Revue

Résultats de l'enquête ACIREPh-SNES sur l'enseignement de la philosophie

Cette enquête a été réalisée par Internet, du 21 juin à la mi-octobre 2015. Elle fut proposée conjointement par l'Acireph et le groupe philosophie du Snes, communiquée sur nos listes de diffusion respectives, sur le groupe facebook "Enseigner la philosophie", et transmise par l'Acireph dans tous les lycées publics et privés de France. Le questionnaire comportait à la fois des questions fermées et des questions ouvertes. Plus de 400 collègues (420) enseignant la philosophie ont répondu à cette enquête : il s'agit de la plus vaste consultation des professeurs de philosophie depuis l'entrée en vigueur des derniers programmes (2003 pour les séries générales, 2005 pour les technologiques).

La synthèse que nous vous proposons ici a été rédigée à partir des données du sondage. Une version plus détaillée accompagnée des résultats bruts est en ligne sur notre site internet www.acireph.org.

Chapitre I : le métier

Caractéristiques des participants

Sur la composition de l'échantillon des collègues ayant répondu, il faut souligner qu'une majorité d'entre eux est jeune : 55 % enseignent la philosophie depuis moins de 15 ans. La majorité d'entre eux enseigne dans le public (87%).

Effectifs des classes

63 % des enseignants ayant répondu ont plus de 100 élèves en charge pendant l'année scolaire, et 30 % plus de 130 élèves.

On ne peut pas attendre une formation d'une qualité égale lorsqu'on a plus de 150 élèves (15 % des réponses) ou bien lorsqu'on en a moins de 80 (15 % également).

Nos collègues ont répondu massivement que les effectifs trop lourds avaient pour conséquences :

  • une énergie à faire cours augmentée pour le professeur et une qualité d'écoute diminuée pour les élèves (85%) ;
  • des travaux demandés aux élèves moins nombreux (75%).

La quasi-totalité des enseignants (93%) estiment que les heures à effectifs dédoublés sont nécessaires. Pourtant, les conséquences de la dernière réforme du lycée se font sentir : en séries technologiques, 69 % des collègues n'ont aucune heure dédoublée, et cette proportion s'élève à 83 % pour la série générale S. De plus, une proportion sensible des heures dédoublées étaient en fait des heures d'AP ou d'EMC.

L'Acireph s'est plusieurs fois exprimée dans le sens d'un maintien ou d'un rétablissement des dédoublements et continuera à le faire.

Les causes des difficultés des élèves

Pour les collègues ayant répondu, les principales raisons des difficultés des élèves en philosophie, classées par ordre d'importance (rôle jugé "important" ou "très important"), sont les suivantes :

  1. La maîtrise de la langue (91 %) ;
  2. Les effectifs (85 %) ;
  3. Les acquis scolaires (culturels, méthodologiques) des élèves inadaptés (81 %) ;
  4. L'absence de dédoublement (77 %) ;
  5. ex aequo : les épreuves du bac et l'absence de philo avant la terminale (60 %) ;
  6. le programme (52 %).

Concernant les effectifs et les dédoublements : il est évidemment indispensable de demander aux pouvoirs publics de faire quelque chose, et l'Acireph s'exprimera en ce sens.

Parmi ces facteurs d'échec, certains ne dépendent pas de nous, professeurs de philosophie, ni individuellement, ni collectivement. On pourrait considérer que la maîtrise de la langue d'une part, les acquis scolaires des élèves d'autre part, échappent assez largement au pouvoir des professeurs de philosophie. D'un autre côté, on pourrait aussi croiser ce résultat avec la question de la philosophie avant la terminale : son absence est jugée importante ou très importante pour expliquer les difficultés des élèves par 60 % des réponses. S'il faut améliorer la formation des élèves du double point de vue de leur maîtrise linguistique et de leurs acquis méthodologiques ou culturels, est-ce qu'il n'y aurait pas une solution à chercher dans un véritable cursus de philosophie au lycée, de la seconde à la terminale ?

L'Acireph se bat depuis sa création pour trois changements décisifs dans l'enseignement de la philosophie : une transformation des programmes, une transformation des épreuves du bac, et l'introduction de la philosophie avant (et après) la terminale. Or une très nette majorité des collègues (60%) trouvent que l'absence de philosophie avant la terminale et les épreuves du bac ont un rôle important ou très important pour expliquer les difficultés des élèves.

Chapitre II : les programmes

Dans leur appréciation des programmes (Q.15), les participants au questionnaire se montrent très majoritairement, voire massivement insatisfaits du statu quo. En série ES, 75 % des réponses déclarent le programme "trop lourd" et/ou "trop indéterminé". Cette proportion atteint 81 % pour la série S et 60 % pour les séries technologiques. Une courte majorité trouve les programmes "bien en l'état" en série L (54%) ; pour les autres séries, ils sont seulement 25 % en ES, 19 % en S et presque 40 % en séries technologiques à exprimer cet avis. Par ailleurs, 77 % des collègues déclarent souhaiter un "dialogue collectif de la profession" sur la question des programmes. La même proportion (77%) se prononce en faveur d'une réduction du nombre de notions.

Chapitre III : les épreuves du baccalauréat

Nous avons demandé : "Dans les conditions actuelles de notre enseignement, pensez-vous que, à la fin de l'année scolaire, les élèves soient préparés à traiter l'ensemble des sujets possibles au bac ?".

En série L, où pourtant une majorité de collègues trouvent les programmes "bien en l'état", et où nous disposons de 8 heures par semaine, seules 43 % des réponses sont positives, tandis que 44 % répondent "non, il y a toujours un sujet pour lequel mes élèves n'ont pas été préparés". Le pire constat concerne les séries ES et S, où une petite minorité (environ 20%) des réponses sont positives, tandis qu'une très nette majorité (environ 60%) des collègues répondent "non, il y a toujours un sujet pour lequel mes élèves n'ont pas été préparés". Pour les séries technologiques, ils sont 47 % à répondre " non, il y a toujours un sujet pour lequel mes élèves n'ont pas été préparés".

Ainsi, les professeurs ont pleinement conscience que les conditions actuelles ne permettent pas de préparer sérieusement les élèves à l'épreuve de philosophie du baccalauréat.

La question suivante (Q.21) portait sur les explications possibles : "En cas de réponse négative, y a-t-il une autre raison que les horaires ?". 69 % des réponses sont positives. Ce n'est donc pas qu'un problème de temps. Mais alors, d'où provient cette impréparation des élèves au bac de philo ? Les collègues étaient alors invités à s'exprimer (question ouverte) sur ces autres raisons. L'indétermination des programmes (80 réponses sur 212) et leur lourdeur (50 réponses) sont les thèmes qui reviennent le plus souvent.

51 % des collègues pour les séries générales et 82 % pour les séries technologiques jugent que les épreuves du bac philo doivent être, soit "conservées mais aménagées", soit "enrichies par de nouvelles épreuves", soit "à remplacer totalement".

En séries technologiques, les suffrages les plus nombreux (37%) reviennent à la réponse "les épreuves sont à remplacer totalement".Par ailleurs, 75 % des collègues ayant répondu déclarent souhaiter un "dialogue collectif de la profession" sur la question des épreuves du bac.

Chapitre IV : les perspectives

La philosophie avant la Terminale

Les professeurs ayant répondu à notre enquête estiment majoritairement (65%) que la possibilité d'intervenir en Seconde et en Première est une bonne chose mais doit être renforcée.

Une franche majorité des collègues ayant répondu souhaitent que la philosophie soit enseignée dès la Première, suivant une approche soit disciplinaire, soit interdisciplinaire, en séries générales : 89 % en L, et environ 80 % en ES et en S ; une nette majorité le souhaite également, de façon remarquable, pour les séries technologiques (66%). En série L, une "approche disciplinaire" de cet enseignement est plébiscitée (68 %) mais pas dans les autres séries.

La philosophie en lycée professionnel

La philosophie n'est actuellement enseignée qu'à la moitié d'une classe d'âge. La Q.29 demandait aux collègues si l'enseignement de la philosophie en lycée professionnel leur semblait envisageable : sur le modèle de l'existant ; ou sous une autre forme. Sur le modèle de l'existant, c'est le "non" qui l'emporte très largement à 87 %. En revanche, sous une autre forme, le "oui" obtient 72 % de réponses positives.

Ces réponses contiennent implicitement une affirmation intéressante : les professeurs de philosophie considèrent qu'il n'y a pas qu'une seule manière d'enseigner la philosophie, et qu'il serait donc possible de faire autrement, et que ce serait même indispensable pour pouvoir démocratiser la philosophie.

La formation professionnelle

Une très nette majorité des collègues ayant répondu souhaite que les formations proposées aux professeurs de philosophie intègrent davantage une réflexion sur les pratiques d'enseignement : 75 % souhaiteraient ainsi pouvoir travailler sur "les manières de faire cours", 70 % sur "les manières de préparer aux épreuves du bac".

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