A l’appui de la communication effectuée lors des NPP les 16 et 17 novembre à l’UNESCO, cet article se propose de discuter de la distance en philosophie en convoquant une médiation artistique : l’atelier de danse dans le cadre scolaire. Faire usage de la danse pour philosopher est un détour, une prise de distance par rapport à la pratique réflexive. Danser est aussi expérimentation du sensible. L’enfant éprouve son corps, son environnement, acquiert un savoir-sentir et se constitue un langage sensible incarné que je nomme métaphore incarnée ou parole silencieuse (Pérès, 2021). Dès lors, surgit une apparente contradiction entre parole proférée et parole silencieuse qui nous semble, cependant, propice à la formation intellectuelle, corporelle et émotionnelle de l’enfant. Je soutiens ainsi que, par la danse, l’enfant développe des capacités affectives (Stern, 1989) et de résonances (Rosa, 2018) favorisant les émotions démocratiques (Nussbaum, 2011), facteurs de réflexivité et d’émancipation. En m’appuyant sur l’exercice de la marche, je propose de discuter cette hypothèse afin de montrer de quelles manières la pratique de la danse peut développer chez l’enfant sensibilité, rapport à soi et rapport à l’autre, et favoriser ainsi, une réflexion critique.
Je propose de parler de la distance en philosophie en convoquant une pratique artistique, la pratique de la danse contemporaine. Mon propos sera de mettre en perspective l’idée que la pratique de la danse permet de développer une réflexivité propice au dialogue et à la pensée philosophique. Pour ce faire, il s’agira dans un premier mouvement de prendre distance par rapport à la pratique philosophique en convoquant la danse dans le cadre d’ateliers « danse à l’école »[1], là où se jouera non pas une prise de distance mais un rapprochement avec la dimension sensible. Puis, il s’agira dans un second mouvement de revenir à la pratique philosophique en prenant distance mais aussi en s’appuyant sur l’éprouvé qu’offre la pratique de la danse. En effet, je soutiens que la danse basée sur l’apprentissage d’un savoir-sentir élabore un langage sensible incarné que je définis comme une métaphore incarnée ou parole silencieuse (Pérès, 2021). Celle-ci est un langage poétique contenant une énigme ouvrant la voie au dialogue philosophique et permettant l’acquisition d’une réflexion critique. En ce sens, je rejoins l’idée selon laquelle la pratique de la danse à l’école participe du développement des émotions démocratiques définies comme « la capacité de se préoccuper de la vie des autres, de comprendre ce que différents types de mesures politiques signifient pour les possibilités de vie et les expériences de tous les concitoyens » (Nussbaum, 2011, p. 38). C’est aussi la dimension émancipatrice des corps que je vise par la pratique de la danse et ce grâce à certains savoirs de danse, les savoirs instituants.
Cependant, il ne s’agit pas ici d’aborder l’ensemble de ces points. Il s’agit de poser quelques jalons et proposer quelques pistes de réflexion quant à la possibilité d’avoir recours à la pratique de la danse comme point d’appui pour des discussions à visée philosophique et ce à partir d’une démarche particulière qu’est l’éprouvé du corps et la formation corporelle par l’acquisition d’un savoir-sentir.
A partir de mon expérience de praticienne-chercheuse et dans une perspective phénoménologique, j’exposerai, dans un premier temps, le processus de formation du corps dansant dont la finalité est l’acquisition d’un langage sensible incarné ou métaphore incarnée fondement d’une visée émancipatrice des corps et support d’un dialogue à visée philosophique et ce à partir de l’acquisition du savoir-sentir. Je reviendrai sur les savoirs de danse nécessaires à la formation de ce savoir-sentir en danse, à savoir les savoirs instituants et les savoirs constitués. Je convoquerai la marche chorégraphique comme outil didactique. Puis, je reviendrai sur le dispositif « Danse, c’est la classe ! » dont la particularité était d’articuler danse et littérature. Je décrirai une séance pour dégager les apports de la marche comme outil didactique d’acquisition. Il s’agira essentiellement d’un descriptif pouvant servir de soubassement à une future modélisation.
Formation du corps dansant : l’acquisition d’un langage sensible incarné. La métaphore incarnée
L’enseignement et l’apprentissage de la danse passent par la transmission et l’acquisition de savoirs de danse et de savoirs sur la danse. Je parlerai, ici, plus précisément des savoirs de danse. Les savoirs de danse, savoirs corporels, sont inhérents à tout apprentissage en danse (amateur ou professionnel) et quel que soit le lieu d’apprentissage et d’expérimentation (conservatoire, centre culturel ou danse à l’école). Ces savoirs de danse se rapportent tous à une même disposition : le rapport à la gravité.
En effet, "Danser c’est jouer avec la gravité !" pourrait scander tout danseur, amateur ou professionnel. Oui mais pas seulement ! Tout corps entrant dans la danse joue mais déjoue aussi la gravité pour s’en défaire et se libérer de ce poids et ce dans un perpétuel passage entre équilibre et déséquilibre. Tel est l’essence ou l’origine du mouvement dansant.
Pour jouer et déjouer la gravité, l’enfant danseur acquiert simultanément ou par alternance deux types de savoirs corporels.
Savoirs corporels instituants et savoirs corporels constitués. Entre fond et forme
Les premiers que nous nommons savoirs instituants[2] ont des normes souples et peu contraignantes. L’apprentissage de ces savoirs s’appuie sur les sensations proprioceptives (internes du corps) et extéroceptives (en relation avec l’environnement) pour développer la sensorialité, toile de fond et moteur du mouvement que Godard a nommé pré-mouvement[3]. L’enfant en situation de danse éprouve un ensemble de perceptions en travaillant avec sa posture, en expérimentant sa relation à l’espace et au temps. A partir de ses sensations et en relation avec la gravité, l’enfant danseur développe, alors, une palette de sensorialité pour se constituer ensuite une sensibilité. Nous appelons ce savoir le savoir-sentir sur lequel se base toute l’acquisition de ces savoirs instituants.
Le danseur élabore de cette manière un répertoire corporel combinant états de corps[4] et qualités de mouvement[5], tous deux paramètres de l’élément signifiant de la danse : le geste. Ce geste devient dansant quand il s’inscrit dans un univers poétique faisant appel à l’imaginaire de l’enfant soutenu dans la transmission par l’imaginaire du pédagogue et ce par l’usage de comparaisons, d’images, de métaphores (caresser l’air, couler comme de la neige qui fond, trancher l’espace, se déplacer comme un robot pour travailler la qualité saccadée etc…). L’enfant crée, de ce fait, son propre langage sensible incarné que nous qualifions de métaphore incarnée (Pérès, 2021).
Cependant, l’acquisition de ce geste est associée à un autre type de savoirs corporels, les savoirs constitués qui renvoient non plus au fond mais à la forme et plus particulièrement à la forme visible. Ils font appel à une terminologie précise (position des bras, position des pieds, le plié, le dégagé, l’enroulé du dos, le cambré, la spirale, l’inclinaison latérale du dos, les cinq types de sauts, les tours, les pas de liaison etc…) et se font dans une succession d’actions déterminées. Ils se réfèrent à des normes plutôt fortes. Les contraintes sont relativement importantes.
Il y a ainsi dans l’apprentissage de la danse, l’acquisition de deux types de savoirs, l’un renvoyant au fond, l’autre à la forme visible. L’un est champ de forces et met en mouvement. Ce savoir est plutôt informel. Le second contient, enveloppe, rend visible et formalise ce champ de forces. Le premier est soumis à des contraintes faibles et des normes souples. La codification est peu existante tandis que le second savoir est un savoir formalisé et codifié, aux contraintes fortes. Dès lors l’apprentissage et l’acquisition de ces deux savoirs peuvent s’avérer paradoxaux voire contradictoires.
L’éclosion de la danse contemporaine et l’institutionnalisation de son enseignement au cours des années 80 ont favorisé l’émergence de la notion de "corps disponible" (Saladain, 2017). Celle-ci a permis de répondre à cette tension inhérente entre savoir instituant, plutôt informel, et savoir constitué formel.
Une nouvelle capabilité : du corps disponible vers l’exercice du désapprendre. Réflexion critique et émancipation
Je soutiens ici que la pratique de la danse, quel que soit le cadre, permet de développer les deux types de savoirs et d’acquérir de cette manière une capabilité[6] spécifique : le corps disponible.
Le vocable corps disponible regroupe trois dispositions. La est cette capacité de s’individuer, de se sentir singulier et autre en se libérant d’une modélisation par imitation (faire comme l’enseigant de danse en copiant visuellement ce qu’il fait…). Il s’agit de trouver ses propres ressorts internes. Le corps disponible renvoie, ensuite, à l’idée d’un corps libéré des mécanismes de contrainte propres aux savoirs constitués de la danse. Il ne s’agit pas de les occulter, il s’agit au contraire de les avoir intégrés pour prendre appui dessus et ainsi dépasser ces savoirs constitués. Enfin, ce vocable renvoie au pouvoir d’agir. Il s’agit là de se saisir d’une situation donnée pour s’engager dans une action. Ces dispositions ne sont pas hétérogènes. Le corps disponible permet cette ouverture au monde pour se saisir des situations, agir par le mouvement dansé en s’appuyant sur ses propres moyens en congruence avec l’environnement, exprimer une singularité et enfin éprouver et affirmer une liberté. Ainsi, le corps disponible offre cet « ensemble de possibilités de choisir et d’agir » (Saladain, 2017, p.16) propres à la capabilité. Oui, mais comment ?
Tout d’abord, le corps disponible renvoie à une approche naturaliste du corps dessinant des normes corporelles souples (Saladain, 2017, p.29) où le travail de sensations, le savoir-sentir, est privilégié au détriment de savoirs corporels formels. Il s’agit plus particulièrement « de la nécessité que le corps puisse se défaire des éléments techniques {…} Ce n’est plus un corps adapté aux réquisits d’une danse codifié mais la capacité de se préparer à un état de disponibilité. » (Chopin, Saladain, 2017, p.45). Il s’agit là d’un apprentissage pour déconstruire et reconstruire laissant ainsi place à une forme d’improvisation, de liberté et de singularité.
Il nous faut apporter une précision. Cette notion de corps disponible a été théorisée dans le cadre d’une recherche qui s’est appuyée sur la formation des danseurs professionnels (Saladain, 2017). Cependant, nous avons pu montrer ailleurs que cette disposition du corps disponible existe bel et bien dans le processus de formation et dans l’enseignement à destination des enfants et des amateurs (Pérès, 2023).
S’érige ainsi une formation avec de nouvelles normes corporelles : apprendre à construire et déconstruire corporellement pour laisser place à l’improvisation et la singularité de chaque apprenant. Cet apprentissage se met en place dès les premiers apprentissages (Pérès, 2023).
Par ailleurs, cette forme particulière de technique du corps (Mauss, 1934) est très souvent associée à l’esprit disponible (Saladain, 2017, p.16). Cela permet de développer une capabilité particulière : l’expérience du désapprendre (Chopin, 2017). Chopin et Saladain présentent cette expérience comme un exercice continu du désapprendre où il « s’agit d’apprendre à déconstruire et être critique. Il s’agit d’apprendre comment on déconstruit » (Chopin, Saladain, 2017, p.42). Se met en place, ainsi, lors de l’expérimentation et de l’apprentissage en danse l’acquisition d’un savoir-sentir passant par l’apprentissage continuel de construction/déconstruction ouvrant la voie à « une acuité épistémique » (Chopin, Saladain, 2017, p.45). Par une remise en cause de ses savoirs corporels, c’est une formation à la réflexion critique qui se met en place. Il y a, en effet, là une capacité à déconstruire ses propres savoirs et à les objectiver pour choisir, le tout dans une visée émancipatrice et politique correspondant à ce que Nussbaum nomme les émotions démocratiques.
Ainsi, cette acuité épistémique, ou réflexion critique, s’est étayée sur la formation du corps disponible, corps formé de la rencontre entre savoirs constitués et savoirs instituants dont le savoir sentir est au fondement. Il y a ainsi un continuum entre sentir, dimension sensible, corps disponible et réflexion critique proches en ce sens des émotions démocratiques de Nussbaum. Dès lors, l’apprentissage des savoirs de danse participe aux techniques du corps pour former un corps et un esprit disponibles propices aux émotions démocratiques et à la réflexion critique. S’engage, de cette manière, une formation et une construction de l’individu pouvant s’émanciper non pas à partir d’une rationalité hors sol mais à partir d’une rationalité et d’une réflexion émancipatrice toutes deux basées sur le savoir-sentir et l’expérience sensible.
Pour former à cette disposition du corps disponible et à cette capacité de l’expérience du désapprendre, la pédagogie en danse a fait appel à un exercice : la marche.
La marche : un outil didactique pour l’acquisition du savoir-sentir et l’élaboration d’un langage sensible incarné
Il existe déjà nombreux travaux sur la marche[7]. La marche a été abordée en esthétique, en philosophie. Elle est aussi depuis longtemps un objet d’étude artistique en danse, en musique et dans le domaine de la sculpture[8]. Il ne s’agit pas dans le cas présent d’une redite ou d’un prolongement de ces différents travaux. Notre propos est quelque peu différent. De même, si son apport et son lien avec l’expérience du désapprendre ont déjà été abordés (Saladain, 2018, pp.19-23) dans le champ de l’écriture chorégraphique et de la formation des danseurs professionnels, mon approche est différente. En effet je souhaite aborder l’exercice de la marche à partir d’un autre lieu énonciatif, à la croisée de l’éducation artistique à l’école et la philosophie politique de l’éducation et ce dans une perspective phénoménologique. Ce qui m’intéresse est la marche chorégraphique comme outil didactique dans le cadre de l’atelier de danse à l’école.
La marche dans l’atelier de danse permet de travailler et d’élaborer ce corps disponible car la marche est un geste de l’ordinaire, du commun, presque naturel d’apparence, pourrions-nous dire, et accessible à tous. C’est son premier atout. Mais la marche chorégraphique diverge un peu de cette apprente simplicité. Simple dans son usage, elle renferme une complexité que Jacques-Dalcroze a su mettre au service de la pédagogie, du rythme, de la musique et indirectement et de la danse (Jacques-Dalcroze, 1920 ; 1965). En effet, il a mis au point une pédagogie pour apprendre le solfège basée sur l’éprouvé, l’expérimentation et l’activité corporelle. En 1906 à Hellerau, en collaboration avec l’architecte Appia, il élabore un enseignement de la musique basé sur un savoir expérientiel et développe l’idée de corps musicien joueur (Boissière, 2021, p.3). Dans cette perspective, il a recours au jeu mais aussi à la marche pour développer la conscience rythmique (Boissière, 2021, p.5). Pour quoi ? Dans quel but ?
Jacques-Dalcroze défend l’idée d’un corps à la croisée du naturel et du culturel. Le corps n’est pas entièrement déterminé par les normes et contraintes sociales et n’est pas uniquement soumis à une totale spontanéité. Jacques-Dalcroze cherche plutôt une voie intermédiaire entre ces deux pôles. La spontanéité reste une élément fondamental chez lui, qu’il traduit dans sa pédagogie par le corps mouvant. Mais cette naturalité, cette spontanéité se manifestent en situation, dans l’exercice. La mise en situation est fondamentale dans la pédagogie Dalcrozienne. C’est ainsi que l’exercice de la marche devient fondamental comme exercice princeps.à mi-chemin entre technique du corps (Mauss, 1934) et mouvement naturel, le but de l’usage de la marche est de concilier un rythme instinctif basé sur un corps naturel et un rythme acquis par les apprentissages que Jacques-Dalcroze utilise pour faire émerger une « polyrythmie et une polydynamique qu’il (apprenti musicien) n’a pas naturellement et d’intérioriser des rapports d’espace, de temps et d’énergie » (Boissière, 2021, p12.).
Par héritage et transmission de la pédagogie Dalcrozienne[9], La marche est devenue, notamment en danse contemporaine, un exercice fondamental. Dans l’atelier de danse, il s’agit d’associer dans l’expérimentation les potentialités (naturelles) du corps que Dalcroze déclinait sous le terme de spontanéité et que j’ai nommé savoirs instituants et la construction d’un savoir plus formel nommé savoirs constitués . De cette manière, le geste, élément signifiant du corps en mouvement, s’élabore et constitue, ainsi, un langage sensible incarné ou parole silencieuse.
De la métaphore incarnée à l’interprétation
Le langage sensible incarné est une parole silencieuse relevant du logos endiathetos, parole intérieure, et de la tacita significatio (Fumaroli, 2002, p.30). Cette parole silencieuse permet de « dire l’indicible et écouter le verbe en silence » (Fumaroli, 2002, p.197). Elle recèle ainsi une énigme, point de départ du dialogue philosophique et de la réflexion critique. En effet, Colli, étudiant la naissance de la philosophie, a pu mettre en lumière la fonction de l’énigme, lors de ce passage du muthos au logos. L’énigme est la parole de l’indicible logée au sein du discours religieux du mythos. Elle s’est perpétuée lors de la naissance de la philosophie et devenir soubassement de la dialectique du logos philosophique (Colli, 2002). L’énigme, dès lors, détient ce pouvoir de dialoguer et de mener un raisonnement critique. Dès lors, la parole silencieuse de la danse, sensible et incarnée, détenant en son sein une énigme, ouvre la voie au dialogue critique et raisoné. Cette énigme favorise ainsi, le travail d’interprétation (Galichet, 2019) quis’inscrit dans une conception herméneutique. C’est un travail sur le sens qui reste inachevé et ouvert. Pour ce faire, la fonction interprétative mobilise cinq compétences (Galichet, 2019). Il s’agit d’abord de repérer les traits signifiants pour, dans un second temps, en dégager et expliciter le sens. A partir de ces explicitations, il s’agit d’inventer des analogies pour en faire varier les sens et en explorer les implications. Enfin, à l’appui du matériel récolté lors des étapes précédentes, il s’agit de juger, évaluer et hiérarchiser). Comment s’effectue ce travail d’interprétation dans le cadre de la danse ?
Le sens s’élabore dans le cours de danse à partir de l’acquisition du savoir-sentir que je décline en trois strates : sentir incarné, sentir verbalisé, sentir objectivé. Pour ce faire, trois étapes, regroupées par ce que je qualifie une pédagogie du sentir, sont toujours instaurées dans l’atelier : expérimenter, observer et comprendre/analyser. Ces trois étapes en s’appuyant sur la sensorialité et le sensible permettent d’éprouver, d’observer et de verbaliser pour comprendre et expliquer. C’est ainsi que la compétence interprétative est mise en jeu. Il y a, de cette manière, une forme d’émancipation de la technique où le travail du sentir et d’expression prédominent. Et, c’est, aussi, de cette manière que le corps disponible peut être mis en jeu et travaillé.
Pour compléter cette discussion, je souhaite prendre appui sur un exemple afin de montrer concrètement de quelles manières s’articulent , à partir de l’expérimentation, savoir-sentir et pédagogie du sentir permattant l’acquisition d’un langage sensible incarné et ouvrant la voie à une discussion à visée philosophique.
Présentation du dispositif « Danse c’est la classe ! »
L’atelier s’est effectué en 2017 dans le cadre d’un dispositif intitulé « Danse c’est la classe » en partenariat avec une compagnie de danse, la Ligue de l’enseignement de Paris, la mairie et le rectorat de Paris. Cet atelier a été mené dans une école du XXème arrondissement avec une classe de CE2. J’ai animé cet atelier en tant qu’artiste intervenante, en coordination avec l’institutrice de la classe. J’ai choisi cette intervention car la thématique abordée était le lien entre danse et littérature et notammant littérature jeunesse. Cette thématique permet de mettre en exergue le processus de formation d’un langage sensible incarné à partir du savoir-sentir, des savoirs instituants et des savoirs constitués, soubassement du dialogue et de la réflexion philosophique. En effet, passer du langage écrit au langage corporel puis revenir au processus de verbalisation nécessite un travail de traduction qui est aussi un travail d’interprétation (Galichet, 2019), permettant ainsi le développement de l’activité réflexive.
Cadre et objectif du dispositif : du langage écrit vers un langage sensible incarné. Un processus de traduction
Le projet était d’appréhender le lien entre danse et littérature, dans le cadre d’ateliers danse à l’école. La thématique choisie était celle du handicap. Il s’agissait d’aborder la question de la différence mais aussi et surtout celle de l’altérité : faire place à l’autre en tant qu’autre. Un corpus avait été sélectionné en concertation avec la ligue de l’enseignement et le rectorat, composé de La chaise Bleue, Le Livre noir des couleurs, De quelle couleur est le vent ? Sept souris dans le noir et La jeune fille à la laine.
En abordant la littérature jeunesse dans le cadre d’un atelier de danse à l’école primaire, le pari était de faire « une lecture chorégraphique des albums jeunesse afin de permettre une approche sensible et symbolique tant chorégraphique que littéraire des albums jeunesse » (Tardif, Pagès, 2015, p.29). Il s’agissait, pour l’enfant, de vivre et de comprendre par corps l’histoire racontée dans l’album. Le but était d’incarner sensoriellement cette histoire pour l’éprouver, la ressentir et ainsi la comprendre différemment. Cette traduction fonctionne par association à partir de la toile de fond sensorielle. En effet, ce dispositif permet de mettre en exergue comment la fiction, l’histoire racontée dans l’album parlant du handicap, de la différence, est transposée, traduite dans le corps sous la forme d’un langage poétique sensible et incarné. Cette traduction est métaphorique. Nous qualifions donc ce processus de « métaphore incarnée ». Cette métaphore s’enracine dans le corps, s’appuie sur le savoir expérientiel et la dimension sensorielle, affective et sensible du corps, et passe par l’acquisition du savoir-sentir.
Pour mener ce projet, le dispositif mis en place s’est déroulé presque sur plusieurs mois. Il comprenait plusieurs volets :
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Une intervenante de la ligue de l’enseignement était venue dans la classe pour parler du dispositif aux élèves : thématique, calendrier etc…
Elle avait présenté la particularité et discuté avec les élèves du lien entre danse et littérature.
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L’enseignante avait abordé ensuite en classe le contenu des albums et avait effectué un travail de sensibilisation et d’analyse des albums.
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La classe avait assisté à deux représentations de danse élaborées à partir de deux albums : De quelle couleur est le vent ? et La chaise bleue.
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Puis j’ai débuté mes interventions (décembre 2016), qui se sont terminées en avril 2017 à raison de dix séances de une heure. Le corpus étant riche, j’ai organisé l’ensemble des séances en prenant appui sur trois albums : La chaise Bleue, De quelle couleur est le vent ? et Le livre noir des couleurs.
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Puis il y a eu une restitution sur scène lors d’un regroupement de toutes les classes participantes en mai 2017.
Le savoir-sentir à partir de l’exercice de la marche
Je vais ici restituer une séance dont le travail portait sur l’album De quelle couleur est le vent ?
Le but était de proposer des voies possibles de traduction sensible et corporelle du vent. Il s’agissait aussi d’aborder la différence par la question de la malvoyance, voir/ne pas voir, à partir d’un voyage sensoriel. « De quelle couleur est le vent ?» est la question posée un jour par un petit garçon aveugle à un adulte. Puis l’enfant pose la question à différentes personnes. Chacun y répond à sa manière et selon sa propre perception, pour décrire la couleur du vent, apportant de cette manière une réponse plurielle et sensible. cet album ouvre une porte sur le handicap, la différence et surtout la singularité en avançant l’idée que la perception est toujours singulière. L’idée de l’autre en tant qu’autre apparaît ainsi en filigrane.
Pour mieux appréhender cette création elle élèves avaient assisté à une représentation. Ce spectacle était librement inspiré de l’album. Il cherchait à transposer en sensations le vent et les couleurs et ce par la médiation du corps en mouvement et du geste. Cette création chorégraphique n’était pas une illustration narrative de l’album. Au contraire, la pièce proposait un voyage sensoriel qui faisait écho à la poésie de l’album, et proposait une approche sensible du vent. La chorégraphe avait exploré dans son travail de recherche les sensations entre appuis et contact avec l’eau, la terre et l’air et l’avait retranscrit dans sa chorégraphie.
Dès lors, l’exercice de la marche comme outil didactique pouvait venir faire écho et s’avérer pertinent pour aborder cette histoire et la traduire corporellement. J’ai donc axé la séance sur cet exercice et en m’appuyant sur le savoir-sentir qui corrélé à une pédagogie du sentir s’est déroulé en trois étapes : expérimenter, observer et comprendre/analyser. En effet, un cours de danse (éveil, initiation) ou un atelier de danse (séance d’improvisation, de composition ou intervention danse à l’école)[10] comprennent trois étapes, la mise en état, le temps d’exploration et le temps de restitution, au cours desquels nous retrouvons les trois actions : expérimenter, observer et comprendre/analyser. En fonction de l’objectif pédagogique choisi et de la démarche choisie (cours ou atelier exploratoire) les actions et les étapes peuvent être plus ou moins fondues et confondues en se faisant successivement ou simultanément.
Dans un souci de clarté et de cohérence je vais décliner et associer dans la présentation qui suit la phase d’expérimentation avec le sentir-incarné, la phase d’observation avec le sentir-observé et la phase de compréhension/analyse avec le sentir-objectivé. Cependant, ces actions sont généralement homogènes et se font simultanément même si l’accent est mis sur une action particulière à une étape de l’atelier de danse. L’enfant danseur apprend simultanément à expérimenter et observer.
Le sentir-incarné
La première étape axée sur le sentir-incarné consistait essentiellement en une phase d’expérimentation. Cette première étape durait environ 10 à 15 min. La consigne était la suivante : marcher dans la pièce en occupant tout l’espace et sans se cogner les uns les autres. Nous avons ensuite ajouté une nouvelle consigne : marche/arrêt quand nous frappions dans nos mains ou quand un camarade de classe frappait dans ses mains. Ce travail sur le rythme s’est complexifié avec l’ajout de variations de rythme du type accélération/ralentissement. Un troisième niveau de complexification est venu quand nous avons introduit des qualités de mouvement dans la marche : marcher à pas de loups, marcher sans faire de bruit, marcher en glissant les pieds sur le sol, courir sans faire de bruit, marcher lentement en caressant le sol avec les pieds etc… Puis j’ai ajouté un paramètre particulier : le vent. Ce dernier pouvait être doux, fort, inexistant, changeant, tourbillonnant etc… Il s’agissait de travailler le déséquilibre mais il s’agissait aussi de mobiliser des états de corps et des qualités de mouvement sur la globalité du corps. La consigne pouvait être, par exemple, résister à un vent violent ou caresser l’air ou encore se laisser envelopper par le vent.
Le sentir-verbalisé
La seconde étape consistait en une phase d’observation d’environ 5 min où le sentir-verbalisé était mis en jeu. Il s’agissait lors de cette étape d’observer ses ressentis et de mettre des mots sur ses sensations et son éprouvé. Nous nous sommes rassemblés en cercle où j’ai posé trois questions : qu’avez-vous ressenti ? qu’avez-vous aimé ou qu’avez-vous peu aimé ? Pourquoi ? Pour ce temps de verbalisation, j’ai proposé le cadre et les règles suivantes dans la lignée des ateliers AGSAS[11] et en m’inspirant des travaux de Lévine :
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la règle de bienveillance sur eux-mêmes et vis-à-vis des camarades. Comme leur parole, tout ressenti est valable : pas de notion de bien ou mal, de ressenti juste ou décalé.
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Le droit de ne pas nommer ou formuler à voix haute leur ressenti. A chacun son rythme. On peut ne rien dire.
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Ce temps de parole est le leur. La parole est libre. L’animateur n’intervient pas.
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Je conclus quand la parole se tarit pour faire une brève synthèse des interventions des enfants.
A partir de ces questions et de cet espace de parole libre les enfants ont pu revenir sur leur vécu et observer leurs sensations. Nous avons ainsi exploré à partir de leur observation leur ressenti-incarné.
Le sentir-objectivé
Enfin, nous sommes passés au troisième temps pédagogique d’une durée de 15 à 20 min : comprendre ou le sentir-objectivé. Nous avons divisé la classe en deux sous-groupes. Un groupe reprenait le travail exploratoire en réutilisant ce qui avait été formulé précédemment tandis que le second groupe observait. Puis nous avons inversé les deux groupes.
A l’issue de ces explorations nous nous sommes de nouveau rassemblés en cercle. Lors de ce temps de parole, nous avons posé un nouveau cadre et de nouvelles règles :
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Chaque proposition gestuelle doit être respectée
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Le regard de chacun est bienveillant
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Pas de critique sur l’individu et ses choix
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Pas de j’aime/je n’aime pas
Pour ce temps de parole. Je suis présente activement pour mener les échanges, et accompagner l’interprétation et l’analyse des différentes propositions. Nous conduisons de façon semi-dirigée les différentes interventions des enfants à partir de la consigne suivante : Comment reliez-vous ce que vous avez fait personnellement avec ce qui est raconté dans l’album ? Nous avons relancé les débats et analyses à partir des questions suivantes : A qui cela vous fait penser ? Comment comprenez-vous ce que vous avez vu par rapport au spectacle et par rapport à la lecture de l’album ? Quelles différences avez-vous pu remarquer dans les différentes propositions ? Qu’avez-vous remarqué chez vos camarades par rapport à votre proposition ?
Ce fut l’occasion d’interpréter les observations de chacun et de proposer des éléments de compréhension à partir de leur expérience. Ils purent d’analyser les mouvements, qualités ou états de corps proposés par les camarades.
Pour terminer les explorations et la constitution de ce répertoire gestuel les enfants ont effectué une restitution en reprenant les éléments relevés lors de ce dernier échange. C’est au cours de cette restitution qu’ils ont commencé à traduire corporellement l’histoire de l’album par l’intermédiaire du geste. Ils se sont appuyés sur les propositions et le répertoire corporel exploré lors des explorations précédentes.
A l’issue de cette restitution, nous avons pris un temps de retour au calme[12]. Puis, nous avons finalisé ce moment par un dernier temps d’échange à partir des consignes suivantes : Qu’est-ce qui était singulier[13] dans la proposition de chacun ? Finalement ce serait quoi la différence ? Ce serait quoi le handicap pour vous à partir de ce que l’on vient de vivre ? Ce fut l’occasion d’analyser théoriquement la différence, le handicap et de percevoir l’autre en tant qu’autre à partir des éprouvés et du savoir-sentir.
A la fin de la séance, j’ai demandé aux élèves danseurs de produire un dessin pour la séance suivante s’ils le souhaitaient ou un petit texte (quelques mots) sur leur vécu, sensation et perception. La séance suivante fut, ainsi, l’occasion de s’appuyer soit sur les productions de dessin soit sur les productions écrites. L’objectif pour la séance suivante était de repartir de ces productions pour engager un travail sur voir/ne pas voir, guider/être guidé.
Après la description de cet atelier dont la particularité est d’articuler littérature et danse, il nous faudrait en analyser les enjeux et les effets. Après tout, cet apprentissage favorise-t-il une ouverture au monde, engendre-t-il une forme d’émancipation corporelle et intellectuelle en développant une réflexion critique puis-je m’interroger de manière un peu provocatrice ?
Cependant, l’enjeu n’est pas ici d’anlyser et discuter les nejeux et limtes de c emodèle de séance. Il s’agit de montrer comment on peut mettre concrètement en application l’exercice de la marche dans un atelier croisant danse et pratique philosophique.
Conclusion
Le dispositif « Danse c’est la classe ! » nous permet de mettre en lumière la manière dont l’acquisition du corps disponible s’opère. Cela nous permet aussi d’expliciter le processus à l’œuvre et articuler l’acquisition de ce corps disponible avec l’apprentissage et le maniement des habiletés de pensée comme l’habileté à recherche, à créer ou à interpréter. Cela nous permet aussi de mettre en avant de quelles manières l’exercice continu du désapprendre se met en mouvement, porte ouverte à l’acquisition de l’esprit critique. Mais ce sont aussi les compétences psychosociales qui se sont modelées progressivement autrement : le rapport à soi, le rapport à l’autre, l’empathie, la dimension sensible et empathie s’est aiguisée.
Nous pouvons supposer, tout du moins, que la pratique de la danse et l’acquisition de savoirs instituants a participé une meilleure acquisition de leurs habiletés de pensée. Comment l’expliquer ? la pratique de la danse et l’apprentissage de la danse en serait-elle la seule cause ?
Pas sûr ! Cependant, peut-être une envie d’aller à l’école ? Peut-être le développement d’un esprit disponible ? Peut-être une meilleure entraide entre enfants ? La pratique de la danse, la mise en place d’ateliers avec une approche différente du corps, des temps de mise en mouvement scandant le rythme scolaire et l’acquisition de savoirs scolaires parfois formels ont certainement contribué à ce changement.
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La dénomination « danse à l’école » est née en 1985 d’actions d’éducation artistique et culturelle à l’école sous l’impulsion de Françoise Dupuy et Marcelle Bonjour et en étroite collaboration entre le Ministère de la Cutlure et de la Communication et le Ministère de l’Education Nationale ↩︎
Pour l’usage de ce terme. nous nous référons à Castoriadis qui distingue instituant et institué pour établir deux conceptions de l’institution. L’instituant désigne les processus par lesquels une société construit une institution dans une dynamique de décomposition/recomposition et dans une relation de réception/altération. L’instituant vient perturber l’institué qui est établi et fixe. Il y a, ainsi, dans une dynamique hégélienne, alternance perpétuelle entre instituant et institué pour constituer dans un troisième temps l’institutionnalisation. ↩︎
Le pré-mouvement est « cette attitude entre le poids, la gravité, qui existe déjà avant que nous bougions » (Godard, 2002, p. 236). Celui-ci est similaire à une anacrouse dans le domaine de la musique. L’anacrouse est une note ou un ensemble de notes qui précèdent le premier temps fort de la mélodie. ↩︎
Un état de corps est la cartographie précise à un instant T d’une posture dans son rapport à la gravité (tension, détente etc…). C’est corporellement une façon d’être au monde à un moment précis et dans un espace déterminé ↩︎
La qualité de mouvement regroupe les intentions dynamiques qui colorent le geste. Elle se caractérise, ainsi, par une vitesse (lent, rapide etc…), par une amplitude et est accompagnée d’un univers poétique. ↩︎
La capabilité est définie par Nussbaum comme « un ensemble de possibilités de choisir et d’agir (…) La capabilité est donc une forme de liberté » (Nussbaum, 2011, 39). ↩︎
Nous pouvons citer, sans être exhaustif, Gros, F (2011). Marcher, une philosophie, Paris : Edtions Flammarion ; Le Breton, D (2000). Éloge de la marche, Paris : Éditions Métailié, Thoreau, H.D (2003). De la marche, Paris : éditions mille et une nuits, Banes, S (2002). Terpsichore en baskets, post-modern dance. Paris : Éditions Chiron ↩︎
Gradiva de Jensen en littérature, L’homme qui marche de Giacometti en sculpture, Zeitung de Keersmaker ou Procession de Belaza en danse. Nous pouvons aussi noter l’utilisation par Freud de Gradiva de Jensen ↩︎
Françoise Dupuy, formée par la méthode Dalcrozienne dès son plus jeune âge à Lyon, a réutilisé, diffusé et transposé cette pédagogie lors de l’institutionnalisation de l’enseignement de la danse avec la mise en place d’un diplôme d’état de professeur de danse dont elle fut la principale actrice en tant qu’Inspectrice de la danse au Ministère de la Culture entre 1985 et 1990. Ainsi, elle fut à l’origine de la loi N° 89-468 du 10 juillet 1989 relative à l’enseignement de la danse qui instaure l’obligation d’un diplôme d’état pour enseigner la danse classique, contemporaine et jazz ↩︎
Le cours éveil est destiné aux enfants de 4 à 5 ans. Le cour initiation est destiné aux enfants de 6 et 7 ans. A partir de 8 ans le cours de danse est un cours technique où les finalités et les moyens changent. Les exigences techniques, de qualité et de dynamique se complexifient. Un atelier Danse à l’école se rapproche d’un cours d’initiation ↩︎
AGSAS est l’acronyme de l’Association des Groupes de soutien au soutien. Fondée par Jacques Lévine, cette association a mis en place des groupes de paroles, notamment à l’école, avec les enfants selon le principe que la parole de l’enfant est valable et entendable. Lévine a élaboré une méthodologie spécifique pour le déroulement de ces groupes de paroles en classe : chacun prend la parole à son tour mais peut ne pas prendre la parole. Le ou les animateurs n’interviennent pas. L’animateur fait une synthèse à la fin du tour de parole (parfois deux tours de parole) ↩︎
Il s’agit d’un moment de détente en privilégiant l’écoute des sensations et/ou en focalisant l’attention des enfants sur l’écoute de l’environnement ↩︎
Ce terme peut parfois être difficilement saisi par des élèves du cycle 2 ou 3. C’est justement l’occasion pour leur demander comment ils comprennent ce terme et de le redéfinir si besoin ↩︎