Revue

Un exemple québécois de progressivité en philosophie : réflexion éthique et pratique du dialogue dans le programme Éthique et culture religieuse

Dans l'optique de produire une réflexion sur un cursus philosophique de la maternelle à la fin du secondaire, une des pistes d'analyse est de porter un regard sur les programmes existants. Au Québec, tous les élèves du primaire et du secondaire suivent un parcours commun et obligatoire en éthique et en culture religieuse1. Pour sa part, la philosophie, comme discipline d'enseignement, est inscrite dans le cadre de la formation générale commune dispensée au collégial2. Cette formation en philosophie, qui comprend trois ensembles de cours3 entend tenir compte "des apprentissages réalisés au deuxième cycle du secondaire, notamment ceux dans le programme Éthique et culture religieuse, touchant la pratique rationnelle du dialogue et la réflexion éthique" (MELS, 2009a, p. 16). Cette mention laisse entendre qu'il existe un lien, sinon même une continuité, entre l'enseignement de l'éthique, au primaire et au secondaire, et l'enseignement de la philosophie au collégial. Nous proposons ici d'examiner le cursus de ce programme d'éthique et de culture religieuse, principalement dans son volet éthique, afin de dégager le type de progressivité qui le caractérise4.

Notre texte se divise en six parties. Dans la première, nous situerons le programme Éthique et culture religieuse dans le cadre du Programme de formation de l'école québécoise. Ce sera l'occasion de constater que certaines caractéristiques générales de ce programme, axé sur le développement de compétences, rejoignent des visées souvent associées à l'insertion de la philosophie dans le curriculum dès le primaire, notamment au plan de la formation de la pensée et de l'esprit critique. De plus, on y verra que le choix d'adopter une approche par compétences a des incidences pédagogiques sur la nature des activités d'apprentissage pour qu'il y ait une progression dans la complexification des situations proposées à l'élève, et un accroissement graduel de son autonomie dans l'utilisation et la mobilisation de ressources.

Sur ce fond général, nous aborderons ensuite les caractéristiques principales du programme Éthique et culture religieuse en cherchant à faire ressortir le type de progressivité qui le caractérise du 1er cycle du primaire à la fin du secondaire. À cet effet, nous présenterons dans la deuxième partie les compétences Réfléchir sur des questions éthiques et Pratiquer le dialogue, avec un bref coup d'oeil à la compétence Manifester une compréhension du phénomène religieux, dont la composante Considérer une diversité de façons de penser, d'être et d'agir retient aussi notre attention.

La troisième partie sera consacrée à la présentation des éléments de contenu qui doivent servir à soutenir la pratique du dialogue, tandis que la quatrième partie servira à présenter les thèmes et éléments de contenu en éthique, de même que les indications pédagogiques qui permettent de saisir dans quel contexte et avec quelles ressources peuvent être abordés ces thèmes.

La cinquième partie présentera les attentes de fin de cycle, ce qui permet de saisir comment s'intègrent le développement des compétences et les thèmes et éléments de contenu à travers le cursus.

Enfin, la dernière partie entend reprendre la question de la progressivité sous l'éclairage de l'évaluation des apprentissages. Ce sera l'occasion de récapituler les éléments examinés dans les parties précédentes et de les reconsidérer au regard de décisions récentes dans le dossier de l'évaluation, qui ont pour effet de déployer différemment les critères d'évaluation initialement prévus dans le programme.

I/ Un programme qui s'inscrit dans le Programme de formation de l'école québécoise axé sur le développement de compétences

Comme tous les programmes disciplinaires en vigueur, le programme d'éthique et de culture religieuse est un programme axé sur le développement de compétences. Élaboré entre 2005 et 2007 en vue de son implantation simultanée à tous les cycles du primaire et du secondaire à l'automne 2008, ce programme s'inscrit dans la vaste opération de réforme du curriculum que le Québec a entreprise au seuil des années 2000. Le nouveau Programme de formation de l'école québécoise a graduellement été implanté à compter de 2001 pour le primaire (MEQ, 2001), puis de 2003 pour le 1er cycle du secondaire (MEQ, 2003), et enfin depuis 2007 pour le 2e cycle du secondaire (MELS, 2007a). Cette réforme majeure du curriculum s'accompagne d'une opération de renouveau pédagogique qui s'inspire de différents courants éducatifs, tels le constructivisme, le socioconstructivisme et le cognitivisme5.

A) Compétences et formation de la pensée

Avant d'examiner le programme Éthique et culture religieuse, il peut être intéressant de noter que diverses caractéristiques générales du Programme de formation rejoignent certaines des visées souvent identifiées pour promouvoir l'enseignement de la philosophie dès le primaire, notamment au plan de la formation de la pensée et de l'esprit critique :

"Privilégier les compétences, c'est inviter à établir un rapport différent aux savoirs et à se recentrer sur la formation de la pensée. L'idée de compétence dénote le souci d'initier dès l'école le développement d'habiletés complexes qui seront essentielles à l'adaptation ultérieure de l'individu à un environnement changeant. Elle suppose le développement d'outils intellectuels flexibles, aptes à s'ajuster aux transformations et à favoriser l'acquisition de nouvelles connaissances" (Ministère de l'éducation, 2001, p. 4).

En définissant une compétence comme "un savoir-agir fondé sur la mobilisation et l'utilisation efficaces d'un ensemble de ressources", le Programme de formation de l'école québécoise reconnaît "l'apprentissage comme une processus actif et continu de construction des savoirs", processus qui est favorisé "par des situations qui représentent un réel défi pour l'élève, c'est-à-dire des situations qui entraînent une remise en question de ses connaissances et de ses représentations personnelles". En étant confronté à une situation d'une certaine complexité, l'élève est appelé à trouver "une réponse appropriée à une question ou une solution adéquate à un problème" (Ibid., p. 4-5).

Dans cette optique, "la construction d'une vision du monde", entendue comme "regard que chacun porte sur soi et autour de soi", est présentée comme "le point de convergence et le lieu d'intégration des apprentissages" (Ibid., p. 6).

"Lié au développement du jugement et de la conscience, ce regard profite de la considération de grandes questions existentielles (la vie, la mort ; l'amour, la haine ; les succès, les échecs ; la paix, la violence ; etc.). Il évolue, par ailleurs, dans la mesure où l'on accepte de le confronter et d'adopter une distance critique à son propre endroit et à l'égard de ses actions, de ses réactions, de ses opinions, de ses croyances, de ses valeurs et de ses attitudes" (Ibid., p. 7).

La rédaction du Programme de formation pour le secondaire a été l'occasion de compléter cette première visée de "construction d'une vision du monde" par deux autres, soit la "structuration de l'identité" et le "développement du pouvoir d'action" (Ministère de l'Éducation, 2003, p. 6-7). Le programme d'éthique et de culture religieuse est appelé à apporter sa contribution spécifique à cette triple visée de formation dans les domaines d'apprentissage qu'il recouvre. Prenant acte de la diversité des valeurs et des croyances qui caractérise le Québec et de la nécessité "de s'y sensibiliser et d'entreprendre une réflexion et des actions favorisant le bien commun" (MELS, 2007b , p. 279 ; MELS, 2007c, p. 1), le programme articule cette contribution à deux finalités : la reconnaissance de l'autre et la poursuite du bien commun.

Ces visées de formation et ces finalités sont globales et valent pour tout le cursus du primaire et du secondaire, en cohérence avec le paradigme d'une approche par compétence : "La compétence est complexe et évolutive. Elle dépasse une simple addition ou juxtaposition d'éléments et son degré de maîtrise peut progresser tout au long du cursus scolaire et au-delà de celui-ci" (Ministère de l'Éducation, 2001, p. 5). Ainsi "du primaire à la fin du secondaire, le programme d'éthique et culture religieuse vise les mêmes finalités éducatives et le développement progressif des mêmes compétences6. D'un cycle à l'autre, les élèves sont amenés à mobiliser des ressources de plus en plus nombreuses et complexes (MELS, 2007, 2007b, p. 282 ; MELS, 2007c, p. 4).

B) Incidences d'une approche par compétences sur le contexte de l'apprentissage : proposition de situations complexes et mobilisation de ressources

Le type de progressivité qui caractérise le programme Éthique et culture religieuse est donc tributaire du paradigme éducatif auquel il se rattache dans le Programme de formation de l'école québécoise, soit une approche axée sur le développement de compétences, qui s'appuie sur la proposition de situations de plus en plus complexes et le recours à des ressources de plus en plus nombreuses à l'égard desquelles l'élève est appelé à exercer progressivement son autonomie. C'est pourquoi, dans une section du programme Éthique et culture religieuse qui porte sur la "progression des apprentissages d'un cycle à l'autre", on retrouvera, d'une part, des indications pédagogiques générales sur les ressources à mobiliser et la démarche de l'élève et, d'autre part, des indications spécifiques aux compétences à développer dans les domaines visés par le programme (MELS, 2007b, p. 309-316 ; MELS, 2007c, p. 28-34).

Par exemple, au plan général, on rappelle à l'enseignant de planifier "des situations d'apprentissage et d'évaluation qui permettent à l'élève de mobiliser des ressources écrites, humaines et médiatiques" (MELS, 2007b, p. 312 ; MELS, 2007c, p. 31). Plus précisément, pour marquer la progression, en ce qui concerne la variété des ressources, on indique qu'elles devront être "accessibles" et "en nombre restreint" au 1er cycle du primaire, "accessibles" et "en quantité variée" au 2e cycle, puis "différentes", "parfois spécialisées" et "nombreuses au 3e cycle" ; au secondaire, elles devraient être "différentes" et "suffisantes" à chaque année, mais leur degré de spécialité devraient varier de "parfois spécialisées" (1er cycle) à "souvent spécialisées" (2e année du 2e cycle) et "généralement spécialisées" (3e année du 2e cycle). Il est inutile de poursuivre ici l'examen détaillé de ces propositions générales, cohérentes avec le paradigme du développement des compétences et qu'on retrouve sous des formes apparentées dans les autres programmes disciplinaires. Nous nous contenterons simplement de signaler qu'une progression est indiquée, en Éthique et culture religieuse, en ce qui concerne la provenance des ressources (l'enseignant, l'élève, etc.) et leur degré de difficulté (explicites, implicites, inédites, etc.), de même qu'en ce qui a trait à la démarche de l'élève dans l'optique d'une gestion autonome de ses apprentissages (modalités de réalisation des tâches, ressources externes et internes, etc.) (MELS, 2007b, p. 316 ; MELS, 2007c, p. 35).

Dans les prochaines sections, nous allons nous centrer sur les éléments de progressivité relatifs aux compétences spécifiques et aux éléments de contenu qui leur sont rattachés dans le programme d'éthique et de culture religieuse.

II/ Les compétences en Éthique et culture religieuse

Le programme d'éthique et de culture religieuse comporte deux volets et vise le développement de trois compétences :

  • Réfléchir sur des questions éthiques (volet éthique).
  • Manifester une compréhension du phénomène religieux (volet de la culture religieuse).
  • Pratiquer le dialogue (pour les deux volets).

Le libellé des compétences est le même pour le primaire et pour le secondaire. Il en va de même pour la formulation des composantes de chacune des compétences, à quelques détails près afin d'indiquer une certaine progressivité.

A) La compréhension du phénomène religieux

Même si nous voulons nous centrer sur le volet éthique du programme, un coup d'oeil sur les composantes de la compétence rattachée au volet de la culture religieuse nous apparaît tout de même approprié, notamment pour attirer l'attention sur l'une de ces composantes relative à la prise en compte de la diversité. La compétence Manifester une compréhension du phénomène religieux comprend les trois composantes suivantes (MELS, 2007b, p. 299-303 ; MELS, 2007c, p. 20-23) :

- "Explorer des expressions du religieux (primaire) / Analyser des expressions du religieux (secondaire)".

Au primaire, cette composante concerne la capacité de décrire et de mettre en contexte des expressions du religieux en établissant des liens avec les traditions religieuses auxquelles elles appartiennent. Au secondaire, s'ajoute à cette capacité d'exploration et de mise en contexte celle d'expliquer la signification et la fonction les expressions du religieux examinées.

- "Établir des liens entre des expressions du religieux et des éléments de l'environnement social et culturel (primaire et secondaire)".

Cette composante renvoie à la capacité de repérer des expressions du religieux dans l'espace et dans le temps en établissant des liens avec certains éléments de l'environnement social et culturel d'ici et d'ailleurs, ce qui se fera à partir de l'environnement plus immédiat de l'élève au 1er cycle du primaire pour s'élargir graduellement jusqu'à l'étude des traditions religieuses dans le monde. Au secondaire, les élèves seront appelés à approfondir des aspects communs et spécifiques des expressions du religieux et à expliquer leur signification et leur fonction.

- "Considérer une diversité de façons de penser, d'être et d'agir (primaire) / Examiner une diversité de façons de penser, d'être et d'agir (secondaire)".

Au primaire, il s'agit ici d'être capable de reconnaître la diversité à l'intérieur d'une même tradition religieuse, dans différentes religions de même que dans la société, alors qu'au secondaire l'élève devrait être capable d'approfondir différentes façons de penser, d'être et d'agir.

Cette dernière composante a été retenue spécifiquement pour le volet de la culture religieuse, alors que la capacité de considérer et de prendre en compte de manière appropriée une diversité de façons de penser, d'être et d'agir intervient aussi dans le processus de la réflexion éthique, quand il s'agit de comprendre, d'apprécier et de sélectionner des options ou des actions à privilégier dans une situation donnée en tenant compte de différents points de vue. Le choix de placer en culture religieuse cette composante reflète sans doute l'idée des concepteurs du programme selon laquelle l'étude du phénomène religieux est une voie privilégiée pour se familiariser avec la diversité des valeurs et des croyances dans la société québécoise et dans le monde, y compris à l'intérieur d'un même groupe religieux, évitant ainsi les stéréotypes et les généralisations qui nuisent à la compréhension du phénomène religieux dans ses multiples expressions différenciées. Pour notre propos, nous retiendrons que la capacité de considérer et de prendre en compte de manière appropriée une diversité de façons de penser, d'être et d'agir devrait se retrouver parmi les composantes des compétences à développer dans un cursus philosophique.

B) La réflexion sur des questions éthiques

Pour le volet éthique, la compétence "Réfléchir sur des questions éthiques" se structure autour de trois composantes (MELS, 2007b, p. 294-298 ; MELS, 2007c, p. 16-19) :

  • Cerner une situation d'un point de vue éthique (primaire) / Analyser une situation d'un point de vue éthique (secondaire).
  • Examiner quelques repères d'ordre culturel, moral, religieux, scientifique ou social (primaire) / Examiner une diversité de repères d'ordre culturel, moral, religieux, scientifique ou social (secondaire).
  • Évaluer des options ou des actions possibles (primaire et secondaire).

L'examen de l'explicitation de chaque composante d'un cycle à l'autre permet de saisir comment l'élève est appelé à développer progressivement sa compétence à réfléchir sur des questions éthiques.

La première composante (Cerner/Analyser une situation d'un point de vue éthique) concerne la capacité de décrire et de mettre en contexte une situation en vue d'en dégager la portée éthique à la lumière de points de vue susceptibles de provoquer des tensions ou des conflits de valeurs. Cela implique d'apprendre à :

  • Décrire et mettre en contexte la situation.
  • Formuler une question éthique s'y rapportant. Au 1er cycle du primaire, on ne demandera pas à l'élève de formuler une question, mais de la reprendre dans ses mots et d'y repérer des valeurs et des normes.
  • Comparer des points de vue (sauf au 1er cycle du primaire).
  • Repérer des tensions en présence ou des conflits de valeurs. Au secondaire, on demandera d'expliquer ces tensions ou conflits de valeurs.
  • Comparer la situation à d'autres situations similaires (à compter du 3e cycle du primaire).
  • Comparer sa perception de la situation avec celle de ses pairs. Au secondaire, on demandera à l'élève de comparer son analyse de la situation avec celle de ses pairs.

L'examen de repères de divers ordres entend développer la capacité de reconnaître ou de déceler les principaux repères sur lesquels reposent différents points de vue et d'en rechercher le rôle et le sens. Comme mentionné plus haut, au primaire l'élève sera amené à examiner quelques repères, alors qu'au secondaire cet examen portera sur une diversité de repères. Plus spécifiquement, il s'agit de :

  • Trouver quelques repères présents dans différents points de vue. Au secondaire, on cherchera à Trouver les principaux repères présents.
  • En rechercher le rôle et le sens. Au 1er cycle du primaire, on se bornera à en rechercher le rôle.
  • Considérer d'autres repères.
  • Comparer le sens de certains repères dans différents contextes (à compter du 3e cycle du primaire).

Enfin, l'évaluation des options ou des actions possibles veut développer la capacité d'examiner des effets d'options ou d'actions possibles sur soi, sur les autres ou sur la situation, dans la perspective du vivre ensemble. Une évaluation pertinente implique de :

  • Proposer des options ou des actions possibles. Au 1er cycle du primaire, on se centrera sur les actions.
  • Examiner des effets de ces options ou actions sur soi, sur les autres ou sur la situation. Au 1er cycle du primaire, on va seulement Chercher des effets de certaines actions sur soi, sur les autres ou sur la situation.
  • Sélectionner des options ou des actions à privilégier qui favorisent le vivre-ensemble.
  • Faire un retour sur la façon dont on est parvenu à ces choix.

Quelques précisions sont aussi apportées au plan de la progression des apprentissages en ce qui a trait aux exigences des tâches à réaliser pour développer la compétence en éthique. Ainsi, au 1er cycle du primaire, on s'attend à ce que l'élève puisse "avec de l'aide" décrire et mettre en contexte une situation, formuler une question éthique, identifier une valeur, une norme, une tension ; c'est aussi "avec de l'aide" que l'élève du 2e cycle identifie un conflit de valeurs; mais, c'est "de manière autonome" que celui du 3e cycle décrit et met en contexte une situation, formule une question éthique, identifie une valeur, une norme et une tension, identifie un conflit de valeurs. Dans la même veine, si on s'attend à ce que l'élève du 1er cycle "trouve quelques repères, options, actions, etc.", il devrait, à la fin du primaire, "trouver l'ensemble des repères, options, actions, etc." (MELS, 2007b, p. 314).

Une même dynamique de progression se retrouve au secondaire quand il s'agit d'expliquer une tension et un conflit de valeurs, de comparer son analyse de la situation avec celle de ses pairs, de s'assurer de la pertinence et de la diversité des repères, options, actions, etc.; au 1er cycle, c'est "avec de l'aide" que l'élève accomplit ces tâches, alors qu'au 2e cycle, il le fait "de manière autonome" (MELS, 2007c, p. 33).

C) La pratique du dialogue

Dans le programme Éthique et culture religieuse, la pratique du dialogue est associée au développement des deux autres compétences. En faisant appel au dialogue, le programme veut développer des aptitudes et des dispositions permettant aux élèves "de penser et d'agir de façon responsable", de développer "un esprit d'ouverture et de discernement", et "d'agir et d'évoluer avec intelligence et maturité dans une société marquée par la diversité des croyances" (MELS, 2007b, p. 280 ; MELS, 2007c, p. 1-2) :

"Lorsqu'ils sont empreints de respect et d'ouverture, les échanges interpersonnels permettent de mieux comprendre la diversité des façons de penser, d'être ou d'agir associées à des traditions religieuses ou à des éléments de l'environnement social et culturel d'ici et d'ailleurs. La pratique du dialogue favorise aussi, par l'échange d'idées qu'il génère, la clarification de la pensée sur des questions éthiques. Elle fournit en outre un cadre rigoureux pour traiter de questions éthiques et du phénomène religieux" (MELS, 2007b, p. 304 ; MELS, 2007c, p. 24).

La compétence "Pratiquer le dialogue" comporte deux dimensions interactives : une dimension intérieure qui favorise la connaissance de soi et exige des moments de réflexion personnelle ; une dimension d'échanges avec les autres qui permet la rencontre de l'autre dans le partage et la recherche en commun. Cette compétence s'articule autour de trois composantes (MELS, 2007b, p. 304-308 ; MELS, 2007c, p. 24-27) :

  • organiser sa pensée (primaire et secondaire).
  • Interagir avec les autres (primaire et secondaire).
  • Élaborer un point de vue (primaire) / Élaborer un point de vue étayé (secondaire).

Ici aussi, comme pour les deux autres compétences, on constate que les termes employés pour présenter les composantes sont pratiquement les mêmes pour le primaire et le secondaire, à l'exception du mot "étayé" qui vient qualifier, pour le secondaire, le type de point de vue qui doit être élaboré à travers la pratique du dialogue. Les explicitations de chaque composante viennent préciser davantage les attentes tout au long des cycles.

Pour "Organiser sa pensée", l'élève est appelé à mener une démarche réflexive à travers laquelle il sera amené à :

  • cerner l'objet du dialogue.
  • Établir des liens entre ce qu'on découvre et ce qu'on connaît.
  • Distinguer l'essentiel de l'accessoire dans les différents points de vue énoncés (sauf au premier cycle du primaire).
  • Faire le point sur ses réflexions.

L'interaction avec les autres s'appuie sur la capacité d'exprimer son point de vue tout en étant attentif à ceux des autres. Au primaire, on passera de la simple expression de ses préférences ou idées et de l'écoute de celles des autres à la capacité d'interroger différents aspects des points de vue exprimés, dont les siens. Au secondaire, on demandera à l'élève d'exprimer son point de vue en s'appuyant sur des raisons ou des arguments pertinents et cohérents, tout en étant attentif à ceux des autres. Les explicitations de la composante "Interagir avec les autres" marquent bien cette progressivité :

  • exprimer ses préférences, ses sentiments ou ses idées, au 1er cycle du primaire, devient au 2e cycle S'interroger sur ses préférences, ses perceptions, ses sentiments ou ses idées, auquel on ajoute l'Interrogation sur ses valeurs au 3e cycle du primaire. Au secondaire, il est plutôt question de Prendre conscience de ce que l'objet du dialogue suscite en soi.
  • La deuxième explicitation concerne les règles pour le déroulement du dialogue. Aux 1er et 2e cycles du primaire, les élèves sont invités à Participer à l'élaboration de règles pour le déroulement du dialogue. Au 3e cycle du primaire, on leur demande d'Établir des règles pour le déroulement du dialogue, alors qu'on s'attend de l'élève du secondaire qu'il soit capable de Rechercher des conditions favorables au dialogue.
  • Exprimer son point de vue et être attentif à celui des autres.
  • Rendre compte des points de vue en présence et du sien (3e cycle du primaire)
  • Expliquer des points de vue en s'appuyant sur des arguments pertinents et cohérents (secondaire).
  • Formuler des questions de clarification.
  • Explorer des moyens pour remédier aux difficultés rencontrées (primaire) ou Mettre en application des moyens pour remédier aux difficultés rencontrées (secondaire).

Enfin, ce qui est visé par la pratique du dialogue, c'est l'élaboration d'un point de vue. Pour cela, l'élève doit pouvoir s'appuyer sur des ressources pertinentes et diversifiées et recourir à des moyens appropriés pour interroger et élaborer un point de vue. Les explicitations de la composante "Élaborer un point de vue (étayé)" permettent de voir comment ces capacités seront graduées pour l'élève :

  • au plan de ses ressources et de l'information : Utiliser ses ressources et l'information rendue disponible (1er et 2e cycle du primaire) ; Utiliser ses ressources et rechercher de l'information sur l'objet du dialogue (à compter du 3e cycle du primaire jusqu'à la fin du secondaire).
  • Reconnaître l'existence de différentes façons de voir l'objet du dialogue (1er et 2e cycle du primaire). Au secondaire, il s'agira d'Approfondir sa compréhension de différents points de vue.
  • Envisager différentes hypothèses (secondaire).
  • Exprimer sa façon de voir l'objet du dialogue (1er et 2e cycle du primaire) ; ébaucher un point de vue (à compter du 3e cycle du primaire jusqu'à la fin du secondaire).
  • Anticiper des objections et des clarifications à apporter (à compter du 3e cycle du primaire jusqu'à la fin du secondaire).
  • Valider son point de vue (à compter du 3e cycle du primaire jusqu'à la fin du secondaire).
  • Revenir sur la démarche.

Comme pour la compétence éthique, des précisions sont aussi apportées au plan de la progression des apprentissages en ce qui a trait aux exigences des tâches à réaliser pour développer la compétence relative à la pratique du dialogue.

C'est "avec le l'aide" au 1er cycle du primaire, puis "de manière autonome" au 3e cycle que l'élève cerne l'objet du dialogue, fait le point sur ses réflexions, exprime son point de vue et écoute celui des autres, explore des moyens pour remédier aux difficultés rencontrées, revient sur la démarche, distingue l'essentiel de l'accessoire dans différents points de vue énoncés, etc.; au plan des règles pour le déroulement du dialogue, il y a progression entre "trouver quelques règles" jusqu'à "trouver les principales règles"; et si l'élève du 1er cycle "formule de façon simple un point de vue, des questions de clarification", celui du 3e cycle le fera "de façon élaborée" (MELS, 2007b, p. 315).

Au secondaire, la progression s'appuie sur le fait que l'élève réalise ce qui lui est demandé "avec de l'aide" au 1er cycle, puis "de manière autonome" au 2e cycle : prend conscience de ce que l'objet du dialogue suscite en lui, recherche des conditions favorables au dialogue, explique des points de vue en s'appuyant sur des arguments pertinents et cohérents, met en application des moyens pour remédier aux difficultés rencontrées, approfondit sa compréhension de différents points de vue, envisage différentes hypothèses, anticipe des objections et des clarifications à apporter, valide son point de vue, etc. (MELS, 2007c, p. 34).

III/ Des éléments de contenu pour soutenir la pratique du dialogue

La compétence "Pratiquer le dialogue" est la compétence charnière du programme, car elle fournit un cadre pour traiter les questions éthiques et pour explorer le phénomène religieux dans un processus de recherche en commun qui rejoint une des visées fondamentales du programme, celle d'apprendre à vivre ensemble dans une société pluraliste. Elle s'appuie sur la mise en place de conditions favorables à la pratique du dialogue en classe, où se conjuguent des exigences liées à la communication, afin de soutenir adéquatement l'expression et l'écoute des points de vue, des exigences de nature éthique, liées à l'instauration d'un climat d'ouverture à l'autre, de partage et de réciprocité, ainsi que des exigences de construction de savoirs et de production de sens à l'égard des objets d'étude (Lebuis, 2008 ; Lebuis, 2009).

Le programme propose plusieurs "pistes pour favoriser le dialogue" (MELS, 2007b, p. 333 ; MELS, 2007c, p. 48) :

  • établir et respecter des règles de fonctionnement.
  • Cerner l'intention et les exigences du dialogue.
  • Exprimer correctement ses sentiments, ses perceptions ou ses idées.
  • Écouter attentivement les propos d'une personne pour en décoder le sens.
  • Manifester de l'ouverture et du respect à l'égard de ce qui est exprimé.
  • Être attentif à ses manifestations non verbales de communication et à celles des autres.
  • Se soucier de l'autre et prendre en considération ses sentiments, ses perceptions ou ses idées.
  • Faire le point sur le dialogue pour s'assurer qu'il s'inscrit dans la poursuite du bien commun et la reconnaissance de l'autre.
  • Faire le point sur l'objet du dialogue pour constater ce qui communément accepté, ce qui est compris, ce qui crée toujours des tensions ou conflits et ce qui fait consensus.
  • Apporter des nuances à ses propos et reconnaître celles apportées par les autres.
  • Accueillir différentes façons de penser.
  • Éviter les conclusions hâtives.
  • Prendre le temps de clarifier ses idées.
  • S'assurer de sa compréhension des idées émises par les autres, etc.

L'instauration de ces conditions est marquée par une certaine progressivité, caractérisée par ce qu'on pourrait désigner comme un passage de l'hétéronomie à l'autonomie. Au 1er cycle du primaire les élèves sont appelés à respecter "des conditions favorables au dialogue établies par l'enseignant" ; au 2e cycle, ces conditions sont "proposées par l'enseignant", alors que "les élèves contribuent à (les) établir" au 3e cycle (MELS, 2007b, p. 332). Au secondaire, prenant "appui sur la capacité des élèves à se donner une démarche et à structurer leurs idées ou leurs arguments", l'enseignant les amène à mettre eux-mêmes en place les conditions favorables au dialogue et à les évaluer (MELS, 2007c, p. 47).

A) Le recours à différentes formes du dialogue

La pratique du dialogue prend différentes formes en fonction de l'objet du dialogue, en lien avec l'un ou l'autre volet du programme. Le programme identifie sept formes possibles (MELS, 2007b, p. 333 ; MELS, 2007c, p. 48) :

  • conversation : échange entre deux ou plusieurs personnes dans le but de partager des idées ou des expériences (à compter du 1er cycle du primaire).
  • Discussion : échange suivi et structuré d'opinions ou d'idées dans le but d'en faire l'examen (à compter du 1er cycle du primaire).
  • Narration : récit détaillé, écrit ou oral, d'une suite de faits et d'événements (à compter du 1er cycle du primaire).
  • Délibération : examen avec d'autres personnes des différents aspects d'une question (des faits, des intérêts en jeu, des normes et des valeurs, des conséquences probables d'une décision, etc.) pour en arriver à une décision commune (à compter du 1er cycle du primaire).
  • Entrevue : rencontre concertée de deux ou plusieurs personnes pour en interroger une sur ses activités, ses idées, ses expériences, etc. (à compter du 2e cycle du primaire).
  • Débat : échange encadré entre des personnes ayant des avis différents sur un sujet controversé (à compter du 3e cycle du primaire).
  • Table ronde : rencontre entre quelques personnes choisies pour leurs connaissances sur une question donnée afin d'exposer leurs points de vue respectifs, de dégager une vision d'ensemble et d'échanger avec un auditoire (au secondaire).

Il s'agit ici de faire prendre conscience aux élèves qu'il existe différentes façons de pratiquer le dialogue selon le sujet traité ou le contexte. Les différentes façons ou formes du dialogue sont présentées et pratiquées graduellement à partir du 1er cycle du primaire. Au cours du 1er cycle, l'élève devrait progressivement être capable de "dire en ses mots ce que sont la conversation, la discussion, la narration et la délibération" et "utiliser en situation" ces quatre formes de dialogue ; au 2e cycle, il devrait être capable de "dire en ses mots ce qu'est l'entrevue" et l'"utiliser en situation", alors qu'au 3e cycle, il devrait faire de même pour le débat (MELS, 2010, p. 10). Au secondaire, s'ajoutera la table ronde.

Les sujets abordés sont liés aux thèmes et éléments de contenu en éthique et en culture religieuse (cf. plus loin, en 4, la présentation des thèmes en éthique). Au primaire, ils sont "concrets et simples", permettant aux élèves de "faire des liens avec des expériences proches de leur vécu" (1er cycle), "d'explorer des réalités présentes dans leur environnement" (2e cycle), ou "d'explorer des réalités sociales d'ici et d'ailleurs, d'hier et d'aujourd'hui" (3e cycle) (MELS, 2007b, p. 332). Au 1er cycle du secondaire, "les élèves abordent des sujets qui s'appuient sur des réalités concrètes dont ils cherchent à découvrir la complexité", tandis qu'au 2e cycle, il s'agit d'aborder "des sujets qui portent sur des réalités complexes et souvent abstraites" (MELS, 2007c, p. 47).

Si toutes les formes de dialogue peuvent être sollicitées à un moment ou l'autre de l'apprentissage, certaines formes ont des chances d'être sollicitées davantage que d'autres en fonction des différences au plan des compétences dans l'un et l'autre volet du programme. Certaines formes se prêtent mieux à la réflexion éthique, tandis que d'autres soutiennent mieux la compréhension du phénomène religieux. Ainsi en éthique, comme "les questions éthiques sont abordées à partir de situations qui impliquent des valeurs ou des normes et qui présentent un problème à résoudre ou un sujet de réflexion" (MELS, 2007b, p. 294 ; MELS, 2007c, p. 16), la délibération, la discussion et le débat devraient constituer des formes privilégiées de la pratique du dialogue.

B) Des moyens pour élaborer un point de vue

Les élèves sont aussi appelés à prendre conscience qu'ils doivent utiliser différents moyens pour élaborer un point de vue afin de favoriser le dialogue : description, comparaison, synthèse, explication, justification (MELS, 2007b, p. 334-335 ; MELS, 2007c, p. 47).

Au primaire, cet apprentissage se fait graduellement (MELS, 2007b, p. 334). Au 1er cycle, l'enseignant va "prendre appui sur la capacité des élèves à nommer des caractéristiques propres à un objet pour leur permettre de se familiariser avec la description et la comparaison" ; à ce cycle, "les élèves utilisent lespistes données par l'enseignant pour élaborer un point de vue pertinent". Au 2e cycle, il s'agit de "prendre appui sur la capacité des élèves à décrire et à comparer pour formuler des idées ou des raisons et pour se familiariser avec l'explication et la synthèse" ; ici, "les élèves ont recours à des moyens et à des pistes pour élaborer un point de vue pertinent et cohérent", sachant utiliser "un vocabulaire propre à l'objet du dialogue". Au 3e cycle, on poursuit dans la même veine au plan de l'élaboration d'un point de vue pertinent et cohérent et de l'utilisation d'un vocabulaire approprié, prenant "appui sur la capacité des élèves à décrire, à comparer et à expliquer", pour les amener à "se familiariser avec la justification".

Ainsi, dès le primaire, l'élève est amené graduellement à se familiariser avec différents moyens pour élaborer un point de vue, sachant "dire en ses mots" en quoi consiste chacun de ces moyens et en étant capable de les utiliser adéquatement : la description pour énumérer les caractéristiques du sujet traité, la comparaison pour souligner des ressemblances et des différences entre les éléments du sujet traité (ceci à compter du 1er cycle) ; l'explication pour faire connaître ou faire comprendre le sens du sujet traité, la synthèse pour résumer de manière cohérente des éléments du sujet traité (ceci à compter du 2e cycle) ; la justification pour présenter de façon logique quelques raisons et idées qui fondent un point de vue (à compter du 3e cycle) (MELS, 2010b, p. 11). Au secondaire, si l'on utilise les mêmes moyens aux mêmes fins, leur recours fait appel davantage à l'autonomie des élèves, puisqu'on prend "appui sur la capacité des élèves à organiser des idées ou des arguments pour les amener à choisir des moyens judicieux d'élaborer un point de vue" (MELS, 2007c, p. 49).

C) Des moyens pour interroger un point de vue

Ce n'est pas tout de pouvoir élaborer un point de vue. Encore faut-il savoir exercer son esprit critique et pouvoir évaluer les éléments qui constituent des points de vue, en sachant les interroger, à la fois dans l'examen des situations qui sont soumises à la considération, dans le jeu des interactions avec les autres, et à l'égard de ses propres prises de position et représentations.

À cet effet, le programme prévoit que les élèves doivent se familiariser avec des moyens pour interroger un point de vue, à savoir différents types de jugements, divers procédés susceptibles d'entraver le dialogue, et divers types de raisonnements. Ici encore, une progression des apprentissages est à nouveau proposée pour ces éléments de contenu qui visent à soutenir la pratique du dialogue.

Quatre types de jugements sont identifiés dans le programme : jugement de préférence, jugement de prescription, jugement de réalité et jugement de valeur (MELS, 2007b, p. 336-337 ; MELS, 2007c, p. 51). Des pistes sont proposées afin de pouvoir interroger un point de vue qui est porteur de l'un ou l'autre type de jugements. Par exemple, face à un jugement de préférence, on pourra "chercher les raisons de cette préférence", "se questionner pour savoir s'il existe des raisons pour cette préférence", etc. Si le même genre de pistes se retrouve pour interroger les autres types de jugement, dans le cas d'un jugement de prescription, on pourra "s'assurer que la proposition est réaliste", ou encore, face à un jugement de réalité, "vérifier la provenance des sources", "vérifier la fiabilité des faits avancés", etc. (Ibid.).

L'élève du primaire devrait être capable de "reconnaître" ces types de jugements et pouvoir les "interroger" à l'aide des pistes données ou proposées par l'enseignant, et ce graduellement : jugement de préférence et jugement de prescription à partir du 1er cycle; jugement de réalité, à compter du 2e cycle; et jugement de valeur, à compter du 3e cycle (MELS, 2007b, p. 336). Dans chaque cas, on s'attend à ce qu'il soit capable de "dire en ses mots" ce qu'est le jugement considéré, de le "reconnaître en situation de dialogue" et de "l'interroger en situation de dialogue" (MELS, 2010b, p. 11-12). Au secondaire, les élèves sont amenés à "examiner les différents types de jugements" : en évaluant "la pertinence, la cohérence et la suffisance des éléments qui constituent les points de vue", ils "reconnaissent pourquoi certains jugements énoncés entravent un dialogue ou font obstacle à l'élaboration d'un point de vue rigoureux" (MELS, 2007c, p. 50).

Le même genre de considérations pédagogiques se retrouve dans le programme en ce qui a trait aux procédés susceptibles d'entraver le dialogue: les élèves sont graduellement introduits à une série de quatorze procédés, basés sur des erreurs de raisonnement ou sur des appels aux autres, qu'ils sont appelés à reconnaître et à interroger (MELS, 2007b, p. 337 ; MELS, 2007c, p. 52-53) : généralisation abusive, attaque personnelle (à compter du 1er cycle du primaire); appel au clan (à compter du 2e cycle); appel à la popularité, appel au préjugé, appel au stéréotype, argument d'autorité (à compter du 3e cycle du primaire); double faute, caricature, faux dilemme, fausse causalité, fausse analogie, pente fatale, complot (au secondaire).

On peut s'interroger sur cette liste et sur l'ordre selon lequel les élèves apprennent à les reconnaître, d'autant que l'un ou l'autre procédé peut se manifester dès le 1er cycle du primaire (par exemple, l'appel à l'autorité) et que de nombreux procédés sont absents de la liste, comme l'appel aux sentiments, alors qu'ils sont pourtant largement répandus dans l'expression des points de vue et dans les interactions en classe, ne serait-ce qu'à titre d'écho à ce qui est véhiculé dans les médias. À cet égard, il faut s'en remettre au professionnalisme des enseignants, ayant reçu une formation adéquate sur la pratique du dialogue, pour savoir intervenir avec justesse et "utiliser l'art du questionnement pour amener les élèves à penser par eux-mêmes" (MELS, 2007b, p. 291 ; MELS, 2007c, p. 13).

Enfin, parmi les moyens pour interroger un point de vue, les élèves du 2e cycle du secondaire, sont amenés à se familiariser avec des types de raisonnements: induction, déduction, analogie, hypothèse. Des pistes sont présentées permettant d'interroger chacun de ces types de raisonnements. Ainsi pour l'induction, on propose de "s'assurer que le nombre de jugements est suffisant pour arriver à la conclusion, s'assurer que le jugement peut se vérifier dans la pratique, s'assurer que les jugements ont un lien avec la conclusion, etc.". Pour la déduction, il s'agit de "s'assurer que les jugements sont acceptables, vérifier qu'il y a un lien entre les jugements, etc.". En matière d'analogie, on peut "s'assurer que les deux réalités peuvent être comparées, s'assurer que les éléments de l'analogie sont comparables, s'assurer que la relation qui existe entre les éléments de la première réalité est comparable à celle qui existe entre les éléments de la seconde réalité, etc.". Les pistes pour l'hypothèse (et non pour le raisonnement hypothétique, qui est d'un autre ordre et qui n'est pas formellement abordé dans le programme) consistent à "s'assurer que le nombre de jugements est suffisant pour en arriver à cette hypothèse, s'interroger sur les jugements pour s'assurer qu'ils sont acceptables, s'assurer que les jugements ont un lien avec l'hypothèse, s'interroger sur l'hypothèse pour s'assurer qu'elle est acceptable, etc." (MELS, 2007c, p. 54).

Une remarque peut être faite sur cet aspect du programme d'éthique et de culture religieuse concernant le choix de ne débuter l'étude des types de raisonnements qu'au 2e cycle du secondaire. Pour une part, on peut se réjouir qu'on ne demande pas sans cesse à l'élève du primaire de "dire dans ses mots" en quoi consiste une induction, une déduction, une analogie et une hypothèse, comme ça risque d'être le cas pour les autres éléments de contenu si l'acquisition des connaissances prend le pas sur leur mobilisation en contexte de pratique effective du dialogue. Mais, d'autre part, il est étonnant de constater que le terme même de raisonnement soit totalement absent du programme du primaire. Bien sûr, on reconnaît à l'élève la capacité de formuler des idées et des raisons pour élaborer et interroger un point de vue, mais la pratique du raisonnement n'est pas explicitement mentionnée, même si l'on peut soupçonner que la réflexion éthique et la pratique du dialogue supposent la capacité de raisonner correctement pour arriver à sélectionner des options ou des actions à privilégier dans une situation donnée. Dans l'examen de points de vue sur des questions éthiques, à travers la lecture de textes, les propos rapportés ou les interactions en classe, les élèves vont nécessairement rencontrer et utiliser eux-mêmes des types de raisonnements pour soutenir des points de vue et formuler des jugements. Il est étrange que le programme ne prévoie pas s'y arrêter, alors qu'il propose, dès le 1er cycle du primaire, de se familiariser avec différents procédés susceptibles d'entraver le dialogue, dont, par exemple, la généralisation abusive qui repose sur une erreur de raisonnement.

En fait, la pratique du dialogue devrait être vue comme une pratique collective du raisonnement permettant d'élaborer et d'interroger des points de vue, une pratique qui se vit dans les interactions en classe et qu'il est possible d'objectiver, de décrire dans ses principales manifestations pour l'optimiser (cf. les conditions favorables au dialogue, les procédés susceptibles de l'entraver, etc.), et dont les outils et processus peuvent, graduellement et en temps et lieu, être nommés avec les termes appropriés, décrits et étudiés dans leurs mécanismes de fonctionnement. C'est ce qu'on retrouve dans une approche comme celle de Lipman, où très tôt les élèves sont appelés à pratiquer différents types de raisonnement (par exemple dans les romans Kio et Augustine et Pixie), pour découvrir par la suite les outils du raisonnement (La découverte de Harry Stottlemeier) et les appliquer ultérieurement dans différents domaines (esthétique et littéraire dans Suki, éthique dans Lisa, social et juridique dans Mark). Ici aussi, comme pour les procédés susceptibles d'entraver le dialogue, il faudra s'en remettre aux enseignants - et à une formation adéquate à cet effet - pour soutenir, dès le primaire, à l'aide de pistes comme celles mentionnées pour le 2e cycle du secondaire, un usage pertinent et cohérent de l'induction, de la déduction, de l'analogie et de l'hypothèse dans l'apprentissage progressif de la "pratique rationnelle du dialogue" sur laquelle on compte s'appuyer dans les cours de philosophie au collégial (MELS, 2009a, p. 16).

IV/ Thèmes, indications pédagogiques et éléments de contenu en éthique

Les éléments de contenu que nous venons de présenter ont pour fonction de soutenir la pratique du dialogue, que nous nous situions dans le volet éthique du programme ou dans le volet de la culture religieuse. Les éléments spécifiques du dialogue qui sont pris en compte dans une situation d'apprentissage et d'évaluation sont fonction du contexte particulier qui est utilisé pour réfléchir sur une question éthique ou pour manifester une compréhension du phénomène religieux. Ces contextes renvoient à des thèmes en éthique et en culture religieuse qui marquent une progression du début du primaire à la fin du secondaire. Comme nous l'avons indiqué plus haut, les sujets de ces thèmes et les éléments de contenu qui leur sont rattachés sont "concrets et simples" au primaire, permettant aux élèves de "faire des liens avec des expériences proches de leur vécu" (1er cycle), "d'explorer des réalités présentes dans leur environnement" (2e cycle), et "d'explorer des réalités sociales d'ici et d'ailleurs, d'hier et d'aujourd'hui" (3e cycle) (MELS, 2007b, p. 332); au 1er cycle du secondaire, les élèves vont aborder "des sujets qui s'appuient sur des réalités concrètes dont ils cherchent à découvrir la complexité", tandis qu'au 2e cycle, ces sujets "portent sur des réalités complexes et souvent abstraites" (MELS, 2007c, p. 47).

Dans le programme, chaque thème est décrit à l'aide d'indications pédagogiques ; de plus quelques éléments de contenu sont présentés, en termes assez généraux, pour chacun des thèmes de manière à baliser les apprentissages. Il s'agit d'éléments prescriptifs. En plus, à titre indicatif, des exemples sont proposés pour les différents éléments de contenu. Il ne s'agit pas d'en faire un traitement linéaire ou séquentiel, mais d'inscrire ces thèmes et éléments de contenu dans des situations d'apprentissage et d'évaluation comportant des activités qui permettent de développer la réflexion éthique (et la compréhension du phénomène religieux) par la pratique du dialogue.

Il faut aussi mentionner un autre élément prescriptif quant au contenu abordé dans le programme, à savoir des notions et concepts de portée générale qui se rattachent aux finalités du programme et aux éléments essentiels de chacune des compétences. À cet effet, les situations d'apprentissage et d'évaluation doivent amener l'élève à "construire sa représentation de notions et de concepts", dont "l'apprentissage doit toujours s'effectuer en rapport avec le contenu de formation relatif à chacune des compétences (thèmes, indications pédagogiques et éléments de contenu)" (MELS, 2007b, p. 311et p. 318 ; MELS, 2007c, p. 30 et p. 36). Ainsi, dans le domaine éthique, l'élève doit être progressivement introduit aux notions et concepts de norme, question éthique, repère, tension, valeur (1er cycle du primaire), choix éthique, conflit de valeurs (2e cycle), enjeu éthique (3e cycle), principe moral, règle morale (1er cycle du secondaire). En parallèle, outre des notions et concepts rattachés à la culture religieuse que nous ne mentionnerons pas ici, il construit sa représentation des notions et concepts suivants, associés à la pratique du dialogue : dialogue, point de vue, condition favorable au dialogue (1er cycle du primaire), connaissance de soi, question de clarification (2e cycle), vivre-ensemble, reconnaissance de l'autre (3e cycle), poursuite du bien commun (1er cycle du secondaire).

Dans la présentation qui suit, l'examen des thèmes, des indications pédagogiques et des éléments de contenu permet de voir comment les questions éthiques sont progressivement abordées du début du primaire à la fin du secondaire en prenant appui sur l'expérience des élèves et leur insertion dans la société.

A) 1er cycle du primaire (MELS, 2007b, p. 319-320)

1) Thème : Les besoins des êtres humains et des autres vivants

Indications pédagogiques :

  • faire prendre conscience aux élèves que tous les êtres vivants ont des besoins, qu'il existe une interdépendance entre les personnes et les autres êtres vivants et que chaque être humain est unique.
  • prendre appui sur l'expérience quotidienne qu'ont les élèves de ce qu'ils sont et de ce qu'ils vivent pour les amener à reconnaître leurs besoins particuliers en tant qu'être humain unique et à s'intéresser à l'interdépendance des êtres vivants dans la satisfaction réciproque de leurs besoins. Les amener à explorer la diversité des relations d'interdépendance entre les membres de différents types de familles.

Éléments de contenu :

  • Moi, un être vivant
  • Des besoins communs et différents
  • La diversité des relations d'interdépendance

2) Thème : des exigences de l'interdépendance entre les êtres humains et les autres êtres vivants

Indications pédagogiques :

  • Faire prendre conscience aux élèves des exigences de l'interdépendance entre les êtres humains et les autres êtres vivants et des responsabilités qui s'y rattachent.
  • Prendre appui sur l'expérience quotidienne des élèves pour explorer des rôles et des responsabilités assumés par les membres de leur famille ou de leur école. Les amener à découvrir les valeurs et les normes qui balisent la vie familiale et scolaire, à distinguer une action appropriée envers un être vivant d'une action qui ne l'est pas et à reconnaître celles qui témoignent d'un sens des responsabilités à l'égard des êtres vivants.

Éléments de contenu :

  • Des responsabilités dans la famille et à l'école
  • Des traitements appropriés et inappropriés
  • Des valeurs et des normes qui balisent l'agir en famille et à l'école
  • Des personnes ou des groupes témoignant d'un sens des responsabilités à l'égard des êtres vivants

B) 2e cycle du primaire (MELS, 2007b, p. 321-322)

1) Thème : Les relations interpersonnelles dans des groupes

Indications pédagogiques :

  • faire prendre conscience aux élèves de la diversité des relations interpersonnelles et de leur importance pour l'épanouissement des membres d'un groupe, tant sur le plan de leur identité que sur celui de la satisfaction de leurs besoins.
  • Prendre appui sur le fait que les élèves participent, volontairement ou non, à la vie de différents groupes pour les amener à examiner comment ces divers groupes contribuent à leur identité et répondent à leurs besoins comme à ceux des autres. Leur permettre d'examiner la diversité des relations dans ces groupes et de s'interroger sur les avantages et les inconvénients de la vie de groupe.

Éléments de contenu :

  • le développement de l'identité personnelle et les groupes d'appartenance
  • Les avantages et les inconvénients de la vie de groupe
  • La diversité des relations entre les membres d'un groupe

2) Thème : Des exigences de la vie de groupe

Indications pédagogiques :

  • Faire reconnaître aux élèves des attitudes, des gestes et des actions qui facilitent les relations interpersonnelles de même que des valeurs et des normes qui favorisent le vivre-ensemble. Les amener à réaliser que ces balises peuvent être remises en question, modifiées et améliorées dans certaines situations.
  • Prendre appui sur le fait que c'est en jouant à part entière leur rôle de membre d'un groupe que les élèves sont à même de découvrir les conditions qui en favorisent le bon fonctionnement et qui assurent le bien-être de chacun. Les amener à examiner les actions qui contribuent ou nuisent à la vie de groupe. Leur faire découvrir la raison d'être des règles, des valeurs et des normes qui balisent la vie de groupe. Les amener à s'intéresser aux rôles et aux responsabilités assumés par les membres d'un groupe, à en explorer la diversité dans différentes cultures, d'ici et d'ailleurs.

Éléments de contenu :

  • Des comportements et des attitudes qui contribuent ou nuisent à la vie de groupe
  • Des valeurs et des normes qui balisent la vie de groupe
  • Des conditions qui assurent ou non le bien-être personnel de chaque membre
  • Des rôles et des responsabilités des membres d'un groupe

C) 3e cycle du primaire (MELS, 2007b, p. 323-324)

1) Thème : Des personnes membres de la société

Indications pédagogiques :

  • faire prendre conscience aux élèves des différences entre des membres d'une société et de l'influence que chacun exerce sur les autres.
  • Prendre appui sur le fait que les élèves construisent leur identité et apprennent à se connaître à travers leurs interactions avec les autres pour les amener à s'intéresser aux ressemblances et aux différences entre les personnes et à réaliser qu'elles peuvent être source d'enrichissement aussi bien que de conflit. Les amener à porter un regard critique sur des effets que peuvent avoir des généralisations, des stéréotypes et des préjugés sur certains membres de la société. Les amener aussi à reconnaître que l'influence que chacun exerce sur les autres et celle qu'il subit ont un impact sur l'affirmation de soi.

Éléments de contenu :

  • Le jeune, un membre de la société
  • Des différences comme source d'enrichissement et de conflit dans la vie en société
  • Des préjugés, des généralisations et des stéréotypes

2) Thème : Des exigences de la société

Indications pédagogiques :

  • faire saisir aux élèves les liens existant entre les droits et les responsabilités et favoriser l'adoption d'une manière responsable et éclairée d'être et d'agir qui respecte la dignité humaine et favorise le vivre-ensemble.
  • Prendre appui sur le fait que les élèves sont régulièrement confrontés à la diversité des façons de penser, d'être et d'agir pour les amener à reconnaître des situations acceptables et inacceptables dans la société. Les amener à reconnaître des gestes et des attitudes qui contribuent à une gestion satisfaisante des tensions et des conflits entre les personnes. Leur faire explorer des valeurs, des normes et des droits qui régissent la vie en société et des repères pour interagir avec des personnes différentes.

Éléments de contenu :

  • l'acceptable et l'inacceptable dans la société
  • La gestion des tensions ou des conflits
  • Des valeurs, des normes et des responsabilités qui balisent la vie en société

D) 1er cycle du secondaire (MELS, 2007c, p. 37-38)

1) Thème : La liberté

Indications pédagogiques :

  • Faire prendre conscience aux élèves qu'il existe différentes façons d'envisager la liberté et que son exercice entraîne des contraintes et des obligations.
  • Prendre appui sur des situations dans lesquelles s'exerce la liberté pour amener les élèves à réfléchir aux différentes façons de l'aborder et de considérer ses implications dans la vie des individus ou des groupes.

Éléments de contenu :

  • des réflexions sur la liberté
  • Des limites à la liberté

2) Thème : L'autonomie

Indications pédagogiques :

  • faire prendre conscience aux élèves qu'il existe différentes façons de vivre l'autonomie, de se représenter ses exigences et les effets qu'elle produit sur des individus ou des groupes.
  • Prendre appui sur des situations de dépendance ou d'autonomie pour amener les élèves à réfléchir aux conditions et aux tensions qui leur sont sous-jacentes. Les inviter à comprendre comment l'autonomie et la dépendance se manifestent chez les individus ou dans la société.

Éléments de contenu :

  • la dépendance et l'autonomie
  • Des individus et des groupes

3) Thème : L'ordre social

Indications pédagogiques :

  • faire prendre conscience aux élèves qu'il existe, selon les individus ou les groupes, différentes façons de comprendre l'ordre social et d'y réagir.
  • Prendre appui sur des cas concrets pour amener les élèves à réfléchir à la raison d'être des lois et de l'ordre social. Les amener à considérer des valeurs qui peuvent remettre en question ou réaffirmer l'ordre social et les lois.

Éléments de contenu :

  • des groupes, des institutions et des organisations
  • Des formes d'obéissance et de désobéissance à la loi
  • La transformation des valeurs et des normes

E) 2e cycle du secondaire (MELS, 2007c, p. 39-40)

1) Thème : la tolérance

Indications pédagogiques :

  • faire prendre conscience aux élèves qu'il existe différentes façons d'envisager la tolérance.
  • Prendre appui sur des cas particuliers retrouvés dans la littérature et dans l'actualité pour amener les élèves à réfléchir sur l'indifférence, la tolérance et l'intolérance. Les amener à considérer diverses réponses individuelles et collectives apportées à ces situations, notamment au Québec.

Éléments de contenu :

  • l'indifférence, la tolérance et l'intolérance
  • La tolérance au Québec

2) Thème : L'avenir de l'humanité

Indications pédagogiques :

  • faire prendre conscience aux élèves des différentes façons d'entrevoir l'avenir de l'humanité au regard des relations entre les êtres humains et l'environnement.
  • Prendre appui sur différentes façons d'entrevoir l'avenir de l'humanité pour examiner différentes situations contemporaines. Les amener à analyser des défis actuels et à envisager des actions ou des options possibles.

Éléments de contenu :

  • des façons d'entrevoir l'avenir de l'humanité
  • Des défis à relever

3) Thème : La justice

Indications pédagogiques :

  • faire prendre conscience aux élèves qu'il existe, selon les sociétés, différentes façons d'aborder la justice, les principes qui s'y rattachent et les questions qu'elle soulève.
  • Prendre appui sur la littérature ou l'actualité pour amener les élèves à réfléchir à la nature de la justice, aux questions qu'elle soulève et à ses implications.

Éléments de contenu :

  • des façons de concevoir la justice
  • Des questions de justice

4) Thème : L'ambivalence de l'être humain

Indications pédagogiques :

  • faire prendre conscience aux élèves que chaque être humain est ambivalent dans ses sentiments, ses jugements ou ses comportements.
  • Prendre appui sur des écrits, des faits historiques ou des cas de conscience pour amener l'élève à réfléchir à la complexité de l'être humain et à la cohérence, parfois difficile, entre ses actions, ses sentiments et ses idées dans certains contextes.

Éléments de contenu :

  • des expressions de l'ambivalence
  • Des ambiguïtés de l'agir humain

5) Thème : Des questions existentielles (MELS, 2007c, p. 44-45)

Ce thème est abordé en culture religieuse, mais son traitement le situe nettement dans une perspective philosophique.

Indications pédagogiques :

  • faire prendre conscience aux élèves que depuis toujours, l'être humain se pose des questions fondamentales telles que "Qui sommes-nous ?", "D'où venons-nous ?", "Où allons-nous?" et que diverses traditions religieuses ou courants de pensée y apportent des pistes de réponses.
  • Prendre appui sur des textes sacrés ou philosophiques pour amener les élèves à comprendre diverses réponses concernant l'existence du divin, le sens de la vie et de la mort et la nature de l'être humain

Éléments de contenu :

  • l'existence du divin
  • Le sens de la vie et de la mort
  • La nature de l'être humain

V/ Les attentes de fin de cycle

Des "attentes de fin de cycle" sont précisées dans le programme Éthique et culture religieuse pour chacune des compétences. Elles s'articulent aux explicitations des composantes de la compétence, intègrent les principaux éléments de contenu au cycle visé et font référence à certaines indications pédagogiques pour situer le contexte de l'apprentissage et le degré de développement attendu de la compétence. À l'examen de ces attentes, il est possible d'avoir un tableau d'ensemble, pour les deux compétences qui nous intéressent ici, éthique et pratique du dialogue, qui fournit une présentation synthétique de la façon dont les compétences sont appelées à se développer du début du primaire à la fin du secondaire.

A) 1er cycle du primaire

1) Attentes pour la compétence en éthique

À la fin du cycle, l'élève est capable d'aborder une situation traitant des besoins des êtres humains et d'autres êtres vivants et des exigences de l'interdépendance. Il décrit une situation en nommant quelques éléments essentiels. Il fait ressortir les responsabilités des êtres humains envers les autres êtres vivants. Il exprime quelques éléments de sa réflexion sur la question éthique soulevée par la situation en répondant aux questions de l'enseignant. Il trouve des ressemblances et des différences entre sa perception et celle de ses pairs. Il nomme un ou deux repères contenus dans un point de vue. Il sait trouver des exemples illustrant une valeur nommée par l'enseignant et reconnaître une norme qui balise l'agir humain dans la situation. Il est capable de privilégier une option ou une action qui favorise le bien-être des êtres vivants en tenant compte de leurs liens d'interdépendance. Il peut nommer ce qu'il a appris. (MELS, 2007b, p. 296)

2) Attentes pour la compétence relative à la pratique du dialogue

À la fin du cycle, l'élève est capable de suivre une démarche et d'émettre ses idées à l'intérieur de la narration, de la conversation, de la discussion et de la délibération. Il exprime ses préférences, ses sentiments ou ses idées sur des sujets concrets et simples. Il reconnaît, dans un point de vue, les jugements de préférence et de prescription. Il interroge les points de vue à l'aide de pistes proposées. Il respecte quelques règles du dialogue qui lui sont proposées. Il utilise les ressources et les suggestions de l'enseignant pour élaborer un point de vue pertinent. Il écoute les points de vue des autres et peut dire si son point de vue s'est modifié ou consolidé. (MELS, 2007b, p. 306)

B) 2e cycle du primaire

1) Attentes pour la compétence en éthique

À la fin du cycle, l'élève est capable d'aborder une situation traitant des relations interpersonnelles et des exigences de la vie de groupe. Il décrit une situation en nommant les éléments essentiels. Il relève des tensions et des conflits de valeur présents dans les différents points de vue. Il associe des points de vue à des personnes concernées par la situation. Avec l'aide de l'enseignant, il formule certaines questions éthiques soulevées par la situation et reconnaît quelques repères présents dans différents points de vue. Il dit en quoi ces repères sont importants pour les personnes concernées par la situation. Il compare sa perception avec celle de ses pairs. Il nomme des comportements ou des attitudes qui contribuent ou nuisent à la vie de groupe. Il reconnaît ses besoins et nomme ses responsabilités vis-à-vis des autres. Il considère certaines options ou actions possibles et en reconnaît des effets sur soi et sur les autres. Il privilégie des actions favorisant la vie de groupe en fonction du vivre-ensemble. Il fait des liens avec d'autres situations similaires. Il fait un retour sur ses apprentissages et sur sa démarche. (MELS, 2007b, p. 297)

2) Attentes pour la compétence relative à la pratique du dialogue

À la fin du cycle, l'élève est capable de suivre une démarche et d'ordonner ses idées à l'intérieur de la narration, de la conversation, de la discussion, de la délibération et de l'entrevue. Il s'interroge sur ses préférences, ses perceptions, ses sentiments ou ses idées sur des sujets concrets et simples. Il reconnaît, dans un point de vue, les jugements de préférence, de prescription et de réalité. Il interroge les points de vue à l'aide de questions pertinentes. Il respecte les règles du dialogue qui lui sont proposées. Il utilise quelques ressources et un vocabulaire propre à l'objet du dialogue pour élaborer un point de vue comportant des éléments pertinents. Il écoute les points de vue des autres et peut expliquer si son point de vue s'est modifié ou consolidé. (MELS, 2007b, p. 307)

C) 3e cycle du primaire

1) Attentes pour la compétence en éthique

À la fin du cycle, l'élève est capable de réfléchir sur des sujets traitant des exigences de la vie en société ainsi que des personnes qui en font partie. Il décrit l'ensemble d'une situation et dégage différents points de vue en présence. Il repère les tensions ou les conflits de valeur existant entre différents points de vue. Il compare différents points de vue exprimés dans la situation. Il identifie des questions éthiques. Il cerne des causes et des effets des préjugés et des stéréotypes présents dans la situation. Il dégage le rôle et le sens de quelques repères appuyant certains points de vue. Il compare des repères d'ici avec ceux d'ailleurs, des repères d'aujourd'hui avec ceux du passé. Il est en mesure d'imaginer diverses options, d'en privilégier certaines. Il en examine les effets sur soi, sur les autres et sur la situation. Il est capable de justifier des options ou des actions qui favorisent le vivre-ensemble. Il fait des liens avec d'autres contextes similaires. Il fait un retour sur les nouveaux apprentissages réalisés, évalue l'efficacité de la démarche et envisage des pistes d'amélioration possibles. (MELS, 2007b, p. 298)

2) Attentes pour la compétence relative à la pratique du dialogue

À la fin du cycle, l'élève est capable de se donner une démarche et d'ordonner ses idées à l'intérieur de la narration, de la conversation, de la discussion, de la délibération, de l'entrevue et du débat. Il s'interroge sur ses perceptions, ses sentiments, ses attitudes, ses idées ou ses valeurs sur des sujets concrets et souvent nouveaux. Il reconnaît certains jugements ou procédés énoncés qui entravent un dialogue ou font obstacle à l'élaboration d'un point de vue rigoureux. Il reconnaît, dans un point de vue, les jugements de préférence, de prescription, de valeur et de réalité. Il interroge les points de vue à l'aide de questions en tenant compte du type de jugement en présence. Il respecte les règles du dialogue et contribue à remédier aux difficultés rencontrées. Il utilise quelques ressources et un vocabulaire appropriés à l'objet du dialogue pour élaborer un point de vue comportant plusieurs éléments pertinents et cohérents. Il tient compte des points de vue des autres et peut expliquer comment son point de vue s'est modifié ou consolidé. (MELS, 2007b, p. 308)

D) 1er cycle du secondaire

1) Attentes pour la compétence en éthique

À la fin du cycle, l'élève est capable de réflexion éthique sur des sujets touchant la liberté, l'autonomie et l'ordre social. Il décrit une situation et en dégage quelques questions éthiques. Il trouve et compare différents points de vue en lien avec la situation. Dans son analyse, il fait référence à d'autres situations. Il relève des valeurs et des normes en présence pouvant être à la source des tensions ou des conflits de valeur. Il démontre une connaissance des principaux repères présents dans des points de vue. Pour poursuivre sa réflexion, il considère d'autres repères. Il est en mesure de comparer le sens de certains repères dans différents contextes. Il justifie différentes options ou actions possibles à partir de repères pertinents et en examine des effets sur soi, sur les autres et sur la situation en fonction du vivre-ensemble. Il fait des liens avec d'autres contextes pour transférer ses apprentissages. Il fait un retour sur sa démarche, en évalue l'efficacité pour sa réflexion éthique et envisage des pistes d'amélioration possibles. (MELS, 2007c, p. 18)

2) Attentes pour la compétence relative à la pratique du dialogue

À la fin du cycle, l'élève est capable de se donner une démarche et de structurer ses idées ou ses arguments sur des sujets qui portent sur des réalités concrètes. Il est en mesure de reconnaître la pertinence et la cohérence des éléments qui constituent un point de vue. Il s'interroge sur ses perceptions, ses attitudes et ses idées. Il comprend que certains jugements ou procédés énoncés entravent le dialogue ou font obstacle à l'élaboration d'un point de vue rigoureux. Il interroge les points de vue à l'aide de questions souvent adaptées au type de jugement en présence. Il respecte les règles du dialogue et propose des moyens pour remédier aux difficultés rencontrées. Il utilise des ressources et un vocabulaire appropriés à l'objet du dialogue pour élaborer un point de vue comportant plusieurs éléments pertinents, cohérents et en nombre suffisant. Il tient compte des points de vue des autres et peut expliquer comment et pourquoi son point de vue s'est modifié ou consolidé. (MELS, 2007c, p. 26)

E) 2e cycle du secondaire

1) Attentes pour la compétence en éthique

À la fin du cycle, l'élève est capable de réflexion éthique sur des sujets touchant la tolérance, l'avenir de l'humanité, la justice et l'ambivalence de l'être humain. Il sait décrire une situation et approfondir des questions éthiques. Il compare une diversité de points de vue pour faire ressortir différentes façons de penser. Il relève des valeurs et des normes en présence et explique des tensions ou des conflits de valeur. Il démontre une connaissance des repères présents dans des points de vue. Pour poursuivre sa réflexion, il considère d'autres repères, priorise les plus significatifs et en démontre l'apport. Il réinvestit sa réflexion éthique dans d'autres situations. Il évalue des options et des actions possibles et anticipe des effets sur soi et sur les autres en fonction du vivre-ensemble. Il anticipe d'autres contextes où il pourra transférer ses apprentissages. Il fait un retour sur sa démarche, en évalue l'efficacité pour sa réflexion éthique et envisage des pistes d'amélioration possibles. (MELS, 2007c, p. 19)

2) Attentes pour la compétence relative à la pratique du dialogue

À la fin du cycle, l'élève est capable de planifier une démarche et de structurer ses idées ou ses arguments sur des sujets qui portent sur des réalités concrètes ou abstraites. Il est en mesure d'évaluer la pertinence et la cohérence des jugements et des raisonnements qui constituent un point de vue. Il remet en question ses perceptions, ses attitudes et ses idées. Il explique pourquoi certains jugements ou procédés énoncés entravent le dialogue ou font obstacle à l'élaboration d'un point de vue rigoureux. Il interroge les points de vue à l'aide de questions adaptées au type de jugement en présence. Il tire profit des formes du dialogue et propose des moyens pour remédier aux difficultés rencontrées. Il exploite une diversité de ressources et un vocabulaire appropriés à l'objet du dialogue pour élaborer un point de vue comportant des éléments pertinents, cohérents et en nombre suffisant. Il approfondit les points de vue des autres. Il analyse comment et pourquoi son point de vue s'est modifié ou consolidé. (MELS, 2007c, p. 27)

VI/ La progressivité sous l'éclairage de l'évaluation des apprentissages

Pour assurer la progression des apprentissages, l'enseignant doit planifier une séquence de situations d'apprentissage et d'évaluation à l'intérieur d'une planification globale de cycle. L'évaluation poursuit deux fonctions : l'aide à l'apprentissage et la reconnaissance des compétences. À la fin du cycle, en se référant aux "attentes de fin de cycle", il doit pouvoir faire un bilan des apprentissages pour lui permettre de porter un jugement sur le développement des compétences à l'aide de critères d'évaluation (MELS, 2007b, p. 288 et p. 292-293 ; MELS, 2007c, p. 10 et p. 14-15).

A) Les critères d'évaluation

Pour chacune des compétences du programme, les critères d'évaluation sont génériques, articulés aux composantes des compétences. Cela donne, pour les deux compétences qui nous intéressent ici, les critères suivants (MELS, 2007b, p. 296-298 et p. 306-309; MELS, 2007c, p. 18-19 et p. 26-27) :

1) Critères d'évaluation en éthique

- Examen détaillé d'une situation d'un point de vue éthique (primaire) / Analyse détaillée d'une situation d'un point de vue éthique (secondaire)

- Prise en compte de quelques repères présents dans des points de vue (primaire) / Examen de repères présents dans des points de vue (secondaire)

- Évaluation d'options ou d'actions possibles pour reconnaître celles qui favorisent le vivre ensemble (primaire et secondaire)

2) Critères d'évaluation pour la pratique du dialogue

- Pertinence des manifestations de l'organisation de sa pensée (primaire) / Pertinence et quantité suffisante des traces écrites de l'organisation de sa pensée (secondaire)

- Utilisation adéquate des éléments de contenu relatifs à l'interaction avec les autres (primaire et secondaire)

- Présentation d'un point de vue élaboré à partir d'éléments pertinents (primaire) / Présentation d'un point de vue élaboré à partir d'éléments pertinents, cohérents et en quantité suffisante (secondaire).

B) Les échelles de niveaux de compétences

Pour soutenir les enseignants dans la préparation des bilans d'apprentissage en fin de cycle, en référence aux attentes de fin de cycle présentées dans la section précédente, des Échelles de niveaux de compétence ont été produites pour chacune des disciplines scolaires à tous les cycles. Ces échelles ont été élaborées selon une même structure à cinq niveaux, dans toutes les disciplines, tant au primaire qu'au secondaire (MELS, 2009b, p. 5) :

  • Niveau 5 - Compétence marquée : L'élève mobilise avec efficacité l'ensemble des ressources ; il réalise les tâches de manière remarquable.
  • Niveau 4 - Compétence assurée : l'élève mobilise l'ensemble des ressources ; il réalise correctement les tâches.
  • Niveau 3 - Compétence acceptable : l'élève mobilise les principales ressources ; il réalise l'essentiel des tâches.
  • Niveau 2 - Compétence peu développée : l'élève mobilise certaines ressources lorsqu'il est guidé ; il réalise les tâches avec difficulté.
  • Niveau 1 - Compétence très peu développée : l'élève mobilise peu de ressources ; il réalise partiellement les tâches ou les réalise avec une aide soutenue.

Chacune des compétences dans chaque discipline scolaire a été reprise selon cette structure pour produire des échelles de niveaux de compétences à tous les cycles. Pour le programme Éthique et culture religieuse, cela fait trois échelles par cycle, pour un total de neuf au primaire et de six au secondaire. L'examen de ces échelles permet de voir comment il est possible d'apprécier l'état du développement de chacune des compétences à chacun des cycles du cursus. Toutefois, pour éviter d'allonger le texte, nous ne fournirons une illustration que pour le 3e cycle du primaire, cet exemple, par sa place médiane dans le cursus, devant suffire ici à donner une idée des matériaux proposés aux enseignants du primaire (MELS, 2009b ; MELS, 2009c ; MELS, 2009d) et du secondaire (MELS, 2008 ; MELS, 2009e).

C) Réfléchir sur une question éthique - Échelle de compétence au 3e cycle du primaire

5. Compétence marquée : Reconnaît différentes manières de considérer une situation éthique. Explique de manière détaillée des effets possibles sur soi, sur les autres ou sur la situation, des options et des actions qu'il propose. Démontre un sens critique par rapport à certaines références culturelles.

4. Compétence assurée : Formule une question éthique à partir de situations données. Illustre comment les différences entre les membres d'une société peuvent être sources d'enrichissement ou de conflit. Démontre, à l'aide d'exemples, le rôle et le sens de certains repères sur lesquels sont fondés des points de vue. Établit des liens entre des règles, des valeurs et des normes qui balisent la société et les rôles et responsabilités de ses membres.

3. Compétence acceptable : Décrit ce qui est en jeu dans une situation éthique donnée. Reconnaît des repères pertinents sur lesquels se fondent des points de vue. Suggère des actions ou des options appropriées favorisant le vivre-ensemble. Explique en quoi certains comportements ou attitudes sont acceptables ou inacceptables dans la société.

2. Compétence peu développée : Repère, avec de l'aide, des valeurs ou des normes en jeu dans une situation. Reformule une question éthique. Nomme une action ou une option favorisant le vivre-ensemble dans la société.

1. Compétence très peu développée : Nomme, avec de l'aide, des éléments de la situation, sans les mettre en relation. Reconnaît, avec une aide soutenue, des repères présents dans son environnement ou dans les points de vue exprimés. (MELS, 2009d, p. 73)

D) Pratiquer le dialogue - Échelle de compétence au 3e cycle du primaire

5. Compétence marquée : Tient compte de la cohérence et de la fiabilité des sources dans l'élaboration d'un point de vue. Manifeste une attitude adéquate lors de la pratique du dialogue. Propose des idées originales et efficaces pour faire progresser le dialogue. Justifie son point de vue à l'aide d'arguments pertinents.

4. Compétence assurée : Utilise de façon appropriée diverses formes du dialogue pour interagir avec les autres. Reconnaît et questionne des attitudes, des paroles ou des gestes susceptibles d'entraver le dialogue. Fait un résumé des idées émises par ses pairs. Participe à l'élaboration de nouvelles règles favorisant le dialogue.

3. Compétence acceptable : Exprime en quoi son point de vue s'est modifié ou pourquoi il est demeuré le même. Nomme quelques types de jugements pouvant être à l'origine de son point de vue ou de celui d'un autre (jugement de préférence, de prescription, de réalité ou de valeur). Utilise des ressources mises à sa disposition pour compléter son point de vue. Fait preuve de respect lorsqu'il exprime son point de vue ou qu'il reçoit celui des autres et respecte les règles relatives au bon fonctionnement du dialogue.

2. Compétence peu développée : Exprime sommairement son point de vue sur le sujet abordé. Met en pratique des règles de fonctionnement du dialogue. Est attentif aux points de vue des autres.

1. Compétence très peu développée : Relève, avec de l'aide, des informations sur l'objet du dialogue. Nomme des règles de fonctionnement du dialogue. Énonce, avec une aide soutenue, un point de vue simple sur le sujet abordé. (MELS, 2009d, p. 77)

E) Nouveau cadre d'évaluation et redéploiement des critères d'évaluation

À compter de l'année scolaire 2011-2012, en raison de modifications récentes apportées au régime pédagogique en vigueur dans les écoles du Québec, l'évaluation des apprentissages s'appuiera sur un Cadre d'évaluation des apprentissages qui fournit, pour chaque discipline, les balises nécessaires à l'évaluation. L'élaboration de ce Cadre en Éthique et culture religieuse (MELS, 2010c ; MELS, 2010d) a donné lieu à un redéploiement des critères d'évaluation qu'on retrouve dans le programme, de manière à mieux faire ressortir les éléments essentiels du développement des compétences et à se centrer sur ceux-ci aux fins de l'évaluation des apprentissages. Ainsi pour le volet éthique du programme, où il s'agit de combiner la réflexion éthique et la pratique du dialogue, l'attention se portera sur trois critères d'évaluation au lieu des six (trois par compétence) prévus initialement dans le programme : traitement éthique d'une situation, évaluation pertinente des options, pratique appropriée du dialogue.

L'examen de ces nouvelles dispositions permet de récapituler les éléments examinés jusqu'à maintenant, tout en apportant un éclairage supplémentaire à la question de la progressivité. En effet, en mettant en parallèle les critères d'évaluation proposés et leurs explicitations pour les compétences Réfléchir sur des questions éthiques et Pratiquer le dialogue au primaire (MELS, 2010c, p. 5) et au secondaire (MELS, 2010d, p. 5), on se retrouve devant le cadre suivant qui doit servir à vérifier l'acquisition des connaissances et à évaluer leur mobilisation dans le développement des compétences :

1) Traitement éthique d'une situation

  • Description de la situation (primaire) / Explication de la situation (secondaire)
  • Formulation d'une question éthique (2e et 3e cycle du primaire; secondaire)
  • Comparaison de points de vue (primaire et secondaire)
  • Considération de repères (2e et 3e cycle du primaire) / Étude de repères (secondaire)

2) Évaluation pertinente des options

  • Propositions d'options liées à la situation (primaire et secondaire)
  • Description des effets des options proposées (primaire) / Explication des effets des options proposées (secondaire)
  • Sélection d'options favorisant le vivre-ensemble (primaire et secondaire)

3) Pratique appropriée du dialogue

  • Établissement de liens entre ce qui est connu et l'objet du dialogue (1er cycle du primaire)
  • Application de procédés qui contribuent au développement du dialogue (primaire et secondaire)
  • Interrogation de points de vue (2e et 3e cycle du primaire; secondaire)

L'examen de grilles d'évaluation qui présentent des éléments observables pour chacun des critères précédents permet de mieux saisir la dynamique qui anime le développement des compétences et d'en faire ressortir les éléments essentiels7.

4) Décrire et expliquer une situation

Dans le traitement éthique d'une situation, l'élève du primaire devrait pouvoir décrire la situation. La grille proposée pour le 1er cycle précise qu'une description adéquate comprend :

  • une présentation des éléments explicites de la situation (qui, quoi, comment, quand, où)
  • l'identification d'éléments importants de la situation (ce qui est en jeu, ce qui pose problème, ce qui soulève une question, ce qui est source de tension)
  • des liens entre des éléments de la situation

Certaines nuances et précisions sont apportées dans les grilles proposées pour le 2e et le 3e cycle, où il est indiqué qu'une description adéquate comprend :

  • une présentation des éléments essentiels de la situation (qui, quoi, comment, quand, où, valeurs et normes en présence)
  • des liens entre des éléments de la situation
  • l'identification d'une tension ou d'un conflit de valeurs dans la situation (2e cycle) / l'identification de tensions ou de conflits de valeurs dans la situation (3e cycle)

Les mêmes éléments se retrouvent dans les grilles proposées au secondaire, même s'il ne s'agit plus de décrire la situation, mais de l'expliquer.

5) Formuler une question éthique

La formulation d'une question éthique est au coeur du traitement éthique d'une situation, comme l'exprime le libellé même de la compétence Réfléchir sur des questions éthiques. Il s'agit d'une opération qui n'est pas simple, car elle implique de clarifier les enjeux éthiques d'une situation au regard des tensions ou des conflits de valeurs qu'elle comporte.

On ne demande pas à l'élève du 1er cycle du primaire d'être capable de formuler une question éthique. La grille proposée pour ce cycle propose de vérifier si l'élève peut identifier une valeur ou une norme dans la situation, soit en associant une valeur ou une norme à une idée ou à un comportement présenté dans la situation, soit en identifiant une valeur ou une norme explicitement abordée dans la situation.

L'élève du 2e cycle est invité à identifier une question éthique dans la situation, alors qu'il est demandé à l'élève du 3e cycle du primaire et à celui du secondaire de soulever des questions éthiques pertinentes.

Les grilles d'évaluation proposées à ces différents cycles précisent qu'une question éthique pertinente permet l'une ou l'autre des actions suivantes :

  • une réflexion sur des attitudes, des comportements ou des notions en relation avec un problème éthique à résoudre ou un sujet relatif à des valeurs et à des normes
  • l'identification de valeurs et de normes qui sont sources de tension
  • l'évaluation, la justification ou la recommandation d'options liées à la situation.

6) Comparer des points de vue

Dans le traitement d'une question éthique, la comparaison adéquate de points de vue est une opération qui se retrouve à tous les cycles du primaire et du secondaire.

Au 1er cycle du primaire, la grille d'évaluation suggère que la comparaison se fasse à partir de l'une ou l'autre des actions suivantes : l'identification d'une différence et d'une ressemblance entre sa perception de la situation et celle d'un pair ; l'identification d'une différence et d'une ressemblance entre au moins deux points de vue sur la situation.

Pour les deux cycles suivants du primaire et ceux du secondaire, il est indiqué qu'une comparaison adéquate comprend :

  • des liens pertinents avec les enjeux éthiques
  • une mise en parallèle de quelques éléments essentiels présents dans au moins deux points de vue liés à l'enjeu éthique (valeurs, normes, idées ou raisons)
  • une identification de différences et de ressemblances entre ces points de vue

7) Identifier et présenter des repères

Le traitement éthique d'une situation implique enfin la considération des repères sur lesquels sont basés des points de vue. Au primaire, à compter des 2e et 3e cycles, l'élève devrait pouvoir identifier des repères, alors qu'au secondaire il est question d'en faire l'étude.

Les repères que l'élève du primaire peut identifier doivent être pertinents, c'est-à-dire être liés à l'enjeu éthique de la situation. L'élève doit aussi pouvoir préciser la source de ces repères (une règle, une loi, une charte, une personne importante, une recherche scientifique, etc.).

Au secondaire, il s'agit d'aller plus loin que la simple identification de repères pertinents. L'élève devrait pouvoir fournir une explication de ce que les repères signifient et une explication du rôle de ces repères dans la situation étudiée ou dans d'autres contextes : àquoi servent-ils ? Qu'est-ce qu'ils impliquent ? Comment peuvent-ils guider la réflexion ?

8) Proposer des options

La réflexion éthique implique l'évaluation pertinente d'options. Pour cela, en premier lieu, l'élève du primaire doit pouvoir proposer des options pertinentes, alors qu'au secondaire il doit pouvoir expliquer adéquatement les options qu'il propose.

Pour l'élève du 1er cycle du primaire, on s'attend à ce que les options proposées soient clairement énoncées et qu'elles soient liées à l'enjeu éthique de la situation. Pour l'élève du 2e cycle et celui du 3e cycle, on s'attend à ce que les options proposées, en plus d'être pertinentes en étant clairement liées à l'enjeu éthique de la situation, permettent de considérer la situation sous différents angles et s'appuient sur des informations valides, informations qui devraient de plus être diversifiées au 3e cycle.

Pour l'élève du secondaire, à qui il est demandé d'expliquer adéquatement les options qu'il propose, la grille d'évaluation précise qu'une explication adéquate présente :

  • des options liées à l'enjeu éthique
  • des options qui permettent de considérer la situation sous différents angles
  • des arguments liés à chacune des options proposées et liés de façon logique entre eux
  • des références diversifiées et valides

9) Décrire et expliquer des effets des options proposées

L'évaluation pertinente des options proposées implique la considération des effets de ces options. À l'élève du primaire, on demande qu'il soit en mesure de décrire des effets possibles sur les personnes ou les êtres vivants touchés par la situation (1er cycle), en ajoutant, pour chacune des options proposées, des effets possibles sur la vie de groupe (2e cycle) et sur la vie en société (3e cycle). On voit bien ici le lien avec les thèmes en éthique prescrits par le programme.

Au secondaire, on demande aux élèves d'expliquer des effets possibles sur les personnes et les groupes touchés par la situation et sur la vie en société, pour chacune des options proposées.

Dans tous les cas, qu'on soit au primaire ou au secondaire, la considération des effets possibles des options proposées appelle l'inventaire des avantages et des inconvénients de ces options.

10) Sélectionner des options en fonction du vivre-ensemble

En cohérence avec les visées du programme concernant l'apprentissage d'un vivre-ensemble qui articule la reconnaissance des différentes et la poursuite du bien commun, la compétence éthique implique la capacité de sélectionner des options en fonction du mieux-être de chaque individu et de la collectivité. En ce sens, l'évaluation des options exige de mettre en tension les effets possibles sur chaque individu et sur la collectivité, à court et à long terme.

11) Interagir de manière à contribuer positivement au déroulement du dialogue

Pour que la pratique du dialogue soutienne de manière adéquate la réflexion éthique dans l'examen de différentes questions éthiques, il importe que l'élève contribue positivement au déroulement du dialogue. À ce effet, il devrait être possible, selon le contexte au plan de l'objet considéré et du choix des modalités d'interactions, d'observer l'une ou l'autre des actions suivantes, mentionnées dans les grilles d'observation proposées :

  • l'utilisation correcte des moyens pour élaborer un point de vue
  • l'utilisation correcte de formes de dialogue
  • la mise en place et le respect de conditions favorables au déroulement du dialogue

12) Faire des liens et interroger adéquatement des points de vue

La pratique du dialogue pour réfléchir sur des questions éthiques implique de pouvoir cerner et approfondir adéquatement un objet donné de manière à le considérer de manière exhaustive et critique dans un processus de recherche en commun.

Dans ce processus de recherche, on s'attend à ce que l'élève au 1er cycle du primaire puisse faire des liens pertinents entre ce qu'il connaît et l'objet du dialogue. Selon la grille proposée pour ce cycle, un lien pertinent est :

  • établi en fonction de l'objet du dialogue
  • exprimé clairement, à l'oral et à l'écrit
  • établi à partir de l'information mise à la disposition de l'élève ou amenée par l'élève

À compter du 2e cycle du primaire, l'élève devrait pouvoir interroger adéquatement des points de vue. Une interrogation adéquate, à l'oral ou à l'écrit, peut s'observer à partir de l'une ou l'autre des actions suivantes :

  • la sélection et l'utilisation adéquate de ressources pertinentes, c'est-à-dire liées à l'objet du dialogue
  • la distinction entre des éléments essentiels et des éléments accessoires
  • l'identification et l'interrogation de procédés susceptibles d'entraver le dialogue
  • l'identification et l'interrogation de jugements émis dans un point de vue
  • l'anticipation et la formulation de questions de clarification (à compter du 3e cycle du primaire)

Conclusion

Les éléments mis en évidence dans la dernière section permettent de résumer les dimensions essentielles de la réflexion éthique et de la pratique du dialogue, telles qu'elles ressortent de grilles d'évaluation élaborées pour aider le personnel enseignant à vérifier l'acquisition de connaissances et à évaluer leur mobilisation dans le développement des compétences pour le volet éthique du programme Éthique et culture religieuse.

Pour saisir toute l'étendue de ces éléments, qui demeurent de portée assez générale, tributaires en cela du caractère spiralé des programmes conçus selon une approche de développement de compétences où des termes apparentés servent à décrire les apprentissages à faire d'une année à l'autre, il faut les resituer par rapport aux éléments présentés dans les sections précédentes du présent texte, qui ont voulu donner accès aux multiples composantes du programme Éthique et culture religieuse : l'inscription dans un programme général de formation qui se rattache au plan pédagogique à différents courants éducatifs, tels le constructivisme, le socioconstructivisme et le cognitivisme ; les compétences et leurs explicitations différenciées à travers les différents cycles du cursus scolaire ; les thèmes et les éléments de contenu qui leur sont associés, sélectionnés en lien avec l'expérience de vie des élèves, de manière à aborder au départ des réalités qui sont proches de leur vécu immédiat (famille, école, communauté) pour s'élargir graduellement à des réalités présentes dans leur environnement social et dans le monde, revêtant un caractère de plus en plus complexe et même abstrait ; les indications pédagogiques qui permettent au personnel enseignant de faire des choix judicieux dans la planification de situations d'apprentissage et d'évaluation ; les attentes de formation de fin de cycle qui articulent le développement des compétences aux thèmes et éléments de contenu prescrits et qui permettent de faire périodiquement le bilan des apprentissages.

Un programme, comme celui que nous avons présenté ici, soulève des défis importants pour le personnel enseignant, à commencer par l'appropriation et la compréhension de ses multiples composantes, non seulement dans le document qui constitue le programme à proprement parler, mais dans les nombreux documents complémentaires qui l'accompagnent pour traiter de progression d'apprentissage, d'échelles de niveaux de compétence, d'évaluation des apprentissages, etc. La longueur du présent texte s'explique par notre volonté de faire écho à l'ensemble de ces documents, qui représentent des centaines de pages et qui reflètent l'incroyable efficacité des artisans de ce programme qui ont été en mesure de produire autant d'outils dans un court laps de temps, puisque la décision politique de s'engager dans l'élaboration de ce programme ne remonte qu'au printemps de 2005.

Nous invitons les lecteurs à y voir une certaine nomenclature des divers aspects qu'il est possible de considérer dans l'élaboration d'un cursus philosophique de la maternelle à la fin du secondaire.


(1) L'enseignement primaire s'organise sur 3 cycles de 2 ans chacun. L'enseignement secondaire s'organise sur 2 cycles : le premier s'étend sur 2 années scolaires ; le deuxième s'étend sur 3 années scolaires. Le programme Éthique et culture religieuse est obligatoire à tous les cycles, mais il n'est pas dispensé à la 1ère année du 2e cycle du secondaire (3e secondaire). En principe, au primaire, une heure par semaine est consacrée au programme ; au 1er cycle du secondaire, 50 heures par année ; au 2e cycle du secondaire, 100 heures à la 2e année (4e secondaire) et 50 heures à la 3e année (5e secondaire). Pour obtenir son diplôme d'études secondaires, l'élève doit accumuler un nombre suffisant d'unités, dont celles de 5e secondaire en Éthique et culture religieuse ou en Éducation physique et à la santé.

(2) Au Québec, le collégial se situe entre le secondaire et l'université. Des cours de philosophie y sont obligatoires dans tous les programmes menant au diplôme d'études collégiales (DEC), qu'il s'agisse d'un profil de formation d'études préuniversitaires (2 ans) ou de formation professionnelle technique (3 ans). Les statistiques de l'éducation au Québec indiquent que, sur une cohorte de 100 personnes qui ont débuté le secondaire, 64 amorceront des études collégiales et 40 obtiendront leur DEC (Ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport, 2010a, p. 8-9 - désormais MELS).

(3) Le premier ensemble entend initier à la philosophie "en prenant connaissance des principaux moments de son évolution et de ses distinctions par rapport à la science et à la religion" ; plus spécifiquement, il "vise à ce que l'élève puisse traiter une question philosophique en élaborant une argumentation rigoureuse". Le deuxième ensemble porte sur des conceptions philosophiques de l'être humain, tandis que le troisième traite des questions éthiques et politiques de la société contemporaine (MELS, 2009, p. 15-20).

(4) Nous avons déjà présenté les grandes lignes du programme dans un autre texte (Lebuis, 2010) où nous avons traité de la genèse de ce programme, donné un aperçu de sa structure d'ensemble, abordé des considérations concernant la posture professionnelle attendue du personnel enseignant et signalé les principaux défis liés à son implantation.

(5) À l'instar de ce qui se passe dans de nombreux pays qui ont amorcé de telles réformes de leur curriculum en privilégiant une approche axée sur le développement de compétences, de vifs débats se poursuivent au sein de la société québécoise sur le sens et la portée de cette réforme et du renouveau pédagogique qui l'accompagne, notamment sur la place des connaissances à l'école et sur leur apport au développement des compétences. Malgré les critiques, le ministère de l'Éducation du Québec n'a pas remis en question l'approche axée sur le développement des compétences, mais il a cherché à apporter des ajustements et des correctifs, agissant le plus souvent "à la pièce", pour répondre à certaines demandes de différents groupes, si bien qu'une vision d'ensemble cohérente n'est pas toujours facile à dégager.

(6) Comme les autres programmes disciplinaires, le programme d'éthique et de culture religieuse doit également contribuer au développement de compétences transversales d'ordre intellectuel (exploiter l'information ; résoudre des problèmes ; exercer son jugement critique ; mettre en oeuvre sa pensée créatrice), d'ordre méthodologique (se donner des méthodes de travail efficaces ; exploiter les technologies de l'information et de la communication), d'ordre personnel et social (structurer son identité ; coopérer) et de l'ordre de la communication (communiquer de façon appropriée). Ici encore, certaines composantes de ces compétences transversales rejoignent diverses propositions relatives à l'insertion de la philosophie dès l'école primaire. Mentionnons, à titre d'exemple, les composantes et leurs explicitations pour la compétence "exercer son jugement critique" : construire son opinion (cerner la question, l'objet de réflexion ; en apprécier les enjeux sur le plan logique, éthique ou esthétique ; remonter aux faits, en vérifier l'exactitude et les mettre en perspective ; explorer différentes options et points de vue possibles ou existants ; s'appuyer sur des repères logiques, éthiques ou esthétiques ; adopter une position), exprimer son jugement (articuler et communiquer son point de vue ; justifier sa position en donnant ses raisons et ses arguments), relativiser son jugement (comparer son jugement à ceux des autres ; reconsidérer sa position ; évaluer la part de la raison et de l'affectivité dans sa démarche ; reconnaître ses préjugés ; reprendre sa démarche au besoin) (MEQ, 2001, p. 21).

(7) Ces grilles ont récemment été élaborées à la Direction de l'évaluation du Ministère de l'Éducation et présentées dans le cadre de sessions de formation sur "Les nouvelles orientations en évaluation en Éthique et culture religieuse" qui se sont tenues dans diverses régions du Québec en janvier 2011 à l'intention des formateurs scolaires et universitaires.

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