SITUATION ACTUELLE DANS LE MONDE ARABE
Le cours de philosophie dans le monde arabe n'a, semble-t-il, pas évolué, ni changé depuis l'occupation coloniale. Aucun pays arabe n'est parvenu jusqu'alors à instaurer une pédagogie équivalente à la pensée philosophique arabe et à sa réalité, voire même à concilier la philosophie occidentale et la philosophie musulmane. Cela a conduit à un délaissement du cours de philosophie proprement dit et à n'avoir qu'une vision superficielle de la pensée musulmane. Cet état de cause a entraîné des répercussions désastreuses, en ce sens que les élèves, face à cette situation, n'accordent que peu d'importance à l'analyse et à la profondeur du cours, et ont recours à ce qui est superficiel et simple; lors des examens, ils préfèrent d'ailleurs traiter l'analyse de textes, car elle permet l'obtention de la moyenne contrairement à la dissertation.
Cet abandon et cette démission du cours de philosophie sont propres aux élèves des filières scientifiques, engendrant une formation philosophique pauvre et stérile. Il serait nécessaire de signaler que la véritable crise se situe au niveau de l'enseignement supérieur. En effet, l'étudiant n'est pas confronté aux questions profondes et aux problématiques qui mènent à des recherches et à des analyses de haut niveau pouvant faire concurrence à ce qui se fait dans l'espace philosophique universel. Ceci engendre des professeurs incompétents, démunis de toute réflexion et d'esprit philosophique, d'où l'échec que nous enregistrons chaque année lors des concours, ainsi que l'enlisement dans cette situation déplorable menant à un cercle vicieux interminable.
Cet état de fait nous conduit à porter un jugement pessimiste qui consiste à dire que le moment n'est pas encore parvenu à l'étude d'une production philosophique arabe contemporaine, parce qu'il n'existe que des publications scolaires et des tentatives d'archiver la philosophie musulmane d'antan.
Effectivement, pareils travaux superficiels ne peuvent accéder au rang de recherche et de pensée philosophiques telles qu'elles sont perçues en Occident. Néanmoins, ces critiques n'ont pas lieu d'être car elles ne sont pas basées sur les écrits effectués par les Arabes pendant ce siècle dans le domaine de la philosophie, que ce soit en publication ou en traduction. C'est la raison pour laquelle il faut rassembler cette production, l'organiser, la spécifier, l'analyser et l'évaluer.
Ce projet doit être pris en charge par un groupe ayant les moyens nécessaires d'accomplir un travail, pouvant aboutir à des critiques objectives qui permettront de supprimer tout complexe civilisationnel et toute assimilation injustifiée.
L'ENSEIGNEMENT DE LA PHILOSOPHIE EN ALGÉRIE
Le problème concernant le cours de philosophie en Algérie rencontre les mêmes difficultés et obstacles, si ce n'est pas plus grave car nos confrères, dans le monde arabe, essaient de traduire ce qui se fait comme recherche et d'analyser les problématiques posées dans le monde occidental par le biais de la " traduction ", l'étude et parfois la critique; ils fournissent l'effort de se pencher sur la philosophie musulmane, en prenant le soin de l'archiver, de classifier ses contenus et de l'organiser, ce qui facilite par la suite l'étude, la réflexion et la critique.
Nous avons relevé chez nos voisins maghrébins (Marocains et Tunisiens) et orientaux depuis les années soixante-dix la volonté de rétablir leur situation, tant sur le plan pédagogique que didactique. Ils sont parvenus à mettre au point une problématique permettant au cours de philosophie de s'ouvrir au monde de manière organisée, et de participer même de façon superficielle à la production pédagogique et didactique, participant ainsi à la vision philosophique contemporaine.
Quant à l'Algérie, nous pouvons dire que nous vivons dans une réclusion quasi totale par rapport à ce qui se fait dans le monde occidental ou arabe, que ce soit dans le domaine de la création philosophique ou celui des développements pédagogiques et didactiques. Ce qui nous amène à un horizon clos en ce sens que cet isolement ne produit que stagnation, alors que le monde est en plein essor et en plein développement.
Cela conduit l'Algérie à une situation critique. Le meilleur témoignage est les résultats catastrophiques obtenus au baccalauréat depuis quelques années (20 % environ). Le problème est grave. Seulement il ne faudrait pas " s'abriter " derrière la philosophie et dire qu'elle est le premier responsable de l'échec scolaire, mais parler également des autres matières qui contribuent à l'accroissement de ce volcan sociologique, détruisant, voire anéantissant la vie quotidienne dans tous les domaines et à tous les niveaux.
Le plus étrange, c'est que l'opinion publique et la classe politique n'évoquent pas du tout la question du rendement éducatif (quantitatif/qualitatif), mais mettent l'accent sur les idéologies (selon les différentes visions et convictions) qui sont les causes de cette catastrophe.
(Traduit par Mabarki Hind, professeur de philosophie à Alger)