Dans ce numéro de Diotime, nous présentons l'approche par compétences dans les nouveaux programmes du Mali. Dans le prochain numéro, nous détaillerons l'approche par compétences en philosophie.
A) Contexte
Depuis plus deux de décennies, l'Enseignement Secondaire Général offre des programmes de formation qui ne répondent plus aux besoins réels du pays.
A cela s'est ajoutée la nécessité d'intégrer les apports des innovations qu'a connu le système éducatif à la base, à savoir : "l'éducation environnementale", "l'éducation à la vie familiale et en matière de population EVF/EMP", "la culture de la paix, aux droits humains et à la démocratie", et surtout "l'éducation préventive à la lutte contre le VIH/SIDA".
Pour corriger ce dysfonctionnement, l'État malien a entrepris la refondation de tout son système éducatif à travers le Programme Décennal de l'Éducation (PRODEC).
Outre les programmes des pays de la sous-région, deux textes législatifs issus de la refondation ont servi de documents de base de travail. Il s'agit de la loi d'orientation sur l'éducation et la nouvelle mission assignée à l'Enseignement Secondaire.
- La loi d'orientation sur l'Éducation No99/046 du 28 décembre 1999, qui définit les grandes orientations de la politique nationale dans le domaine de l'éducation et de la formation, stipule en son article 11 que : "le système éducatif malien a pour finalité de former un citoyen patriote, bâtisseur d'une société démocratique, un acteur du développement profondément ancré dans sa culture et ouvert à la civilisation universelle, maîtrisant les savoir-faire populaires et apte à intégrer les connaissances et compétences liées aux progrès scientifiques, techniques et à la technologie moderne."
- Les grandes orientations de la politique éducative sont établies en ces termes: "L'enseignement secondaire général et technique assure une formation générale de qualité nécessaire à la poursuite des études supérieures. Il prépare, comme tous les autres ordres d'enseignement, le citoyen producteur en dispensant des compétences utiles à l'entrée dans la vie active. Il est à ce titre, un cycle terminal."
La mise en oeuvre de cette loi d'orientation ne pouvait s'accommoder de corpus juxtaposés des différentes disciplines, d'où la mise en place de nouveaux programmes, basés sur l'approche par les compétences et répondant mieux aux besoins de l'Enseignement supérieur et du marché du travail. Ce choix correspond à une exigence de cohérence et d'harmonie systémique, tant il est vrai que la "refondation" du système éducatif malien réclame "un nouvel élève, dans un nouvel environnement pédagogique."
Pour ce faire, un processus d'élaboration des programmes de l'Enseignement Secondaire Général a été engagé.
B) Les étapes d'élaboration des programmes
- Les cibles de formations (après analyse des problématiqueset défis de la société malienne).
- Les domaines de formation.
- La formulation des compétences.
- Les filières.
- Les programmes (contenus et indications pédagogiques).
C) Analyse des problématiques et défis de la société malienne
Les rédacteurs des programmes ont procédé à l'identification et à l'analyse des problématiques et des défis de la société malienne. Entre autres, la pauvreté, le faible rendement agricole, l'accès à l'eau potable, la désertification, la destruction de la biodiversité, la perte d'identité culturelle, l'effritement des valeurs sociales et culturelles, la mondialisation, le chômage des jeunes, l'adaptation de la formation aux besoins du marché, l'incivisme, la consolidation de la démocratie, l'éducation à la citoyenneté, à la paix, l'impact des média sur les jeunes.
D) Les cibles de formations
Les cibles de formation ont été dégagées en considérant les problématiques, les enjeux et les défis cités plus haut et d'autres qui pourraient se poser à la société malienne. Ces cibles ne sont pas des programmes d'études avec des contenus spécifiques de formation, mais plutôt de grandes intentions éducatives destinées à aider l'élève malien de l'enseignement secondaire général à se préparer à la vie active ou à poursuivre ses études supérieures. Abordés par l'ensemble de la communauté éducative, ces intentions permettront à l'élève de se faire une meilleure représentation de ces problématiques et de ces enjeux. Ainsi pour les rédacteurs, l'élève malien de l'enseignement secondaire général pourra s'adapter aux changements de la société, en cherchant ou en explorant des pistes de solution qui l'amèneront à relever les défis associés au développement de la société malienne.
L'analyse de la société par secteurs d'activités a permis de regrouper ces cibles en quatre grands thèmes :
- Économie.
- Valeurs sociales et culturelles.
- Gestion de l'environnement.
- Éducation à la citoyenneté, aux droits humains et à la démocratie.
E) Les domaines de formation
Au niveau des domaines de formation et des programmes d'études, les rédacteurs ont d'abord procédé à l'identification des disciplines proches du point de vue de la démarche d'apprentissage, des objectifs de formation etc. Ce qui a conduit à la constitution de cinq domaines de formation :
- Langues et Communication (LC), avec comme disciplines littérature française, langues nationales et étrangères (anglaise, russe, chinoise, arabe, espagnole en option).
- Sciences humaines (SH), avec comme disciplines histoire, géographie, philosophie, sociologie, droit, économie.
- Sciences, Mathématiques et Technologie (SMT), avec comme discipline mathématiques, physique, chimie, sciences de la vie et de la terre, technologie, dessin technique et industriel, informatique, comptabilité.
- Arts, avec comme disciplines arts plastiques, musique, danse.
- Développement de la personne (DP), avec comme disciplines éducation civique et morale, éducation physique et sportive.
F) La formulation des compétences
Pour l'élaboration des compétences, les rédacteurs ont été regroupés par domaine pour voir ce qu'ils ont en partage, et concevoir des "compétences de domaine". Expressions de buts communs à plusieurs disciplines, les "compétences de domaine" peuvent permettre à l'élève de s'adapter à des situations variées et de poursuivre le développement de ses compétences sa vie durant. Mais il faut reconnaître que les compétences de domaine sont très larges. Pour pallier cette largesse, les rédacteurs ont procédé à des déclinaisons des compétences en composantes et des composantes en manifestations servant de repères permettant de mieux cerner des dimensions importantes de l'apprentissage.
G) Les filières
L'option faite est une spécialisation progressive des élèves qui commence en 11è (classe de première), la 10è (clase de seconde) étant commune.
Les nouvelles filières proposées prennent en compte :
- les cibles de formation qui font ressortir les problèmes, enjeux et défis auxquels fait face, ou fera éventuellement face, la société malienne ;
- les domaines de formation qui balisent les champs de formation ;
- le profil de sortie de l'élève du secondaire : un apprenant dont la formation générale lui donne des compétences le rendant apte à poursuivre des études supérieures ou à s'insérer dans la vie active.
H) Les programmes
Il s'est agi d'arrêter des contenus de programme par discipline.
Pour ce faire, les rédacteurs ont choisi d'entrer dans les programmes par les compétences, plus conforme à la loi d'orientation du système éducatif malien (citée plus haut), les contenus servant de prétextes pour asseoir les compétences.
Les contenus ont été ciblés en fonction des problématiques, des enjeux et défis présents et ceux auxquels la société malienne pourrait être confrontée dans une décennie.
I) Les indications pédagogiques
Au niveau des indications pédagogiques, les rédacteurs ont pris en compte aussi bien les élèves que les enseignants :
- Par rapport aux élèves, les rédacteurs ont situé leur place et leur rôle, en dégageant les voies pour le développement de leur autonomie.
- Par rapport aux enseignants, les rédacteurs, outre le rôle des enseignants, ont réfléchi sur les approches pédagogiques, la démarche d'apprentissage, la fonction et le rôle de l'évaluation, ainsi que la démarche d'évaluation.
J) Les problèmes rencontrés
L'équipe de rédaction étant essentiellement composée d'inspecteurs et d'enseignants en activité formés en majorité selon la méthode traditionnelle, plusieurs problèmes ont surgi, entre autres :
- la vision disciplinaire et non globale de l'enseignement/apprentissage, qui a rendu les échanges pénibles et limitées ;
- le réflexe de réduire l'enseignement/apprentissage à la maîtrise des contenus ;
- l'ignorance de la valeur pédagogique de l'autonomie de l'élève dans l'apprentissage, ce qui s'est traduit par des contenus de programme trop ambitieux.