Nous publions ci-dessous la problématique des journées d'études de l'ACIREPH, qui se sont déroulées les 27 et 28 octobre 2007 à Paris. Elles sont représentatives des difficultés à aborder dans la période actuelle certaines questions philosophiques en classe terminale.
La religion est une notion au programme des séries générales, et La raison et la croyance est au programme des séries technologiques. Ce sont des notions sur lesquelles nous ne pouvons plus nous contenter de procéder à l'ancienne.
Ce qui a changé
En effet, notre public a changé. Il était massivement laïcisé. Désormais, une partie de nos élèves est devenue très sensible à ce qui peut apparaître comme une critique de la religion, et de leur religion en particulier. Pour ceux-là, toute réflexion philosophique sur la religion est impossible, voire interdite. Une autre partie, au contraire, athées convaincus, affiche une indifférence ironique à l'égard de toute croyance religieuse. D'autres, enfin, sont les partisans d'un semblant de tolérance qui se résume à " à chacun sa vérité, donc mieux vaut ne pas en parler ". Cette diversité, cependant, a lieu bien souvent sur fond d'absence de culture religieuse.
De plus, la place du religieux dans l'espace scolaire fait aujourd'hui problème : d'une part, le fait religieux y a acquis droit de cité en tant qu'objet de connaissance ; d'autre part, les signes d'appartenance religieuse y ont été proscrits après un débat passionné.
Enfin, longtemps, les professeurs de philosophie s'en tenaient à aborder la religion à travers sa critique, sous l'angle des philosophes du soupçon (Marx, Nietzsche, Freud). Peut-on s'en tenir à ce point de vue aujourd'hui ?
Nous devons chercher ensemble comment répondre à ces changements. Nous nous demanderons comment aborder ces notions " sensibles " en classe, en tenant compte de trois paramètres : le contexte politique qu'est l'interrogation sur la laïcité à la française ; l'hétérogénéité de nos élèves et leur réceptivité très variable à ces questions; les problèmes philosophiques relatifs à l'approche laïque des croyances et de la religion.
Quelle place pour le religion dans la culture ?
Quelle est la fonction de la religion dans la culture, ici et ailleurs, hier et aujourd'hui? Que nous apprend l'anthropologie sur la relation entre religion et société ?
Comment sortir d'une définition de la religion qui s'en tient à la simple croyance en un ou des dieux ?
Nous avons certainement des efforts à faire pour nous affranchir d'une conception de la religion déterminée par la prégnance du monothéisme dans notre histoire
Quel droit de regard pour la raison sur les textes sacrés ?
Parmi les divers courants des religions qui se réfèrent à des textes sacrés, certains admettent et pratiquent la critique historique et scientifique, d'autres moins ou pas du tout. Ces différences entraînent des interprétations diverses des récits religieux, des commandements ainsi que des pratiques religieuses et même politiques.
Certains élèves expriment une réelle inquiétude et se demandent jusqu'où leur croyance les autorise à s'investir dans le questionnement philosophique.
Nous-mêmes avons besoin d'être plus informés sur le rapport des différentes religions à cette question, afin de savoir comment répondre à cette inquiétude qui parfois peut faire obstacle au travail des élèves.
Les diverses formes de croyance sont-elles compatibles avec la science ?
Cette question, paradoxalement, les élèves ne la posent qu'assez peu aux professeurs de sciences, mais plutôt à nous, en cours de philosophie. Comment l'aborder avec eux ?
Est-il possible d'élaborer un travail interdisciplinaire avec les collègues de biologie ou de physique ?
Comment articuler et distinguer les croyances religieuses, les conceptions philosophiques et les théories scientifiques ? Les philosophies et la science peuvent-elles elles-mêmes être considérées comme des croyances ?
La question se pose tout particulièrement aujourd'hui à propos de Darwin et des discours sur le " dessein intelligent ".
Quelle place faire aux arguments philosophiques favorables au créationnisme et au finalisme ?
La laïcité du professeur de philosophie consiste-t-elle à gagner ses élèves à l'esprit des lumières ?
En quoi consiste la laïcité du professeur de philosophie vis-à-vis des croyances religieuses ? Autrement dit, comment l'école peut-elle concilier le respect de la liberté de conscience des élèves et l'hégémonie revendiquée de la raison dans l'éducation ? Le rôle du professeur de philosophie est-il de justifier cette hégémonie, ou de l'aborder de façon critique ?
(N1) Association pour la Création des Instituts de Recherche sur l'Enseignement de la Philosophie.