La globalisation entraîne un ensemble de défis sur le plan de l'éducation, dont une partie sera analysée en suivant quelques auteurs. Ceux-ci, même s'ils sont de différentes origines, partagent entre eux un regard critique sur la société cognitive, en repensant le rôle de l'éducation dans le cadre d'un discours de la résistance et de l'émancipation. Dans ces discours, nous chercherons les apports possibles nous permettant de repenser le rôle des approches métacognitives en éducation et celui des programmes de développement cognitif, plus spécifiquement la Philosophie pour Enfants.
Quelques définitions et concepts
Il faut tout d'abord mentionner que le phénomène que nous rapportons couramment comme globalisation (dont l'origine et les caractéristiques sont liées à l'Occident), affecte et s'élargit au monde entier, avec toutes les implications connues aujourd'hui. Il s'agit, en outre, d'un phénomène complexe, qui cherche à dénommer un nouveau paradigme de civilisation (Morais, 1998 :11), lui-même multidimensionnel, vu qu'il a des répercussions politiques, économiques, sociales et culturelles.
Sur le plan politique, il est rapporté à l'avènement et à la consolidation des sociétés démocratiques, dans le champ économique avec l'arrivée du néolibéralisme, dans le domaine social avec la réussite des nouvelles classes moyennes, et dans la sphère culturelle avec ce que nous nommerons, suivant à ce point Morais (1998) - qui suit, à son tour, l'oeuvre de Marshall MacLuhan - la seconde massification de la connaissance (la première est arrivée pendant la transition du Moyen Âge à la Renaissance, par la main de Gutenberg), via le surgissement des nouvelles technologies de communication et d'information qui mènent "le savoir vers la place publique" (op. cit. :136).
C'est dans ce contexte qu'émerge le terme société d'information ou société cognitive, servant à désigner le modèle social global qui caractérise les sociétés contemporaines : "La " société d'information " est une expression communément utilisée pour dénommer une forme d'organisation sociale, économique et culturelle, ayant pour base, tant matérielle que symbolique, l'information." (Matos, 2002 :12) - ce que Castells désigne comme "capitalisme informationnel", qui progressivement se superpose au capitalisme industriel. Ce type de capitalisme se base sur l'information, et la nouvelle organisation sociale et économique qu'il apporte est matériellement supportée par les nouvelles technologies d'information et de communication - en premier lieu, la télévision, en deuxième lieu, les ordinateurs et l'Internet - et, idéologiquement, par la productivité, l'innovation et la flexibilité, exigences du fonctionnement en réseau qui caractérisent le nouveau modèle social.
L'ÉDUCATION ET LE PARADIGME COGNITIVISTE
"Les médias, et aussi l'Ecole (ou, peut-être mieux, les systèmes d'enseignement) constituent actuellement des agents très puissants de diffusion d'une culture globale, ou, en utilisant encore une expression de Hannerz, une "culture des cultures" ou "métaculture" (Hannerz, idem)". (Filipe Reis, 2002).
Dans le champ éducatif, le débat sur la "société cognitive" s'installe (un concept introduit en Europe par la Commission Européenne, à travers le Livre Blanc Vers La Société Cognitive, Cresson, 1995) qui envisage de désigner le nouvel ordre social caractérisant les sociétés mondialisées, et apportant de nouveaux défis à l'éducation et aux systèmes d'enseignement. Ce débat autour de la "société cognitive" au sein de l'éducation présente comme caractéristiques, d'une part la problématisation du concept lui-même en l'interrogeant sur ses contradictions et sur ses instabilités, et d'autre part, la nécessité d'encourager de nouvelles formes d'apprentissage, capables de produire un sujet plus indépendant et plus émancipé, prêt à répondre aux besoins d'une société globalisée maîtrisée par les technologies de l'information et de la communication, ce qui légitime progressivement une idée de la connaissance basée sur les capacités et la performance du sujet.
C'est donc dans ce contexte que nous constatons, dans les discours scientifiques, l'émergence de ce que Nunes (2002) appelle le "paradigme cognitiviste dominant", de plus en plus présent dans la réalité scolaire depuis la moitié du 20e siècle, via le développement du domaine de la connaissance identifié comme métacognition, laquelle "cherche à répondre aux questions sur la manière de connaître - et, par conséquent, d'apprendre - ayant, peu à peu, déplacé le centre d'attention de ce qu'on apprend vers la manière dont on apprend, (...)." (Morais, 1998 : 134). Nous voyons apparaître, vers la fin des années soixante et au début des années soixante-dix du siècle passé, plusieurs programmes de développement cognitif ayant pour but la mise en marche et l'encouragement du raisonnement des étudiants, en proposant de différents objectifs et stratégies - des programmes "d'apprendre à apprendre" et "d'apprendre à penser", parmi lesquels celui de la Philosophie pour Enfants.
L'intérêt croissant pour les questions cognitives se présente dans le cadre des échecs de l'école traditionnelle, face à la massification de l'enseignement, ou face aux changements sociaux et cognitifs liés à la société de l'information. Il est aussi le résultat de la reconnaissance progressive de ce qu'il y a de plus spécifique, de complexe et de sophistiqué dans la pensée infantile, qui refuse de l'accepter comme "n'importe quelle forme embryonnaire de la pensée adulte" ou de présumer que "les enfants commencent leur vie dans la confusion irrationnelle et dans l'ignorance et (...) que l'éducation est le processus qui inculque tant la rationalité que les connaissances." (Egan, 1999 : 24)
Il essaie donc de devenir une alternative pour la réorganisation du curriculum, de façon à ouvrir l'espace à de nouvelles formes d'apprentissage, centrées sur l'élève et les différentes relations que chacun établit avec la connaissance, promouvant des formes plus sophistiquées de raisonnement. En ce sens, il fait appel à la révision du concept d'intelligence, en mettant en cause l'unicité de l'intellect et des formes d'apprentissage, et en affirmant que l'intelligence est non seulement multiple, mais aussi changeante - cf. intelligences multiples (Gardner, 1991), théorie du raisonnement tripartite (Sternberg, 1996), intelligence émotionnelle (Goleman, 1995) - critique de la conception logocentrique de l'esprit présent dans les écoles actuelles (Egan, 1999) et la quantification de l'intelligence dans les tests de QI, ainsi que l'importance reconnue par les écoles aux données quantitatives sur les élèves. En conséquence, il apporte de nouvelles perspectives sur le sujet de l'apprentissage et de ses capacités, sur le rôle de l'enseignant, sur les stratégies d'enseignement, sur le rôle de l'école à l'égard de la promotion des différentes compétences cognitives et, sous l'influence de la pensée de Vigotsky, l'importance du contexte dans le développement de ces outils : "...l'intelligence, considérée comme le développement des processus cognitifs (compétence cognitive), c'est quelque chose que l'on obtient et que l'on construit toujours et quand les contextes éducatifs nous en donnent l'opportunité." (Maturana et al., 2003 : 40).
Parallèlement à ces transformations, qui progressivement se consolident dans le domaine de l'éducation, et malgré des débats entre les paradigmes comportementaliste et cognitiviste, quelques critiques sont apparues au sein même du discours scientifique sur l'éducation, lesquelles mettent en cause ce même paradigme cognitiviste dominant et le rôle de l'école à son égard.
C'est justement de ces critiques dont nous allons nous occuper maintenant, ainsi que des propositions de quelques auteurs, à l'égard des nouveaux champs d'action éducative, visant à clarifier dans quelle mesure elles peuvent indiquer des voies à repenser soit le rôle des formes d'apprentissage scolaire, soit celui des programmes de développement cognitif, plus spécifiquement en ce qui concerne le Programme de Philosophie pour Enfants.
Commençons par quelques questions qui se posent depuis le champ éducatif jusqu'à la société de l'information et aux approches métacognitives :
1. Est-ce que les approches métacognitives s'insèrent dans un projet d'émancipation ou font-elles partie d'un discours hégémonique ? Qu'est-ce qui se cache derrière le discours de l'autonomie? Dans quelle mesure les "technologies de discipline mentale et corporelle inscrites dans le travail de métacognition" (Gomes, 2002 :187) ne rendent-elles pas évident le rôle disciplinaire de nombre de ces approches, contrairement au discours de libération du sujet ? Donc, les programmes de développement cognitif fonctionnent-ils avec une logique d'émancipation ou de reproduction sociale ? Sous-jacente à ces questions, il y a une critique de la connaissance ou de la capacité comme performance.
2. La manifeste invisibilité du sujet dans le paradigme cognitiviste dominant (Rosa Nunes, 2002) nous renvoie vers l'émergence d'une réflexion sur le sujet, au-delà des discours identitaires, de l'autonomie cognitive et même de la métacognition.
3. "...et l'école - le (soi-disant) autel de l'activité cognitive ? Lieu d'"ensujetissement" (devenir lsujet) ou d' "asujettissement" (d'apprentissage de la sujétion) ?" (Nunes, 2002 : 85).
Face à ces questions, il nous semble important de faire attention à quelques propositions qui émergent dans le domaine des sciences de l'éducation, chez des auteurs dont la position critique par rapport au modèle hégémonique de connaissance et d'éducation dans la société cognitive ne les empêche pas de présenter quelques suggestions qui peuvent, à notre avis, indiquer des voies vers un nouveau regard sur l'éducation, et pour repenser les programmes de développement cognitif.
Concernant le premier ensemble de questions que nous avons présenté -liées au genre de relation existante entre les approches métacognitives et la société cognitive -, Rosa Nunes (2002) montre, à la suite de Foucault, le besoin de réhabiliter l'idée de la résistance, une résistance nécessaire dans une société globalisée qui se traduira, selon l'auteur, par une "...envie d'interroger l'énorme opacité des discours et des rationalités, de mettre en cause leur assurance et leur pouvoir de contrainte, de se surprendre, en un mot, avec ce qui apparaît aux autres comme évident et de trouver dans cette surprise les sources d'un art de vivre." (op. cit. : 77). Egan renforce cette idée quand il défend que : "La finalité de l'éducation n'est pas la réalisation d'un objectif quelconque, mais plutôt une qualité de compromis envers le monde. La réalisation de certaines connaissances n'a pas toujours forcément une importance éducationnelle." (op. cit : 251). Nous nous disons : c'est une tâche philosophique par excellence et, en tant que telle, une invocation parfaitement applicable à un programme construit à partir des potentialités de la pensée philosophique!
Revenons maintenant à Rosa Nunes (2002), afin d'analyser le point 2, concernant les questions sur le sujet : à l'invisibilité du sujet dans le paradigme cognitiviste dominant, cet auteur oppose une réhabilitation et réinvention poétique du sujet, sur la trace de la résistance et de la poésie comme pensée de résistance: "(...) : invention du sujet comme résistance et affirmation de soi - voici ce qui est proclamé dans la littérature (c'est, après tout, la leçon de Barthes ; celle de la voix unique, qui insiste et entoure de lumière les ténèbres, comme dans Proust), ce qui est proclamé de façon similaire dans le cinéma de Bresson, de Bergman, de Godard, capable de résister à l'inhumanité programmée du "spectacle" et de dénoter la crise profonde des corps et des sujets, le manque cruel de l'autre." (op. cit. :77). L'auteur propose un retour du sujet qui porte ensemble la reconnaissance de l'autre. C'est aussi dans cette direction que pointent les propositions de Egan (1999) quand il proclame qu' "Il vaut la peine de rappeler que, dans toutes les tentatives de créer une intelligence artificielle avec les ordinateurs, les opérations mathématiques et logiques les plus raffinées s'avèrent les plus faciles à simuler, tandis qu'il n'existe pas encore une idée du comment simuler ces opérations "poétiques" sophistiquées et complexes." (op. cit. :61). Plus tard, que l'aspect central de l'intellect est sa nature poétique, et que les capacités de la pensée sont plus riches que les capacités logicomathématiques.
Sujet poétique, mais aussi, en tant que tel, sujet philosophique, par la récupération de l'ironie, du sens de l'humour - l'absurde, l'anecdote, le paradoxe - qui, encore selon Egan, sont à la base de la logique et de la philosophie.
Récupération encore de sa corporéité de sujet, du retard de la pensée sur le corps - sujet entier dans sa complexité - et, simultanément, récupération de la relation entre le sujet et la nature, le sujet et le monde, selon un processus d'individuation qui est le seul capable de donner lieu à la reconnaissance de l'autre. Au fond, ce à quoi Matos (2002) fait appel quand, inspiré par Varela, il propose : "L'articulation du cognitivisme avec le monde de la vie, comme le sens commun, révèlent la préoccupation d'articuler expérience sociale, expérience organismique et expérience personnelle suivant des processus qui soulèvent de la cognition créative, "inséparable de nos corps, de notre langue et de notre histoire culturelle - en résumé, de notre "corporéité" (Varela, 1993:210)." (op. cit. :20). C'est la même chose que semble vouloir dire Morais quand, en se rapportant au progressif surgissement d'une culture tactile à travers les moyens électroniques de communication et, principalement de la réalité virtuelle, il affirme que : "l'homme est en train de retourner à l'état duquel, peut-être, il ne devrait jamais être sorti ! (...) la dimension sensorielle, émotionnelle, et affective, plus proche de la natura, par opposition à la dimension logique et rationnelle plutôt liée à la cultura. (...) Il s'agit donc de la fracture entre l'homme en tant que produit de soi-même, c'est-à-dire en tant que "être" capable de créer de la culture et l'homme en tant que produit de la nature." (Morais, 1998 :138)
Des questions liées à la résurgence du sujet, nous passons maintenant au point 3 - les questions en relation avec l'école et le rôle des apprentissages scolaires dans le contexte de la société cognitive. Certains auteurs déjà cités critiquent aussi l'école et les apprentissages scolaires, avec quelques points en commun qui nous semblent particulièrement importants, bien que leurs perspectives soient assez différentes face aux questions de la cognition, ils indiquent, néanmoins, des analyses et des propositions très proches.
Gan, aussi bien que Morais, critique le monopole de l'alphabétisme et de l'écriture dans l'école occidentale, la façon dont ce monopole a supprimé les potentialités de l'oralité et de la corporéité. Morais critique aussi la culture tactile, qui émerge maintenant avec l'avancée des ordinateurs et de la réalité virtuelle. Ce que les deux auteurs proposent, c'est, d'une certaine manière, la réhabilitation des outils cognitifs ignorés ou méprisés par la tradition intellectuelle abstraite de l'Occident.
Gan critique la conception logocentrique de l'esprit réfléchi par les écoles actuelles, ainsi que les théories du développement soutenant cette conception, surtout la théorie de Piaget et celles "du développement en éducation, qu'il accuse d'être basées sur une conception culturelle de l'esprit qui les rend inadéquates et trompeuses, par rapport au travail de l'éducation. Il fait appel à la réhabilitation de l'imagination comme apothéose de la raison et propose la récupération des pratiques verbales qui sont "bonnes à penser", techniques exigées par l'oralité qui peuvent être utiles à l'égard de l'apparition d'une "oralité secondaire" émergeante dans notre société à travers la communication sociale et les médias électroniques, ainsi que le développement d'outils cognitifs liés à la création de métaphores et d'images et à la compréhension narrative et affective que les enfants possèdent et utilisent mieux que les adultes, mais que l'alphabétisme finit par mépriser et supplanter. Il indique encore la poésie comme la tentative de réacquérir la communication avec la nature, qui est caractéristique des cultures verbales et qui peut permettre de dépasser la dissociation de la culture occidentale à l'égard du monde quotidien. Dans cette mesure, il voit l'enseignement comme une narration d'histoires et l'enseignant comme un conteur d'histoires.
C'est aussi dans ce sens que va la réflexion de Morais, qui met en évidence l'importance de la langue parlée en tant qu'antérieure à d'autres formes de langue et de techniques, son caractère organique essentiel et ontologique, qui constitue la base de la construction d'autres codes, et la façon dont les nouveaux moyens font appel plutôt à leur usage qu'à l'écriture. Morais mentionne une nouvelle culture tactile qu'on aperçoit à travers la réalité virtuelle et qui, liée à la question de la corporéité déjà mentionnée, pose l'hypothèse du transfert du processus cognitif de la vision vers le toucher, qui devient ainsi l'outil cognitif humain le plus important.
Ces questions exposées, nous avançons une hypothèse et une suggestion : peut-être la question centrale, en ce qui concerne les programmes de développement cognitif, en tant que liés et dépendants de la métacognition, est-elle de déplacer les soucis majeurs des théories du traitement des informations et des perspectives constructivistes plus traditionnelles, en acceptant le défi, à notre avis de plus en plus pressant, de rompre avec la logique d'"endoctrinement" sous-jacente à la société de l'information. Pour ce faire, il faut promouvoir la citoyenneté globale.
Celle-ci pouvant remplir et mettre en évidence des espaces d'action sociale - très souvent vidés par l'effet idéologisant de la logique d'une société en réseau qui ne cesse de s'agrandir, en même temps qu'elle intègre de plus en plus ceux qui sont déjà intégrés et exclut les autres -. Cela permettrait de réduire les perversions de la mondialisation et de profiter de ses aspectes socialement plus justes et importants, en reconnaissant que l'information n'est pas un but par elle-même, mais qu'elle doit être liée à la connaissance et au savoir. Sans oublier, en outre, qu'elle n'est que la dimension externe da la communication, possédant cette potentialité de promotion de la citoyenneté, qui ne s'épuise pas avec la simple échange d'informations.
À partir de la pensée et des propositions des auteurs que nous venons d'analyser, il est déjà possible de tracer quelques lignes de réflexion et d'orientation capables, à notre avis, de nous aider à comprendre, et même à replacer le rôle de la Philosophie pour Enfants dans le contexte des défis et des contradictions de la société cognitive.
Tout d'abord, ces réflexions semblent indiquer le surgissement et la récupération des techniques et outils de la pensée par rapport à l'oralité, ce que nous considérons comme un des piliers de la Philosophie pour Enfants, en valorisant l'apprentissage coopératif dans les communautés de recherche et le rôle de la pensée dialogique.
En même temps, le fonctionnement en communautés de recherche et les compétences sociales nécessaires à la progression du dialogue, indiquent cette méthode d'individuation et, simultanément, la reconnaissance de l'autre que ces auteurs mentionnent comme nécessaire à l'émergence du sujet et à l'exercice d'une citoyenneté globale.
Aussi, le rôle représenté par les histoires, les nouvelles dans la méthodologie de la Philosophie pour Enfants, indique une valorisation tant de l'imagination que de la réflexion et même de la poésie.
Le rôle central détenu par la pensée philosophique, dans ses multiples aspects, dans le cadre du programme de philosophie pour enfants, rencontre encore la nécessité d'encourager la pensée critique, réflexive, poétique et même humoristique qui est la vocation de la philosophie, pouvant faire face à l'endoctrinement idéologique que certains auteurs dénoncent à l'égard d'une société globalisée, massifiée. C'est à partir de là aussi que peut s'originer une pensée de la résistance.
Toutefois, il est essentiel de reconnaître les nouvelles formes de cognition émergeant dans la société de l'information - la corporéité, l'intelligence tactile, le pouvoir des images, qui font appel à une perception plus immédiate - et de les incorporer dans l'ensemble des objectifs et des applications du programme : "prendre en considération la façon dont les technologies de communication (y compris l'écriture et la littérature, mais aussi la télévision, les journaux, la radio, le téléphone, Internet) constituent pour les individus et pour les groupes puissants et influents des instruments au service de l'imagination."
Il convient, finalement, de garder l'alerte pour éviter que les propositions du programme de Philosophie pour Enfants, comme d'autres programmes de développement cognitif, ne deviennent pas des formules "prêt-à-porter", mais, par contre, qu'elles jouent constamment leur rôle critique et réflexif sur elles-mêmes et sur le monde, vocation philosophique par excellence.
C'est pourquoi il faut veiller à ce que l'exercice de la pensée philosophique ne reste pas confiné aux moments encouragés par la Philosophie pour Enfants, mais qu'il se déploie dans tout l'espace scolaire, afin de réhabiliter les "capacités occultées par l'école", et ensuite à toute la société, dans la promotion d'une citoyenneté globale basée sur une "intelligence partagée" (Maturana, 2003).