je m’aperçus dès la seconde séance que la visite pouvait tenir lieu d’introduction à la discussion, parce que sur le thème choisi, elle apportait des éléments précieux pour la réflexion. Les participants pouvaient par ailleurs avoir été affectés par telle pièce du musée commentée, telle information délivrée, telle immersion proposée (Ex : Balade dans la Narbonne romaine en 3D), et ressentir à cette occasion des émotions, parfois un sentiment esthétique, qui ancraient dans leur subjectivité l’intérêt pour la discussion.

Les thèmes choisis étaient décidés en commun très en aval, en fonction des ressources possibles du musée, et mis sous forme de questions à « potentiel philosophique ». Nous avons pu ainsi traiter en 2022-2023 : « Comment l’humain s’inscrit-il dans le temps ? » ; « La connaissance du passé : quels enjeux ? » ; « Que signifie la trace ? » ; « Peut-on articuler mémoire et histoire ? » ; « Les civilisations sont-elles mortelles ? » ; « Vivre la (sa) citoyenneté » ; « Avoir un métier ; quels enjeux ? ».

Une brochure comprenant les introductions et synthèses des ateliers philo a été publiée sur le site de Narbo Via (https://narbovia.fr) et sur celui de l’UPN (Onglet Ateliers philo : http://upnarbonnaise.unblog.fr).

Pourquoi cette pratique philosophique m’a-t-elle paru innovante ? Parce qu’elle ancre la réflexion dans du savoir par la visite, bénéficie de l’expertise d’une médiation, donne une base commune pour les échanges, et utilise un support matériel.

On utilise souvent dans des ateliers philo des supports diversifiés pour enclencher la réflexion : un film, un roman, une pièce de théâtre, un album de littérature de jeunesse, une BD, etc. Plus rarement une visite de musée. Et quand c’est le cas, c’est souvent un musée des Beaux-arts, avec sa dimension spontanément esthétique. Mais peu, à ma connaissance, les musées archéologiques, où l’on trouve beaucoup de pierres et des objets qui se voient, mais parlent peu d’eux-mêmes … L’intérêt d’une visite commentée est d’animer ces vestiges, de leur donner de la chair, de mettre en forme ces perceptions pour qu’elles deviennent des connaissances. L’atelier philo ne travaillera donc pas que sur de simples représentations, mais aussi sur des apports culturels, qui ancrent la réflexion dans le savoir. La réflexion sur les savoirs est très riche en philosophie.

Ce qui peut être philosophiquement mobilisé à partir du musée, c’est la dimension temporelle, la connaissance du passé, la mémoire collective et l’histoire, la dimension civilisationnelle, le rapport du passé et du présent. On peut comparer le passé au présent, les civilisations, leur émergence, leur spécificité et leur disparition, s’interroger à partir de traces concrètes, et cette démarche est très porteuse pour la réflexion philosophique, qui élabore des questions pour construire du sens …

Par exemple, la visite sur la civilisation romaine nous a donné un certain nombre d’éléments qui nous ont permis de conceptualiser une notion plus générale et abstraite, « la civilisation ». Dans une autre séance, les marqueurs de la citoyenneté au temps de la Narbonne romaine, comparés à ceux de la citoyenneté française actuelle, nous ont permis d’aborder la notion de citoyenneté, sa relativité dans l’espace et le temps et ses éléments permanents …

Dans l’esprit de l’atelier philo, l’animateur ne délivre pas du savoir, il est en position de « maître ignorant », pour que les enfants et les adultes soient et restent dans leur propre questionnement ; il suscite et accompagne ce questionnement, met en forme les échanges entre participants, relance la discussion pour que l’on approfondisse. L’intérêt de la présence du médiateur qui a conduit la visite pendant l’atelier, c’est de pouvoir intervenir, à la demande de l’animateur ou d’un participant, ou à son initiative, pour faire part sur tel ou tel point de son expertise.

La nature du musée, la visite préalable à la discussion, la médiation pour un accès au savoir, la présence de l’expert pendant la discussion sont des éléments innovants pour une pratique philosophique.

L’atelier philo avec les enfants (Catherine Vermand & Amandine Hours)

Atelier philo avec des enfants

Explorer le passé à travers la philosophie et l’archéologie : Une double aventure pour les enfants.

4.1. L’expérience que nous menons, Jennifer Gonzales- médiatrice au musée d’archéologie de NarboVia, Michel Tozzi, Didacticien de l’apprentissage du philosopher, Amandine Hours & Catherine Vermand- (animatrices philo jeunesse), est de combiner deux genres, la découverte des vestiges du passé et la réflexion à visée philosophique.

— Les visites à Narbo Via avec le médiateur. Le Musée d’Archéologique et sa collection lapidaire de l’époque romaine, offrent aux enfants une expérience explorative et interactive qui éveille leur curiosité et leur intérêt pour l’archéologie. Les enfants développent des compétences telles que la résolution de problèmes en équipe, la créativité et la communication, lesquelles sont essentielles pour leur développement et leur préparation à un avenir où la collaboration et l’innovation sont valorisées. Ces aspects ludiques permettent aux enfants de développer leur intérêt pour l’archéologie, d’explorer le passé de manière enthousiasmante, et de créer des souvenirs positifs et durables.

— Les ateliers de philosophie jeunesse, une discipline en plein essor qui vise à initier les enfants à la réflexion philosophique dès leur plus jeune âge.
Viser la philosophie, c’est proposer aux enfants l’opportunité de développer leur pensée critique, la réflexion qui sous-tend des actions (valeurs-éthique), leur curiosité intellectuelle. Les ateliers philo constituent des espaces d’apprentissage où les enfants peuvent s’exprimer librement dans le cadre qui leur est proposé, interagir de manière respectueuse et construire leur propre compréhension du monde qui les entoure. Plusieurs approches peuvent être utilisées en début d’atelier de philosophie pour enfants pour susciter la réflexion et faire émerger le dialogue philosophique : exemples la lecture de contes, les vidéos, l’utilisation d’objets, des jeux de rôle, des dilemmes moraux, des questions philosophiques stimulantes, l’observation d’œuvres ou de peintures dans des musées d’art …

4.2. Le projet d’atelier pour enfant, avec le musée d’archéologie Narbo Via :

Entre novembre 2022 et juin 2023, 10 ateliers Narbo Philo ont été proposés par le musée Narbo Via, 6 ateliers pour les adultes et 4 ateliers pour enfants (le contexte a été précisé dans les parties précédentes I, II et III de cet article).

Ce qui nous a réuni dans l’aventure était d’imaginer et mettre en œuvre cette nouvelle pratique philosophique, c’est à dire ensemble de coconstruire une proposition, de visite éducative, sensorielle etc., combinant les deux genres, pour les publics du musée Narbo Via. Avancer ensemble, faire des ponts entre des ateliers pour adulte et des ateliers jeunesse, afin de co-construire une proposition propre au musée de NarboVia.

L’organisation des ateliers pour les enfants a d’abord fait l’objet d’échanges et de regards croisés sur les thèmes à proposer. Il nous fallait répondre aux enjeux mixtes de la visite d’un musée d’une part et de l’atelier de philosophie, d’autre part. Nous avons choisi de collaborer de façon empirique et réflexive, de communiquer et de recadrer chaque atelier sur ce qui nous semblait positif et/ou à améliorer.

L’objectif posé étant de combiner les deux approches, musée et philosophie, stimuler l’intérêt des enfants pour l’archéologie, et faire l’expérience de discussions à visée philosophique ; renforcer leur capacité à se questionner et à réfléchir de manière critique.

Il s’agissait de donner l’opportunité aux enfants d’exprimer leurs idées, leurs questionnements et leurs réflexions, sur des sujets universels, en s’appuyant sur les observations et leur vécu personnel pendant le parcours découverte.

4.3. Le montage des ateliers, d’abord une démarche collaborative

Nous avons proposé des thèmes en lien avec l’archéologie et les collections présentes au musée. Nous avons veillé à les rendre accessibles à la catégorie d’âge des 8-12 ans, en ayant toujours à l’esprit de les rendre captivants. L’enjeu était d’amener les jeunes participants à se questionner sur des problématiques actuelles, en utilisant l’archéologie et la visite du musée avec la médiatrice, comme point de départ pour nourrir leur réflexion.

Faisant l’expérience pour la première fois d’une pratique d’animation philo au sein d’un musée, nous avons choisi des thèmes plutôt généraux, contrairement aux thématiques proposées pour les adultes par Michel Tozzi.

  • A) T’aime ou T’aime pas ? Approche de l’art.
  • B) Le musée, l’archéologie et moi.
  • C) Les mythes et moi.
  • D) L’homme et l’animal : quelles relations pour quels bénéfices ?

La médiatrice (Jennifer G.), a élaboré pour chaque thème retenu un parcours découverte pour guider les enfants à travers les collections du musée et mettre en avant des objets et des éléments archéologiques pertinents en lien avec le thème abordé. Cette approche devait permettre aux enfants de faire des observations directes, d’explorer le musée et de s’immerger dans le contexte de l’archéologie.

Nous avons d’abord identifié les animatrices philo avec la médiatrice, les enjeux propres à chacun des thèmes.

  1. Les objets du passé utilitaires ou œuvres d’art pour une approche de la notion d’art
  2. Aller au musée pour découvrir l’archéologie (le passé), pour questionner le monde contemporain (aujourd’hui) et ses enjeux (demain).
  3. Rencontrer des mythes qui donnent à penser ; enseignements et valeurs morales à tirer des mythes.
  4. Questionner la position autocentrée de l’humain ; envisager différemment la relation animal humain versus animal non humain.

Puis nous sommes convenues d’une première liste de questions envisageables pour mieux cadrer chaque thème et constituer un point de départ, voire de relance pour les échanges philosophiques lors de l’atelier.

Ci-après un tableau mémoire, des thématiques, enjeux de la discussion, et paroles d’enfants :

Thématique Enjeux de la discussion /Questions Paroles d’enfants & Synthèse collective
T’aimes ou t’aimes pas ?

Approche de l’art
Réflexion sur l’esthétique et le goût artistique à travers les vestiges archéologiques
Les enfants sont invités à discuter de leurs préférences artistiques en observant des mosaïques, des sculptures et des fresques.
Qu’aimez-vous et n’aimez pas en matière d’art ?
Quelles sont les différentes formes d’expression artistique explorées ?
Qu’est ce qui peut être qualifié d’œuvre d’art ? Tout le monde peut-il être un artiste ? A quoi sert l’art ?
- Être un artiste ce n’est pas forcément être très connu.
- L’art, une œuvre qui veut raconter quelque chose.
- L’art provoque des émotions esthétiques.
- L’art, une nourriture hors du commun.
- L’art nous permet d’apprendre.
Le musée, l’archéologie et moi ?

Réflexion sur le rôle et l’importance des musées (préservation, diffusion de l’histoire antique)
Les enfants sont invités à réfléchir sur leur expérience sensible et culturelle des musées ; la discussion invite à définir ce qu’est un musée aujourd’hui.
Quels sont les enjeux liés à la conservation du patrimoine ? Pourquoi les musées sont-ils importants dans notre société ?
- Le musée, un lieu de découverte, un lieu d’histoire, un lieu d’émotions, un lieu d’imagination, un lieu de questionnement, un lieu d’apprentissage, un lieu de culture.
- Ça sert à regarder des choses que l’on n’a pas vues (y revenir plusieurs fois).
- Le musée idéal ? … Que tout le monde puisse y emmener des œuvres.
Le mythe et moi…

Exploration et contributions des mythes anciens à travers les collections du musée et des contes.
Enseignements et valeurs, à en retenir ?
Les enfants sont invités à plonger dans la culture mythologique. Les dieux, leurs attributs. Les pouvoirs des dieux. Si tu avais un pouvoir ?

Sont-ils toujours pertinents dans notre monde moderne ?
- Il a pris le char de son père, et tout est devenu fou !
- Faire des expériences incroyables, prendre des risques, sans risques
- Être mortel c’est mourir.
- C’est garder ses amis, avoir conscience du temps qui passe.
- Il faut profiter du temps qui passe.
- Trop sur la planète.
L’homme et l’animal

Exploration de la place et des usages des animaux qui ont participé à la culture des romains.
Questionner l’humain au centre de ses besoins et de ses désirs.
Droits des animaux et devoirs de l’homme, inviter les enfants à une réflexion sur la place de l’humain face à la nature et aux autres espèces. Relations et bénéfices respectifs ?
Philosopher, une façon de penser les causes animales environnementales pour agir.
Synthèse collective : « On est parti des sacrifices et des croyances, on n’était pas tous d’accord. On s’est mis d’accord sur l’idée que les animaux (non humains) et les humains réfléchissent tous mais pas de la même façon. Les animaux ne sont pas toujours d’accord de leur usage par l’homme, mais on ne le sait pas. On est d’accord que les chevaux communiquent avec leurs oreilles quand ils ne sont pas d’accord ».

4.4 Nous avons animé les séances avec la méthode de la DVDP, en voici quelques points remarquables :

Pour garder le bénéfice de l’énergie et des ressentis des enfants, dans l’idée d’une continuité avec la visite du musée, nous avons débuté chaque séance par une « séquence préliminaire » de questionnements individuels, variables selon le thème : Qu’avez-vous retenu ? Quels mots ou éléments remarquables avez-vous envie de partager ? Du côté de l’affect : c’était comment pour vous de … ? Qu’avez-vous aimé dans la visite ? Qu’est-ce qui vous a touché ? Un moment moins confortable ? Un souvenir, un mot, une idée avec laquelle vous avez envie de repartir du musée ?

En suivant, nous avons utilisé trois façons différentes d’initier la discussion collective :

  • laisser libre cours à l’échange qui émerge entre les enfants à partir de ce premier temps ;
  • proposer une mini synthèse leurs premiers retours ;
  • ou bien reprendre un de leurs commentaires comme point de départ de la discussion.

La présence de la médiatrice, durant les discussions, a permis l’apport de nouvelles informations sur le thème de la visite, de clarifier des points de questionnements, ou bien d’ouvrir un nouveau champ de réflexion. Pour ce dernier point, nous, animatrices, avons laissés aux enfants la possibilité de s’en saisir, de laisser la place à l’échange en cours, ou bien proposer un nouveau questionnement pour relancer la discussion.

4.5. Quels ont été les apports de la médiation artistique à la discussion Philosophique ?
Ce que nous avons observé et interprété dans cette première expérience :

  • L’esthétique : l’art repose souvent sur des idées de beauté, d’harmonie et d’originalité. En examinant ces aspects esthétiques, nous pouvons discuter de ce que signifie la beauté, comment elle varie selon les personnes et les époques, et comment cela se rapporte à des idées philosophiques comme le goût, le jugement esthétique, et la relativité des normes.
  • L’interprétation : l’art peut être compris de différentes manières, et chacune de ces interprétations peut être source de discussion philosophique. En encourageant différentes perspectives, nous pouvons explorer des questions sur la subjectivité, la vérité, et la relativité des interprétations.
  • Les émotions : les œuvres d’art suscitent souvent des émotions fortes chez leurs spectateurs. En examinant ces réactions émotionnelles, nous pouvons réfléchir sur la nature des émotions, leur rôle dans notre expérience esthétique, et leur relation avec des réflexions philosophiques sur la vie humaine.
  • Symboles et métaphores : l’art utilise fréquemment des symboles et des métaphores pour transmettre des idées abstraites. En décryptant ces symboles, nous pouvons approfondir notre compréhension des thèmes philosophiques abordés et réfléchir sur la manière dont les métaphores visuelles peuvent élargir notre vision et notre pensée.
  • Contexte historique et culturel : comprendre le contexte historique et culturel d’une œuvre d’art nous permet d’explorer les idées et les valeurs de cette époque. En intégrant cette dimension, nous pouvons discuter de la manière dont l’art est influencé par la société et de son rôle en tant que reflet des débats philosophiques de son temps.
  • Questions éthiques et morales : certaines œuvres d’art ou scènes soulèvent des questions éthiques et morales profondes. En abordant ces questions, nous pouvons explorer des dilemmes moraux, des valeurs fondamentales, et les défis éthiques auxquels nous sommes confrontés en tant qu’êtres humains.
  • Interactions sociales : l’art peut servir de point de départ pour discuter des relations entre les individus, des dynamiques sociales, et des enjeux politiques. En considérant ces aspects, nous pouvons explorer des concepts philosophiques comme la justice, le pouvoir, l’identité sociale, la différence, la nature des interactions humaines.

4.6. Que retiendrons nous de ces premiers ateliers ? – nos apprentissages d’animatrices pour les prochains ateliers vers une proposition de déroulé de séquences entre la visite du musée et l’atelier de philosophie.

  1. Visite guidée du musée : les enfants sont conduits dans les différentes salles du musée où ils peuvent contempler les œuvres d’art ou les vestiges du passé. La médiatrice explique leur contexte historique, leur importance artistique et culturelle, et encourage les élèves à observer attentivement les détails, les couleurs, les formes, etc. Elle peut également présenter brièvement quelques notions-clés liées à l’art, à la culture ou à l’histoire.
  2. Temps de réflexion personnelle : après la visite, les enfants sont invités à prendre quelques minutes pour réfléchir individuellement à leurs impressions, à ce qui a attiré leur attention et à leurs émotions suscitées par les œuvres ou les vestiges. Ils peuvent prendre des notes ou dessiner ce qui les a marqués.
  3. Discussion en groupe : les enfants se réunissent en cercle (de formats différents, autour d’une table, chaises, au sol sur des coussins) pour l’atelier philo animé par une animatrice philo. Celle-ci commence par encourager les élèves à partager leurs impressions de la visite, à exprimer ce qui les a interpellés et à échanger sur leurs ressentis.
  4. Introduction du thème philosophique : les animatrices introduisent le thème philosophique choisi en se basant sur les œuvres d’art ou les vestiges du passé observés lors de la visite. Elles soulignent les questions fondamentales soulevées par ces éléments et invitent les élèves à réfléchir sur des concepts tels que la beauté, la réalité, l’identité, le temps, etc.
  5. Échange d’idées et discussion : les enfants sont encouragés à partager leurs réflexions sur le thème, en se référant aux œuvres d’art ou aux vestiges du passé rencontrés. L’animatrice veille à créer un environnement respectueux où chacun peut s’exprimer librement, poser des questions et débattre des différents points de vue, en confiance.
  6. Apport de la médiatrice : elle propose d’intervenir pour apporter des compléments d’informations ou des exemples supplémentaires dans l’objectif d’approfondir les réflexions des élèves. Elle peut partager des anecdotes sur les artistes ou les époques dont les œuvres ont été étudiées, fournir des contextes historiques ou culturels, ou présenter d’autres perspectives philosophiques liées au thème abordé. La médiatrice intervient suivant le besoin, veille à doser judicieusement les informations qu’elle partage, en les reliant de manière pertinente aux thèmes et aux réflexions philosophiques abordés. L’animateur philosophique relance l ’animation.
  7. Synthèse et conclusion : l’animatrice guide la discussion vers une synthèse collective, en mettant en avant les idées principales qui ont émergé. Elle encourage chaque enfant à réfléchir à l’impact de ce parcours sur leur vision du monde, et poursuivre la réflexion en solitaire ou collectivement (principe d’altérité).
  8. Activité créative facultative : en option, les élèves peuvent être invités à réaliser une activité créative liée au thème philosophique ou aux œuvres d’art observées.

La philosophie au musée, crée (imagine) un nouveau rôle dans la DVDP, celui de l’expert, à travers le médiateur qui intervient lors de la visite du musée et peut s’exprimer également en séance en soutien historique et culturel de l’animateur philosophie.

4.7. La philosophie au musée, une nouvelle pratique innovante ?

Après avoir animé ces premiers ateliers de philosophie au musée et participé aux ateliers pour adultes animés par Michel Tozzi, dans le même lieu, nous pouvons en entrevoir de multiples avantages.

Tout d’abord, cette approche rend la visite du musée beaucoup plus interactive, les participants, ne sont plus des spectateurs passifs, ils deviennent des acteurs engagés dans des discussions philosophiques. Cela les encourage à poser des questions, à exprimer leurs opinions sous forme d’argumentaires, de problématisation, d’hypothèses.

Les enfants sont sollicités pour partager leurs idées, interagir avec les autres participants, confronter leurs points de vue et enrichir mutuellement leur compréhension.

Cela crée un environnement collaboratif et de confiance où chacun peut apprendre des autres, ce qui est très enrichissant.

Cette approche permet, plus encore, d’explorer des questions philosophiques fondamentales à travers les pièces lapidaires du musée. En examinant les objets et les œuvres d’art, nous sommes amenés à réfléchir sur des thèmes universels tels que la morale, l’éthique, la perception de la réalité, l’existence, la liberté, la justice et bien d’autres.

Cela aide à établir des liens entre le passé et le présent, entre différentes cultures, et à approfondir notre compréhension de ces concepts essentiels. Questionner le futur.
Enfin, ces ateliers au format DVDP, développé tout ou en partie, rendent la philosophie accessible à un large public ; les discussions sont ouvertes à tous, quel que soit le niveau de connaissance en philosophie, brisant les barrières philosophiques, ce qui est très inclusif.

Télécharger l'article