(Suite de l'article sur le concept, Diotime - L'Agora n° 9, mars 2001)
Qu'est-ce qu'une problématique? Ce terme, ce concept, est si embarrassant que périodiquement des voix s'élèvent, qui en demandent la disparition pure et simple. Concept vague, concept complexe, concept insaisissable, et pourtant concept banalisé puisqu'il s'entend et s'utilise aujourddans bon nombre de domaines. Mais peut-être faut-il accepter cette banalisation comme étant la vé rité de ce concept - comme de tout concept - la généralisation de son opé rativité garantissant la vivacité de sa substance. Après tout, pourquoi l'exclusive philosophique serait-elle une garantie de qualité philosophique? La génialité d'un concept ne se résume-t-elle pas dans sa criante évidence, dans la mesure où cette évidence, une fois baptisée, saute aux yeux de tous? Le gé nie n'est-il pas ce regard qui perçoit la simplicité d'un coup d'il unique? Jusque-là, rien n'était visible, de vagues couleurs, de vagues formes, mais une fois que le doigt aura pointé vers la chose, une fois qu'il l'aura nommée, plus personne ne pourra la regarder comme avant. La chose est née, animé e et définie par le concept qui lui donne naissance. Plus cette chose est visible, plus le concept est vivant. C'est par une perversion de la pensée que le concept à admirer serait celui réservé à une quelconque élite subtile et suffisante. Ainsi, si le concept de problématique disparaît aux yeux des esprits forts, peut-être faut-il faire appel à ce bon sens universellement partagé, afin de voir et d'admirer ce qu'il en fait.
Ce qui est problématique est douteux, miné par un doute qui pose problè me, un doute qui inquiète et pour cela incite à la discussion. En français, le sens historiquement premier du terme problématique repose là, sur cette incertitude qui nous porte à hésiter avant de certifier ou d'utiliser une quelconque entité qualifiée de problématique. Le problème, du grec problema, est ce qui est jeté devant nous, l'obstacle qui menace de nous faire trébucher. Au mieux il attire le regard, il nous oblige à ralentir notre pas, à faire un effort, que ce soit pour le contourner ou pour l'enjamber. Au pire il nous interrompt carrément. À partir de Kant, le caractère problématique va se dé finir comme celui de l'hypothèse, en opposition à deux autres termes, l'assertorique : ce qui est simplement affirmé, et à l'apodictique, ce qui est prouvé. Entre deux certitudes, l'acte de foi et la démonstration, va se glisser ce qui est incertain, incertitude qui capture l'essence du concept de problématique.
Chez Kant, ce qui est problématique ressort de l'ordre du possible, de l'ordre de la simple hypothèse. Quand bien même cette hypothèse nous paraîtrait nécessaire ou incontournable, comme dans l'anhypothétique, dont la présence est cruciale dans l'architectonique platonicienne : hypothèse dont la présence est nécessaire, mais dont l'articulation pose problème. Par exemple, ne nous faut-il pas penser l'unité du soi pour lui attribuer un quelconque prédicat? Ne nous faut-il pas de la même manière postuler l'unité du monde pour en pouvoir d'une quelconque manière en parler? Mais si nous pouvons affirmer, induire, dé duire, prouver bien des choses sur le monde ou sur l'être, le bât de la pensée blesse dès qu'il s'agit d'en saisir ou d'en préciser l'unité. Nous voilà obligé s, sans même y penser, de postuler cette insaisissable unité pour pouvoir penser. Mais si nous nous arrêtons un instant à questionner la légitimité sur laquelle se fonde ce discours, la béance de la chose en soi s'offre ou s'impose à notre regard effaré. Le prétendu postulat reprend alors sa véritable nature, celle d'une hypothèse. Nous réalisons enfin que nous avons pris des options, que nous nous étions avancés, trop vite peut-être, en prenant parti dans une sombre affaire, par simple souci de fonctionnalité, d'utilité, parce que nous voulions avancer. Risque on ne peut plus légitime, si tant est qu'il était pris en toute connaissance de cause, si tant est que l'hubris qui l'avait parrainé restait conscient de la transgression ainsi effectuée.
Que ce soit le temps, l'espace, l'être, l'unité, la liberté, l'existence, la raison, ou tout autre concept fondamental absolument nécessaire à la pensée, nécessité de l'esprit dont la philosophie fait son champ d'action, tout ce qui fonde le discours ne saurait donc échapper à la problématisation. Une problé matisation non pas conçue comme une action extérieure et contingente, mais bien une problématisation conçue comme substance vitale et constitutive du concept lui-même et de la pensée qui l'entretient. Car aussi évident que soit pour nous le moindre de ces termes, leur nature indécise ou conflictuelle nous oblige à lâ cher prise lorsque nous croyons les saisir fermement par une quelconque opé ration de la pensée. Il est toujours possible de rendre problématique une proposition, dans la mesure où toute proposition articule nécessairement un rapport entre deux termes. Or s'il est possible d'articuler un premier terme par rapport à un second, il est aussi possible de l'engager plutôt dans un rapport à un troisième terme, voire à un quatrième, et ainsi de suite, processus plus ou moins fini et déterminé qui rend mouvante l'appréhension des choses. Mais il est des termes, ou concepts, qui plus que d'autres, semblent en eux-mêmes contenir une sorte d'altérité, non plus extrinsèque, mais intrinsè que. On peut les nommer concepts fondateurs, ou concepts limites, selon que l'on inaugure avec eux le processus de pensée ou que ce processus y trouve son terme, son aboutissement, ce qui en général revient au même. Ces concepts fondateurs sont décrétés anhypothétiques : hypothèses informulables et né cessaires, inconditionné qui conditionne la pensée.
Naturellement, les propositions qui concernent ces concepts prennent la forme de paradoxes : ces concepts attirent la formulation de questions, ils génèrent la contradiction et l'antinomie. Quelles interrogations et propositions contradictoires n'ont pas été formulées sur le un et le multiple, sur le fini et l'infini, sur la liberté et la nécessité, sur le discret et le continu, sur l'être et le non-être! Autant de couples dont chacun des membres conserve un prestige inégalé, sans pourtant que notre raison puisse leur accorder une quelconque réalité en soi. Nous voilà donc obligés de leur concé der un rôle primordial, et de ce fait une essence ou une existence, mais nous avons bien du mal à les définir en soi autrement que par le ridicule d'une tautologie. L'être est l'être. L'unité est l'unité. Et encore, il n'est pas sûr qu'en faisant entrer le moindre de ces concepts en rapport avec lui-même, nous ne nous offrions pas déjà une transgression caractérisée.
Ainsi, est problématique ce qui nous échappe. Ce qui n'empêche guère d'octroyer une réalité à ce gibier fuyant. Sans quoi, comment pourrait-il nous é chapper? Nous n'oserions à ce sujet affirmer quoi que ce soit, ni prouver quoi que soit. Nous voilà obligés de poser des questions. Nous voilà obligés d'articuler des paradoxes. Toute affirmation avancera sous les fourches caudines de conditions, sous le couvert du mode conditionnel, formalisme qui renverra nécessairement à des circonstances, à des spécifications, à des dé terminations, réductionnisme nécessaire, pis-aller dont la nature ne devra jamais nous échapper. Nous devrons progresser sur un chemin dont nous savons pertinemment qu'il n'est que l'envers de la vérité, quand bien même il en est aussi l'endroit. Réversibilité d'une réalité qui ne prend sens que dans la mesure où l'on sait qu'elle est insensée. L'inconditionnel est affirmé, qui ne peut être prononcé; le conditionnel est prononcé, qui ne peut être affirmé .
Pour cette raison, nous arrivons au troisième sens de problématique, dé rivé très naturellement des deux premiers. Après le douteux et l'hypothétique, la problématique est l'ensemble des questions posées par une situation ou une proposition particulière. Ensemble qui peut très bien se voir résumé par l'une des questions particulières, considérée plus essentielle, censée capturer la gé néralité de la situation donnée. Ce peut être aussi l'ensemble des sous-questions d'une question donnée, cet ensemble se nommant la problématique de la première question, ou sous-tendue par elle. Certes, le terme de problé matique pourrait d'une certaine manière se voir remplacé par celui de question. Dans la mesure où un ensemble de questions peut être résumé par une question. Dans la mesure où un propos posant problème à la raison, tel un paradoxe, peut aussi être remplacé par une question. Toutefois, même si tout cela se réduit à une affaire de formes, il semble que la question de la forme ne soit pas privée de substance. La distinction entre unité et multiplicité n'est pas anodine. Celle entre affirmation - fût-elle hypothèse ou paradoxe - et une question ne l'est pas moins. Mais ce n'est pas vraiment sur ce champ de bataille qu'il nous paraît le plus urgent d'engager le combat.
Le lieu crucial où à cet instant nous désirons engager le travail, est sur un présupposé qui gêne terriblement le travail philosophique, car il entraîne en permanence une suspicion de l'opinion, de l'habitude ou de la conviction, quant à la valeur en soi d'une problématique. Ce point aveugle est le statut de la question, avec ses conséquences sur le statut de la problé matique. Dans la pensée courante, une question est une maladie dont nous ne saurions guérir que par le biais d'une réponse. Une question sans réponse est comme un marteau sans manche, ou un bateau sans gouvernail : on ne peut rien en faire. Pire encore, une question en soi nous encombre, elle nous embarrasse et nous empêche de dormir. Elle est un problème, un obstacle qui se met en travers de notre chemin, un obstacle qui nous ralentit et nous empêche d'avancer. Or si ce problème peut être perçu comme un défi, comme l'inattendu susceptible de nous stimuler ou de garder éveillé, il est souvent annoncé dans sa dimension négative. Ce qui s'oppose à notre volonté, ce qui s'oppose à notre raison, ce qui s'oppose à notre action, ce qui s'oppose à notre détermination. Une question est un trou, un manque, une incertitude, elle renvoie explicitement à notre finitude.
Nous aurions mauvaise grâce de jouer l'étonnement face à une telle attitude. Percevoir la question comme un problème dont nous souhaiterions être promptement débarrassés est un réflexe on ne peut plus légitime. Et c'est pré cisément cette légitimité que nous souhaiterions analyser et critiquer, car si la position en question n'avait rien de légitime, nous ne verrions pas vraiment l'intérêt d'en disséquer la substance. Seul ce qui est vrai mérite d'être prouvé faux. Ce qui est faux n'est doté ni de substance, ni d'intérêt, et nous ne voyons pas pourquoi nous devrions nous attarder sur qui est ainsi privé d'ê tre.
L'être humain est engagé dans la matière, il existe, il est incarné. De ce fait, il est un être de besoin, de manque, de douleur et de passion. Il dé sire pourtant persévérer dans son être, et pour ce faire, il se doit de confronter et de dépasser tout ce qui pourrait faire obstacle à cet être au travers de ses limites, de ses contraintes et de sa fragilité. S'il ne connaissait la fragilité, qu'aurait-il besoin de toute façon de vouloir persévé rer dans son être : cela serait absurde. La persévérance n'a de raison d'ê tre que dans la résistance qui lui est imposée. Sans cela, l'être serait, tout simplement, sans se soucier d'une quelconque altérité, sans se soucier de l'autre, sans se soucier de ce qui lui serait opposé. Plus rien d'ailleurs ne s'opposerait à lui, puisqu'il ignorerait l'altérité.
Face à cette situation de manque et de volonté contrariée, il s'agit avant tout de résoudre, de résoudre pour savoir, de résoudre pour choisir, de ré soudre pour agir, bref de trancher coûte que coûte. Nous voyons pourtant ici poindre le rôle crucial du libre arbitre, et de la liberté, car sans incertitude, sans doute, sans interrogation, point de liberté possible, mais uniquement le diktat d'une aveugle nécessité. Distinguons donc deux moments dans notre affaire : le moment qui précède le choix, moment d'attente, moment de réflexion, moment d'interrogation, moment d'incertitude, et le moment qui succède au choix, moment de soulagement, moment d'engagement, moment d'action et de déploiement. À toutes fins utiles, nous décidons d'ignorer le moment du choix lui-même, simple et indivisible instant, discontinuité classique, celle d'un présent dont nous ignorons la nature et dont le rôle consiste à séparer un avant d'un après.
La tentation est grande du subordonner l'avant à l'après, comme si l'anté rieur trouvait sa raison d'être uniquement dans ce qui lui succède. Au-delà de la tendance naturelle de l'esprit humain, qui cherche en permanence à satisfaire ses besoins, schéma qui induit une mécanique de pensée utilitaire - le " qu'est-ce que ça me donne? " - il est une autre donnée, liée à la première mais plus explicitement philosophique, qui rend compte de ce parti pris de la postériorité. Ce schéma est en gros celui d'Aristote, qui oppose la puissance : capacité ou pouvoir de faire les choses, à l'acte : faire les choses, pour accorder une sorte de primauté à l'acte, comme accomplissement et réalisation du couple puissance/acte. Ce schéma s'oppose à celui de Platon, pour qui la puissance a valeur en soi, puisqu'elle représente une des formes premières ou définitions de l'être. Le pouvoir d'agir pourrait dans cette perspective être considéré comme ontologiquement premier, puisque l'agir particulier et déterminé ne serait qu'une des infinies possibilités d'action du pouvoir agir. Bien que Platon accorde une certaine vigueur et légitimité à l'agir à travers son concept de kairos : moment opportun, situation opportune, rendant unique l'acte posé, valorisé par rapport à tout autre acte spécifique, puisque cet acte sait prendre en charge l'altérité du monde.
La valeur d'une problématique se situerait donc dans son potentiel d'ê tre, dans sa capacité d'agir, dans la liberté qu'elle octroie au sujet. Savoir poser une problématique, c'est croître dans l'être, c'est se rendre libre d'agir en toute connaissance de cause. Savoir poser les vraies questions, c'est libérer l'être du poids de ses déterminations et de l'immédiateté. La vie n'est plus alors posée comme un agir destiné à satisfaire ses propres besoins, mais comme un moment de libération de la contingence, non pas pour fuir cette contingence, mais au contraire pour en reprendre possession. Le non-agir oriental, celui du tigre tapi dans l'ombre, se rendant disponible au monde pour mieux l'appréhender, est tout à fait conforme à cette vision. Mais pour se rendre disponible au monde, pour l'appréhender, il s'agit de désapprendre, d'interroger le conditionnement de notre pensée et de notre être. Il s'agit alors de penser l'impensable, d'opter pour cette position radicale qui consiste à ne plus rien prendre pour acquis. Non pas en prétendant à une quelconque et factice neutralité, ni à une vague suspension du jugement, mais en identifiant les présupposés les plus ancrés, les plus incontestables, et en posant l'interrogation susceptible d'en suspendre momentanément l'affirmation. Au travers de cette tentative désespérée de penser l'impensable, les postulats cachés apparaîtront, qui durant l'instant précédent étaient tellement pris pour acquis qu'il aurait été impossible de les formuler.
Notre thèse peut se résumer ainsi : toute proposition est problé matisable. Ou encore : rien n'est acquis. Ou encore : toute proposition n'est qu'une conjecture. Le sens ou la qualité de véracité que l'on accorde à une proposition donnée n'est jamais que l'accord tacite, fragile et momentané que l'on octroie à une position particulière. Ou encore : toute proposition est une hypothèse, susceptible d'opérer et de réaliser son uvre dans un contexte donné et dans des limites données. Contexte, limite et opérativité qu'il s'agit bien entendu de cerner et définir, afin de problé matiser ladite proposition. Au-delà d'un simple parti pris théorique destiné à nous faire réfléchir plus avant, ou au-delà d'un simple exercice académique, ce parti pris, assez radical, qui sème a priori la suspicion en toute pensée, peut sembler excessif. On pourrait l'accuser de paver le chemin pour le relativisme, l'indifférentisme, la passivité ou le cynisme, et cette accusation ne serait pas totalement infondée. Comme toute attitude poussée à l'excès, ou par simple déformation, celle-ci risquera nécessairement d'entraîner une forme ou une autre d'abus ou de rigidité.
Pour cette raison, il paraît ici utile de mettre au jour le lien entre problématisation et existence, si ce dernier n'apparaît pas encore. Partons du principe que l'existence est une forme d'engagement : engagement dans la matière, engagement dans la société, engagement envers l'autre, engagement envers moi-même, engagement dans la temporalité, engagement envers des principes a priori, etc. En ce sens, la problématisation est une forme de dé sengagement, puisqu'elle nous entraîne dans une distanciation intellectuelle, dans une position critique, par le biais de la spéculation et l'abstraction. On peut ainsi comprendre comment elle serait perçue comme un abandon ou une trahison de l'existence, et pourquoi toute tentative de dialectisation tendra à générer selon les situations une certaine résistance. Néanmoins, une fois cela exprimé, nous devrons aussi admettre avec Platon qu'une existence qui ne sait pas s'interroger souffre sans doute d'une carence grave. Qu'en est-il en effet de la conscience de soi? Qu'en est-il du processus de délibération qui thé oriquement doit servir de préambule et de préparation aux décisions importantes? Autrement dit, la problématisation n'est-elle pas la condition mê me de la liberté, liberté de choix qui seule nous protège d'un certain conditionnement : celui de notre éducation, celui de la société, celui de l'immédiat, celui de l'utilitaire, etc. Autrement dit, si problématiser est une trahison de l'engagement de l'existence, cette trahison n'est-elle pas une mesure d'hygiène indispensable à cette autre dimension de l'existence humaine : la conscience. Et là, nous verrons que la conscience est en effet un inhibiteur : inhibiteur de l'acte, inhibiteur du désir, inhibiteur de la volonté, inhibiteur du soi. Mais sans le travail de sape de cet inhibiteur, comme instaurer cette tension indispensable à la vie de l'esprit? Et comme tout travail de négativité, celui-ci, abandonné à lui-même risquera d'induire une annihilation pathologique de l'être. Mais aucun outil n'est jamais en soi la garantie d'une quelconque perfection.
PROBLÉMATIQUE, CONCEPTS ET DIALECTIQUE
La formulation d'une problématique n'est pas uniquement une opération de négation. Elle n'est pas le simple doute ou l'aveu d'un état d'anxiété. Elle est aussi acte de création : création de concepts. En effet, comment problé matiser sans engendrer du concept? Cela paraît presque impossible. Toute problé matique privée de l'émergence d'un concept ne serait que l'articulation d'un doute ou une suspension du jugement, ce qui en soi n'est pas non plus inutile, mais ne serait que la première étape du processus. L'état d'esprit qui permettrait - condition nécessaire mais non suffisante - de produire de nouvelles idées.
Posons l'exemple suivant. Proposons l'énoncé : l'être humain est libre d'agir comme il le désire. Supposons maintenant que je veuille problé matiser cette proposition. Un simple doute s'exprimerait ainsi : l'être humain est-il vraiment libre d'agir comme il le désire? Ce qui, bien qu'insuffisante, est déjà en soi une tentative de problématisation : il est demandé de vérifier la proposition. Mais pour aller plus avant dans ce processus, il sera nécessaire de faire émerger des concepts. Voyons quelques exemples. La conscience : puis-je être conscient de mes désirs? Le conditionnement : les désirs peuvent-ils être le produit d'un conditionnement? L'être : nos désirs sont-ils toujours conformes à notre ê tre? La volonté : la volonté doit-elle céder le pas au désir? Autrement dit, pour questionner notre proposition, nous devons introduire de nouveaux concepts qui nous serviront d'outil d'investigation et de vérification. De cela, nous pourrons même avancer l'hypothèse que la problématisation est la mise en rapport d'une proposition et d'un nouveau concept, ou le nouvel é clairage que produit un nouveau concept sur une proposition donnée.
Par ce même biais de négation, ou d'interrogation, ce qui de toute façon invite à la critique, s'instaure un processus de dialectisation. Il s'agit ici de travailler l'émergence et la nature de la proposition initiale en étudiant les conditions de son affirmation ou de sa négation. Par le biais de concepts extérieurs à la proposition initiale, que nous nommons pour cela " nouveaux concepts ", un travail d'approfondissement peut être effectué, montrant le sens, les sens, les glissements de sens, les renversements de sens et les non-sens de la proposition en question. Mais nous verrons cela dans notre prochaine étape : la dialectique.