Revue

Une Nouvelle Pratique Philosophique (NPP) : "Eidôlon, Festival philosophique du film"

Cette présentation d' Eidôlon comme NPP est un développement de ce que j'ai posté sur un forum international francophone de philosophie pour les enfants géré par l'Université Laval2.

Clovis Fauquembergue, Jonathan Walbrou et Alain Gorenflot sont à l'initiative d'Eidôlon ("simulacre", en grec, -http://eidolonfestival.fr/). Ils proposent depuis plusieurs années un lieu public où s'interrogent mutuellement cinéma et philosophie sous la forme d'un festival qui projette des courts-métrages philosophiques scolaires. Penser et réaliser son court-métrage philosophique est une activité collective avec une dimension émancipatrice, - intellectuelle et politique -, assez forte pour les jeunes. Une section professionnelle renforce le festival depuis peu. Tables rondes, master-class et lieux de réflexion, en plus des deux compétitions, rendent ces trois journées singulières et positivement stimulantes. L'article ébauche une définition du festival et du court-métrage comme des pratiques philosophiques et il présente les lauréats de l'édition 2014.

I) Nouvelle pratique philosophique ?

Ce Festival du court-métrage scolaire peut-il être une Nouvelle Pratique Philosophique ? Cette appellation de NPP couvre un ensemble récent d'activités philosophiques diverses aux méthodes, publics et lieux nouveaux. Qu'en est-il du cinéma philosophe ?

Le cinéma, 7e Art, est le petit dernier de la lignée, naissant fin du XIXe s. avec une vocation plus populaire que la philosophie. Il offre à la "vieille" philosophie un support nouveau sans être pour autant un simple objet, car il a son propre caractère et son indépendance. Il donne lui aussi à penser sur l'existence. Un dialogue entre philosophie et cinéma peut donc s'instaurer. Comment y éduque-t-on ? Cela se fait petit à petit.

Mettre en place un dispositif pour analyser, juger ou interpréter un film avec un autre spectateur est quasiment contemporain de l'invention du 7e Art. Le ciné-club, qui existe depuis le début du XXe, est un dispositif où le film projeté est brièvement présenté au public et commenté par un spécialiste. Il n'y a cependant pas vraiment là de délibération existentielle englobant tous les spectateurs.

Par ailleurs, l'éducation des jeunes à l'image s'institutionnalise peu à peu à l'école avec, en Belgique par exemple, la mise en place d'un Conseil Supérieur de l'Education aux Médias (http://www.educationauxmedias.eu/), sans qu'un cours soit dédié complètement à cela. Dans le cadre scolaire de la CFWB, c'est une approche transversale. Le cinéma est moins un objet d'étude qu'un moyen pour travailler plusieurs compétences. Le film n'est pas toujours un temps de pause entre deux gros chapitres. Il est vrai que les élèves ont l'occasion de ci de là de réaliser des petits films à l'initiative de prof motivés et passionnés. Une des branches du Centre culturel Les Grignoux, Ecran large sur Tableau noir,offre d'excellents dossiers pédagogiques d'exploitation des films (http://www.grignoux.be/ecran-large) et défend l'optique du cinéma comme éducation permanente (http://grignoux.be/dossiers/288).

Ce festival Eidôlon ajoute donc quelque chose à l'exploitation pédagogique du cinéma. Il peut être inscrit à la liste des Nouvelles Pratiques Philosophiques promues par l'UNESCO, enrichissant ainsi le livre de Michel Tozzi sur ce sujet. En reprenant les critères de la définition des NPP par Michel Tozzi, le festival Eidôlon est une activité humaine et sociale aux buts définis, où les produits projetés sont sujet de réflexion pour les participants et accompagnement pour les responsables ; ces pratiques philosophiques visent à faire réfléchir rationnellement le public sur les questions existentielles et à lui faire adopter une attitude auto-correctrice devant la vie, son sens et ses valeurs (au moins pour les élèves réalisateurs). Ces pratiques sont nouvelles par l'extension de leur public (court-métrage scolaire), les lieux investis (un festival philosophique dans une région minière en 2014), dans la méthode (ici, les conférences se voulaient interactives ; un concours de courts-métrages philosophiques et d'oeuvres scolaires d'abord)3. Les élèves et groupes de jeunes ont à réaliser un court-métrage ensemble et de manière autonome tout en donnant une dimension philosophique à leur oeuvre.

Dans son Petit dictionnaire sur l'apprentissage du philosopher en classe terminale et dans les Nouvelles Pratiques Philosophiques à l'école et dans la cité,Michel Tozzi distingue trois façons d'utiliser le cinéma en philosophie. Les relations entre cinéma et philosophie sont connues : soit on étudie philosophiquement le cinéma comme genre esthétique (M-J Mondzain, G. Deleuze), soit on cherche à illustrer une notion, un philosophe ou une philosophie par des extraits de films (O. Pourriol, St. Cavell), soit on considère un film, à l'instar d'une pièce de théâtre, comme un support anthropologiquement porteur des problématiques existentielles de l'humain (Th. de Saint Maurice).

Le festival Eidôlon ouvre la voie à une quatrième exploitation des relations entre cinéma et philosophie. Il propose un lieu de reconnaissance, de discussion, de jugement des travaux philosophiques produits par des adolescents de 15 à 20 ans. Il offre un lieu démocratique, institutionnel et public au cinéma philosophe. De manière citoyenne, les classes viennent exposer aux autres leur regard animé sur le monde. Réaliser son court-métrage bouscule les distinctions classiques entre maître et élève, philosophe et non-philosophe, savant et ignorant. Des jeunes réalisant un film s'émancipent et établissent un autre rapport au savoir, à la pensée et à l'image animée, une autre relation au maître, un autre rapport au collectif. Incarnant les concepts, contextualisant l'abstrait, ces films concrétisent les dissertations. Ils traduisent la réflexion existentielle. Par définition, ces films s'offrent au regard d'autrui. Le film n'est pas qu'un loisir : il dit la vie, avec ses propres moyens, de son point de vue, par son engagement ; encore faut-il le voir et l'entendre, en prendre conscience après la projection publique. Resterait-il à mettre en place des ateliers philo lancés par les courts-métrages eux-mêmes ?

II) Le cinéaste, Homo sapiens ou Homo faber ?

Réaliser un film, est-ce d'abord le réfléchir ou le faire ? Les jeunes cinéastes relèvent-ils de la catégorie des "Hommes savants" ou des "Hommes artisans"? Le film donne à penser, autant à celui qui l'a réalisé qu'à celui qui le regarde. Le court-métrage a des points communs avec l'album jeunesse. Leur richesse de sens n'advient que si elle est portée par une réalisation efficiente : fond et forme doivent être dans un rapport dialectique. Ils sont tous deux un message pluri-codé impliquant des lectures en réseau et des débats interprétatifs. Dans un laps de temps de réception court, ils émeuvent et étonnent. Le film est cependant plus complexe par son côté animé, par le nombre plus important de personnes requises pour le réaliser et par les codes plus nombreux (la typologie des sons par exemple).

Le court-métrage est une création réfléchie à destination d'autrui sur un support particulier, au langage spécifique. Réaliser son propre court-métrage est ainsi l'occasion pour l'élève de sortir de la consommation aliénante, de construire un regard personnel et d'élaborer une relation critique avec les images animées, pour reprendre l'esprit du numéro 512 de la revue des Cahiers pédagogiques consacrée au cinéma. La réalisation d'un film est l'aboutissement d'une somme de compétences et de travail tellement importante qu'elle dépasse largement les moyens d'un seul individu (le nom du réalisateur). Les oeuvres projetées laissent deviner les nombreuses heures passées à débattre du sujet et de sa mise en oeuvre et à réaliser le film (écrire, dessiner, faire jouer, tourner, monter). Compromis, auto-corrections, "coups d'état", responsabilité des délégations ont été forts durant toute l'élaboration de la pensée animée.

L'intelligence des mains, la puissance du collectif, la traduction dans le langage cinématographique, les intuitions (surgissant de l'écriture du scénario, suscitées par les conditions de tournage, proposées par le programme informatique et par la grammaire du montage), font du film une philosophie. Le festival est une NPP qui organise, publie. Une dernière étape pourrait s'ajouter : que le court-métrage soit le support d'une pleine discussion philosophique entre les réalisateurs et les spectateurs, non pour savoir ce que les premiers ont voulu faire, mais pour évaluer ensemble ce que l'oeuvre donne à penser.

Le Festival s'est d'abord intitulé "Festival du court-métrage philosophique scolaire" en 2012 et 2013 et se nomme désormais, depuis 2014, "Festival philosophique du film", les organisateurs ayant considéré que toute oeuvre était potentiellement "philosophique", mais que la particularité de ce Festival était de poser un regard philosophique sur ces productions, d'où le glissement de l'adjectif vers le Festival lui-même et non plus les films ... Le changement de titre souligne aussi l'élargissement du festival à des films "pro", à côté des films de lycéens.

N'empêche, c'est bien sous le qualificatif de "court-métrage philosophique" que les classes de France et d'ailleurs déposent leurs réalisations. L'article 2 du règlement du festival donne les premiers critères des courts-métrages qui peuvent être sélectionnés pour la programmation officielle : "Le film doit, par ses qualités esthétiques et symboliques, interroger notre rapport au monde, et éveiller une interrogation d'ordre philosophique, ce qui ne signifie pas érudition ou abstraction arides. Le cinéma offre une mosaïque de langages pour s'élever à un tel questionnement, qui s'adresse à chacun. Aussi tout genre est-il le bienvenu. La philosophie commençant par "l'étonnement" (Aristote, Métaphysique, A, 2) et par les menues affaires humaines (Fiction, Expérimental, Documentaire, Anticipation, ...). La durée du film ne doit pas dépasser 30 minutes. Tout film tourné dans une langue étrangère doit être a minima sous-titré en français".

III) L'édition 2014 et les lauréats

L'édition 2014 du festival philosophique du film Eidôlon s'est tenue en France à Lens-Liévin (Louvre) en avril 2014 durant trois jours. Anne Revel-Bertrand, cinéaste, réalisatrice, membre active de nombreuses compagnies, de formation philosophique, a présidé le Jury, composé d'une dizaine de personnes, autant philosophes que cinéphiles. La sélection scolaire internationale comportait 12 courts-métrages et la section professionnelle 33 oeuvres. Trois prix ont été attribués : les Zarathoustra pro et Lycée, le Prix du Public.

Les membres du jury, Dany Caligula et Ovis Solo (Cf. l'émission Doxa sur youtube), Sébastien Charbonnier (Docteur en philo, professeur et auteur), Amélie Deranty (étudiante), Hugues Fléchard (scénariste, auteur de bandes dessinées et de courts-métrages), Gaelle Jeanmart (docteur en philo - PhiloCité asbl), Anne Herla (didactique de la philo à l'université de Liège en Belgique) et Thomas Predour (Centre culturel de Watermael-Boitsfort en Belgique) -, se sont appuyés sur quelques critères dont :

  • La capacité du film à interroger le monde ;
  • La capacité à déplacer le regard sur une question en déjouant les clichés ;
  • La qualité du récit de vie, du rythme pour servir le propos ;
  • L'originalité, la non-conformité, la capacité d'inventer ses propres codes ;
  • Le caractère étonnant, interpellant ;
  • L'habileté à faire penser les concepts par les images ;
  • La qualité de la triade scénario / montage / tournage.

Le film évite d'être un enregistrement d'un cours philo ex cathedra, un exposé vulgarisateur et méticuleux de la pensée d'un auteur, pour être une fiction filmique pensante écrite par un JE.

La typologie des textes dressée par J.-M. Adam, adaptée aux films de fiction par l'équipe d'Ecran large sur Tableau noir4, est certes imparfaite et discutable, mais elle permet de commenter les différents prix et d'articuler les oeuvres à une fonction possible. Le récit, la description, l'argumentation, l'explication et le dialogue ont une logique de fonctionnement propre. Derrière une apparence nécessaire de narration d'une histoire allant d'un point A vers un point B, chaque texte filmique sera d'abord :

  • un récit s'il constitue une intrigue avec complication, action(s) et dénouement ;
  • une description s'il dresse le portrait, s'il présente un thème avec une logique propre d'ordre d'énonciation des caractéristiques ;
  • une argumentation s'il appuie une thèse, s'il choisit entre deux alternatives données, en avançant une série d'idées qui fondent la conclusion ;
  • une explication s'il fait découvrir les causes ou l'origine d'un problème déjà là, faisant appel clairement à des événements passés, à un trait psychologique enfoui, ou en le contextualisant ;
  • un dialogue si la diégèse est en fait commentée, discutée, racontée par des personnages "extérieurs" qui s'entretiennent à son propos (voix off, souvenir...) et l'effet que l'histoire produit ou le sens de cette narration sont explicites.

Y en a-t-il une forme qui soit plus philosophique que les autres ?

1) Le Zarathoustra Lycée a été attribué au court-métrage, conçu, écrit et réalisé par plusieurs élèves de Terminale L du lycée René Cassin d'Arpajon (91), "Le théâtre de la pensée"de 4' 55''. Le court-métrage est disponible sur :

http://www.youtube.com/watch?v=bgLVv8pgoS8. Un Qui suis-je ?en deux voix off qui fusionnent à la fin, s'universalisent en un Qui sommes-nous ?. Malgré un texte trop fort, c'est la qualité de l'équilibre atteint entre scénario, tournage et montage qui l'a mis en valeur. Costumes, texte, montage (en parallèle), choix des lieux symboliques, rythme dialoguent avec la voix off (trop) méditative et forment un tout cohérent et beau qui entraîne le spectateur à formuler aisément sa propre question et à s'interroger sur sa nature humaine et sa place dans le monde. De quel type de film s'agit-il ? Les voix off, les résonnances et les deux jeunes filles pourraient faire croire à un film-dialogue mais le scénario reste en voix off jusqu'au bout et c'est le même personnage qui commence et finit le film. Les deux jeunes filles s'interrogent sur leur identité humaine et le sens de la vie. Elles déplient la problématique. Des oeuvres d'art sont montrées. Le film décrit un fait problématique plutôt qu'il n'explique.

2) Le prix du public est revenu au court-métrage pro sud-africain de 9 minutes intitulé "As it used to be" de Clément Gonzalez

http://www.unifrance.org/film/35682/as-it-used-to-be et interview sur :

http://www.dailymotion.com/video/x11n78e_entretien-avec-clement-gonzalez_shortfilms Dans le cadre du festival Eidôlon, le thème a fait mouche. Ce synopsis est clair : Dans un futur proche, les professeurs ne donnent cours que devant une salle vide et une simple webcam, retransmettant la leçon sur Internet. Un professeur d'histoire va voir son quotidien bousculé quand une élève franchit la porte de sa salle ... Le film travaille, avec un humour et un rythme certains, l'évolution de la relation en direct, non pas par l'intermédiaire d'un écran, mais dans un face à face en chair et en os, du maître et de l'étudiant. Et dans ce combat virtuel - réel, c'est l'humain qui l'emporte : les auditoires referont recette. Ce court-métrage est en plus une oeuvre du "48 heures Films Project" : avec un genre, un personnage, un lieu, un objet et une réplique imposés, il a été écrit, tourné et monté en un week-end ! Cette oeuvre est sans doute un récit type où les événements s'articulent entre eux, où la situation finale répond à l'initiale.

3) C'est le québécois "Faillir" qui a empoché le Zarathoustra Pro. "Faillir" est un court-métrage de 24 minutes réalisé par Sophie Dupuis, produit par Métafilms et distribué par Travelling (http://www.metafilms.ca/index.php?/projets/faillir/).

Synopsis : Ariane vit à Val-d'Or. Bientôt, elle habitera la grande ville. Elle se prépare à tout quitter. Alors qu'elle doit faire ses adieux à son frère, la tension sexuelle qui s'est toujours tissée entre eux semble vouloir prendre toute la place...

D'une grande qualité d'écritures (scénario-tournage-montage), "Faillir" a bousculé le jury en proposant un récit filmique sur l'inceste. On trouve l'interview de Sophie Dupuis qu'elle a accordée lors de la sortie de sa fiction cinématographique via ce lien web :

https://www.youtube.com/watch?v=RX7dEo52s8g.

Je n'ai vu le court-métrage qu'une seule fois et dans les conditions du festival. Les commentaires ci-dessous pourraient être complètement revus à la suite d'autres visionnages.

Ce court-métrage philosophique a provoqué chez les membres du jury trouble, ébranlement, incrédulité et étonnement. "Philosopher, a-t-on dit, c'est d'abord s'étonner. Mais où commence cet étonnement ? Comme l'étonnement accompagne tout ce qu'on perçoit de neuf autour de soi, on pourrait supposer qu'il commence avec la découverte. C'est donc le mystère du monde qui provoque l'étonnement. Et c'est cet étonnement qui est source de recherche. Tout cela n'a rien de bizarre en soi. Dès qu'on cherche à expliquer ce qu'on vient de découvrir, on est aux prises avec le doute qui ne s'atténue que quand la recherche a pu établir un certain équilibre5".

Or, si le sujet du court-métrage n'est pas neuf, il est peut-être tabou. A l'instar des nouveaux albums jeunesse, c'est donc le côté osé, décapant, l'aspect de dévoilement, de dérangement qui a primé. S'étonner, c'est faire "une expérience d'humilité (...) C'est reconnaître que l'on ne sait pas tout et que ce que l'on croit ou pense connaître, on ne le connaît pas de façon certaine6". La nature humaine est source d'interrogations. Le film fait découvrir un des mystères du monde, une des normes sociales, une loi sacrée, en l'occurrence celle qui régit les relations sexuelles entre les membres de la famille. Le film est moins un récit qu'une description. Le film fait apparaître la situation problématique petit à petit, le temps pour l'héroïne de préparer son départ : ce serait alors plutôt une description et le spectateur peut y retrouver les raisons et découvrir l'origine ou la cause des sentiments qui torturent les deux jeunes. Cette description s'articule autour des mots clés suivants : pudeur - éducation - attirance naturelle entre frère et soeur - ce qui soutient / ce qui met des barrières - bien / mal ... bon / mauvais - faillir - dignité humaine. La charge émotive grossit au fil des minutes, sans "faillir", et finit par questionner les présupposés de tout un chacun. Cependant, sous couvert de la description des préparatifs du départ, la réalisatrice n'expose-t-elle pas les raisons cachées qui ont mené à la situation que le spectateur comprend ? Ne cherche-t-elle pas les origines ou les causes du mal-être visible du personnage principal ? Une histoire ne vient pas expliquer clairement une situation problématique donnée. Toutefois le film tisse implicitement le fil narratif qui a conduit à la situation de mal être qu'il décrit. A vous de voir.

IV) Une conclusion ?

L'édition 2014 était un bon cru et le jury est prêt à s'étonner de nouveau. Le festival est dans un bon mouvement. Le jury officiel semble avoir préféré les films explicatifs ou descriptifs d'une problématique que les textes argumentatifs (trop académiques) et les récits curieux qui donnent (plus sobrement ?) à penser.

Des questions subsistent. Sous l'angle ontologique : "Est-ce un festival philosophique du film ou un festival du film philosophique ?" ou "Sur quoi repose la primauté de l'interpellation du film ? Quelle place donner à l'habileté narrative qu'il déploie pour donner à penser ?". Sous l'angle esthétique : "La raison intervient-elle dans l'acte créatif, particulièrement cinématographique ?". Sous l'angle éthique, avec Anne Jourdain7: "Si l'artisan est capable de réflexion dans son travail, dans quelle mesure cette réflexion lui permet-elle de formuler un jugement éthique sur l'ensemble de ses actions et celles des autres ?".

Eidôlon, le Festival international philosophique du court-métrage scolaire et pro, est donc un beau moyen moderne de réflexion, d'engagement et d'émancipation. Sans simulacre, il aide jeunes et moins jeunes, réalisateurs ou spectateurs, élèves ou professionnels à se dire, à se projeter dans le monde de manière habile et interpellante.


(1) www.philocite.eu

(2) http://www.ovc.ulaval.ca/ms/phpBB2/viewtopic.php?f=57&t=4890

(3) TOZZI M., Nouvelles pratiques philosophiques, éd. Chronique sociale, 2012, p.14-15 et p. 170-171.

(4) CONDE M., e.a., A l'école du cinéma, éd. De Boeck, 2006, p. 49-61.

(5) LIPMAN M., A l'école de la pensée, Bruxelles, éd. De Boeck, p. 237.

(6) S'étonner dans SASSEVILLE M., La pratique de la philosophie avec les enfants, 3e éd., Québec, PU Laval, 2009, p. 38-39.

(7) JOURDAIN Anne, "Ce que sait la main", dans la revue Sociologie [En ligne], Comptes rendus, 2011, mis en ligne le 08 février 2011.

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