Traduction: Aleksandra Krilova
La création de méthodes de diagnostic, qui déterminent les spécificités du développement intellectuel, et établissent les différences entre les personnes testées à l'aide du paramètre choisi, est le moment clé de la recherche de caractéristiques du développement intellectuel. Le diagnostic prend toute sa signification au moment de la conduite de l'expérimentation, comme lors de la réalisation de programmes éducatifs innovants. La psychologie structurale et dialectique de développement a permis d'établir tout un ensemble relativement stable d'instruments de diagnostic permettant de définir la réflexion dialectique. On y trouve les différentes interprétations des méthodes de N. E. Veraksa dans Que peut-il se passer en même temps ? et L'arbre insolite, ainsi que, dans une moindre mesure, dans la méthode proposée par E.E. Kracheninnikov dans Premier - Dernier. Il est toujours possible de perfectionner les méthodes existantes et d'en créer de nouvelles. Comme l'indique à juste titre E.E. Kracheninnikov, le phénomène étudié est "complexe et délicat, nous avons affaire à un processus de création particulièrement difficile à formaliser". Rappelons que selon le concept de N.E. Veraksa, la réflexion dialectique est un système d'actions mentales qui permettent l'utilisation de relations contraires et qui fondent le mécanisme intellectuel de la création.
Les méthodes tirées de Que peut-il se passer en même temps ? et de L'arbre insolite sont utilisées dans leurs versions différentes dans le travail aussi bien avec les enfants en âge préscolaire qu'avec les adultes. La méthode du Premier - Dernier est, elle, orientée vers les enfants scolarisés et les adultes.
La méthode que nous proposons dans Les histoires dialectiques est surtout destinée à être utilisée avec des enfants en âge préscolaire1. Cette méthode consiste en neuf devoirs. Chacun comporte de deux à six images, sur la base desquelles le sujet testé doit soit composer une histoire, soit poursuivre le récit commencé par l'expérimentateur. Les personnages de ces histoires sont des héros de contes et de dessins animés bien connus des enfants. Certains thèmes présentés reprennent des passages de ces histoires familières aux enfants2.
Grâce à cette méthode, il est possible d'évaluer la formation des différentes actions mentales de la réflexion dialectique3. Répondre au premier et deuxième devoir induit le recours à la réflexion d'adresse dialectique. Les troisième et quatrième devoirs font appel à la réflexion dialectique de médiation ; les cinquième et sixième devoirs à celle de la mise en commun ; les septième et huitième devoirs à la réflexion dialectique de la clôture ; enfin, le neuvième devoir met en action la réflexion dialectique de changement d'alternative4.
Les devoirs
Le premier devoir : Pinocchio
Le devoir est composé de trois images représentant Pinocchio à la pêche. L'expérimentateur les place dans l'ordre suivant et propose à l'enfant de composer une histoire sur cette base.
Ensuite, l'ordre des images est changé et l'enfant est prié de raconter de nouveau l'histoire de Pinocchio à la pêche.
L'idée du devoir est la suivante : dans le cas de la deuxième composition, le sujet de la troisième image change pour son contraire. Alors qu'on avait un coucher du soleil dans le premier cas, dans le deuxième on est face à un lever de soleil.
Le deuxième devoir : les hérissons
Le devoir consiste en trois images, représentant la rencontre entre deux hérissons, dont l'un offre une pomme à l'autre. L'expérimentateur propose à l'enfant de composer une histoire sur la base de ces images.
Ensuite, l'expérimentateur change l'ordre des images et propose à l'enfant de raconter une nouvelle histoire.
Comme dans le devoir précédent, le sujet de l'image au milieu (qui donne des pommes à qui) est inversé.
Dans les devoirs suivants, l'expérimentateur étale des images devant l'examiné et raconte une histoire sur la base de ses images. À la fin du récit, il pose une question et invite l'enfant à y répondre en continuant (ou terminant) l'histoire.
Troisième devoir : l'épée de Gulliver
"Gulliver partit en voyage. Il marcha longtemps, et fatigué, il s'allongea pour se reposer. Il s'assoupit... Tout à coup il se leva et vît que son épée "s'échappait". Il vît alors que trois petits hommes la traînaient. Gulliver leur reprit l'épée et pensa : "Quelle épée formidable, trois hommes la portent avec peine !". Il continua ensuite son chemin. Tout à coup il vit d'immenses bottes devant lui, et au-dessus des bottes un géant. Gulliver essaya de le chasser avec son épée, mais il ne réussit qu'à la tordre contre les bottes. "Quelle épée ridicule, elle ne sert à rien", pensa Gulliver. Il se demanda alors : "C'est étrange, mon épée est-elle formidable ou ridicule ?".
Quatrième devoir : la queue de Bourriquet
"Un jour, Winnie l'Ourson et Porcinet se rendirent chez leur ami Bourriquet pour son anniversaire. Ils y invitèrent également maître Hibou. "Je viendrais avec plaisir, mais je n'ai pas de cadeau pour Bourriquet", dit maître Hibou. "Regarde, le cordonnet de ta sonnette : c'est la queue de Bourriquet. Il l'a perdue et la cherche depuis longtemps", répondit Winnie. Maître Hibou prit le cordonnet et ils allèrent tous ensemble chez Bourriquet. Ils lui souhaitèrent un joyeux anniversaire, lui offrirent leurs cadeaux puis rentrèrent chez eux. Bourriquet regarda ses cadeaux et se dit : "Ma queue offerte par maître Hibou, est-ce un cadeau ou non ? D'un côté, c'est un cadeau, parce que maître Hibou me l'a apportée pour mon anniversaire. Mais de l'autre côté, est-ce que ma propre queue est un cadeau? Alors, est-ce un cadeau ou non ?".
Cinquième devoir : Neznaïka et le poisson doré
"Un jour, Neznaïka se rendit à la pêche. Il jeta sa ligne et resta assis toute la journée. Alors qu'il avait perdu tout espoir, tout à coup il attrapa un poisson doré. Ce poisson était magnifique, splendide ! Neznaïka eut pitié du poisson et décida de le laisser partir, pour qu'il ne meure pas. Mais il trouvait aussi bien dommage de le laisser partir. Quand pourrait-il encore contempler une telle beauté ? Que pouvait-il faire pour que le poisson ne meure pas et pour continuer à l'admirer ?".
Sixième devoir : La Reine des neiges
"Kay et Gerda décidèrent de dégeler la Reine des neiges. Kay accompagna Gerda jusqu'à la frontière du royaume de la Reine des neiges. A partir de là, Gerda poursuivit seule son chemin, de peur que la Reine des neiges ne transforme de nouveau le coeur de Kay en morceau de glace. Une fois dans le palais, Gerda vit non pas une, mais trois Reines des neiges. Laquelle était la bonne ? Gerda retourna auprès de Kay. Que pouvaient-ils faire ? Kay savait reconnaître la véritable Reine des neiges, mais il ne pouvait pas aller au palais, la Reine de neige le reconnaîtrait. Quelle décision Kay et Gerda devaient-ils prendre ?"
Septième devoir : Winnie l'ourson
"Winnie l'ourson aimait beaucoup allez chez ses amis. Un jour, il décida d'aller rendre visite à Porcinet. Mais Porcinet n'était pas chez lui. Bourriquet non plus, et ni le lapin, ni maître Hibou n'étaient chez eux. Alors Winnie l'ourson décida de rendre visite à Winnie l'ourson (c'est-à-dire à lui-même). Il frappa à sa porte, s'installa à sa table et réfléchit : "Suis-je chez un ami ou non ? Qui suis-je, je suis invité ou j'accueille un ami ?". En effet, qui était alors Winnie l'ourson, l'invité ou l'hôte ?".
Huitième devoir : Tchebourachka et le crocodile Guéna
"Un jour, le crocodile Guéna et ses amis Tchebourachka, le Lion solitaire et d'autres jouets seuls et sans-logis décidèrent de construire une maison pour y vivre ensemble. Ce sera la "Maison de ceux qui n'ont pas d'amis". Mais pendant qu'ils construisaient la maison, ils devinrent tous des amis. Or la maison était pour ceux qui n'avaient pas d'amis. Qui devait alors vivre dans cette maison ?"
Neuvième devoir : le prince et la princesse
"Un prince et une princesse tombèrent amoureux. Mais le Roi, le père de la princesse, déclara qu'il accepterait leur mariage le jour où le prince apportera le précieux coffre placé sur l'arbre qui poussait dans un royaume lointain. Le prince, prévoyant, prit avec lui la plus longue échelle de son royaume, puis se mit en route en quête du coffre. Il arriva au royaume lointain et vit l'arbre, et sur cet arbre il vit le coffre. Le prince posa l'échelle sur l'arbre et monta dessus. Une fois arrivé tout en haut de l'échelle, il se mit sur la pointe de ses pieds, sans parvenir à attraper le coffre. Comment le prince peut-il prendre le coffre ?".
Les différentes réponses
Les devoirs sont présentés dans l'ordre suivant : 1; 9; 4; 5; 8; 6; 2; 7; 3.
Les premier et deuxième devoirs sont considérés comme réussis si l'enfant a donné des explications opposées pour l'image du milieu.
Par exemple, Sacha Tchich. : 1. "Pinocchio s'est assis sur l'île et pêchait. Le soleil brillait. Ensuite le soir est tombé et le soleil a commencé à se coucher. Pinocchio a voulu dormir un peu. Il s'est couché. La nuit est tombée."
2. "Pinocchio dormait. Le matin est venu. Le soleil s'est levé sur la mer. Le jour est tombé. Pinocchio a commencé à pêcher."
Ilya T. : 1. "Un vieux hérisson marchait avec des pommes. Un jeune hérisson le rencontre, le vieux hérisson a donné les pommes au jeune hérisson. Le vieux hérisson est ensuite parti pour trouver d'autres pommes".
2. "Un hérisson marchait avec un bâton. Il rencontre un jeune hérisson qui portait des pommes. Il a donné ses pommes au vieux hérisson et est allé chez lui sans pommes".
Certains enfants n'arrivent pas à s'acquitter de la tâche. Lena Kot. :
1. "Pinocchio pêche. Le soleil se couche. Le soir tombe, ensuite la nuit tombe. Pinocchio dort."
2. "Il fait nuit. Pinocchio dort. Ensuite c'est la nuit. Pinocchio pêche. Le matin se lève. Pinocchio est toujours au même endroit."
Lena Kloch. : 1. "Le hérisson a trouvé des pommes. Il a reconnu un hérisson. Ils ont partagé les pommes. Ils ont pris une pomme chacun, ils ont coupé la troisième pomme en deux et ont mangé toutes les pommes Le hérisson est reparti sans pommes."
2. "Le hérisson est allé chercher des pommes. Il les trouvées près d'une route. Ensuite il a rencontré un ami et ils se sont partagés les pommes. Ici on doit changer la place de la troisième image..." (Entre la première et la deuxième).
Les troisième et quatrième devoirs sont considérés comme faits si les enfants ont compris l'existence simultanée de détails du récit mutuellement exclusifs l'un de l'autre.
Anton Tch. : "L'épée est grande pour les lilliputiens, mais elle est petite pour le géant". L'expérimentateur "Et l'épée elle-même, elle est comment ?" - "Elle est grande et petite. Ou elle n'est ni grande, ni petite".
Sveta K. : "L'épée n'est ni grande, ni petite. Elle est toujours la même".
Katia Z. : "L'épée n'est ni grande, ni petite. Elle est moyenne".
Lena Kot. : "L'épée est à moitié grande et à moitié petite. Elle est les deux à la fois".
Alecha D. : "C'est à moitié un cadeau, à moitié ce n'est pas un cadeau. Elle [la queue] était à la fois au maître Hibou et à Bourriquet (quand elle était accrochée)."
Alecha I. : "Quand la queue était suspendue à la sonnette - elle était à Bourriquet, mais le maître Hibou a pensé que c'était à lui. C'est un cadeau, mais aussi ce n'est pas un cadeau. C'est comme si ça a été offert et pas offert, ou ça a été offert et repris ensuite".
Une partie des enfants interrogés soit s'arrêtent sur l'un des attributs contradictoires, soit affirment tour à tour l'un ou l'autre attribut.
Denis K. : "L'épée est petite. Ce sont les bottes qui sont grandes. Les lilliputiens sont très petits".
Oleg S: "A côté des lilliputiens, elle était grande. Mais ici (près du géant) elle est petite".
Roman B. : "La queue n'est pas un cadeau, parce que Bourriquet l'a quand même perdue".
Macha B. : "Elle a toujours été à Bourriquet. Et maître Hibou a simplement pensé qu'elle était à lui. Bourriquet voulait reprendre sa queue au Hibou, mais il n'en a pas eu le temps avant son anniversaire".
Le sixième devoir est considéré comme réussi si l'enfant examiné trouve une solution médiane entre les deux contradictions ("La reine" et "Non-reine") : une photo, un portrait verbal et autre possibilités de résolution du problème.
Denis K. : "Elle n'a qu'à demander à Kay, de lui décrire comment elle est, la Reine des neiges".
Dima Tch. : "Il doit lui dire comment est la Reine avant qu'elle ne reparte".
Oleg Ch. : "Gerda doit prendre une photo de ces Reines, et ensuite Kay lui dira laquelle est la Reine des neiges".
Les enfants examinés qui n'ont pas utilisé la stratégie dialectique afin de remplir ce devoir ont répondu ainsi :
Ilya T. : "Kay peut se cacher dans un coin, observer et dire quelle est la vraie Reine des neiges".
Sacha Tchitch. : "Il peut changer d'habits ou se mettre derrière Gerda".
Certaines fois, des enfants essayaient eux-mêmes de deviner sur l'image qui est la Reine des neiges.
Les septième et huitième devoirs sont considérés comme remplis si les examinés arrivent à exprimer dans leurs réponses le processus de transformation des relations initiales en leur contraire.
Alecha D. : "Il est à la fois l'hôte et l'invité. Il a pris un pot de miel et a dit : "Sers-toi, Winnie !". Et a commencé à manger. Ensuite il a dit : "Merci, Winnie" et est parti se promener".
Natacha T. : "Quand il a frappé à la porte, il était l'invité, et quand il est rentré, il est devenu l'hôte".
La dernière réponse mérite une attention particulière, car elle contient un effort de fixer le moment du changement dialectique de la situation. Dans ce cas-là, la porte de la maison de Winnie, le seuil, s'apparente à la compréhension hégélienne de la frontière comme lieu où les contraires s'unissent, le passage du "pareil" à l'"autre". "La frontière, en tant que négation de quelque chose /de donné/ reflétée en soi, inclut idéalement les moments de ce quelque chose et de l'autre...".
Sveta K. : "Ils (Tchebourachka, Guéna et les autres) doivent changer l'étiquette. Et en coller une autre, parce que maintenant c'est la maison des amis".
Dima Tch. : "Cette maison est devenue la maison pour ceux qui se sont trouvés des amis. Il faut accrocher ce panneau maintenant".
Les réponses typiquement non dialectiques sont :
Alecha D. : "Il a décidé qu'il n'est pas un invité et il a attendu les invités".
Macha B. : "Il a pensé qu'il est l'invité, mais en réalité il est l'hôte".
La réponse de Macha B. est assez caractéristique. En essayant de résoudre des problèmes dialectiques (dans cette méthode comme dans les autres méthodes dialectiques), les enfants voient assez souvent dans l'un des contraires l'expression de la réalité ("en réalité, en vrai"), et dans l'autre contraire l'expression de l'apparence ("il pensait que", "il lui a semblé que").
Sacha Tch. : "Il pensait qu'il y avait un autre Winnie l'ourson et s'est trompé".
Pour le neuvième devoir, dans les 2-4 premières réponses, les enfants développent l'idée proposée au départ pour atteindre le but recherché : le prince doit se rapprocher du coffre.
Dima Tch. : "Il doit rentrer à la maison et prendre une échelle plus longue".
Sacha B. : "Il doit allonger l'échelle".
Olessya A. : "Il doit appeler les pompiers", etc.
Ensuite, la plupart des enfants trouvent une solution alternative et font intervenir de nouveaux moyens pour que le coffre se rapproche du Prince, et non le Prince du coffre (scier l'arbre, atteindre le coffre avec une flèche, etc.).
Maksim F. : "Il faut scier l'arbre".
Katia B. : "Il faut creuser sous l'arbre pour qu'il tombe", etc.
La plupart des enfants réussissent le cinquième devoir, car la solution de l'action dialectique de la mise en commun (l'aquarium) apparaît évidente. Aucun point n'est attribué pour cette réponse. Toutefois, une partie des examinés ont donné des réponses différentes (ils avaient droit à plusieurs réponses).
Oleg Ch. : "Il faut le filmer et le laisser partir".
Alecha K. : "Il faut le photographier".
Ilya T. : "On peut faire un dessin du poisson et le colorier".
Sasha Tchij. : "Il [Neznaïka] doit plonger dans l'eau".
Natacha T. : "Neznaïka peut mettre un masque et nager avec le poisson".
Analyse
Ces réponses sont le résultat de l'utilisation d'actions de médiation (dans les trois premier cas), et de changement d'alternative (dans les deux autres cas).
Pour les réponses faisant appel à la vidéo, une image, une photo ou la passion de Neznaïka pour la plongée, ainsi qu'à d'autres idées de résolution du problème, à l'exception de l'aquarium, les enfants recevaient des points.
Lors de nos observations, des singularités ont été notées dans les réponses des enfants à ces exercices.
La diversité de contenus des réponses des enfants au cinquième devoir montre que la situation contradictoire stimule le fonctionnement du système dialectique en général, et non l'utilisation d'une action prédéfinie.
Nous avons aussi observé que certains enfants utilisent un signe comme moyen pour résoudre une situation contradictoire. Par exemple :
Sveta K. (réponse au quatrième devoir) : "Il fallait écrire "Cadeau" sur le ruban. Dans ce cas-là, Bourriquet n'hésitera plus".
Lena K. (réponse au septième devoir) : "Peut-être qu'il a un ami qui s'appelle aussi Winnie l'ourson. Dans ce cas-là tout est clair".
De notre point de vue, ces réponses démontrent une certaine dualité de signe et de médiation par le signe par rapport à la réflexion dialectique. D'un côté, le signe peut être un moyen de différentiation (ce qui est fixé dans la première réponse), dans l'autre cas, un signe peut se faire attribuer deux réponses différentes (la deuxième réponse), ce qui témoigne d'un certain positionnement dialectique chez l'enfant.
D'une façon analogique, l'objet à l'aide duquel l'enfant résout la situation problématique peut être utilisé de manière dialectique ou non. C'est visible, notamment, dans les réponses suivantes au neuvième devoir :
Maksim Z. "Il faut demander à un ours qu'il se mette sous l'arbre, il faut grimper sur l'ours et le prendre [le coffre]".
Natacha T. : "Il faut appeler un ours pour qu'il abatte l'arbre".
Dans certaines réponses, les enfants indiquent une action qui doit être effectuée par le personnage en situation problématique, pour en sortir de manière dialectique. Dans le même temps, cette action est introduite de manière formelle et conduit au résultat correspondant :
Olessya A. : "Il faut abattre un sapin, grimper dessus et prendre ainsi le coffre".
Tout ceci montre bien que le sens profond de la production de dialectique des réponses des enfants est de construire une stratégie propre qui permet d'approcher le but, de résoudre le problème, en utilisant pour cela les moyens intellectuels à sa disposition.
En outre, les réponses basées sur les relations formelles et logiques témoignent souvent de la passivité des examinés.
Macha B. (réponses au quatrième devoir) : "Il faut demander à quelqu'un qui il est, l'invité ou l'hôte. Comme ça, on le saura".
La particularité de la méthode consiste dans le dialogue de l'expérimentateur avec l'examiné. Le contenu de ce dialogue est différent selon le devoir.
Dans le premier et deuxième devoir, dans le cas où l'enfant parvient à reconstituer l'histoire correctement, l'expérimentateur prend l'image du milieu et pose la question : "Alors, qu'est-ce qui est représenté ici, le coucher ou le lever du soleil ?" ; "Qui donne alors des pommes à qui ?". Si l'enfant répond : "C'est le coucher et le lever en même temps" ; "On ne peut pas décider comme ça, il faut d'autres images encore" ; "Les deux hérissons ont des pommes", etc. (mais pas seulement "et l'un et l'autre", "ça dépend de l'histoire"), alors l'enfant obtient un point supplémentaire pour chaque réponse.
Dans les troisième, quatrième, septième et huitième devoirs, l'expérimentateur entame un dialogue avec l'enfant, en exprimant des jugements contraires. Le but de l'expérimentateur dans cette situation est de maintenir la position contraire au jugement de l'enfant. Par exemple, si l'examiné affirme que Winnie l'ourson est un invité (septième devoir), il faut lui objecter : "Comment ça, il est l'invité ? Mais il est chez lui !". Si l'enfant change ensuite son point de vue (Winnie l'ourson est l'hôte), il faut alors répliquer : "Mais il a pourtant frappé à la porte, et il se comporte comme un invité, il a été servi".
Si, dans le quatrième devoir, l'enfant répond "cadeau", l'expérimentateur répète la partie de l'histoire qui contient l'argument du "non-cadeau" ou au contraire.
Ce faisant, l'expérimentateur ne doit pas paraître trop convaincu dans son opposition à l'enfant, car l'autorité de l'adulte est dissuasive. Les objections doivent résonner non pas comme une critique de l'enfant, mais comme une sorte de mise en doute. L'enfant doit comprendre que l'adulte n'essaie pas de prendre le dessus ou de l'évaluer, mais de cerner la situation avec lui.
Nous n'avons pas eu de cas où l'enfant a donné une réponse immédiate du type "cadeau - pas cadeau" (quatrième devoir). Les enfants choisissent une des alternatives proposées d'une manière plus ou moins justifiée.
Nous avons découvert différentes stratégies dans le comportement des enfants :
a) un changement immédiat de position après chaque argument contraire de la part de l'expérimentateur. Certains enfants peuvent utiliser cette stratégie éternellement. Dans le meilleur des cas, ils disent à la fin quelque chose comme "bon, je ne sais plus" ;
b) les enfants "décidés" ne se laissent pas influencer et restent fermement sur leur position initiale. S'ils changent leur réponse, c'est en changeant leur conviction, en considérant qu'ils se trompaient avant. Ils se mettent alors à soutenir tout aussi fermement leur nouvelle version.
On peut discuter du problème de la localisation subjective du contrôle chez ces groupes d'enfants, de l'autorité de l'adulte, etc. Toutefois, il est très important selon nous que les représentants des deux groupes, contrairement à Bourriquet5 ne restent pas prisonniers de la situation contradictoire, incapables de soutenir les deux arguments contraires simultanément (peut-être qu'à l'exception de ceux qui ont finalement dit "je ne sais pas", ils y ont vu une contradiction insoluble) ;
c) les enfants dialectiques découvrent à un moment donné que la queue est simultanément un cadeau et pas un cadeau. Cette réponse témoigne du fait que l'enfant a découvert la situation contradictoire et a compris qu'elle ne peut pas être résolue par le choix d'un des pôles. La réponse de l'enfant montre qu'il a découvert un nouveau phénomène dans l'univers des "dons" : le fait qu'un objet peut être en même temps un cadeau et un non-cadeau. Et l'absence de mot permettant de fixer la définition positive de ce phénomène ne doit pas nous troubler. Le "Cadeau - non-cadeau" est une nouveauté par rapport au "cadeau" et au "non-cadeau".
Il est important de souligner que dans les histoires-devoirs de la méthode, les situations sont bien définies et connues, et en aucun cas inventées.
Par exemple, quand Bourriquet analyse la nature du cadeau de la queue, il n'est pas question d'un cadeau en général. Nous ne proposons pas aux enfants de définir d'une manière abstraite l'appartenance de l'objet en question à la classe des cadeaux ou non-cadeaux. Nous leur proposons d'aider Bourriquet à comprendre la situation, à réfléchir sur le problème donné. Les adultes mais aussi de nombreux enfants en âge préscolaire ont probablement déjà été confrontés à ce genre de situation dans leur vie, à un anniversaire ou à Noël, quand ils reçoivent des cadeaux. Il leur fallait alors choisir : "Est-ce que pour moi, ça, c'est un cadeau ou non ?" Et cette phrase traditionnellement prononcée aux invités : "Faites comme chez vous !" place l'invité dans la même situation que Winnie l'ourson, dans le septième devoir.
Dans les cinquième, sixième et neuvième devoirs, l'expérimentateur encourage les enfants à exprimer de nouvelles versions de cette manière : "Et comment peut-on le faire différemment ?" ; "Est-ce que tu peux imaginer une autre solution ?".
Il faut souligner qu'il ne s'agit pas ici de poser des questions suggestives. D'autant plus qu'il n'existe pas de réponses correctes uniques aux questions de la méthode. Dans une situation problématique telle que définie par les histoires de la méthode, les enfants étudient les possibilités offertes par la situation. Comment peut-on être l'hôte et l'invité simultanément ? La réponse des enfants sur le jeu est d'autant plus géniale qu'elle est inattendue pour l'adulte (dans tous les cas, les créateurs de la méthode n'avaient pas "prévu" une telle réponse). Aussi imprévues ont été les différentes versions des réponses dans le cinquième devoir, qui n'ont pas mis en avant l'idée de l'aquarium (en créant la méthode, nous avions expressément pensé à ce dernier). Les résultats de cette méthode témoignent encore une fois que la réflexion dialectique favorise la représentation élargie quant aux options disponibles dans une situation donnée.
Sur la base d'une enquête empirique que nous avons conduite, nous avons établi la "valeur" des réponses dialectiques pour chaque devoir. La résolution des premier et deuxième devoirs équivaut à un point (plus un point supplémentaire pour la réponse à la question supplémentaire) ; la résolution du neuvième devoir donne à l'enfant deux points, du sixième - trois points ; des troisième, quatrième, cinquième, septième et huitième - quatre points.
Les devoirs que nous proposons en tant que diagnostics peuvent être transformés en activité de développement personnel. La discussion sur la taille de l'épée (grande ou petite) peut servir de base pour la formation de la notion de taille (ce qui est très important pour la construction de la notion du nombre dans l'apprentissage). L'histoire de la queue de Bourriquet est déjà devenue une série d'activités expérimentales dans le système de la formation dialectique des enfants en âge préscolaire6.
(1) Veraksa N.E. La Réflexion dialectique. Ufa, 2006.
(2) Hegel G.V.F. La Science de la logique. St Petersbourg, 1997.
(3) Davydov V.V. Les Types de généralisation dans la formation. Moscou, 1972.
(4) La psychologie dialectique. Sous la rédaction de Kracheninnikov E.E.. Ufa, 2005.
(5) Chian I.B. "Une image anticipée dans la structure de la réflexion dialectique des enfants en âge préscolaire." Questions de psychologie, N°3, 1999, pp. 57-66.
(6) Chian O.A., Kracheninnikov E.V., Chian I.B, Kracheninnikov E.E., Tchoudina N.V., Jouravleva G.V., Kislitsina A.V. "L'analyse d'une situation contradictoire comme contenu du développement de la réflexion des enfants en âge préscolaire (discussion)." Le développement intellectuel des enfants en âge préscolaire. L'approche structuro-dialectique. Moscou, 2009, pp. 101-145