Ces deux journées de réflexion du chantier Philosoin, qui ont eu lieu à l'Unesco les 14 et 15 novembre 2012, ont été consacrées à la philosophie et au soin, à la philosophie comme soin, à la philosophie pour le soin, visant au dialogue et à la réflexion commune entre théoriciens et praticiens.
Dans un premier temps, l'approche théorique de la question du soin et l'éclairage que la philosophie peut apporter à ce sujet, nous ont plongé au sein même de l'héritage, de la tradition de celle-ci, si lointaine fût-elle dans le temps. Nous avons vu ainsi que le soin de l'âme doit s'entendre comme un souci rémanent dans l'histoire de la philosophie, et nous interroger sur la contribution des praticiens du soin et du philosopher à aider les autres à développer leur capacité critique à penser le monde.
Dans un second temps, nous avons prêté attention à un sujet déjà mis en chantier en 2011 mais non épuisé : comment penser pour panser une souffrance innommable, indicible, inhibitrice, insubstituable ; comment symboliser le traumatisme et mettre en place des processus de résilience avec des enfants et des adolescents abîmés par la vie, pour relancer ainsi leur développement ontologique et pour les sortir de leur état d'hébétude.
En explorant par la DVDP (Discussion à Visées Démocratique et Philosophique), "tuteur de résilience", le monde des pensées des enfants et des adolescents, les praticiens proposent d'affronter les peurs de ceux-ci, de transformer cette souffrance en plaisir : celui d'avoir surmonté l'effroi, la confusion et d'entrevoir ainsi une sortie possible.
La contribution que chacune et chacun a bien voulu porter comme une pierre à l'édifice pourtant jamais achevé est précieuse. Que soient donc ici chaleureusement remerciés Mesdames Alice Venditti (Doctorante en philosophie à l'Université Paris 8) ; Cathy Leblanc (Maitre de conférences en philosophie à l'Université Catholique de Lille et Directrice du CRIBED), Marie-Carmen Rejas-martin (Docteure en philosophie, Université Reims Champagne-Ardenne), Odile Gilon (Maitre de conférences en philosophie médiévale et didactique de la philosophie, Université Libre de Bruxelles) ; Corine Pieters (Professeure de philosophie à l'Université Paris 5, animatrice d'ateliers philo au Service de la Professeure Moro, Maison des adolescents) ; Sylvie Sanchez-Olivier (Pédagogue-Philosophe) ; Sylvie Allouche (Chargée de recherche au Center for Ethics in Medicine à l'University of Bristol) ; Evelyne Larguèche (Sociologue, Psychanalyste au Laboratoire d'Anthropologie sociale de Paris) ; Sonia Huwart (Psychopédagogue, formatrice et animatrice des Cercles Prodas) et Peggy Snoeck (Enseignante, formatrice et animatrice des Cercles Prodas) ; Jocelyne Jacquet-Decompoix (Formatrice en NPP à l'Association Diaphilo) ; (Johanna Henrion, enseignante et doctorante en Sciences de l'Education) ; Messieurs Daniel Derivois (Psychologue-clinicien, Maitre de conférences-HDR en psychologie à l'Université de Lyon2), ainsi que les docteurs Michel Pierre (Médecin-Psychiatre, anthropologue et expert auprès du Ministère de la Défense et des Anciens Combattants), Jean-Pierre Benoit (Médecin-Psychiatre) et Anne François (Pédopsychiatre à l'Hôpital Universitaire des Enfants de Bruxelles).
Hommage à Jean Ribalet
En préalable, Marianne Remacle rendit un hommage à Jean Ribalet, pédopsychiatre, responsable du chantier Philosoin de Philolab, et prématurément décédé.
"Il y a les choses que l'on donne sans rien recevoir en retour.
Il y a les choses que l'on offre à quelqu'un pour lui faire plaisir.
Il y a les choses que l'on regarde comme un cadeau, que l'on ne garde pas pour soi et pour lesquelles nous servons de relai. C'est le regard qui fait le cadeau, tant de celui qui offre que de celui qui reçoit.
Parlant de don et de contre-don, Maurice Godelier insiste sur le caractère sacré de ce que l'on ne touche que pour transmettre.
A bien y regarder, en mettant Philosoin sur pied, Jean Ribalet nous a fait un cadeau. Nous ressentons l'urgence de le partager, d'y voir chacun une facette engageante mais surtout de nous efforcer ensemble de transmettre, de remettre en chantier, de véhiculer vers, de donner à... travers, quelque chose que nous avons reçu des autres. Nous organisons ainsi la continuité dans l'échange, moins par devoir de mémoire que par devoir tout court. Le devoir de mémoire vis-à-vis de Jean aujourd'hui est lui-même la manifestation du devoir général de transmission.
Le cadeau c'est la mission, chaque jour reconstruite, chaque jour questionnée.
Transmettre n'est pas passer une boite fermée de mains en mains sans regarder le trésor. Transmettre c'est à la fois savoir le passé et le projeter dans l'avenir.
C'est en tout cas mon regard sur ce que je lis aujourd'hui comme le cadeau que nous fait Jean Ribalet.
Jean rêvait comme nous le dit Sylvie Allouche, "d'une philosophie qui exercerait à plein, la puissance soignante, puissance que la philosophie semble avoir perdue au fil de son histoire".