Un mois d’animation conjointe entre un acteur-cascadeur du théâtre Am Stram Gram et des animateurs-trices de dialogue philosophique de l’association proPhilo.
Introduction
Le théâtre Am Stram Gram est un lieu unique à Genève : un théâtre partenaire de l’enfance et de la jeunesse.
Cela se traduit dans ses relations aux classes d’élèves par une approche pédagogique faite d’horizontalité. Il considère que chaque enfant, chaque adolescent·e est créateur·trice.
Cette approche est poursuivie à travers les actions culturelles proposées aux classes, avec un dénominateur commun : l’implication active et créative de l’élève.
Dans ce cadre, le projet « Cascades et Philo » a vu le jour au printemps 2022 avec pour thème « De la peur à l’audace, être soi-même ».
Selon la présentation du théâtre Am Stram Gram, Il s’agissait de prendre le risque de penser, de prendre le risque de chuter et de dépasser ses limites. À travers la pratique de la cascade et du dialogue philosophique, il était possible de prendre confiance, de se permettre l’audace de l’essai, de la tentative quel qu’en soit le résultat.
Ce parcours était pensé pour permettre aux élèves du Cycle d’orientation – 13 ans à 15 ans – de se familiariser à la pratique du dialogue philosophique. La cascade, quant à elle, était une occasion de zoomer sur l’un des aspects du jeu de l’acteur·trice et la technicité physique.
Pour ces ateliers, les intervenant·es se composaient de deux animateur·trices de dialogue philosophique et d’un cascadeur présent·es sur toute la période afin de créer des vases communicants entre les deux disciplines.
Le théâtre Am Stram Gram a pris contact avec l’association proPhilo pour assurer le côté philosophique du projet, l’aspect des cascades étant assuré par Joan Mompart, directeur du Théâtre et acteur.
Le spectacle associé à ce projet était celui de « Buster Keaton » (mise en scène par Elise Vigier et Marcial Di Fonzo Bo, du 11 au 13 mars 2022) qui permettrait en principe d’aborder les thèmes de la chute, du risque, du rire, de l’audace et d’autres thèmes qui susceptibles de survenir au cours des discussions.
Ce projet a été mené dans 4 classes différentes, avec des élèves de 12 à 15 ans, au cours du mois de mars 2022.
Dans chaque classe, la première séance a consisté en la présentation du projet de spectacle autour de Buster Keaton, des cascades et du dialogue philo ainsi que des 3 animateur·trices présent·es : Joan Monpart et les deux animateur·trices de dialogue philosophique.
Quatre séances de deux fois 45 minutes ont eu lieu ensuite, suivies d’une séance de bilan. Lors d’une représentation commune, les élèves ont assisté au spectacle « Buster Keaton ».
L’intention de ce projet d’ateliers de dialogue philosophique allié aux cascades était d’aborder les différentes thématiques citées plus haut et d’accompagner les élèves à s’engager dans des réflexions qui les exploraient.
Ce dispositif souhaitait amener les participant·es à parler des thèmes et des questionnements suivants :
- Le risque : qu’est-ce que le risque, pourquoi prend-on des risques et quand prend-on des risques ? Par exemple, en prenant la parole, nous prenons des risques…
- La chute : apprendre à tomber sans se faire mal. Que symbolise la chute, pourquoi en a-t-on peur, pourquoi fait-on des rêves de chutes, qu’est-ce qui donne envie de se jeter dans le vide ? …
- Le rire : le corps et la mécanique du rire. Pourquoi rit-on du danger ? Peut-on rire d’autre sentiment que d’humour ? …
- L’audace : de la peur à l’audace, être soi-même…
Comptes rendus des différent·es animateur·trices
Chaque groupe d’animateur·trices de dialogue philosophique a produit un texte qui rend compte des ateliers de dialogue philosophique dans le lieu où ils-elles sont intervenus.
2.1 Cycle du Marais (24 élèves de 12 ans)
Classe de 24 élèves de 9ème R3 du CO Marais de Mme Carmen Perez Bacchetta.
L’enseignante et les élèves étaient enthousiastes à l’idée de coupler les cascades proposées par Joan Mompart, directeur du théâtre Am Stram Gram, et les ateliers philosophiques de Nathalie Dupraz-Dange, animatrice proPhilo, et Fabrice Bellon, enseignant de français au CO Bois-Caran, formé à l’animation du dialogue philosophique.
Joan Mompart a su initier l’art de la cascade aux élèves : celles de la fausse gifle, alliant décomposition et synchronisation, de la chute par-dessus une table, de la vertigineuse chute depuis une table, amortie par des groupes d’élèves. La confiance, l’écoute et l’audace étaient nécessaires pour réaliser ces cascades très spectaculaires.
Quant aux ateliers philosophiques, ils ont revêtu de multiples formes et modalités afin de varier les pratiques.
Si le premier s’est déroulé selon le schéma classique du dialogue philosophique de type lipmanien, avec les élèves disposé·es en cercle, assis·es sur des chaises, autour de la question du risque, de la confiance, les autres ateliers ont été particulièrement variés.
Les élèves, enthousiastes de voir leur enseignante se joindre à eux pour expérimenter les risques de la cascade, ont soulevé une série de questions intrigantes. Certain-es ont exploré la nature du courage en lien avec la confiance en soi, tandis que d’autres ont abordé la notion de responsabilité individuelle face aux défis. Leur habileté de pensée s’est illustrée à travers des interrogations sur la perception du danger et sur la manière dont les expériences personnelles influent sur nos choix. Le dialogue s’est enrichi de réflexions sur la gestion de l’incertitude et sur la manière dont les émotions peuvent façonner nos décisions. En somme, cette expérience a offert aux adolescent-es l’opportunité d’explorer des questions existentielles avec une profondeur et une diversité surprenantes, enrichissant ainsi leur apprentissage philosophique.
Parfois, après une brève présentation des habiletés de pensée nécessaires au questionnement philosophique, les élèves ont été amené·es à se questionner eux et elles-mêmes à propos, par exemple, du spectacle vu au théâtre Am Stram Gram. A tour de rôle, les élèves tenaient le rôle d’animateur·trice-enquêteur·trice, lors d’une enquête philosophique à la suite du spectacle. Ceux et celles-ci se sont montré·es très intéressé·es et très motivé·es durant cet exercice qui visait à l’appropriation par les élèves du dialogue et du questionnement.
Puis, afin de développer d’autres capacités chez les élèves, Nathalie Dupraz-Dange a lu une « cascade mentale », rédigée par ses soins, afin d’apprendre aux élèves comment visualiser mentalement une cascade avant de l’effectuer physiquement.
Cette pratique de visualisation, proche de la méditation, offre aux élèves la possibilité d’en comprendre les bénéfices, si riches en sport, par exemple. Dans un second temps, les élèves, par groupes, ont écrit chacun·e une cascade mentale, qu’ils et elles ont ensuite lue à la classe.
Enfin, riches de ce beau parcours physique et philosophique, les élèves ont effectué un bilan oral développé en se reliant physiquement les un·es aux autres, assis·es en cercle, par une corde. Chaque participant·e effectuant un bilan de l’activité et en s’adressant à tour de rôle à l’une des autres personnes avec le passage de témoin de la corde. Au terme de l’activité, une magnifique étoile de corde, solide et tendue, liait tou·tes les participant·es, comme le symbole de la communion des idées du groupe.
Ces ateliers de philosophie ont permis, non seulement aux élèves, mais aussi à l’enseignante, de se découvrir autrement, dans un rapport de confiance, et d’explorer les rapports entre la pensée et le langage entre interlocuteur·trices valables.
Au terme de cette série, l’enseignante de la classe, enthousiaste dès le départ, a en effet affirmé avoir découvert de nouvelles facettes de ses élèves, jusqu’alors inconnues ou peu visibles lors des cours traditionnels.
Par exemple, elle a été surprise de voir certains élèves introvertis prendre des initiatives audacieuses lors des discussions philosophiques, révélant ainsi une profonde réflexion intérieure souvent dissimulée en classe. Ces facettes étaient auparavant invisibles en raison du cadre plus rigide des cours traditionnels, où les élèves pouvaient se sentir moins libres d’exprimer leurs pensées ou de prendre des risques. Cependant, les ateliers ont créé un espace sécurisé et stimulant pour le partage d’idées, encourageant ainsi les élèves à sortir de leur coquille et à révéler leurs pensées. De même, les expériences physiques comme les cascades en classe avec Joan ont permis aux élèves de mettre en pratique les notions abordées en atelier philo, révélant leur courage et leur capacité à relever des défis de manière concrète, ce qui était rarement mis en lumière dans un contexte purement académique.
Tou·tes les élèves, attentif·ves et très motivé·es, ont participé très activement aux cascades et aux ateliers philosophiques, révélant de belles qualités de réflexion, de questionnement et d’analyse.
Chaque élève a pu s’abstraire du cadre scolaire parfois rigide pour découvrir les richesses et les potentialités du dialogue philosophique.
Enfin, au sortir des ateliers, d’autres élèves de classes différentes, intrigué·es par ces ateliers, sont venu·es demander aux animateur·trices en quoi consistait la philosophie… Le questionnement spontané et personnel, n’est-ce pas le premier pas sur le chemin de la philosophie ? A (pour)suivre…
Nathalie Dupraz-Dange & Fabrice Bellon
Cycle de la Florence (24 élèves de 13-14 ans)
Classe 10ème CO Florence avec l’enseignante Celine Pétremand,
Joan Mompart, Lalita Bauquis & Caroline Selvatico
Chaque séance comprenait 2 périodes de 45min, ce qui nous a permis de coupler une période de dialogue philosophique avec une période de « cascade philosophique » menée par Joan, comédien aguerri !
Nous avons initié chaque séance en introduisant un thème philosophique en lien avec le spectacle de Buster Keaton que les élèves allaient découvrir après la série des 4 ateliers.
- Lors de la première séance, Joan a présenté aux élèves le personnage illustre de Buster Keaton, ses cascades comiques et quelques extraits de ses films.
Avec Lalita, nous en avons profité pour faire une brève introduction et questionner les élèves sur la notion de philosophie : PHILO-SOPHIA, l’amour de la sagesse/pensée ; présentation de Socrate (une photo de sa statue), son questionnement essentiel et actuel ! S’interroger sur notre monde ; Penser, le début de toute philosophie ! Tout en introduisant des outils de pensée qui nous aideraient lors de chaque séance à nourrir la recherche : hypothèse, raisons, exemples, contre-exemples, définition, en posant les noms de ces habiletés de pensée sur le sol, assis·es en cercle, en rappelant les règles pour dialoguer sereinement. - Lors des séances suivantes, nous avons introduit un thème philosophique en lien avec la cascade du jour prévue par Joan ; nous avons ainsi abordé les thèmes du risque, de la chute, du rire et de l’audace.
Nous avons encouragé les élèves à élaborer des définitions sur les thèmes, à questionner ces thèmes et à émettre des hypothèses.
Par exemple sur le thème du risque : Risque bon/mauvais ? qu’est ce qui peut aider à prendre des risques ? Et des hypothèses des élèves telles que :
« La pensée agit sur nos actions », une pensée positive peut nous aider à oser … La recherche d’expressions pour enrichir le débat : « qui ne risque rien n’a rien ».
Sur le thème du risque : Nous avons relevé les idées des élèves en relation avec le risque : danger, rébellion, oser, douleur, incertitude. A partir de ces idées les élèves ont formulé leur définition du risque : « un événement susceptible d’avoir des conséquences douloureuses imprévues »
Lors de l’atelier avec la cascade physique (chute depuis un bureau, réception par les élèves et Joan) leur prise de risque a été encouragée par leur confiance en ceux qui allaient réceptionner leur chute.
Certaines personnes cherchent des sensations fortes.
On a le choix de prendre un risque ou pas.
Qu’est ce qui peut nous aider à prendre des risques ?
« La confiance en soi, en l’autre l’évaluation, l’expérience ; Aussi la pensée, une pensée positive peut nous aider à oser ».
Qu’est ce qui peut empêcher de prendre des risques ? « La peur d’échouer, de chuter »
Les échanges ont été très riches dès la première séance, les élèves ont investi le laboratoire de recherche sans difficulté. Nous avons pu noter leur envie de recherche et de s’exprimer.
Des sujets engagés tels que le suicide ont surgi sur le thème de la chute : chute mentale/physique, tomber, le vide… la chute qui permet de mieux se connaître. Chute des notes, chute de l’empire romain…
L’alliance du dialogue philosophique suivi des cascades de Joan Mompart a été très bénéfique pour « vivre » physiquement une chute, une cascade. Joan a ainsi initié les élèves à quelques astuces d’acteur : une fausse gifle, une chute depuis une table, amortie par des groupes d’élèves, exercices ludiques nécessitant confiance, écoute et coordination.
Une expérience philosophique et scénique très intéressante, avec des élèves sensibles au questionnement du monde qu’ils et elles habitent.
Caroline Selvatico
Cycle de la Golette (10 élèves de 13-14 ans et 10 élèves de 14-15 ans)
Classes de Dominique Theller et Patrick Boillat
L’expérience des ateliers de dialogue philosophique dans deux classes d’accueil du Cycle d’orientation de la Golette, en collaboration avec Joan Mompart, directeur et acteur du Théâtre Am Stram Gram, a été très intéressante et enrichissante.
Le groupe était formé de Joan Mompart, deux animatrices de proPhilo, deux enseignant·es et 20 élèves de 10ème et 11ème, donc de 13 à 15 ans, tou·tes allophones avec différents degrés de compréhension et différentes capacités d’expression en français. Voilà un défi pas évident pour animer des ateliers de dialogue philosophique !
En plus, nous n’avions pas de thème imposé ou prédéfini : nous avons fait de l’impro philo ! Objectif principal : susciter la parole. Une parole libre et créative.
La grande capacité communicative et relationnelle de Joan Mompart a permis de créer une magnifique dynamique : nous avons perçu que les élèves se sont vite senti·es à l’aise et celles et ceux qui pouvaient suivre les échanges et s’exprimer l’ont fait.
Nous avons constaté beaucoup d’intérêt dans la participation active de toutes et tous. Certaines réflexions sont allées loin et témoignaient de la confiance qui s’était instaurée dans ce groupe où deux classes qui se connaissaient peu se sont mélangées sans difficulté.
De mon côté, le fait de ne pas avoir de thème imposé a rendu la préparation ardue car j’ai senti le besoin d’explorer un grand nombre de sujets en lien avec le spectacle de Buster Keaton pour pouvoir me sentir à l’aise au moment des échanges.
Quelques exemples : la chute, l’erreur, le risque, la peur, l’audace, être soi-même… Que des sujets vastes et profonds auxquels s’en sont ajoutés d’autres, pendant les ateliers cascades, comme la confiance en l’autre, le fait de compter sur l’autre, la relation, la concentration, le danger, la peur de ne pas réussir, la prise de risque.
Lors du 3ème atelier, pour la partie de dialogue philosophique, sur demande des enseignant·es, le groupe a été divisé en 4 petits groupes avec l’objectif de faciliter la communication et favoriser la participation de chacun·e.
Après l’atelier cascade, on a décidé de discuter du rire et on a regardé une brève vidéo où Roger Federer et Rafael Nadal ont un fou rire. Fou rire contagieux, vu les réactions des jeunes. L’idée étant d’ouvrir les échanges dans la décontraction…
Mon groupe a tout de suite dévié du sujet en se posant la question de qu’est-ce que c’est que de faire de la philosophie et j’ai décidé de les suivre dans leurs questionnements au lieu de les ramener au sujet commun. L’échange a été vif. Quel bonheur de voir qu’en exprimant leurs idées ces jeunes prenaient conscience qu’iels étaient eux et elles-mêmes en train d’en faire ! Et quelle surprise j’ai pu lire dans leurs yeux ! J’ai senti comme une excitation qui se propageait et montait au fur et à mesure que les jeunes s’expliquaient. « On découvre le vrai, on découvre la vie et les émotions », « On réfléchit, on pense, on explique les choses », « On émet des hypothèses et ensuite on les vérifie ». Voici quelques phrases que j’ai vite notées lors des échanges en groupe restreint.
Ces quatre séances m’ont permis de commencer à connaître ces jeunes et ont suffi à me donner l’envie de mieux les connaître et de continuer les échanges avec eux et avec elles, mais malheureusement l’expérience était déjà terminée. J’espère que cela aura donné l’envie à certain·es de continuer à se poser plein de questions…
Giorgia Corti Cavapozzi
Que rajouter de plus… si ce n’est qu’hormis le plaisir de préparer ces ateliers et d’animer avec ma collègue Giorgia, j’ai également beaucoup apprécié le lien que Joan Mompart a su immédiatement tisser avec les deux groupes, en accueillant chacun·e d’où iel venait. La diversité des langues qui aurait pu s’avérer être un frein, a au contraire instauré une dynamique particulière dans ces échanges, qui se sont révélés empreints de sincérité et surtout de beaucoup de maturité. De ce fait, comme le souligne Giorgia, au sein de nos groupes, nous avons réellement fait de la philo, pensé/travaillé sur des concepts, soutenus par les émotions vécues par ces jeunes, dont nous nous rappellerons sans aucun doute.
Merci à elle et à eux !
Claire Descloux
Cycle du Foron (25 élèves de 13-14 ans)
Classe de Martine Monfort
Animatrices : Catherine Christodoulidis et Jade Lambelet
Préparation et déroulement des ateliers :
Avant de rencontrer la classe, nous avons élaboré des fiches thématiques autour des différents concepts abordés par le spectacle. (Voir un exemple en annexe) Ces fiches servaient de première base au dialogue sur lesquelles nous appuyer et dans lesquelles puiser au fil des ateliers. Entre chaque séance d’atelier, nous avons ré-exploré ces fiches et préparé l’atelier de la semaine suivante en adaptant nos attentes et nos objectifs aux besoins de la classe, à ses dynamiques, aux idées proposées par les élèves et à leurs blocages.
Après une première rencontre avec la classe, nous avons senti que les élèves étaient particulièrement réservé·es, qu’ils et elles peinaient à participer et à proposer des idées lorsque nous suggérions leur intervention. En sachant cela, nous avons décidé d’ouvrir le premier atelier par un jeu de groupe : « l’Unanimo ». Ce jeu a pour but de faciliter les définitions de concepts par la recherche commune de critères. Nous avons remarqué que le travail en petits groupes facilitait par la suite les échanges au sein du groupe entier : les élèves semblaient être davantage rassuré·es, en confiance et osaient partager des idées dans un premier temps avec leurs camarades qu’ils et elles proposaient ensuite à l’ensemble du groupe.
En pensant que cette première expérience avait été fructueuse, nous avons décidé de poursuivre le second atelier directement selon le modèle des ateliers philo « lipmanniens », c’est-à-dire en cercle, en menant une recherche autour d’une question. Avant de débuter la séance, nous avons rappelé les principales habiletés de pensée mobilisées dans un dialogue philo à l’aide d’objets symboliques : une loupe (pour la recherche en profondeur), un pinceau (pour le tri et l’affinement des idées), une lampe de poche (pour le questionnement, les idées et le fait de s’éclairer par la pensée), [… j’en oublie je crois !]. Nous avons rappelé aux élèves qu’ils et elles, sans avoir eu de cours de philosophie, faisaient déjà preuve de ces habiletés instinctivement.
Nous avons ensuite conservé le thème de la confiance qui thématisait l’Unanimo de la première semaine. Toutefois, cela n’a pas fonctionné et même lorsque nous avons re-projeté les éléments recherchés ensemble lors de la semaine précédente, le groupe ne participait pas.
Les deux dernières semaines, nous avons réappliqué la formule de recherche en « petits groupes » puis en grande réunion à travers un jeu d’images extraites de « Dixit ». L’exercice qui accompagnait ces images demandait à chaque petit groupe de thématiser les concepts (confiance, courage, audace, peur, risque, danger) et de la placer ensuite les uns par rapport aux autres (en fonction de leurs relations, distance, proximité, etc.)
Observations :
- Le groupe manquait de confiance en sa capacité à formuler des idées, à poser des questions, à approfondir des recherches et à proposer des hypothèses.
- Il régnait dans la classe une dynamique difficile et une synergie qui avait tendance à « tirer le groupe vers le bas ».
- Les élèves ont trouvé qu’ils et elles manquaient de « base en philosophie » pour participer aux dialogues. Ils et elles pensaient qu’ils et elles n’avaient pas d’idées, que la philosophie était trop complexe. Cela ne leur a pas plu (sauf 2-3 élèves qui osaient participer et proposer des idées à quelques rares occasions).
- Il était difficile de travailler avec un groupe aussi fermé : cela me démotivait (Jade) car il y avait peu de discipline et peu d’écoute entre elles et eux (ricanements, distractions, flemme, etc.).
- Nous avons manqué de temps : en raison de ces nombreux blocages et de ce manque de confiance, cette classe aurait mérité que l’on puisse les voir plus souvent que quatre fois et proposer des récurrences d’ateliers plus nombreuses.
Comment améliorer ?
- Proposer une petite fiche qui résume en quelques points les principes de l’atelier philo et de la philosophie, une sorte de petit support que les élèves peuvent garder et consulter durant les ateliers si besoin.
- Travailler en demi-classes : séparer la classe en deux sous-groupes accompagnés chacun par une animatrice pour réduire l’effet « impressionnant » du groupe tout entier qui annihile potentiellement la parole et le partage d’idées.
- Plus de temps !
Astuces mises en place au fil des séances pour débloquer :
- Revoir régulièrement nos objectifs en fonction du groupe : ne pas insister pour aller jusqu’au bout d’une recherche menée en atelier philo « classique » mais chercher plutôt à leur donner confiance en leurs capacités et valoriser leurs idées.
- S’adapter à un groupe qui a besoin de travailler d’autres notions fondamentales aux ateliers comme l’écoute, la communauté, l’entraide, le respect, qu’est-ce que la philosophie, etc. et ne pas se précipiter sur des thématiques conceptuelles tout de suite.
- Valoriser leurs inquiétudes et les blocages : rappeler que nous comprenons que la philosophie n’est pas un exercice facile et évident, que ces questionnements peuvent bouleverser et se révéler complexes.
- Travailler en petits groupes puis proposer des réunions dans un second temps.
- Puiser dans des jeux, des exercices et des supports « tangibles » pour initier le dialogue.
- Imposer des « jokers » lorsque plus de deux personnes, dans des cercles de parole, donnent la même idée (afin de faire avancer le raisonnement).
- Préparer des documents qui réunissent les idées et les recherches afin de les afficher en classe. Cela permet de les revoir, de concrétiser l’avancée du questionnement et de s’appuyer dessus au besoin. On se rappelle ainsi de ce que l’on s’était dit, on montre qu’il y a eu une richesse d’éléments proposés.
Retour de Joan Mompart (entretien avec Catherine Christodoulidis)
Connaissais-tu le dialogue philosophique ?
C’est le théâtre Am Stram Gram, qui est toujours en recherche de partenaires selon le dispositif prévu pour chaque spectacle, qui m’a fait découvrir l’association proPhilo et le dialogue philosophique.
Comment se sont passées tes interventions avec les élèves ? Age, formule, lieu, adéquats ?
Au-delà des spécificités propres à chaque cycle, ce qui est bien, il y a un certain hermétisme dans les lieux. C’est une autre paire de manche de délier les langues. Grâce à proPhilo, nous avons eu accès à des témoignages ou des interventions, même intimes. C’est une formule très complémentaire, pertinente aussi avec un temps plus physique et un temps plus philosophique. Ce sont deux aspects dynamisants.
L’âge choisi était très pertinent, mais cela me paraît aussi possible avec des élèves plus jeunes.
Avais-tu déjà fait des ateliers « cascades » avec le même public ?
J’ai plus animé des ateliers de théâtre. Dans ce cas, l’accent a été mis sur la cascade du fait de la thématique, qui aurait pu être à plus large spectre.
Comment s’est passée la collaboration avec les animateu·trices ?
Il y a eu une belle complicité, une attention à ce que j’ai proposé et aussi de ma part. Même si je ne suis pas resté tout le temps, ce qui s’était fait en cascade a inspiré le dialogue philosophique. Il y avait une grande flexibilité entre les activités et cela était pertinent pour ce public d’adolescent·es.
Les outils du théâtre vont plutôt révéler les personnalités. C’est important de laisser de la place, de permettre l’ouverture qui est présente dans le dialogue philosophique. Ce dernier entre en relation avec le théâtre, dans ce genre de moments, on est tous et toutes débutant·es, on a tous et toutes quelque chose à dire. Ce n’est pas par le biais de l’académisme que cet art-là peut se trouver. Par une manière de faire, un·e professionnel·le peut apprendre beaucoup des jeunes. L’apport vient de l’échange.
C’est important de mettre cet aspect en avant parce qu’on s’attend à un enseignement de philosophie.
Est-ce que le fait de combiner un dialogue philosophique avec les cascades faites avec les élèves a apporté quelque chose de nouveau ?
Oui, dans le sens que c’est possible d’imaginer des choses comme ça avec des personnes qui ne sont pas du sérail, et que les compétences ne se basent pas sur le surplomb du savoir.
Serais-tu prêt à renouveler l’expérience ?
Bien sûr.
Autres commentaires ?
J’ai eu beaucoup de plaisir avec tous les binômes d’intervenant·es, on s’est retrouvé rapidement sur le pont.
Conclusion
Cette expérience de collaboration entre un acteur-cascadeur-metteur en scène et des animateur·trices de dialogue philosophique a été très fructueuse, pour les un·es et les autres.
Je pense aussi que les élèves ont pu se familiariser avec les questions philosophiques par d’autres entrées que celles qui sont habituellement pratiquées.
Passer par le corps et les émotions permet, selon les groupes, un bon chemin vers le questionnement philosophique.
Les réactions des différentes classes ont été très différentes comme on peut le lire dans les comptes rendus des animateur·trices. Pour la plupart d’entre elles, le pari a été gagné et les élèves se sont posé des questions et ont essayé d’y réfléchir. Seule une classe s’est montrée plus réfractaire à l’échange et à l’engagement que demande un dialogue philosophique.
proPhilo espère que d’autres expériences de ce type pourront être menées avec le théâtre Am Stram Gram que nous remercions pour sa confiance.
- Atelier de philo, proPhilo et Am Stram Gram
- Spectacle Buster Keaton
- Cycle du Foron Genève, mars 2022
Chute, risque et danger
Présupposés :
- Le risque relève de l’aventure, du grandiose, de quelque chose d’extraordinaire
- Le risque est lié au danger
- Prendre un risque implique du courage
- Le risque suscite la curiosité de celui·celle qui le prend et de celui·celle qui observe
- Le risque est valorisé – s’il se conclu par du succès (ex. rêve américain)
- Pour réussir il faut prendre des risques
- Le risque est synonyme d’incertitude
Définition :
- Qu’est-ce que le risque ?
- Existe-t-il des risques sans danger ?
- Est-ce que le risque implique le danger ?
- Nuances : existe-t-il différents types de risques ? lesquels ? comment les distinguer ?
- Y a-t-il des risques « communs » ? donc qui ne relèvent pas de l’extraordinaire
- Est-ce que le risque zéro existe ?
Causes, origines :
- Quand prend-on un risque ?
- Pourquoi prend-on un risque ?
- Quelles sont les motivations du risque/des prises de risque ?
- Est-ce qu’un risque peut être pris involontairement ? (ex. conduire sa voiture)
- Est-on tous·tes égaux·les face au risque ? En fonction des ressources que l’on peut mettre dans la prise de risque (ex. devoir fuir son pays en guerre VS investir dans des actions)
Conséquences :
- Se met-on forcément en danger lorsqu’on prend des risques ?
- La conscience du risque est-elle vivable ?
Exemples :
- Avouer ses sentiments
- Se lever tous les matins
- Prendre la voiture, l’avion
- Prendre la parole
- Fuir son pays en guerre
- Investir dans des actions, jouer à la loterie/aux jeux d’argent
- Changer radicalement de mode de vie, de métier (ex. du rêve américain)