Revue

Débuter la Discussion à Visée Démocratique et Philosophique - 3) Au cycle 3

I) En CM1-CM2, Claire Castelle

Je travaille cette année à quart temps avec une classe de CM1/CM2. Je dispense les cours d'Education Civique et Morale, dont les thèmes se prêtent particulièrement à la pratique de la DVDP. De plus, le dispositif de DVDP permet d'entraîner la compétence 6 du Socle Commun de Connaissances et de Compétence : "Prendre part à un dialogue : prendre la parole devant les autres, écouter autrui, formuler et justifier un point de vue".

Je propose donc un débat à la fin de chaque séquence, en lien avec le thème étudié. Jusqu'à présent, nous avons traité les thèmes du respect, de la vie privée sur internet, de la solidarité, de la justice. Le dernier débat était en lien avec la séquence sur la Déclaration des Droits de l'Homme. La question de départ étant la suivante : "La devise de la France est Liberté - Egalité - Fraternité ; mais sommes-nous réellement tous égaux dans notre société ?".

1) Mise en place du dispositif/ Répartition des différents rôles du débat

Ce débat est le cinquième vécu par les élèves. Ils commencent donc à bien connaître le dispositif. Malgré tout, celui-ci est rappelé avant chaque débat, à l'aide de la fiche "Les règles du débat".

Ensuite, les différents rôles du débat sont distribués de la manière suivante : les élèves lèvent la main pour chaque rôle qu'ils souhaitent jouer, l'enseignant les note sur un papier qu'il glisse dans une boîte. On tire ensuite un nom, qui occupera donc le rôle en jeu. Un élève ne peut pas jouer deux fois le même rôle.

  • Animateur : Claire (l'enseignante)
  • Président : Georges
  • Secrétaire : Yanis
  • Reformulateurs : Mathis
  • Discutants : Dahomée (D), Manon (M), Wassim (W), Théo (T), Jade (J), Claudia (C), Gabriel (G)
  • Observateurs : Evan, Cleia, Enzo, Elise, Emma, Robert

2) Le débat

Une fois la salle disposée, et les élèves à leur place, l'animateur pose la question de départ: "La devise de la France est Liberté - égalité - fraternité ; mais sommes-nous réellement tous égaux dans notre société ?"

D : Oui et non car les lois ne sont pas toujours respectées.
M : Oui parce que les lois veulent qu'on soit égaux, mais comme les gens ne les respectent pas toujours, des fois on n'est pas égaux.
W : Non on n'est pas tous égaux. Ma tante, elle n'arrivait pas à trouver de travail parce qu'elle était arabe. Alors elle a changé son prénom sur son CV et elle a eu des entretiens.
T : Non, c'est pas possible parce que dans la DDHC ils disent qu'on est tous égaux même si on n'a pas la même couleur de peau.
W : On n'est pas tous égaux aussi parce que on a le droit de porter une casquette, un chapeau, ou un bonnet, mais j'ai vu une vidéo où une dame disait à une dame voilée : "Enlève le torchon que tu as sur la tête".
D : Oui mais c'est pas pareil, parce que c'est le voile c'est pour la religion, et en France, on n'a pas le droit d'afficher sa religion. On n'a pas non plus le droit de porter une grosse croix. Donc on est égaux"

L'animateur relance le débat : "Jusqu'à présent, nous avons évoqué des cas particuliers. Pensez maintenant aux bébés qui viennent de naître. Sont-ils tous égaux ?".

J : "Oui les bébés naissent tous égaux puisqu'ils viennent de sortir du ventre de leur maman.
D : Non on ne naît pas tous égaux, parce qu'il y a des enfants dont les parents sont pauvres et dont les parents sont riches. Alors il y a des enfants qui ont tout ce qui leur faut pour être bien et d'autres non.
S : C'est vrai au début, ils ne sont pas égaux, mais après il y a des aides pour qu'ils le deviennent. C'est pour ça que grâce à la loi on est tous égaux.
G : Oui mais les enfants dont le papa est parti par exemple, là on ne peut rien faire. Pourtant dans le droit des enfants, on a le droit de vivre en famille.
T : Et puis si une SDF a un bébé, elle n'a pas de maison, donc son enfant non plus. Et dans le droit des enfants, on a droit à un toit.
S : Oui mais là aussi il y a des solutions pour être aidé. Il y a des refuges pour les SDF, ou on peut lui donner de l'argent. Pour qu'il soit égal avec les autres.
C : Certains enfants naissent avec des maladies aussi. Et là, comment on fait pour qu'ils soient égaux avec les autres ?"

L'animateur relance le débat : "Je reprends la question de Claudia : comment pouvez-vous faire, vous, pour qu'un enfant malade, ou handicapé, soit égal avec vous ?".

D : Par exemple, dans notre école, on est à l'étage. Un enfant en fauteuil roulant ne pourra pas monter. Donc on pourra nous déménager, et aller par exemple dans la classe des MS. Comme ça, il pourra rentrer et sortir de la classe, et venir en récréation.
J : Oui mais en récréation, si on joue au loup, il ne pourra pas jouer avec nous, donc on ne sera pas égaux.
A : Du coup, cet enfant sera privé de récréation parce qu'il ne peut pas jouer au loup ?
C : Mais non, il faudra trouver une solution....
S : Quelqu'un pourra se mettre avec lui et le pousser, comme ça il pourra jouer.
J : Mais c'est de la triche parce qu'en fauteuil il ira forcément plus vite que nous ! Alors on ne sera pas égaux !
D : Ou alors, quand il voudra jouer avec nous, il faudra jouer à un jeu auquel il peut jouer.
M : En fait, on n'est pas forcément tous égaux, mais avec les lois, et au quotidien on peut aider les autres pour essayer d'être le plus égaux possible.

3) Analyse du débat

Point de vue des observateurs :

Les discutants : certains élèves participent plus que les autres, et apportent des idées nouvelles.

Gabriel a utilisé son droit de se taire. Wassim n'écoute pas toujours, et parfois, il est un peu agressif quand il parle.

Georges (le président de séance) a bien distribué la parole. Il a parfois attendu que Yanis ait terminé de prendre des notes pour redonner la parole à quelqu'un.

Yanis (le secrétaire) a pris beaucoup de notes. Ça a l'air dur !

Mathis a oublié de répéter certaines choses que les discutants avaient dites. Il a dit les idées dans le désordre.

L'animateur a relancé 3 fois le débat, et a reformulé plusieurs fois.

Point de vue des élèves sur leurs rôles

Le président de séance a apprécié son rôle. Il n'a pas rencontré de difficultés particulières.

Le secrétaire a trouvé son rôle très fatiguant ! Il a rencontré des difficultés à suivre le débat et à prendre des notes en même temps. Le rythme du débat a été difficile à suivre.

Le reformulateur a rencontré des difficultés pour redire fidèlement ce qui avait été dit. Il "oubliait" ce qui avait été dit précédemment lorsqu'une nouvelle idée apparaissait.

Les discutants ont apprécié de participer au débat. Certains ont été frustrés de ne pas pouvoir parler immédiatement.

Dans l'ensemble, les observateurs ont apprécié leur rôle, mais certains se sont ennuyés.

Point de vue de l'enseignant

Ce nouveau débat s'est bien déroulé. Les différents rôles sont acquis, et pris très au sérieux par les élèves.

J'ai cependant remarqué que certains élèves étaient plus présents dans un rôle actif (discutant, président, secrétaire...). L'observation reste en effet difficile et ennuyeuse pour certains élèves.

La question ouverte a permis aux élèves une réflexion plus approfondie, contrairement au débat à partir d'un texte, qui cantonne les élèves à ce qui se passe dans l'histoire introductive.

Les discutants aiment participer, même si certains sont plus moteurs que d'autres.

4) Intérêt de ce type de débat

Les élèves aiment les débats. Ils aiment partager leurs idées, réfléchir à un sujet, discuter. Ils réclament régulièrement un nouveau débat. Ils souhaitent presque tous faire tous les rôles. Ils sont très motivés, et participent au débat avec sérieux.

L'exercice du débat aide les élèves à oser prendre la parole en public, à assumer ses positions, à les expliciter, à les défendre. Il leur permet également de se rendre compte qu'il existe d'autres points de vue, d'autres façons de penser, qu'il faut entendre et respecter.

Enfin, le débat apprend aux élèves à canaliser leur spontanéité, leur part d'égoïsme et de jugement systématique, dans la mesure où ils sont dans l'obligation de respecter les trois règles d'or du débat.

5) Difficultés rencontrées

Difficultés pour l'enseignant

Pour ma part, ma plus grande difficulté a été de ne pas orienter le débat, de ne pas dire "tu as raison ou tort". J'ai bien évidemment mes propres idées et idéaux, et il m'a été parfois difficile de ne pas réagir à l'une ou l'autre des positions de mes élèves. La neutralité est donc ma principale difficulté dans l'exercice du débat.

Ma seconde difficulté est la naissance d'un sentiment de frustration lorsqu'une idée éclot, mais n'est pas exploitée comme elle mériterait de l'être. En effet, il arrive souvent que les élèves n'aillent pas au bout de leurs idées, ou que l'idée ne soit pas reprise, et je trouve cela dommage.

Difficultés pour les élèves

Le secrétaire et le reformulateur ressentent très souvent des difficultés à mener de front la prise de note et la progression du débat.

Les discutants ont généralement tendance à rester dans leur idée, sans tenir compte ni rebondir sur les propos des autres, ce qui entraîne parfois des régressions dans le débat.

Les observateurs ont des difficultés à observer le débat de manière neutre, sans jugement.

6) Amélioration de la séance de DVDP

Au cours des différents débats, j'ai procédé à quelques modifications.

Lors des deux premiers débats, j'avais donné aux observateurs un tableau pour les guider. Mais je me suis aperçue que celui-ci les "enfermaient", ce qui entraînait des réponses duelles oui/non.

De plus, au départ, j'ai placé un observateur pour chaque élève. Je me suis alors aperçue que ce procédé convenait pour les rôles du "bureau", mais pas pour les discutants. J'ai donc ensuite proposé deux observateurs pour l'ensemble des discutants. L'observation a alors été plus efficace.

Pour les premiers débats, je suis partie d'un texte. Mais je me suis aperçue que les élèves ne réussissaient pas à se détacher de celui-ci. Aussi, le débat restait superficiel, la réflexion manquait de profondeur. C'est pourquoi lors de ce débat, j'ai proposé uniquement une phrase pour introduire le débat. L'effet s'est fait ressentir, et même si les idées fusaient dans tous les sens, la réflexion s'est révélée plus poussée.

II) En CM1-CM2, Camille Causse

1) Explication des choix, description du dispositif

Je suis actuellement enseignante dans une classe de CM1-CM2. La classe est composée de 26 élèves dont 15 CM1 et 11 CM2. Une des enseignantes de mon école à l'habitude de mener des DVDP avec sa classe, je lui ai donc présenté mon travail avant de le mettre en place afin de voir avec elle s'il y avait des choses à améliorer. J'ai choisi comme sujet "A quoi sert l'école ?", car mes élèves me demandent souvent à quoi ça sert de travailler, de faire du français, des mathématiques... et je trouvais donc intéressant de les faire réfléchir sur ce sujet.

J'ai utilisé la méthode que Mr Tozzi nous a enseignée en formation. J'ai donc commencé par leur expliquer ce qu'était un débat et à quoi ça sert, quels en sont les intérêts. Je leur ai ensuite expliqué comment allait se dérouler ce débat, avec les règles à respecter (ne pas prendre la parole si on ne nous l'a pas donnée, ne pas se moquer ou juger...) et les différents rôles qui seront attribués (animateur (moi), président, re-formulateur, secrétaire, observateurs et discutants). Puis j'ai répondu aux différentes questions qu'ils avaient. Ensuite j'ai installé les élèves qui avaient un rôle en leur demandant ce qu'ils devaient faire et ne pas faire. Enfin, nous avons fait le débat, puis un bilan de ce que chacun avait ressenti et observé.

Concernant les rôles, il y avait un président, un re-formulateur, deux secrétaires et quatre observateurs (un du président, un du re-formulateur et deux du groupe des discutants). J'avais décidé à l'avance quel seraient les élèves qui tiendraient un rôle. Ayant des élèves difficiles, j'ai choisi de mettre des élèves consciencieux pour les rôles de co-animation et des élèves plus perturbateurs pour les rôles d'observateurs afin de les canaliser. Le président, le re-formulateur et les secrétaires avaient une feuille récapitulative de leur rôle afin de les aider à bien comprendre ce qu'ils avaient à faire. Pour la disposition spatiale, les élèves co-animateurs était assis devant le tableau, les secrétaires un peu sur le côté, les discutants en arc de cercle et les observateurs derrière, sur un deuxième rang. L'explication des règles et du débat a duré environ 30 min, le débat 30 min également et le retour environ 20 min.

2) Intérêts

Pour les élèves : la DVDP fait partie de la compétence 6 : les compétences sociales et civiques. Cependant elle permet de développer également des compétences faisant partie de "autonomie et initiative" et "maitrise de la langue française".

Concernant la compétence 1 : maitrise de la langue française, les élèves travaillent deux aptitudes : s'exprimer à l'oral comme à l'écrit dans un vocabulaire approprié et précis ; prendre la parole en respectant un niveau de langue adapté.

Pour la compétence 6 : les compétences sociales et civiques, les élèves travaillent différentes habiletés selon le rôle qu'ils ont pendant le débat : le président apprend à donner démocratiquement la parole dans un groupe ; le re-formulateur à avoir une écoute approfondie, à bien comprendre ce que disent ses camarades afin de pouvoir redire différemment ce qui a été dit ; le secrétaire apprend à être la mémoire collective d'un groupe, à prendre des notes ; le discutant à oser prendre la parole, à élaborer sa pensée, réfléchir avant de parler et faire avancer un débat ; l'observateur à prendre de la distance avec le groupe pour observer un fonctionnement.

Il est important que ces fonctions tournent au cours des séances pour que chaque élève puisse tester différents rôles, et donc développer diverses compétences. Mes élèves ont beaucoup de mal à ne parler que quand on leur donne la parole en temps normal ; cependant pendant le débat ils ont assez bien respecté les règles. Certains ont fait quelques commentaires, mais pas beaucoup comparé à d'habitude. Le débat permet aux élèves de développer leur capacité de réflexion. Ils doivent réfléchir à ce qu'ils vont dire et comment afin d'être compris par le reste du groupe. Ils doivent réfléchir avant de parler, chose dont ils n'ont pas toujours l'habitude.

Pour l'enseignant. Lors de ce débat j'étais animatrice. Je suis intervenue quelquefois pour donner la parole au reformulateur et pour relancer le débat. J'ai pu observer mes élèves dans des conditions différentes, avec une autre façon de travailler. Cela m'a permis d'avoir un aperçu de leur compétence en argumentation et en expression à l'oral, mais également de voir leur comportement dans des situations d'apprentissage différentes.

3) Difficultés

Pour les élèves : les rôles d'observateurs ont été difficiles. L'observateur du reformulateur a noté tout ce qu'a dit le reformulateur et tout ce qu'il a oublié. Les observateurs du groupe ont relevé ce que les discutants ont dit, mais pas tellement qui a parlé et s'ils ont respecté les règles. Ils ne se sont donc pas concentrés sur comment chacun a tenu sa fonction mais sur ce qu'il a dit. Les secrétaires ont noté toutes les idées qui ont été dites. Au moment de faire un résumé, ils ont fait un listing et non un résumé. Ils ont donc du mal à synthétiser. De plus, les élèves qui avaient une fonction ont eu du mal à ne pas participer au débat, ils avaient envie de parler, certains trépignaient sur leur chaise, mais ils ont joué le jeu et ont réussi à ne rien dire. Afin qu'ils ne restent pas frustrés, je leur ai donc laissé un temps de parole après le débat pour dire ce qu'ils voulaient.

La chose la plus difficile a été de faire avancer le débat. En effet, le débat n'avançait pas beaucoup et j'ai eu du mal à le relancer, les élèves restaient beaucoup dans l'idée que l'école sert à avoir un bon métier et dans l'exercice du métier. Ils ont donné beaucoup d'exemples à ce niveau et répétaient ce qui avait été dit avant. Ils n'arrivaient pas à voir où je voulais les amener, à savoir sortir un peu du futur et voir ce que l'école leur apporte maintenant, mais également le côté social et relationnel. Je suis intervenue plusieurs fois pour essayer de faire avancer le débat en posant des questions ou en rappelant ce que l'un d'entre eux avait dit précédemment, mais qui n'avait pas était relevé par les autres et me paraissait intéressant.

Pour l'enseignant : le débat n'avançant pas beaucoup, j'ai du intervenir plusieurs fois. J'ai trouvé difficile de savoir quand intervenir et savoir quoi dire exactement pour que les élèves comprennent là ou je voulais les amener. Savoir également quand solliciter le reformulateur n'est pas une chose facile. De plus, après chacune de mes interventions, le président n'osait pas redonner la parole aux autres et attendait que je lui fasse un signe, ce qui a rendu la co-animation compliquée. Il est difficile de co-animer un débat tout en gérant le groupe classe afin que les élèves respectent bien les règles, que tout le monde soit actif. Même si un discutant ne veut pas parler, il doit quand même s'intéresser à ce qui se passe et ce qui se dit.

4) Amélioration

Le sujet que j'avais choisi était en fait assez fermé et n'a pas créé un véritable débat mais une succession d'idées. Les élèves n'ont pas confronté leurs idées en cherchant des arguments pour essayer de faire changer les autres d'avis. Pour une première mise en place, cela était intéressant car les élèves ont pu comprendre le fonctionnement d'une DVDP. Cependant la prochaine fois, je choisirai un sujet un peu plus polémique, sans non plus partir dans des sujets trop risqués, car mes élèves ont parfois des réactions violentes sur ce que disent leurs camarades. Lors de la prochaine DVDP, je changerai les élèves qui avaient des fonctions, afin que chacun puisse essayer plusieurs rôles et donc travailler diverses compétences. Les élèves qui avaient une fonction m'ont également demandé si la prochaine fois ils pourraient être discutants, car ils avaient envie de pouvoir aussi donner leur avis. Concernant le rôle d'observateur, je reprendrai plus précisément l'explication de ce qu'ils doivent faire. Je leur proposerai peut-être également une grille d'observation afin de les guider dans leur rôle. Suite au débat, j'ai demandé aux élèves ce qu'ils avaient pensé de cet exercice et si cela leur avait plu. Une élève a demandé à quoi servait de faire un débat et ce sont les autres qui lui ont répondu. Ils ont maintenant bien compris l'intérêt de ce type de travail et ils souhaitent tous recommencer bientôt.

III) En CM1-CM2, Laure Galbani

1) Description du dispositif et réalités de classe

J'ai réalisé la DVDP dans ma classe de CM1/ CM2, comportant six élèves de CM1 et 22 élèves de CM2. Celle-ci s'est réalisée dans notre salle de classe ; nous avions placé les tables en U. Il y avait 28 élèves présents le jour du débat. Nous avions préalablement effectué une séance comprenant la phase compréhensive et la phase identificatoire où les élèves avaient découvert le texte ( Yacouba), étaient capables de raconter l'histoire, et devaient expliquer ce qu'ils auraient fait à la place de Yakouba. La seconde séance englobait la phase interprétative, d'élaboration de questions et le débat.

Au commencement, j'ai annoncé aux élèves que nous allions faire un débat philosophique. Pour eux, le mot "philosophique" n'était pas très clair. Nous avions convenu d'une définition "une discussion autour d'un thème où plusieurs personnes peuvent avoir un avis différent mais doivent se justifier". Certains élèves de la classe avaient auparavant pratiqué le débat. Je leur ai donc demandé d'essayer de définir les règles et de se rappeler des différents rôles. Une fois ceux-ci définis, j'ai proposé aux élèves d'élaborer plusieurs questions autour du texte. Il me semblait important que la question vienne d'eux-mêmes, même si je prenais le risque qu'elle ne soit pas assez élaborée et qu'elle ne se prête pas à la réflexion et l'argumentation. Etant donné que plusieurs questions ont émergé, nous avons réfléchi ensemble sur le choix d'une question. J'ai orienté les élèves vers la question "Yakouba a t-il été courageux ?" et celle-ci a été retenue. Après cela, les rôles ont été tirés au sort.

Il y avait un président de séance qui devait veiller à donner la parole aux autres élèves dans l'ordre d'inscription. Au bout d'un certain temps, il donnait la parole à ceux qui ne s'étaient pas encore exprimés. Il déclarait l'ouverture et la fin de la séance.

Deux reformulateurs étaient chargés d'écouter, d'essayer de comprendre et d'expliquer quand je le leur demandais. Le choix de deux reformulateurs avait pour but de les aider à rentrer dans la tâche en écoutant l'autre reformuler, puis à se reposer de temps en temps, étant donné le nombre élevé de discutants.

Deux synthétiseurs de séance prenaient des notes au fur et à mesure des interventions et faisaient un compte rendu en milieu et fin de séance. Le choix de deux synthétiseurs était aussi dans l'objectif de favoriser l'entraide puisque la prise de note reste encore fragile et à consolider. Les 23 autres élèves participaient au débat.

2) Quel intérêt à ce type de pratique ?

D'après ce que j'ai pu observer et retenir en formation et dans ma pratique, la DVDP est une occasion de permettre aux élèves de réfléchir et d'exprimer leurs pensées. C'est un moment de réunion où chacun peut choisir de participer ou pas. Il y a un climat de confiance établi par des règles et l'enseignant n'attend aucune bonne réponse. Les savoirs laissent place à la construction de la pensée. A l'école primaire, les élèves sont très souvent sollicités à l'écrit et beaucoup n'osent pas participer à l'oral. La DVDP, sans obligation de participation, sécurise les élèves et permet de travailler sur le langage oral, l'écoute et le questionnement. Lors de ma pratique, je me suis aperçue que des élèves qui ne participaient pas en classe habituellement s'étaient exprimés lors du débat. Aujourd'hui, tous les enseignants ont aussi une mission d'éducation, la DVDP permet d'ancrer des règles d'éducation à la citoyenneté comme l'écoute et la prise de parole, qui ne sont pas toujours bien acquises, même pour certains adultes. Cette pratique permet également d'ouvrir la pensée des élèves sur plusieurs sujets, et notamment certains sur lesquels ils ne se seraient jamais interrogés.

3) Analyse des difficultés rencontrées

Pour les élèves

J'ai remarqué que les élèves avaient un certain nombre de difficultés lors de la DVDP. Au commencement, les discutants cherchaient à répondre à la question posée sans tenir compte des propos des autres jusqu'à ce que je mette en évidence certains désaccords.

M : maitresse / E : élève

M : "Yakouba a-t-il été courageux ?".
E1 : "Oui car il a voulu affronter toutes les épreuves et non car il n'a pas honoré le village en ne tuant pas le lion".
E2 : " Oui car il a laissé le lion en vie".
E3 : " Il a pas été courageux, il a pas tué le lion".
M : "Alors être courageux c'est laisser la vie sauve au lion ou le tuer ?".

Ici, les élèves se contredisaient sans s'en apercevoir. Le premier avait dit qu'il n'était pas courageux car il n'avait pas honoré le village en ne tuant pas le lion, le deuxième avait dit l'inverse et le troisième répétait ce qu'avait dit le premier. On aurait dit que chacun répondait séparément à la question, sans faire de lien avec ce qui était dit par les autres.

J'ai également constaté une forte difficulté à argumenter. Les élèves affirmaient une idée sans la justifier. C'était très difficile pour eux de prouver ce qu'ils disaient.

E : "Moi je pense que Yakouba n'est pas courageux, il sera pas heureux."
M : "Pourquoi il sera pas heureux ?"
E : "Euh... Je sais pas."
M : "Il s'occupera des moutons ?"
E : "Euh oui, mais il sera pas devenu guerrier"

J'intervenais souvent durant le débat pour que les élèves développent leurs idées. En milieu et en fin de séance, les synthèses n'allaient pas assez à l'essentiel. Les élèves répétaient la discussion qu'ils avaient écrite. C'était un peu long. Ils ont peiné à restituer les idées principales.

Pour l'enseignant

Une des principales difficultés que j'ai rencontrée était d'établir un lien entre les différents propos des élèves pour faire progresser la discussion. Je n'ai pas toujours réussi à faire du lien et certains moments de la discussion étaient un peu "répétitifs". Même si les élèves savaient qu'il ne fallait pas répéter ce qui avait déjà été dit.

J'hésitais parfois à faire reformuler les idées données par les discutants, je leur demandais fréquemment si c'était nécessaire. Cela vient du fait que j'arrivais à comprendre ce qu'un élève disait mais je n'étais pas sûre qu'il soit compris par tous. Lorsque je reformulais pour la classe, j'avais du mal à trouver une question pertinente pour faire avancer le débat. Souvent, je reprenais une précédente idée afin de l'approfondir.

J'ai l'impression que je n'ai pas assez "contrôlé" le débat. En effet, je n'ai demandé aux élèves de définir "le courage" qu'en milieu du débat, peut-être aurait-il été préférable de le faire plus tôt.

4) Propositions d'amélioration de la séance

J'aurais dû aider les synthétiseurs au cours de la discussion. Je n'ai pas pris le temps de le faire et ceux-ci ont répété exactement ce qu'ils avaient noté. Ainsi, les idées essentielles pour faire progresser le débat n'ont peut être pas été perçues par tous les élèves. Les élèves et moi sommes restés très attachés au texte au cours de la discussion. J'aurais peut-être dû leur demander de citer d'autres exemples pour éclaircir certains propos.

Les discutants étaient assez nombreux... Peut-être aurait-il mieux fallu choisir des observateurs pour les différents rôles. Quelquefois, certains élèves monopolisaient la parole en constituant des phrases longues. J'aurais peut-être dû intervenir pour l'éviter.

Pour éviter le problème au niveau des interventions des élèves sans réaction au propos des autres, je pourrai à l'avenir proposer des formules aux élèves : " Je (ne) suis (pas) d'accord avec untel", "Comme elle/il a dit...", "J'aimerais réagir à ce qu'a dit...".

Peut-être que je pourrais faire réécouter le débat au élèves afin d'approfondir la réflexion.

IV) En CM2, Julie Corbières

1) Contexte et intentions pédagogiques

Stagiaire pour l'année dans une classe de CM2 à l'école des Jonquilles à Montpellier, j'ai réalisé mon premier débat philosophique en tant qu'animatrice le vendredi 22 novembre 2013.

A défaut de pouvoir travailler en demi-groupe, c'est la classe entière qui a participé à la discussion, hormis ma tutrice qui n'a été qu'observatrice, soit un total de 28 élèves âgés de 9 à 10 ans.

J'ai choisi d'animer un débat à visée philosophique, laissant de coté la possibilité d'instaurer un projet de médiation que je ne jugeais pas utile, puisqu'aucun conflit ne semblait émerger, ainsi qu'une possibilité de projet pédagogique que je ne pensais pas adaptée à ma fréquence de présence au sein de l'établissement. De plus, le débat philosophique est un enseignement que ma tutrice souhaite pérenniser de manière hebdomadaire, il m'a donc semblé naturel d'inaugurer cette pratique.

Poussant les élèves à respecter la parole de l'autre, à écouter activement ce qui se dit, à développer des capacités réflexives et argumentatives, le débat à visée philosophique prend tout son sens dans la formation du futur collégien et du citoyen en devenir.

2) Description du réalisé

Il existait dans la classe où "j'enseignais", un coin philosophie où l'on retrouvait des exemplaires de la revue Philéas et Autobule ainsi que les Philo-fables de Michel Piquemal. Les élèves étaient alors habitués à l'idée de la philosophie à l'école, sans pour autant avoir déjà débattu. C'est pourquoi il m'a semblé perspicace de débuter par un album plutôt limpide d'où émergeait assez rapidement une question d'ordre philosophique : La grande question de Wolf Erbruch, album au titre évocateur traitant du sens de l'existence.

Pour ce premier débat, les élèves ont été installés dans une salle de musique du collège attenant, formant au sol un cercle fermé. L'animatrice, le président de séance, l'observatrice et la reformulatrice siégeaient, eux, sur une chaise. La séance à d'abord débuté par une instauration des règles et une présentation des rôles dont certains ont été évincés. Volontairement, j'ai choisi de ne pas nommer de synthétiseur afin de ne pas donner une dimension trop contraignante au débat pour cette première fois. Une fiche récapitulative a été distribuée à tous les élèves. J'ai ensuite lu le livre La grande question dans son intégralité en annonçant la question de lancement "D'après vous pourquoi est on sur terre ?". Une fois le thème annoncé, les élèves se sont eux même désignés pour prendre leur fonction de président (Louis), reformulateur (Hannah) et observateur (Anaïs). Le président a rappelé les règles, a déclaré le débat ouvert et la discussion a débuté. Compte tenu de l'instauration des règles et des fonctions, elle n'aura duré qu'une vingtaine de minutes, à grands regrets pour les discutants.

3) Ressentis et observations

En tant qu'animatrice, j'ai compris la nécessité de la fiche de préparation, particulièrement quant aux questions de relance permettant de clarifier ou de réorienter la discussion qui, parfois, aurait pu avoir tendance à dériver avec l'imagination débordante des élèves. Anecdotiquement, je relève une parenthèse sur une fin du monde chaotique qu'il a fallu entendre mais replacer dans son contexte, et rediriger vers des questions d'ordre philosophique. Les élèves en fonction se sont sentis à l'aise dans leur rôle, performants, très certainement grâce au climat de confiance et de bienveillance instauré au préalable par ma tutrice à l'intérieur de sa classe. C'est ce que nous rapporte Louis, président "J'aime bien le rôle de président, même si c'est plus dur qu'on le croit parce qu'il faut être attentif." Les élèves discutants ont apprécié l'activité pour son caractère "changeant", pour le thème ainsi que pour le calme qui régnait lors de la discussion. C'est ce que nous dit Angel : "C'est bien les débats philo parce que l'on peut réfléchir et parler de choses différentes que de l'histoire ou de la science" ; et Théo : "Tout le monde s'écoute et personne se moque et ça c'est bien". L'inconvénient relevé par les discutants ne concerne que la durée qu'ils ont jugée trop courte : Nevyne "Moi, j'avais des idées qui sont venues à la fin, mais on n'avait plus le temps."

Ma tutrice a été étonnée de l'aisance inattendue de certains élèves quant à leur capacité à s'exprimer à l'oral, avec autant d'arguments, et a jugé la discussion intéressante et pertinente, avis que je partage si ce n'est les deux ou trois dérives imaginatives de quelques élèves créatifs qu'il a fallu modérer.

Puisque le sujet était le sens de l'existence, la discussion a dérivé sur le thème de la religion. J'ai pu alors observer, entre deux élèves maghrébins l'un croyant, l'autre pas, un "ping-pong" de conception qu'il a fallu tempérer par le sujet du respect des croyances personnelles, sans quoi, nous aurions pu assister à l'émergence d'un conflit. Une de ses deux élèves est d'ailleurs venue me voir à la sortie de la discussion, cherchant une réponse unique à la question : " Mais alors, que croire face à la question de la création de l'humanité, la science ou ma religion ?". Expliquant que la philosophie était une manière de poursuivre son propre questionnement, je lui ai donné pour réponse que, si elle le souhaitait, elle pouvait penser que science et religion étaient conciliables. Satisfaite et rassurée, l'élève est partie en récréation. Pour ma part, j'ai trouvé difficile de me positionner justement, sans préparation, face à ce genre de question.

La discussion, plus généralement, a rempli des objectifs particuliers tels que se mettre d'accord sur une définition de la vie, de l'existence. Les élèves sont parvenus à poser des questions au groupe, à s'en poser à eux-mêmes. La parole de l'autre a été respectée, les élèves ont débuté leur intervention par " je pense que" et chaque avis a été argumenté, notamment par des exemples et des contre exemples. Cette facilité à l'expression s'explique par une préparation à l'argumentation, développée par l'enseignante au préalable dans les autres disciplines scolaires. La quasi unanimité des élèves a participé à la discussion, même les élèves les plus réservés lorsqu'en tant qu'animatrice, je les invitais à donner leur avis. Seules deux d'entre elles n'ont pas souhaité s'exprimer. Ces élèves, pourtant participantes lors d'activités plus classiques, n'ont pas eu l'air de vouloir se dévoiler. On pouvait ressentir chez ces deux jeunes filles une grande pudeur.

Lors du mois de décembre 2014, j'ai animé une autre discussion à visée philosophique introduite par l'histoire de Yakouba. Le récit a enchanté les élèves. La discussion a duré plus longtemps, 30 minutes, et me semble avoir été plus riche d'idées. Cependant, les deux jeunes filles qui ne s'étaient pas exprimées lors de la première séance sont restées muettes cette fois aussi, bien que leur ayant particulièrement proposé un rôle de présidence ou de reformulation en amont qu'elles ont refusé.

C'est en ce point que la formation reste importante, afin d'obtenir des clefs pour stimuler ces élèves pudiques ou choisir de respecter leur silence. La connaissance de nouveaux supports me semble aussi indispensable pour proposer aux élèves quelque chose de toujours nouveau. De plus, il me faudra obtenir les astuces qui permettent de répondre aux élèves lors de l'après discussion, ainsi qu'une méthode pour introduire le rôle de synthétiseur en douceur.

4) Les capacités transférables...

La capacité à débattre et le dispositif de cercle de parole peuventt être transférables au débat littéraire, si l'on veille à ne rester que dans de l'interprétatif et à ne pas entrer dans le champ du philosopher. Les rôles de présidence ou de reformulation peuvent être utilisés lors de travaux de groupes en mathématiques par exemple. D'une manière générale, le savoir argumenter s'utilise à tout moment lors des enseignements, et ce jusque dans la cour de récréation, lorsque les élèves discutent entre eux. Les réflexions citoyennes peuvent être mises en exergue lors de l'enseignement de l'histoire, de la géographie ou de l'instruction civique.

V) En CM2, François Guiraud

1) Le thème de la différence : "comme une évidence"

Lundi 1er septembre 2014 : ma première rentrée !
Aux dires de mes collègues : "Forcément un grand jour, si important que tout ou presque se joue là et maintenant !". Comme je n'ai pas de raison de mettre leur parole en doute, je les crois bien volontiers ! Pourtant, j'ai eu de manière assez paradoxale, la sensation de vivre un moment plutôt agréable, sans trop de pression ni de stress. A ne pas en douter, le premier présage d'un avenir serein.
Certes, l'école est très vétuste, mal équipée et connait de sérieux problèmes, dont celui des effectifs ; mais je m'y suis senti rapidement à l'aise et j'ai été fort bien accueilli. De plus, ces élèves de CM2 ont été "sympas" avec moi et à bien y réfléchir, j'ai vraiment passé une bonne journée. Seul le comportement de quelques-uns d'entre eux a pu "m'intriguer". Qu'est-ce qui empêche R. de rester calmement assis sur sa chaise plus de deux minutes ? Pourquoi les réflexions de T. me font elles immanquablement penser à celles d'un enfant de CP ? R. quant à lui, n'a manifesté aucune émotion de manière visible et parait très solitaire, à l'écart du groupe, tout comme P. qui m'a regardé fixement pendant de longues heures en me laissant penser que je m'exprimais dans une langue qui lui était totalement étrangère. Bon ! Il n'y a pour l'instant pas lieu de s'inquiéter ; nous trouverons sans doute des solutions. J'en parlerai dès demain avec mon binôme qui est également chef d'établissement ; j'en suis sûr, il pourra m'aider.

Mardi 2 septembre : une douche froide !
On ne t'avait rien dit ?
Non, pourquoi ?
En fait, ces enfants sont tous en situation de handicap reconnue par la MDPH et chacun sera, à court terme, accompagné d'une Auxiliaire de Vie Scolaire. Ne t'en fais pas, en général, elles connaissent leur travail, tu n'auras qu'à dire clairement à chaque personne ce qu'elle a à faire. Pour te résumer la situation : R. souffre de dyspraxie, le retard cognitif de T. est évalué à environ deux ans, R., pour sa part, est un enfant autiste de type "Asperger" et P. est traitée pour des troubles sévères de l'attention ; lorsque sa maman n'oublie pas de lui donner ses comprimés de ritaline(r), ça va à peu près... Ah oui, j'allais oublier, T. est malentendant mais il est appareillé. Pour les autres, on verra plus tard...

Si j'ai choisi de rapporter ces quelques instants vécus, c'est pour ne pas les oublier. Pour me rappeler combien l'activité langagière, qui est à la base de toute communication, peut permettre de ne pas laisser l'incompréhension et le rejet s'installer. Cela n'avait rien d'évident, mais j'ai fini par admettre qu'il est tout à fait possible d'envisager un travail éducatif sérieux avec l'ensemble des élèves de cette classe. Dans un tel contexte, j'ai néanmoins ressenti le besoin de pouvoir organiser rapidement une première discussion à visée philosophique et démocratique concernant le thème de la différence. Un échange que j'espérais fondé sur le respect d'autrui, l'apprentissage du vivre ensemble dans un espace synonyme de "chez soi pour tous" et développé à partir du modèle proposé par Sylvain Connac, Alain Delsol et Michel Tozzi.

2) Caractérisation du dispositif

Un élément déclenchant : le chapitre consacré à la reproduction de l'homme est un élément important du programme de sciences et technologie pour le cours moyen deuxième année. Pour démarrer cette séquence, j'ai choisi de proposer un recueil de conceptions à partir de deux questions successives : quels sont les éléments physiques ou anatomiques différenciant les filles des garçons de la classe ? Citer les éléments physiques ou anatomiques différenciant votre mère et votre père.

Cette situation problème avait pour objectif d'évaluer un "déjà-là", mais aussi de faire émerger la notion de puberté en tant que période à partir de laquelle un être humain devient capable de se reproduire. Le foisonnement et la diversité des réponses apportées par ces élèves m'ont incité à recentrer la problématique sur les aspects physiques de la différence. En outre, j'ai cru bon de préciser que toutes les autres propositions formulées nous aideraient à débattre prochainement autour du thème de la différence, pour lequel les élèves venaient de manifester un intérêt certain, et que nous aborderions ce thème de manière plus large. Pour signifier l'importance que j'accordais au débat, j'ai demandé aux élèves de noter ce "rendez-vous" pour la semaine suivante dans leur agenda (à cheval sur deux quarts-temps, je rencontre ces élèves uniquement le mardi).

A quel moment organiser la discussion ? Pour cette première expérience, j'ai choisi de positionner la discussion en début d'après-midi. J'ai eu ainsi l'impression de pouvoir mieux gérer le temps consacré à l'organisation matérielle de la classe et de ne pas être trop contraint quant à la durée effective du débat. Après une matinée "chargée" par la présence de deux évaluations sommatives en français et en mathématiques, le temps du débat est donc apparu comme un moment de libération de la parole, un temps qui cependant, se voulait organisé. La durée de la séquence a été d'environ 60'.

Des rôles partagés et des règles.

Si l'effet de la nouveauté peut être à la fois bénéfique et stimulant, je redoutais néanmoins les aspects chronophages et démotivants des cafouillages et des hésitations lors d'une "première". A ma grande surprise, la DVDP n'était en rien une nouveauté pour la majorité des élèves de cette classe, qui l'avaient déjà pratiquée en CM1. D'une certaine manière, on peut même considérer qu'il s'agit là d'un élément culturel bien enraciné chez ces enfants. Je disposais donc d'autant de points d'appui solides que d'élèves initiés, pour m'aider à mettre en place un dispositif opérationnel et complet. Les compétences de ces élèves en termes d'organisation matérielle, d'explicitation des rôles partagés ont été largement sollicitées pour aider à la réalisation. Installé dans mon rôle d'animateur, j'ai demandé à des volontaires de bien vouloir assumer différentes fonctions. Faute de candidat, seul le président a été désigné par l'enseignant, en la personne d'un garçon, normalement très prompt à prendre la parole, en particulier lorsqu'elle ne lui est pas donnée. J'espérais donc ainsi canaliser une attitude personnelle en inversant des rôles, en le rendant quelque peu absent du débat, avec pour mission essentielle de gérer démocratiquement les prises de parole. Après avoir entendu quels étaient les attendus liés à la fonction de reformulateur, un garçon s'est porté volontaire. Compte-tenu de son comportement, il n'était pas celui que j'aurais choisi spontanément pour son esprit de synthèse et sa capacité intellectuelle de compréhension : il m'a démontré que j'avais tort. Deux filles ont accepté de partager le métier de synthétiseur en notant au tableau ce qu'elles avaient entendu et compris. Dédoubler ce poste en espérant limiter l'effet de surcharge cognitive n'est peut-être pas une bonne idée, car dans ce cas : 1+1?2. En dépit d'une attitude mêlant hostilité et incompréhension vis-à-vis de la DVDP : "J'ai déjà fait, ça sert à rien", un seul élève a endossé la mission d'observateur. Il ne s'agissait pas d'indifférence et cet autre positionnement l'a peut être aidé à aborder le débat différemment avec une perspective de mise en responsabilité clairement envisagée. La taille du groupe classe (19 élèves) a facilité les échanges et la prise de parole par tous les élèves discutants. Ceux-ci avaient pour consigne de tenter de prendre part au débat en disant ce qu'ils pensaient, en évitant de répéter et en essayant d'apporter des idées nouvelles.

L'organisation matérielle de l'espace.

Pour construire un cercle permettant à tous les participants de voir et d'être vus, il a été nécessaire de modifier l'agencement de notre petite salle de classe car nous ne pouvions pas être délocalisés.

Dans ce cas précis, on peut parler d'occupation sous contrainte d'un espace relationnel. A l'opposé d'une recherche d'appropriation et de libération des espaces (et de la pensée !), nous avons ressenti un effet d'entassement, de confinement, en occupant des positions que nous n'avions pas choisies, mais qui étaient les seules disponibles.

Un questionnement proposé aux élèves: que signifie être différent pour un être humain ?

3) Quel est l'intérêt de cette pratique ?

Pour soi-même

Apprendre à vivre la classe autrement. Accepter d'évoluer au même niveau que les élèves sans pour autant se mettre en danger. Enrichir sa relation avec d'autres humains qui ne sont plus seulement considérés comme des élèves. Adopter une posture de lâcher-prise : j'accepte de confier des responsabilités qui sont généralement les miennes. Avoir la possibilité d'observer sous un autre angle, c'est se donner les moyens de mieux comprendre. Faire confiance à une communauté d'élèves, c'est manifester son espérance en chacun d'eux. Admettre que la parole des élèves peut nous surprendre et nous déstabiliser. Reconnaitre que les échanges avec les enfants nous enrichissent. Elargir sa palette de compétences.

Pour l'enfant ?

La Structuration du cadre permet de le sécuriser et autorise ainsi la libération de la parole de ceux qui, d'ordinaire n'osent pas. Participer au débat permet à l'élève de prendre conscience de ses propres capacités réflexives, en élaborant sa pensée et en acceptant de la soumettre à ses pairs. Apprendre que confronter des idées ce n'est pas se battre. Que défendre un point de vue, ce n'est pas déclarer une guerre. Aider un enfant à mieux comprendre et connaître d'autres enfants. Rendre profitable pour soi l'expression d'une intelligence collective. Trouver des pistes pour répondre à des questions qu'un enfant se pose. Trouver des pistes pour répondre à des questions qu'un enfant ne se pose pas encore. Faciliter l'ouverture d'esprit d'un futur citoyen du monde que l'on ose espérer libre et éclairé. L'amener à penser que rien ne peut remplacer "la maîtrise orale de la langue". S'affranchir pendant un temps des difficultés propres à la langue écrite. S'exprimer librement, pour ensuite aimer s'exprimer librement.

4) Des difficultés

Liées au questionnement : que signifie être différent pour un être humain ?

Vous l'avez sans doute compris, j'avais envie d'engager ce débat et j'y avais été encouragé par les enfants eux-mêmes, qui avaient su manifester leur intérêt face à cette problématique. Cependant, était-ce le bon moment ? Existe-t-il un "bon" moment pour engager des enfants sur une question importante posée à la condition humaine ? N'était-ce pas trop tôt ? Ne fallait-il pas commencer par aborder un sujet plus léger ? Au cours de la discussion, je me suis maintes fois interrogé sur la solennité du ton, sur le poids des mots utilisés, sur la fermeture de certains visages : "je voudrais vous parler de mon petit frère ; il est trisomique...". L'attitude contrastée des élèves en situation de handicap mérite une attention particulière. Certains ont beaucoup parlé, d'autres ont usé de leur droit de ne rien dire. Faut-il en tirer des conclusions ? Sans doute pas, mais je crains toutefois d'être à l'origine d'un effet de stigmatisation : "Puisqu'on parle de moi, je choisis de me taire". Mon but n'était évidemment pas de continuer à les faire exister uniquement par leur différence, parce que ce n'est pas tenable et si tel a été le cas, je le regrette profondément...

Liées à la présence d'autres adultes dans la classe

Je l'avoue humblement, je ne m'étais pas posé la question de mon positionnement vis-à-vis des trois AVS présentes ce jour-là en classe. J'ai donc choisi - sans trop y réfléchir - de les associer au débat, avec un cahier des charges identique à celui des autres élèves. Pouvait-il en être autrement ? Exclure du débat les personnes qui incarnent l'inclusion ? Il est pourtant possible de trouver des arguments à une proposition résolument contraire, que l'on pourrait transcrire de la manière suivante : "Mesdames, je vous invite à quitter cette classe car pour ce qui est du débat, les enfants dont vous vous occupez n'ont pas besoin de vous !". Après tout, ces élèves accompagnés et à la réalité augmentée ne sont pas 100% eux-mêmes lorsque s'exerce cette relation duelle.

Liées à la présence d'un gêneur

Par ses prises de parole intempestives, toujours dignes d'intérêt, mais sans jamais se soucier des règles établies, un élève a été en mesure de perturber le débat et je n'ai pas su le gérer ! La privation momentanée de l'exercice du droit de parole (qui, dans un autre contexte, s'apparente à une sanction dite éducative) m'apparaissait ici comme une punition exorbitante, à hauteur d'une mesure d'exclusion définitive. Sans doute devrai-je reconsidérer sa position ainsi que son rôle : il n'était peut-être pas au bon endroit au bon moment !

Liées à une "révélation"

Le président donne la parole à K.: "Mon père aussi est différent, il ne comprend rien : il sort de prison, mais comme il continue ses conneries, il va y retourner !". Je crois sincèrement que c'est le caractère tout à la fois affirmatif et exclamatif de la déclaration "fracassante" de K. qui m'a aidé à m'en sortir : les autres élèves n'avaient pas à répondre à une question et c'était très bien comme ça ! Je lui ai simplement fait remarquer que faire des "bêtises" était au contraire un dénominateur commun à tous les êtres humains. Rappeler une clause de confidentialité a sans doute été utile ; le débat s'est poursuivi normalement ; les enfants n'ont pas oublié mais ils ont su passer à autre chose. Peut-on en dire de même à propos des trois adultes ?

5) Des propositions pour aller plus loin

En dépit de mon inexpérience, je perçois déjà des pistes : faire autrement pour faire mieux.

  • Accorder plus d'attention à la phase d'analyse. Proposer un retour réflexif sur les conditions de déroulement de la discussion sous la forme d'une grille de critères et d'un jugement à pondérer (très satisfait ? pas satisfait du tout).
  • Proposer une courte activité d'écriture avant le débat pour "se mettre au clair" face au questionnement et, pourquoi pas, rédiger un texte après la discussion pour constater d'éventuels changements (opinions, idées reçues, préjugés). Un résumé des échanges a son intérêt : une trace durable pour conserver l'essentiel.
  • Trois autres documents me semblent importants : un premier sur lequel on va noter les rôles tenus par chaque élève afin de proposer des changements à chaque séance. Un deuxième pour proposer un questionnement, un thème, une problématique pouvant faire l'objet d'un prochain débat. Peut-on réellement qualifier de démocratique une discussion où les participants n'ont pas la maîtrise du sujet abordé ? Un troisième document évolutif où seront compilés les droits et les devoirs de chaque participant à une DVDP.
  • Mieux institutionnaliser la parole par un apport technologique : usage du micro et/ou enregistrement audio.
  • Utiliser l'exercice de la DVDP pour évaluer des compétences directement en lien avec le socle commun de compétences, de connaissances et de culture.

Conclusion

Ce compte-rendu d'une première expérience de DVDP menée en classe de CM2 m'a clairement aidé à percevoir tout l'intérêt d'une telle pratique. Si les difficultés existent, elles ne parviennent pas à masquer un plaisir partagé : celui d'aider un enfant à devenir grand.

"La vraie différence, c'est ce qu'on voit quand on ferme les yeux".

VI) L'amitié discutée par des élèves de CM2, Olivia Borde

1) Compétences visées par l'activité

Organiser une discussion à visée philosophique permet à l'élève d'acquérir les compétences :

  • échanger, débattre : participer aux échanges de manière constructive ;
  • comprendre et accepter les contraintes de la vie collective ;
  • comprendre le fonctionnement d'une démocratie représentative ;
  • refuser les discriminations de toute nature.

2) Contexte de la discussion présentée

L'école se trouve dans un milieu urbain. La discussion a été organisée dans une classe de Cm2, composée de 28 élèves, dont 15 garçons et 13 filles.

Pourquoi une discussion sur l'amitié ?

Depuis le début de l'année, le groupe classe rencontre régulièrement des conflits sur l'amitié et les valeurs véhiculées par cette relation. A l'aube de l'adolescence, les règles semblent se construire sur des valeurs telles que le respect et la confiance. Régulièrement les élèves entrent en conflit car ils se sentent trahis entre eux par l'un ou l'autre. Les filles de la classe remettent souvent en cause cet équilibre dans la classe pendant les récréations et cela perturbe l'attention de certains élèves au retour. Pendant la récréation également, les garçons rentrent souvent en conflit plus physiquement pour des problèmes de grossièreté qu'ils qualifient de manque de respect. Afin de maintenir le climat sécurisé et sécurisant de la classe, organiser une discussion à visée philosophique sur l'amitié s'est présentée pour répondre à un besoin de verbaliser les attentes de chacun et avoir une vision plus générale de l'amitié, pour atteindre une approche philosophique.

3) Mise en situation

Présentation du débat et des rôles (avant la récréation). Durée : 15 minutes

Etape 1 : recueillir, collectivement, à l'oral, les conceptions initiales des élèves sur l'organisation d'un débat.

Bilan : les élèves évoquent tous le rôle d'un président qui indique le début et la fin du débat et qui donne la parole. Ils définissent aussi le rôle d'un secrétaire qui note ce qui se dit. Les élèves ne proposent pas de structure précise pour l'organisation du débat.

Etape 2 : présentation des rôles.

L'enseignant présente les règles du débat, notamment sur la prise de parole et les droits et devoirs de chaque participant. Chaque rôle est noté sur un petit panneau plastifié. Au verso de chaque panneau, les rôles sont détaillés. Au cours de la présentation, les rôles sont inscrits en colonnes au tableau à gauche, le rôle de l'observateur associé sera inscrit à droite.

Bilan : les élèves sont satisfaits de la découverte des rôles et manifestent dès le début leur souhait pour un rôle ou un autre. Certains sont soulagés de voir qu'il y a des rôles sans participation active au débat et de savoir que la prise de parole n'est pas obligatoire.

Etape 3 : Lire un album pour introduire le sujet (après la récréation). Durée : 10 minutes

Lecture offerte de l'album Ami-Ami,de Rascal et Girel (Ecole des loisirs, 2002).

Cet album présente un intérêt pour analyser la nature d'une relation amicale et ce qu'elle doit laisser de part de liberté individuelle à chacun.

"Le jour où j'aurai un ami", se disait le gentil lapin ;

"Le jour où j'aurai un ami", se disait le grand méchant loup.

Les conceptions de l'amitié du lapin et du loup, se répondant en écho, évoquent leurs différences et leurs exigences différentes, et amènent les élèves à un questionnement pertinent sur les enjeux de l'amitié : Est-ce que l'amitié est dans la possession ? Y a-t-il des exigences dans l'amitié ? Est-ce que l'on peut tout accepter de son ami ? Faut-il suivre son ami à tout prix ?

Après la lecture, les élèves reformulent l'histoire et racontent les différents évènements. Puis, chaque élève prend un temps de réflexion individuel pour noter ce qui l'a interpelé sur le concept de l'amitié.

Questionnement de l'enseignant : qu'est- ce que cet album vous a appris sur l'amitié ?

Bilan : les élèves de CM2 ont beaucoup apprécié cette lecture offerte et reprenaient oralement et collectivement les fins de page du texte. Ils analysaient les dessins pour les mettre en relation avec le texte et cherchaient les intentions du loup et du petit lapin. Le choix des couleurs des illustrations les guidant sur les intentions de l'un et de l'autre et sur l'équilibre de la future relation entre le lapin et le loup. Les élèves cherchaient à anticiper ce qui allait se passer, les amenant ainsi à réfléchir sur le sens de leurs propres amitiés.

4) Mise en place du débat collectif

Etape 1 : la distribution des rôles. Durée : 10 minutes.

Les élèves se proposent spontanément pour les différents rôles. L'enseignant inscrit le nom de chaque élève à côté des rôles déjà relevés sur le tableau en étape 2.

Compte tenu du nombre de discutants (20 élèves), il a été attribué deux rôles d'observateurs des discutants.

Bilan : Beaucoup d'élèves veulent être président, le choix d'un seul élève est très frustrants pour certains.

Etape 2 : rappel des règles de prise de parole. Durée : 5 minutes.

  • Lever son doigt pour demander la parole.
  • Ecouter ce que son camarade dit sans lui couper la parole, ni se moquer.
  • Préparer son intervention en prenant éventuellement des notes sur son cahier de brouillon.
  • Attendre son tour.
  • S'intéresser à ce qui est exprimé pour mieux rebondir et argumenter.

Pour l'animateur (rôle que j'ai gardé pour ce premier débat), chercher quelques réflexions

philosophiques sur l'amitié afin d'avoir des ressources pour relancer le débat.

Exemples de réflexions : selon Aristote, il y a deux sortes d'amitié : l'amitié intéressée et l'amitié désintéressée. Celui qui a un ami par intérêt n'aime pas son ami pour lui-même mais parce qu'il lui est utile. Aimer son ami pour ce qu'il est, c'est la véritable amitié.

Montaigne : "Si l'on me demande pourquoi j'aimais mon ami, je ne peux le dire qu'en répondant parce que c'était lui, parce que c'était moi."

Spinoza : "Il n'est rien de plus précieux à un homme qu'un autre homme".

Etape 3 : déroulement et contenu du débat collectif sur l'amitié. Durée : 30 minutes.

Synthèse des discussions par les élèves : au cours du débat, le reformulateur est invité par le président à reformuler chaque intervention un peu longue des discutants.

"Quand on est ami, on se sent bien, on partage des sentiments et souvent on se dispute.

Le rôle de l'ami, c'est si on est vraiment ami, il ne faut pas qu'il te trahisse.

On lui confie tous nos secrets mais aussi il doit les respecter. C'est principalement le respect qui compte dans l'amitié". (Il y a eu de nombreuses interventions sur la trahison, le respect. D'où une intervention de l'animateur pour relancer le débat sur ce que peut nous apporter un ami ou ce qu'on peut partager avec un ami) : "Si quelqu'un te fait du mal, il faut que ton ami te réconforte. Un ami, c'est quand on l'aime. Et, quand il a des problèmes, il faut le soutenir. C'est une question d'attirance. Un ami c'est le réconfort".

Puis la discussion est retournée sur le respect : "C'est une personne qui respecte nos choix. C'est quelqu'un avec qui on voudrait passer du temps. Un ami, il ne faut pas qu'il nous insulte. Il ne doit pas être hypocrite".

D'où une nouvelle relance de l'animateur. En fin de débat, une ouverture sur d'autres aspects de l'amitié s'est proposée : "Un ami c'est quelqu'un avec qui on joue".

A la fin du débat, le secrétaire fait une synthèse de ce qui a été énoncé au cours du débat. Le président clôt le débat.

Bilan : 15 élèves différents sont intervenus avec une majorité de garçons. Les filles sont par contre intervenues à plusieurs reprises.

Etape 4 : bilan du débat. Durée 10 minutes.

Bilan des observateurs des discutants : les rôles de chacun ont été bien tenus dans leur ensemble, sauf pour deux discutants, qui sont intervenus sans demander la parole et quelques discutants qui restaient attentifs au débat mais ne sont pas parvenus à intervenir.

Bilan de l'observateur du président : elle a su en général donner la parole aux élèves mais pas toujours en respectant l'ordre des demandes. Elle a bien géré le temps et a fait intervenir régulièrement le reformulateur. Elle a demandé au secrétaire de faire une première synthèse à la moitié du temps du débat. Elle a oublié de faire un tour de table auprès des élèves qui n'étaient pas intervenus.

Bilan de l'observateur du reformulateur : très bon bilan. Elle a écouté avec attention, sans prise de note. Elle est restée très calme et a utilisé d'autres mots pour reformuler en synthétisant ce que les discutants disaient.

Bilan de l'observateur de l'animateur : elle a aidé le président pour tenir son rôle. Elle a relancé le débat à un moment.

Etape 5 : conclusion du débat. Durée : 5 minutes

L'animateur fait un tour de table et engage chaque personne qui le souhaite à exprimer son ressenti sur la qualité du débat et son rôle.

Bilan : les élèves ont beaucoup apprécié le cadre du débat, le rythme et cette façon d'institutionnaliser la prise de parole, car ça lui donne plus de poids dans la discussion. Ils ont

réclamé de refaire cet exercice à plusieurs reprises dans l'année. Ceux qui n'ont pas participé ont évoqué le fait qu'ils ne connaissaient pas bien le rôle de chacun mais que la pratique les inciterait à mieux participer.

5) Analyse du déroulement et du contenu du débat.

Aspects positifs et problèmes rencontrés.

En tant qu'enseignante, il s'agissait pour moi d'une première fois. Cette expérience m'est apparue extrêmement intéressante à mettre en place pour répondre à l'ensemble des compétences visées. Le dispositif contraint l'élève à s'impliquer dans son rôle et s'est avéré très motivant. Introduire le thème par un album permet à chacun de prendre appui dans un premier temps sur une base commune de réflexion. Grâce au reformulateur, le débat évolue raisonnablement. Les élèves ont verbalisé les difficultés rencontrées en amitié sans nommer leurs amis.

La présentation du dispositif est un peu longue. Trop de discutants : certains n'osaient pas prendre la parole. D'autres essayaient de monopoliser la parole. Certains élèves qui voulaient être président n'ont pas vraiment participé au débat en tant que discutants, ne réussissant pas à dépasser leur frustration. Deux élèves, qui ont d'habitude des problèmes de comportement en classe, n'ont pas réussi à tenir l'ordre de la prise de parole. Les élèves ont surtout exprimé leurs exigences vis-à-vis de leurs amis. Les observateurs ont bien tenu leur rôle. Les élèves ont peu pris appui sur la lecture offerte "si j'avais un ami, il serait...", sur le fait qu'on attend d'un ami qu'il soit un peu comme moi.

Conclusion

Ce débat a répondu à l'objectif visé sur le plan thématique qui n'était pas de résoudre les petits problèmes d'amitié dans la classe, mais d'avoir une approche plus générale et plus philosophique des rapports amicaux. Cette expérience s'est en fait avérée positive dans son ensemble. Il faut l'envisager comme un travail sur l'année pour que les élèves puissent parfaitement maîtriser le dispositif et les rôles de chaque protagoniste, et parvenir ainsi à s'exprimer plus librement. C'est un dispositif dont je me servirai régulièrement en classe pour les différents débats menés.

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