Une des spécificités de la méthode Lipman, et l'un de ses avantages majeurs, réside dans l'abondant matériel pédagogique développé. En effet, M. Lipman et A-M Sharp ont rédigé des romans et des guides pédagogiques pour chaque tranche d'âge, composant ainsi un véritable programme, ou cycle, de philosophie avec les enfants. Alors pourquoi chercher d'autres supports que le matériel développé par Lipman ?
Le premier élément de réponse est tout d'abord juridique. A l'exception de La découverte d'Harry chez Vrin, les romans de Lipman et Sharp n'ont jamais été édités en français, et ne le seront sans doute jamais (problèmes de droit, de traduction, d'adaptation au contexte français...). Moins d'espoir encore pour les guides pédagogiques, véritables pavés d'environ 500 pages pour chaque roman de 80 pages... Or du point de vue du matériel, plus que le roman, c'est le guide pédagogique (1) qui permet à tout un chacun, avec ou sans bagage d'histoire de la philosophie, d'animer une discussion philosophique de qualité.
Travailler en formation avec des documents pirates, former des gens avec du matériel qui leur est par la suite inaccessible, puisque pirate, cela manquait pour nous de cohérence lorsque nous avons dû nous rendre à l'évidence du caractère "non-provisoirement pirate" de ces documents.
On ne peut cependant pas utiliser n'importe quel support pour animer une discussion philosophique. Certains ne suscitent aucune question, certains sont informatifs, certains véhiculent des présupposés, etc. Issu de quatorze années d'expérience, l'objet de cet article et de lister les critères constitutifs d'un bon support-amorce à la discussion philosophique et d'éviter des critères souvent retenus lorsque l'on débute, mais peu pertinents.
I) Comment choisir ? Les critères
Nous avons analysé les romans de Lipman pour en dégager les caractéristiques, afin de pouvoir utiliser - voire même créer - des romans plus adaptés au contexte français et sans imbroglio de droits. Nous pouvons ainsi identifier des supports, romans ou autres, accessibles puisqu'édités, conservant toutes les qualités lipmaniennes de point de départ à l'animation d'une discussion philosophique. Nous émaillerons notre propos d'extraits de Calvin et Hobbes,de Bill Watterson afin d'illustrer chacune de ces caractéristiques et soulignerons les avantages de Calvin et Hobbes en tant que support.
On distinguera ici cinq critères. Certains sont nécessaires, d'autres ne sont que nécessaires un temps :
1) La pluralité des thèmes abordés dans chaque extrait
Pour Lipman, il s'agit de mettre en route la pensée, et pas seulement de débattre, d'émettre une opinion et de la défendre par des arguments. Cependant, pour que la pensée s'enclenche, il faut bien un intérêt de départ, une opinion que l'on a envie d'échanger, de proposer, de défendre, avant d'entamer un travail plus collaboratif et réflexif que celui, plus souvent rhétorique et persuasif, du débat.
Pour garantir l'attrait du plus grand nombre, l'entrée en jeu de tous les participants, Lipman propose de laisser, dans le support à la discussion, l'ouverture la plus large, afin que le point de départ des échanges soit réellement identifié et choisi par les participants, plutôt qu'apporté par l'animateur. Ce dernier ne peut que présumer des goûts et des envies des participants, et le choix d'une thématique porteuse est bien souvent contre-intuitif. Dans les erreurs d'identification d'un sujet donnant naissance à une discussion partagée, préside souvent des critères non-performants : nous reviendrons sur ces "faux critères" dans notre deuxième partie.
Autre avantage de la pluralité thématique du support : l'animateur risque moins d'avoir préparé un contenu qu'il souhaite transmettre, ce qui l'amènerait à plaquer sur la discussion des réponses historiques, plutôt que d'accompagner la recherche des participants. Les participants pourraient percevoir qu'il y a des réponses attendues, déjà détenues par l'animateur, et dans ce cas, pourquoi chercher et ne pas laisser l'animateur faire un cours magistral, qui sera tout aussi efficace qu'un jeu qui tourne à la devinette ? Écueil encore, l'animateur peut négliger des aspects particuliers amenés par les participants en les réduisant à tort à un positionnement historique déjà connu de lui.
Plus que de transmettre un contenu en terme d'histoire des idées, les ateliers de philosophie de type Lipman ont pour objectif de développer chez les participants des habitudes et des compétences de recherche exigeante, valable quel que soit le sujet. Il y a là la transmission d'un bagage épistémologique (comment chercher, comment ouvrir son point de vue pour se permettre d'imaginer puis envisager toutes les hypothèses et de les passer au crible de la réflexion). Bien plus, avec la bande dessinée, le texte enrichi de l'image, l'animateur a même la chance de voir apparaître des thématiques qu'il ne soupçonnait même pas dans le support qu'il a apporté, réalisant alors l'apport des participants et du groupe à la vision du support, voire même, du monde.
A titre d'exemple, nous vous renvoyons à l'album de Bill Watterson, Calvin et Hobbes : En avant, tête de thon !, Ed.Hors Collection, 2001 - 63 pages, p.44
Il y a ici une multitude de thèmes envisageables : pourquoi faire des devoirs ? Comment apprenons-nous ? Qu'est-ce qu'avoir besoin d'aide ? Aide-t-on vraiment quelqu'un quand on l'aide ? Pourquoi les mathématiques paraissent parfois incompréhensibles ? Qui a inventé le nom des nombres ? À quoi sert l'école ? Qu'est ce que l'instinct ? Hobbes est-il un animal ?, etc.
2) L'incrustation, en filigrane, de l'histoire de la philosophie
Si on découvre, à la lecture du support, dans les prises de paroles, les questions et opinions des personnages, des positions historiquement explorées par différents courants philosophiques, alors le support devient un réel atout pour l'atelier de philosophie. Encore faut-il que ces idées tirées de l'histoire de la philosophie soient présentées par le biais de situations révélant un problème, une question. La citation déclenche parfois la réflexion, mais elle peut aussi, dans sa formulation un peu parfaite d'un problème et de la réponse apportée par l'auteur, déclencher un effet de fascination qui arrête la pensée, qui rend contemplatif, et non plus interrogatif. Il faut que le support fasse revivre le questionnement du ou des auteurs, qu'il soit l'élément déclencheur d'une recherche et non la réponse à une question que l'on ne se pose pas.
Bill Watterson, Calvin et Hobbes : Elle est pas belle, la vie ?, Ed.Hors Collection, 2000 - 63 pages, p.45On retrouve dans l'extrait ci-dessus une expérience assez proche, mais plus enjouée, du "morceau de cire" de Descartes.
Une fois cette volonté de parler de l'histoire de la philosophie énoncée, comment s'assurer de la présence de ce critère dans un support si l'on n'a pas de bagage en histoire de la philosophie ? Dans ce cas, il faut donc se rabattre sur les deux critères identifiés dans le point suivant.
3) Contourner le critère 2
a) Des personnages se posant à eux-mêmes des questions,
Ce critère n'est pas incontournable. La mise en scène de personnages se posant à eux-mêmes des questions, élaborant des hypothèses, confrontant ces hypothèses au réel, en un mot, de personnages engagés dans une recherche et dans une "communauté de recherche philosophique", pour reprendre la terminologie de Lipman, permet de modéliser directement, pour les participants comme pour l'animateur, les objectifs et les attendus de l'atelier de philosophie.
En effet, il n'est pas toujours évident d'entrer dans l'activité philosophique dans un cadre scolaire, car elle sort assez de l'ordinaire si la pédagogie habituelle est une pédagogie transmissive. La lecture d'un support peut rappeler les activités pratiquées pendant le cours de français, mais il ne s'agit pas ici de s'interroger sur les intentions de l'auteur, de comprendre à quoi tient la saveur de sa langue ou d'identifier le personnage principal. Un support mettant en scène des personnages se posant à eux-même des questions offre un peu de confort dans cette activité parfois déconcertante pour des personnes très attachées au cadre scolaire : si le support illustre les attentes, les participants n'ont plus qu'à mimétiser. On peut alors parler de support "exemplaire". Ce type de support permet à l'animateur un hiatus minimum entre l'activité de découverte du support et la suite de l'atelier de philosophie.
Toutefois, ce critère n'est pas d'une nécessité toujours égale. Une fois la dynamique de l'atelier de philosophie lancée (en général quatre à cinq séances), on peut proposer des supports beaucoup moins "exemplaires". Quand il est clair pour tout le monde que le support est là pour nourrir notre curiosité, pour susciter des interrogations afin de les partager avec d'autres, le support-amorce peut être beaucoup plus libre : de la poésie, une chanson, un objet, un monologue, etc.
b) La pluralité des positions de chacun des personnages sur ces thèmes,
A contrario, et d'autant plus s'il y a un thème plus prégnant que les autres dans le support, le critère de la pluralité des positions représentées est indispensable, quel que soit le degré de dextérité ou de maturité de la communauté de recherche. Pour les participants, cela permet une première mise en recherche, une problématisation : tout n'est pas plat, univoque, rectiligne sur une notion particulière. Les personnages se posent des questions que les lecteurs peuvent reprendre à leur compte. Ces personnages représentent des points de vue qui, bien que différents, sont valables, partageables. Pour l'animateur, cette diversité représentée peut à nouveau lui permettre de prendre de la distance par rapport à ses propres idées ou sa vision du problème, et peut lui éviter de tomber dans un piège de taille : considérer que son approche du problème soit la seule valable et digne d'intérêt.
Bill Watterson, Calvin et Hobbes : Le monde est magique! , Ed.Hors Collection, 2003 - 63 pages, p.61Ici, pluralité de thèmes (Comment faire quand nos postulats sont faux ? Comment validons nous notre savoir ? Le visible et l'existant. Qu'est-ce qu'une preuve ? Théorie/pratique. Verbiage/trivialité? Entre-aide et ironie). Mais on a surtout deux personnages qui s'interrogent (notez la mimique de Hobbes, le tigre, dans la première case) et sur cette question partagée, ils vont, après réflexion, se positionner de façon différente, et les deux points de vue exprimés sont intéressants, les deux "ont du vrai" et posent question.
4) L'identification possible du lecteur aux personnages de l'histoire
Plaisir et curiosité sont les moteurs recherchés pour les discussions philosophiques de type lipmanien. Pour nourrir la curiosité, rien de tel qu'une identité partielle entre moi et le personnage : cela permet d'appréhender tout "naturellement", sans obstacle, le fait que notre humanité nous fait semblables en bien des choses. Une fois cette identité générale observée, restent toutes les différences de degré, ces petits rien qui nous font aussi sembler parfois si radicalement différents. Avec l'identification aux personnages, c'est la vaste et traditionnelle question du Même et de l'Autre en philosophie qui surgit, mais c'est aussi la voie du plaisir, du cocasse, de la complicité entre les personnages et les lecteurs. Et, donc de l'interrogation.
Bill Watterson Calvin et Hobbes : En avant, tête de thon !, Ed.Hors Collection, 2001 - 63 pages, p. 45Nous avons tous vécu cette situation, dans le rôle de l'adulte, dans le rôle de Calvin, et, dans l'analogie vengeresse prononcée par Hobbes, nous ne pouvons que constater que nous avons tous également connu les déconvenues de ce dernier...
Thématiques plurielles à nouveau : pourquoi l'urgence peut-elle s'appliquer à des choses si opposées ? Priorités et âge, autonomie, corvées et répartition des tâches. Pourquoi avons-nous parfois besoin de crier pour nous faire entendre ? Pourquoi nos évidences ne sont-elles pas des évidences pour tous ? Vengeance, etc.
5) Les valeurs de la Communauté de Recherche Philosophique
Reste que, pour la modélisation des valeurs sociales de la communauté de recherche (écoute, bienveillance, respect de la pensée de l'autre, bonne foi, etc.) Calvin et Hobbes ne sont guère exemplaires...
Bill Watterson, Calvin et Hobbes : Adieu, monde cruel !, Ed.Hors Collection, 1999 - 63 pages , p. 56Violence physique, cris remplaçant le dialogue, égoïsme, abus de pouvoir : on est loin des valeurs sociales promues par les discussions philosophiques... et pourtant !
Ils sont, à mon sens, tellement outranciers dans le non respect de ces règles qu'ils les rendent aussi - sinon plus - visibles que dans les discussions dans lesquels les personnages de Lipman et Sharp sont mis en scène. Les personnages des romans de Lipman sont si souvent en train de modéliser les communautés de recherches philosophiques qu'ils semblent parfois un peu factices, ou à tout le moins, un peu trop Nord-Américains pour un public européen. Être respectueux, poli, s'excuser lorsqu'on a blessé quelqu'un : les personnages lipmaniens sont si moraux que cela semble naturel, aller de soi. Et ces savoirs sociaux peuvent être adoptées par mimétisme par les lecteurs, mais pas forcément par choix conscient. Devant Calvin et Hobbes, et c'est là un constat de l'expérience, même des adolescents de classe-relais réputés pour leur manque de recul sur leur comportement et leur "incivilité" s'étonnent de l'arrogance de Calvin, de sa mauvaise foi, de son manque de prise en compte des autres, etc. Et ces même élèves font apparaître, par leur étonnement, des normes qu'ils considèrent comme indépassables : ils sont alors prêts à en discuter et à rechercher les critères qui les mènent à penser ces normes.
Notons que la bande dessinée Calvin et Hobbes est donc, selon nous, un vivier de bons supports à l'animation de discussions philosophiques. Certaines planches ou bandes ne posent pas de questions ou sont mono-thématiques et seront donc écartées. Mais les "héros" ne sont pas par hasard un grand nom de la philosophie et un grand nom de la pensée religieuse... Il y a très souvent derrière les réflexions de ce petit garçon et de ce tigre, des positions directement héritées de l'Histoire des Idées. Calvin et Hobbes se posent beaucoup de questions et cherchent ensemble à réfléchir.
II) Comment choisir ? Attention aux faux critères
La présence dans un support des critères que nous avons identifiés permet un repérage dans la multiplicité des propositions. Reste à éclairer certains préconçus inadaptés sur les critères de choix d'un bon support de discussion philosophique pour les éviter . Ils se rangent en deux catégories, représentant les deux domaines que la discussion philosophique allie : dynamique de groupe et exigence de la pensée. Pour qu'une discussion philosophique fonctionne, il faut une accroche qui laisse percevoir qu'une réflexion à plusieurs sera plus enrichissante qu'un travail individuel. Il faut également que tout le monde se sente invité à participer, afin justement de pouvoir recueillir au maximum cette pensée tissée du fil de chacun. Mais il ne suffit pas que chacun s'exprime, il ne suffit pas d'agiter des mots. Il faut aussi que cette pensée collective soit exigeante. Cette exigence philosophique étant peu ou mal définie en général, on s'accroche souvent à des critères qui la symbolisent à tort, ou , la classe de terminale et l'épreuve du bac étant la référence première pour le grand public, on est parfois tenté de réduire la philosophie à cette référence.
1) Premier préconçu "philosophique" : sérieux et esprit de sérieux
Très souvent, dans les supports potentiels à discussion philosophiques, on trouve : des albums sur la guerre, la mort, l'injustice... Car très souvent, le choix du support est guidé par un raisonnement aussi erroné qu'implicite, une sorte de glissement du type :
La philo, c'est sérieux, et très souvent, on oppose le sérieux à l'amusement. La polysémie du mot le rend glissant. On peut s'amuser très sérieusement - de façon très appliquée ; on peut être très sérieux - peu rieur - et pourtant peu exigeant ou peu curieux. Ce n'est pas parce qu'un livre traite 'un sujet sérieux, d'un sujet qui ne prête pas à rire, d'un sujet grave (et, par voie de conséquence, très souvent triste dans sa traduction en album jeunesse) qu'il est un bon support de discussion philosophique.
2) Premier préconçu "dynamique de groupe" : un sujet préoccupant
On évite cette écueil si l'on respecte la pluralité thématique du support. Il est la quasi traduction en dynamique de groupe du préconçu "philosophique" précédent : chercher un sujet qui concerne les participants. Par là, on veut en général parler d'une question sociale visant les participants, un sujet préoccupant (la précarité pour un public précarisé, la cyber-pudeur ou la violence pour des adolescents, la lecture pour un public illettré, la crise économique pour un public de commercial, manager, etc.). Bien souvent, cette préoccupation est si fréquemment renvoyée au groupe de manière frontale comme une question importante qu'elle ne peut produire sur ce thème qu'un effet de lassitude, ou de politiquement correct, ou encore de débat d'opinions trop investies émotionnellement pour permettre une réflexion. Le thème ou la question de départ est alors perçu comme un moyen de "faire parler" les participants, et non comme une problématique partagée. Animant avec Sylvie Brel un atelier philosophique hebdomadaire pour des personnes usagères et anciennes usagères d'hôpitaux psychiatriques, en laissant le libre choix de la question aux participants, nous n'avons jamais abordée de façon frontale la question de la maladie mentale. C'est, dans les retours faits par les participants, une des choses qui a été la plus appréciée et qui a permis la pérennisation du groupe. Pour une fois, selon le ressentis des participants, ils n'étaient pas considérés comme des personnes MALADES mais comme des PERSONNES malades.
3) Deuxième préconçu "philosophique" : le thème ne fait pas la philo
Ce n'est pas parce que l'histoire résumée en une phrase ressemble à un adage ou à un sujet du bac, ce n'est pas parce qu'il aborde des thèmes fréquents dans l'histoire de la philosophie qu'il est un bon support à discussion philosophique... Un manuel d'éducation civique traite du respect, du droit et donc de la liberté et de la justice. Il ne pose pas forcément question, il informe, il prescrit, il rappelle la règle et ne propose pas toujours de s'interroger sur ses fondements. Ceci ne l'empêche pas d'être un excellent manuel d'éducation civique, mais cela ne constitue pas un support efficace pour discussion philo. Ou, à tout le moins, pour un animateur peu aguerri, c'est se savonner la planche, car il y a, en éducation civique, des réponses qui ne sont pas acceptables, quelles que soient la qualité du raisonnement qui les sous-tend, ce qui la distingue de l'activité philosophique qui, sur un raisonnement solide, ne peut que reconnaître le caractère valable d'une position, même si cette position n'est pas la seule valable.
4) Deuxième préconçu "dynamique de groupe" : un sujet séduisant
Quatrième faux critère : un sujet à la mode, un sujet séduisant pour les participants. On cherche ici avant tout à éviter une discussion aride, et cette prudence est justifiée. Cependant, il y a un gros risque ici de faire choux-blanc, ou à nouveau, que la thématique soit perçue comme un sujet pour faire parler les autres, les participants, et non comme un sujet commun à tous, participants comme animateur. Pour que la discussion ait toutes les chances de devenir une discussion philosophique, il faut que l'animateur puisse investir la question pour elle-même. Lancer un sujet sur les jeux vidéo avec un public d'adolescents sans rien y percevoir de questionnant ne valorise ni l'activité, ni le groupe. Deuxième risque avec les sujets "populaires", la discussion peut prendre un tour seulement informatif : on échange des ressentis et des informations. Cette dérive existe pour les sujets qui seraient préoccupants pour tous (la justice, la liberté, et ici, ce préconçu rejoint son pendant "philosophique" exposé plus haut).
Le piège est d'autant plus présent si, pour l'animateur, le sujet est tout à fait hors de son champ d'expérience : chaque participant devra entrer dans des descriptions préalables pour éclairer l'animateur en particulier, de quoi il est en train de parler, plutôt que de pouvoir prendre le temps de dire ce qu'il veut dire. On a ainsi une discussion qui glisse du "ce qu'on en dit" à "de quoi on parle".
Conclusion
En choisissant des supports croisant les critères cités précédemment (pluri-thématiques, pluri-positions toutes défendables, personnages engagés dans un questionnement mutuel), et en évitant les faux critères, on balise notre exploration des supports. Reste à présent à se former à l'animation de la question ou des questions qui émergeront de la rencontre entre les participants et le support, afin d'utiliser ces derniers de manière optimale.