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Formation : "La pratique du debat philosophique"

Isabelle Millon travaille avec Oscar Brenifier, philosophe et auteur de nombreux ouvrages de philosophie pour enfants et adolescents, auxquels elle collabore, depuis de nombreuses années. Au sein de l'Institut de Pratiques Philosophiques, ils ont développé une méthode basée sur la maïeutique socratique, dont relève le présent article.

Qu'est-ce que philosopher ? Est-ce connaître des idées, des doctrines, ou est-ce exister, apprendre à exister ? Le philosophe est-il celui qui sait ou celui qui sait qu'il ne sait pas ? Socrate disait : Je sais que je ne sais rien. C'est le paradoxe de l'ignorance acquise : on apprend à ne pas savoir.

Lors de cette formation, nous travaillerons à la fois sur les attitudes et les compétences philosophiques. Nous aborderons aussi les trois registres de l'exigence philosophique, exigence qui fait qu'une discussion est philosophique et non une simple discussion. Nous aborderons aussi le rôle de l'animateur, qui n'est pas là uniquement pour faire parler les élèves, mais pour les initier au questionnement et à l'analyse critique.

Il est un obstacle récurrent qui empêche de comprendre la nature et les enjeux de l'exercice philosophique, lorsqu'il prend la forme d'une discussion. Celui qui consiste à penser que philosopher revient à s'exprimer, à communiquer ou à défendre une thèse. Si cela est en effet possible, en ce qui nous concerne, nous souhaitons plutôt travailler l'idée d'un discours philosophique comme un discours qui se saisit lui-même, qui se voit lui-même, qui s'élabore de manière consciente et déterminée. Nous partons du principe que philosopher ne consiste pas uniquement à penser, mais enjoint de penser la pensée, de prendre la pensée pour objet de pensée. Cela signifie de convoquer des idées, tout en étant conscient (ou en tentant de prendre conscience) de la nature, des implications et des conséquences des idées que nous exprimons : nos idées, mais aussi celles de nos interlocuteurs.

I/ LES ATTITUDES PHILOSOPHIQUES

Les attitudes philosophiques sont des manières d'être que l'on peut considérer comme l'une des conditions essentielles du philosopher :

  • La suspension du jugement, qui permet d'examiner un problème avec distance et doute méthodologique; Descartes nous explique que tant qu'on ne saura pas temporairement mettre de côté soi-même et ses propres opinions, on aura du mal à penser. Ajoutons du mal à écouter et à comprendre le discours de l'autre.
  • L'étonnement (caractère essentiel du philosopher selon Kierkegaard), c'est-à-dire sortir de l'opinion et regarder différemment ce qui semble à première vue banal.
  • La confrontation, ou agon (déjà présente chez Platon et Héraclite, que les pragmatiques américains apprécient nettement moins) : "enlève ta chemise, et viens pour le corps à corps", nous dit Socrate. Terme d'agon que l'on retrouve chez Nietzsche, comme condition indispensable du philosopher. Se confronter soi-même avec les autres, avec le monde.
  • La distanciation : on prend sa propre pensée et on la regarde, on l'observe, on effectue un deuil, celui de la cohérence espérée, entre ce que l'on veut être et ce que l'on dit.
  • La responsabilité : chacun est responsable de lui-même, de ce qu'il dit, de ce qu'il fait (Sartre)
  • Ignorance acquise/humilité : chez Nicolas de Cues (théologien allemand du XVe siècle), pour qui la "docte ignorance" consiste en gros à affirmer que l'ignorance est une vertu qui s'acquiert, et qui permet de penser, toute idée demande à être en permanence examinée de façon critique, comme simple hypothèse. Pour Leibniz (philosophe allemand du XVIIe), philosopher c'est inquiéter (la quiétude étant la mort de la pensée). Pour Popper, la science se caractérise par le fait que toute proposition peut être mise en question (en opposition au dogme, à l'acte de foi qui est plutôt de nature religieuse).
  • Rigueur, âpreté : philosopher, c'est aussi mettre son discours à l'épreuve. Pour Socrate, nous devons rendre des comptes sur le moindre terme ou la moindre expression. Pour Kant, chaque terme doit être défini au sein d'une mécanique implacable. Pour Leibniz, plus le cheminement dure dans l'espace et le temps, plus il est difficile à la pensée de rester cohérente avec elle-même. Pour Pascal, il faut entendre ce que nous disons lorsque nous le disons, entendre la vérité de nos opinions. Nietzsche, qui critique pourtant Socrate, nous dit que le philosophe doit être comme le banquier, c'est-à-dire que les mots et les pensées ont une valeur qui ne doit pas être pris à la légère.
  • L'authenticité, à distinguer de la sincérité. Liée à la ténacité, à la volonté, en opposition à la velléité et à la complaisance de l'opinion. C'est l'affirmation de l'être singulier. Kant : "sapere aude", ose savoir, ose penser sans quoi tu ne pourras ni connaître, ni apprendre. Avec son idée de "morale provisoire", Descartes nous suggère de poursuivre notre chemin en cas d'incertitude de l'esprit. Kierkegaard affirme qu'il n'y a d'autre vérité que la vérité subjective. La personne est "vraie" car elle assume son propre discours jusqu'au bout, elle s'engage.
  • La disponibilité, qui contrairement à l'authenticité, est dans le rapport à l'autre. Il s'agit d'être là, d'être présent au monde, d'adhérer momentanément à ce qui est autre, de s'ouvrir à l'autre, d'accompagner l'autre dans son parcours, comme le fait Socrate.

II/ LES COMPÉTENCES PHILOSOPHIQUES

1) Approfondir

C'est identifier le sens de ce qui est énoncé, par différents moyens. C'est transgresser les limites d'un propos initial. Comme Descartes nous y invite, "sachons découper et prendre une idée pour ce qu'elle est, pour ce qu'elle offre, sans se soucier de la multiplicité de ses liens possibles et actuels". (D'où vient cette idée ?)

  • Expliquer : c'est développer une idée, c'est exposer clairement son contenu, c'est la transposer en d'autres termes, c'est expliciter un énoncé considéré comme ambigu ou confus, c'est envisager les conséquences d'un propos.
  • Argumenter : consiste à produire une ou plusieurs propositions, faits ou idées, afin de justifier, d'étayer, de prouver un énoncé initial. Il ne s'agit pas de prouver que "l'on a raison", de manière rhétorique, mais de mieux comprendre les raisons, l'origine et le sens de cet énoncé initial. L'argumentation ne fait pas nécessairement office de vérité.
  • Aristote : "L'argumentation ne relève pas de la nécessité, elle ne relève pas de la logique, mais de la dialectique."
  • Analyser : revient à décomposer un énoncé en ses diverses composantes afin de mieux en saisir le sens ; c'est examiner le contenu de ce que nous avons déjà, c'est faire ressortir le sens sans prétendre y ajouter quoi que ce soit d'autre. (ex: "Comment est construite cette idée ?"). L'analyse, contrairement à l'explication et à l'argumentation, ne permet pas d'avancer plus loin dans des idées, mais oblige à rester sur place afin de creuser une idée donnée. Elle travaille uniquement sur ce qui est affirmé (ce que fait par exemple la logique).
  • La critique est partie prenante de l'analyse. Hegel fait une distinction entre la critique interne qui après une analyse objective consiste à critiquer une proposition de l'intérieur en la confrontant à elle-même et à la logique, et la critique externe qui, elle, fait intervenir d'autres partis pris.
  • Synthétiser : réduire une série d'énoncés en une proposition unique afin de résumer et clarifier la substance ou l'intention du discours. Les deux processus que l'on peut utiliser sont la déduction et l'induction. La déduction tire d'une - ou plusieurs - proposition donnée ce qu'elle contient (de l'ordre du nécessaire), alors que l'induction génère du sens en passant du singulier au général (de l'ordre du probable). "En résumé, que veux-tu dire ?"
    Exemples :
    Aristote : "L'âne, le mulet, le cheval vivent longtemps ; or, ce sont là tous les animaux sans fiel ; donc, tous les animaux sans fiel vivent longtemps". On voit bien que l'induction repose sur une supposition : que "ce sont là tous les animaux sans fiel". Le syllogisme inductif est dit hypothétique.
    "Socrate est laid; Socrate est un homme ; donc les hommes sont laids" a une conclusion fausse, car Socrate ne peut pas représenter la totalité de l'homme, en la matière.
  • Exemplifier : consiste à nommer quelque chose ou à décrire une situation concrète, afin de donner corps et substance à une idée abstraite. "As-tu un exemple de cela ?"
  • Interpréter, qui consiste à traduire en termes différents un énoncé, de manière globale et même subjective, afin d'en clarifier le sens. "Qu'entends-tu par ceci ?"
  • Identifier les présupposés : met au jour les affirmations implicites d'un énoncé, ce sur quoi il se fonde. "Qu'y a-t-il derrière cette idée ?"

La réalité d'un discours est dans son unité, nous dit Platon. Son unité, c'est bien souvent son origine, objective ou subjective. L'origine subjective d'un discours, c'est son intention, la raison pour laquelle il a été prononcé, ce qu'il prétend accomplir : répondre, montrer, démontrer. Mais bien souvent le discours n'est pas conscient de sa nature propre, de son intention ; il ne saurait qualifier ce qu'il est. La plupart du temps, il ne fait qu'exprimer un ressenti ou il cherche à se défendre, à se justifier. Pour pouvoir identifier les présupposés, il faut partir du principe que le discours n'appartient à personne, c'est-à-dire qu'il appartient à tout un chacun. La personne qui écoute, l'autre, est souvent plus à même d'identifier les présupposés dans le discours d'autrui que d'identifier les présupposés dans son propre discours. On n'est pas dans "ce que je voulais dire...", mais dans "ce que j'ai dit".

2) Problématiser

Pour Kant, le "problématique" est une des trois modalités fondamentales du discours, ce qui est uniquement possible, les deux autres étant l'assertorique (simple affirmation) et l'apodictique (prouvé, scientifique), Pour Cues, toute pensée n'est que conjecture, toute proposition est donc a priori problématisable. Fournir des objections (arguments opposés à des affirmations) ou des questions qui permettent de montrer les limites, les failles ou les imperfections des propositions initiales, afin de les éliminer, les modifier ou les enrichir. Il faut pour cela distinguer les "bonnes" questions des "mauvaises" questions, ce qui se nomme aussi pensée critique. Le postulat de cette compétence est que tout énoncé, quel qu'il soit, pose d'une certaine manière un ou plusieurs problèmes. Il s'agit donc de considérer tout énoncé comme une simple hypothèse, possible ou probable, mais jamais nécessaire ou absolue. "As-tu une objection ou une question ?" "Vois-tu un problème dans cette phrase ?".

"Enseigner par le débat", Oscar Brenifier, CRDP de Bretagne

A la question initiale : Est-il toujours nécessaire d'aider les autres?

La problématisation portera sur l'un des concepts, par ex. nécessaire

- Pour qui est-ce nécessaire d'aider les autres ? (par ex, pour celui qui aide, pour se sentir bien, pour celui qui en aurait besoin)

- Quelle est la nature de la nécessité ? (par ex, morale, sociale, utilitaire)

La problématisation peut porter sur "les autres"

- Veut-on être aidé par les autres ?

Hypothèse : Oui, les progrès de la médecine permettent de sauver des gens

- Est-ce que les progrès de la médecine permettent de sauver des gens ? (fausse question. La réponse est déjà donnée)

- N'est-il pas vrai que les médecins se trompent parfois ? (fausse question, affirmation déguisée, on sait ce que pense le questionneur)

- Est-ce que la bombe atomique permet de sauver des gens ? (fausse question, hors sujet, sans rapport explicite avec l'hypothèse exprimée)

- Faut-il toujours sauver les gens ? (bonne question, elle incite à penser les limites de "sauver des gens")

- La médecine sauve-t-elle toujours des gens ? (bonne question, elle questionne la toute-puissance de la médecine).

3) Conceptualiser

Identifier, produire, utiliser ou définir certains termes considérés importants, afin de clarifier un énoncé, de produire de nouvelles propositions, et de clarifier ou résoudre un problème. Le concept est un terme qui caractérise la substance d'un discours. Il s'agit donc de saisir l'essentiel dans ce qui est énoncé en distinguant, en convoquant ou en mettant en oeuvre les termes qui fondent le sens d'un discours. "Quel est le mot-clé ?" "Qu'est-ce qui qualifie cet objet ou ce personnage ?" "Que signifie ce mot ?"

Lors de la mise en oeuvre initiale de ces différentes compétences, l'enseignant peut avoir l'impression de perdre du temps, par rapport à la charge du programme qu'il doit terminer. Mais s'il prend le temps de travailler ces compétences, peu à peu, certains automatismes intellectuels s'installeront chez les élèves, et ce temps "perdu" sera largement rattrapé. L'élève sera mentalement plus actif, il saura mieux écouter, que ce soit son camarade ou l'enseignant, il mémorisera davantage les leçons travaillées.

III - NIVEAUX D'EXIGENCE PHILOSOPHIQUE

  • Penser par soi-même.
  • Être soi-même.
  • Être et penser dans le groupe.

1)Penser par soi-même : aspect intellectuel

  • Proposer des hypothèses, des concepts.
  • Structurer, articuler et clarifier, reformuler des idées.
  • Comprendre les idées des autres et les siennes.
  • Analyser.
  • Travailler le rapport entre exemple et idée.
  • Argumenter.
  • S'initier à la logique : lien entre les concepts, cohérence et légitimité des idées.
  • Élaborer un jugement.
  • Se confronter à la pensée autrui

2) Être soi-même : aspect existentiel

  • Exprimer et assumer son identité au travers de ses choix et de ses jugements.
  • Prendre conscience de soi : de ses idées et de son comportement.
  • S'interroger, découvrir et reconnaître l'erreur et l'incohérence en soi-même.
  • Voir, accepter, dire et travailler ses propres limites.
  • Se distancier de sa manière d'être, de ses idées et de soi-même.
  • Se confronter à l'être d'autrui

3) Être et penser dans le groupe : aspect social

  • Écouter l'autre, lui faire place, le respecter, le comprendre, s'intéresser à sa pensée.
  • Se risquer et s'intégrer dans un groupe : se mettre à l'épreuve de l'autre.
  • Se décentrer pour aller vers l'autre, vers sa pensée.
  • Penser avec les autres au lieu d'entrer en compétition avec eux.

IV/ LE CONTENU D'UN ATELIER DE PRATIQUE PHILOSOPHIQUE

La pratique consiste en différents exercices utilisant les attitudes et compétences dont nous avons précédemment parlé. Dans l'atelier classique, que ce soit avec les adultes ou les plus jeunes, appelé communément débat philosophique, on "travaillera" autour d'une question, par exemple :

  • Etre libre, est-ce faire ce que nous voulons ?
  • La morale relève-t-elle de la conscience ?
  • La condition humaine est-elle menacée par les progrès de la génétique ?
  • Le travail constitue-t-il le but même de la vie ?
  • Toutes les opinions sont-elles recevables ?
  • Peut-on faire le mal sans savoir que c'est mal ?
  • etc.

D'un texte - par exemple le Mythe de la Caverne de Platon, le Morceau de Cire de Descartes, ou autre texte philosophique où il ne s'agira pas d'étudier le texte uniquement pour lui-même mais d'engager un dialogue avec le philosophe et les idées énoncées - ou encore une histoire, un conte (sur vérité/mensonge, bien/mal...).

Exemples d'exercices

Dans le cadre de travail en classe, le matériel utilisé pourra être quelque peu différent :

1) Production d'arguments

Réponds par l'affirmative ou par la négative accompagné d'un argument aux diverses questions suivantes :

Dois-je aider une personne ?

Qui ne veut pas que je l'aide.
Qui ne demande pas que je l'aide.
Qui ne fait pas d'effort par elle-même.
Que ses proches n'aident pas.
Qui n'aide pas les autres.
Que je ne connais pas.
Lorsque je n'ai pas le temps.
Qui a l'air inquiétante.
Qui est riche.
Qui ne sait pas qu'elle a un problème.
Que j'aurais du mal à aider.
Qui pourrait se vexer.
Qui a peur de moi.
Qui me fait peur.
Qui m'a fait du mal.
Lorsque d'autres pourraient l'aider.
Lorsque je n'ai pas envie.
Lorsqu'on me l'a interdit.

Travail sur l'antinomie bien/mal
Est-ce bien ou mal ?

Se battre.
Se protéger.
Tromper les autres.
Se venger.
Tuer.
Ne rien faire.
Ne rien dire.
Désobéir.
Frapper un enfant.
Voler.

2) Evaluation des arguments

Est-ce un bon argument ?

J'ai mangé parce que le copain avait du chocolat.
J'ai mangé parce que c'est lundi.
J'ai mangé parce que la cloche a sonné.
J'ai mangé parce qu'on me l'a dit.
J'ai mangé pour ne pas mourir.
J'ai mangé parce les cailloux étaient trop durs.
J'ai mangé parce que ma mère était là.
J'ai mangé parce qu'il n'y avait pas de viande.
J'ai mangé parce que je n'avais rien d'autre à faire.
J'ai mangé parce que j'étais chez ma grand-mère.

3) Problématisation

Trouver une objection à l'affirmation suivante

Les gens sont gentils
Les gens sont méchants
Il faut se méfier des étrangers
Les étrangers ne sont pas comme nous
Les filles sont différentes des garçons
Les garçons sont plus forts que les filles
Les enfants en savent moins que les adultes
Il faut suivre les règles
Il faut travailler à l'école
Plus tard tu dois travailler pour gagner ta vie
Ceux qui redoublent sont nuls
On est mieux chez soi
Il ne faut pas se faire remarquer
Il ne faut pas critiquer ses camarades
Il faut être gentil
Il ne faut pas se moquer
Il ne faut pas exagérer.

Problématisation: travail sur les conditions d'une injonction morale.

Pour chacune de ces questions, il s'agira de répondre individuellement ou collectivement et produire des arguments justifiant ces diverses réponses. L'enseignant devra assurer un minimum de problématisation, afin qu'il y ait toujours au moins un "oui" et un "non" énoncés pour chaque question.

Est-on obligé de dire la vérité ?

Lorsque que la personne à qui on parle est malade.
Lorsque l'on a faim.
Lorsque l'on veut quelque chose.
Lorsque l'on risque d'être frappé.
Lorsque l'on a honte.
Lorsque l'on ne veut pas faire de la peine au copain.
Lorsque l'on n'aime pas ce que l'on nous donne à manger.
Lorsque l'on a fait une bêtise.
Lorsqu'un camarade a fait une bêtise.
Lorsque l'on vient de mentir.

4) Production de concepts

Quel est le sentiment qui anime quelqu'un ?

Qui n'ose pas parler en public
Qui se fâche pour un rien
Qui veut embêter les autres
Qui veut réussir dans la vie
Qui veut se montrer
Qui se plaint tout le temps
Qui ne fait pas confiance aux autres
Qui reste tout seul dans son coin
Qui se précipite sans arrêt
Qui regrette le passé
Qui n'écoute pas les autres
Qui n'écoute que ses envies
Qui ne veut pas que les choses changent
Qui ne veut surtout pas être en retard
Qui se soucie beaucoup de son apparence
Qui se dispute souvent
Qui veut toujours faire comme les autres
Qui ne veut jamais faire comme tout le monde

5) Dialectique du "même et autre" Distinction conceptuelle

En quoi est-ce pareil et différent ?

Un homme blanc et un homme noir
Un policier et un pompier
Un pauvre et un riche
Un aveugle et un voyant
Un marchand et un voleur
Un enfant et un adulte
Un garçon et une fille
Un bras et une jambe
Nager et marcher
Jouer et travailler

6) Identification des présupposés

Classe ces différentes raisons de se battre de la plus légitime à la moins légitime.

Donne des raisons pour les trois plus légitimes et les trois moins légitimes.

Justifie ton choix.

Compare tes réponses avec celles de ton voisin.

Tu te battrais plutôt

pour défendre ton territoire.
pour défendre ta vie.
pour défendre la vie de tes concitoyens.
pour défendre ta réputation.
pour combattre une injustice.
pour t'enrichir.
pour t'amuser.
pour te venger.
pour devenir puissant.
pour rien.
pour venger ta famille.
pour défendre ton pays.
pour apprendre.
parce que tu en as reçu l'ordre.
pour donner du sens à ta vie.
pour empêcher que l'on t'attaque.
parce que l'autre a commencé.
parce que tu aimes la violence.

7) Exercices de logique

Chacune de ces phrases donne une raison pour laquelle je suis sorti. Lesquelles ont du sens, lesquelles n'en n'ont pas ?

Je suis sorti parce que c'est l'heure
Je suis sorti parce que je suis dehors
Je suis sorti parce que j'étais à l'intérieur
Je suis sorti parce que c'est lundi
Je suis sorti parce le renard est un mammifère
Je suis sorti parce que les martiens arrivaient`
Je suis sorti parce que ma mère est arrivée.
Je suis sorti parce que je n'en avais pas envie. `
Je suis sorti parce que je suis sorti.
Je suis sorti parce que c'était mon destin.
Je suis sorti parce que mon copain est venu chez moi.
Je suis sorti parce que la télévision était allumée.
Je suis sorti parce que j'étais obligé.
Je suis sorti parce que la maîtresse ne voulait pas.

8) Dilemmes moraux (où il s'agira de prendre position, de choisir - idée de Platon, qui nous dit, en gros "quand on est petit, on veut tout, mais pour grandir il faut apprendre à choisir").

Dans chacune des alternatives, que décides-tu en priorité ?

Sauver ta propre vie ou celle de quelqu'un d'autre ?
Obéir à tes parents ou décider par toi-même ?
Obéir à la loi ou décider par toi-même ?
Suivre la morale ou le désir ?
Agir pour le bien du groupe ou pour ton propre bien ?
Accomplir quelque chose ou prendre le temps de vivre ?
Combattre la mort ou accepter la mort ?
Tuer pour te défendre ou fuir le combat ?
Te battre pour celle que tu aimes ou refuser de te battre ?
Changer la réalité ou changer tes envies ?
Accepter le monde tel qu'il est ou essayer de le transformer ?
Imposer tes propres idées ou accepter les idées d'autrui ?
Risquer ta vie ou être prudent ?
Trahir ton amour ou trahir tes parents ?
Trahir tes parents ou trahir ton pays ?
Rester toi-même ou changer ?
Risquer ta vie ou être tranquille ?
Prendre des risques ou agir lorsque tu es sûr ?

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Plusieurs situations sont décrites, qu'il s'agit d'analyser et de décomposer, afin d'en comprendre les divers aspects pour répondre à une question spécifique qui exige de poser un jugement. L'élève devra se positionner clairement et justifier sa réponse. On pourra ensuite comparer les diverses réponses. Dans chacun de ces situations, que décides-tu ?

1 - J'ai vu mon pire ennemi voler l'argent de mon meilleur ami. Je sais qu'il a déjà reçu des avertissements, et que si je rapporte ce qu'il a fait, il sera renvoyé de l'école. Dois-je le dénoncer ?

2 - Roland est amoureux de Marie. Marie m'a avoué qu'elle ne l'aime pas mais profite de la situation pour que Roland lui fasse des cadeaux. Dois-je le dire à Roland ?

3 - On propose de te vendre un tour de magie qui fera que tu auras toujours de bonnes notes à tes examens, même si tu n'as rien appris et rien compris. L'achètes-tu ?

4 - Notre mère nous a ordonné de ne pas utiliser Internet en son absence. Mon frère et moi lui désobéissons et l'utilisons. Elle rentre du travail, s'aperçoit que quelqu'un l'a utilisé et accuse seulement mon frère. Il est puni : un mois sans Internet. Dois-je me dénoncer aussi ?

5 - Un homme commet un vol au supermarché pour nourrir ses enfants, car il n'a plus d'argent. Il est condamné à payer une amende. Est-ce juste ?

6 - La maîtresse nous dit qu'il ne faut pas couper la parole aux autres, mais elle coupe souvent la parole aux élèves. A-t-elle plus le droit que nous de couper la parole ?

7 - On t'offre une bague qui te rend invisible. Tu es au magasin. En profites-tu pour prendre ce qui te plaît ?

8 - Trois amis, Sylvain, Paul et Kevin, trouvent ensemble dans la rue un billet de 50 euros. Sylvain propose de répartir l'argent également. Paul propose d'en donner plus à Kevin, car ce dernier ne reçoit aucun argent de poche, contrairement aux deux autres qui en reçoivent chaque semaine. Que devrait dire Kevin ?

9 - Ton père a volé un objet au magasin, et l'a mis dans ton sac à dos. Un vigile te fouille et trouve cet objet. Il t'accuse de vol devant tout le monde et te fait honte. Dénonces-tu ton père ?

10 - Tu n'aimes pas du tout que ta mère t'embrasse devant tout le monde. Mais tu sais que cela lui fait très plaisir. La laisseras-tu t'embrasser lorsqu'elle viendra te chercher à l'école ?

V/ COMMENT ÉVALUER LE TRAVAIL ?

Si l'évaluation des exercices ne porte pas comme souvent dans l'enseignement sur "le vrai et le faux" ou "le bien et le mal" des réponses offertes, comment évaluer le travail des élèves dans des exercices portant sur ces compétences ?

Il s'agit dès lors d'examiner la mise en oeuvre des compétences, et l'utilisation des outils conceptuels.

Voici quelques éléments qui permettront à l'enseignant d'effectuer cette évaluation, et en même temps lui permettront d'être plus attentif aux problèmes et de mieux faire travailler les élèves.

1 - Compréhension des consignes

Ceci peut se réaliser soit en examinant le travail fait par l'élève, soit en demandant aux élèves de reformuler ou d'expliquer ce qui leur a été demandé. Il s'agit de considérer que ce travail d'écoute et d'analyse des consignes n'est pas un point secondaire, mais se trouve au coeur de l'exercice. Trop souvent cette compréhension est prise comme un acquis, aussi ne faut-il pas craindre de perdre du temps pour apprendre à l'élève à ne pas se précipiter et à examiner ce qui lui est demandé.

2 - Clarté du propos

Que ce soit à l'écrit ou à l'oral, il s'agit de ne pas créditer l'élève de propos qui ne sont pas les siens, tout simplement parce qu'il est confus. Pas question de pratiquer le "Je vois ce que tu veux dire", qui sous couverture de générosité maintient l'élève dans une sorte de statut infirme où l'on accepte l'idée qu'il ne peut pas s'exprimer. Les idées doivent être explicites, les phrases doivent être terminées, de préférence en évitant les préambules inutiles, la répétition de termes phatiques et parasites du type "Je ne sais pas, mais...", "Je ne suis pas sûr mais..." "Pour moi...", "En fait..." , etc. Si un élève a un problème à s'exprimer et qu'il a besoin d'aide pour clarifier sa pensée, l'enseignant devra faire appel à la classe pour terminer le travail, plutôt que de le faire lui-même.

3 - Savoir ce que l'on dit

L'élève devra pouvoir déterminer la nature de ce qu'il fait, de ce qu'il dit, de ce qu'il va dire, de ce qu'il a dit, ainsi que de ce que disent les autres. C'est-à-dire pouvoir établir, à l'écrit comme à l'oral, s'il s'agit d'une question, d'un argument, d'une objection, d'un exemple, d'une explication, etc. Cette capacité nous semble cruciale dans la mesure où elle indique une conscience cognitive du processus en cours. Soit cette compréhension sera visible dans le travail de l'élève, soit l'enseignant devra demander de le spécifier.

4 - Travail accompli

Une des manière d'évaluer est tout simplement d'examiner si l'élève fait le travail, indépendamment de la qualité de réflexion contenue dans ses réponses. C'est-à-dire déterminer s'il a pris la peine de répondre aux diverses consignes. Lors d'un exercice oral, ce sera par son degré de participation à la discussion, à sa disponibilité, à sa présence mentale et son écoute même s'il parle peu, à la pertinence de ses propos, à son absence de précipitation. Pour un travail écrit, nous recommandons la tenue d'un cahier de morale, qui permettra de donner sens et continuité au travail. Ainsi l'évaluation procèdera en examinant d'une part le degré d'investissement de soi, d'autre part le soin apporté à la réalisation du travail, voire à la présentation et à l'orthographe, si cela semble approprié.

5 - Satisfaire les consignes

Il s'agira de déterminer si une réponse répond à la question, directement ou non, de déterminer si une question est une vraie question ou une question rhétorique, de déterminer si une objection objecte réellement ou si elle est simplement une autre hypothèse, de déterminer si un argument est véritablement un argument et s'il est pertinent. Cela implique qu'une véritable construction de la pensée se mette en place, plutôt que l'expression d'un ramassis d'opinions hétéroclites.

6 - Idées creuses

Une des manières de ne pas réaliser le travail est la production d'idées creuses, de concepts ou d'arguments creux. Il y a un certain nombre de réponses qui sont récurrentes : "Je n'ai pas envie", "Ça me plaît", "On me l'a dit", "Parce que c'est interdit", "Parce que n'est pas bien", "Tout le monde le fait", etc. L'enseignant apprendra à les repérer au fil des exercices, principalement parce que l'utilisation de ces expressions clichés devient un système. Ces phrases sont creuses parce qu'elles sont trop préfabriquées et qu'il leur manque de la substance. Par exemple, à "C'est interdit", on demandera "Pourquoi est-ce interdit ?", ou "Qui l'interdit ?".

7 - Même et autre

Un des problèmes principaux dans ce type d'exercice est la répétition d'idées, parfois conscientes et explicites, car les termes sont pratiquement repris un à un, mais parfois de façon plus subreptice ou subtile. Certains élèves répéteront ce que les autres ont dit, voire ce qu'ils disent eux-mêmes, en prenant une idée unique qui devient une sorte de leitmotiv tout au long d'un travail. Il s'agit donc d'évaluer dans quelle mesure l'élève répète une même idée de façon inconsidérée ou bien trouve de nouvelles idées.

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