Revue

Lettre de Michel Tozzi aux lectrices et lecteurs de Diotime

Rédacteur en chef de Diotime pendant 22 ans, je me réjouis de la continuation de sa parution avec ce numéro 89, sur une nouvelle plateforme.

Diotime a pris en 1999 la suite de la Lettre de l’Ardap (Association pour la recherche en Didactique de l’Apprentissage du Philosopher), que j’avais fondée en 1985. Elle aura paru et vécu, avec le soutien de l’Education Nationale française, de mars 1989 (n° 1) à mars 2021 (n° 88), soit 22 ans, à raison de la parution régulière de quatre numéros par an. En version papier jusqu’au numéro 18, puis numérisée du numéro 10 au numéro 88. Elle s’est progressivement imposée comme la revue de référence de didactique de la philosophie francophone (avec quelques articles en anglais ou espagnol) sur les Nouvelles Pratiques Philosophiques (NPP), à l’école dès les années 2000 (en particulier au primaire et au collège), comme dans la Cité (Elle aura vu naître par exemple à Paris le café philo en 1992 avec Marc Sautet, et un type nouveau d’Université populaire à partir de 2002 à Caen avec Michel Onfray…).

Les objectifs du lancement de la revue, rappelés ci-dessous, me semblent toujours d’actualité :

« Les incertitudes, affectives, épistémologiques, éthiques, écologiques, politiques engendrées par la (post- ou l’hyper-) modernité, et le trouble existentiel qui en résulte, se traduisent par une demande sociétale croissante de philosophie. Celle-ci, qui reflète une quête angoissée de sens, est nettement perceptible dans l’écho rencontré par la philosophie dans l’édition et les médias, mais aussi dans l’efflorescence de nouvelles pratiques sociales et scolaires, à l’école et dans la Cité.

Une réflexion s’impose donc aujourd’hui sur la place et le rôle de la philosophie et du philosophe dans la cité et à l’école, sur le fonctionnement de toutes ces formes innovantes que l’on appelle désormais les NPP (Nouvelles Pratiques à visée Philosophique), et sur la façon dont des « praticiens philosophes », professionnels ou amateurs, tentent de les didactiser.

Face au défi jeté à l’homme d’un monde complexe et aléatoire, qui a perdu de sa lisibilité, et où les individus cherchent du sens à leur vie, il est urgent de « rendre la philosophie populaire », comme le souhaitait Diderot, et ce dès le plus jeune âge et dans la cité, rendant accessible à tous le “penser par soi-même”, et peut-être une forme de sagesse. On peut regretter, contrairement à d’autres disciplines, la faiblesse de la recherche didactique en philosophie. D’où l’intérêt d’un lieu qui rassemble tous les travaux, pratiques et recherches s’inscrivant dans une telle perspective.

L’objectif de la revue Diotime est donc de faire connaître ces nouvelles pratiques de terrain, accompagnées par de nouvelles pratiques de formation liées à ces activités, et un nouveau champ de recherche universitaire. Elle contribue, en donnant la parole à des enseignants, des animateurs, des formateurs et des chercheurs, à alimenter la réflexion sur une nouvelle didactique de l’apprentissage du philosopher ».

Pa rapport aux objectifs rappelés ci-dessus, la revue a effectivement rendu compte de pratiques nouvelles de la philosophie en classe, particulièrement en philosophie avec les enfants et les adolescents, proposé des éléments variés de formation à ces pratiques innovantes, et par la même souvent dérangeantes, signalé les principales thèses en projet ou soutenues sur la question. Elle a touché un large public, enseignants débutants ou confirmés, animateurs, formateurs et chercheurs. Elle est, pour les africains par exemple, qui n’ont guère accès à l’écrit, cher et lointain, une entrée numérique dans ces problématiques. Elle était ces dernières années gratuitement consultable et téléchargeable, et c’est tout à l’honneur du Service Public français d’avoir, comme disait Diderot, tenté de « rendre la philosophie populaire », en élargissant son public par la médiation d’une didactique de l’apprentissage du philosopher.

Nous avons là un corpus considérable de plus de 1500 articles de praticiens, animateurs, formateurs, chercheurs, qui constitue un témoignage et un patrimoine précieux sur le développement des NPP depuis plus de 20 ans en francophonie. On y trouve les articles de 727 auteurs, provenant de 47 pays.

Je me réjouis que ce patrimoine soit sauvegardé et gratuitement consultable et téléchargeable sur une nouvelle plateforme, où paraitront également les nouveaux numéros de la revue. Celle-ci est soutenue par la chaire Unesco de philosophie avec les enfants (Université de Nantes), l’association Philocité et le département de didactique de la philosophie de l’Université de Liège. Je fais totalement confiance à la compétence de l’équipe de philosophes et didacticiens qui la prend en charge, et lui souhaite bon vent.

Michel Tozzi

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