Editorial du n°90

L’année 2022 ne débute pas dans la liesse, il faut le reconnaître. Nous semblons embourbés dans une multitude de crises et de problèmes dont il est difficile de voir l’issue. Chacun.e souhaite rester vigilant.e et garder son esprit en alerte, mais en même temps nous sommes épuisé.e.s. Néanmoins, plus que jamais, la pensée (philosophique) doit continuer de jouer son rôle et veiller sur la société : de façon critique, créative, analytique. Parfois, nous aurions envie de nous retirer du monde et d’abandonner. Mais pour quiconque s’intéresse aux pratiques philosophiques pour tous, des plus petits aux plus grands, il convient de continuer à défendre la force de la réflexion pour appréhender le réel.

Dans ce numéro, certains articles abordent les questions politiques et sociétales qui continuent de nous préoccuper, dans la mesure où leur ancienneté est aussi importante que leur actualité : la promotion de la paix (avec l’article de Pernel Mbang Ding), le féminisme (avec celui de Lauranne Carpentier) et l’émancipation (voir le texte d’Irène Pereira). Ces textes apportent de nouvelles lumières pour penser des questions vives qui restent prégnantes. Il semble démodé de rêver à la paix dans le monde, mais ne s’agit-il pas encore de la question la plus ultime ? À l’inverse, nous parlons beaucoup de la question des femmes et du genre, mais cela semble créer des clivages davantage que des dialogues. Il est bon de continuer de s’y pencher pour acquérir plus de clarté. Par ailleurs, nous nous interrogeons massivement sur les libertés en danger, mais oublions de réfléchir à notre émancipation : que mettre en place pour œuvrer consciemment pour sa propre émancipation ? La philosophie reste un tremplin pour acquérir une plus grande connaissance de soi et, ainsi, s’émanciper. Cette question est, d’ailleurs, traitée dans la contribution d’Aurélien Vétu, dont la lecture des dialogues platoniciens donne une vision intéressante à l’heure actuelle.

Les pratiques philosophiques posent de multiples questions pédagogiques, dont plusieurs sont abordées dans ce numéro. Notamment, certains textes apportent un point de vue éclairant permettant de démêler (enfin) certaines questions créant de la confusion depuis de nombreuses années (ceci dit, il n’est pas sûr qu’elles ferment le débat). Ainsi, Michel Tozzi propose deux articles de ce genre : l’un sur la nature des questions philosophiques, l’autre sur celle des présupposés. Tous deux dessinent les contours du problème et des repères à portée. De même, l’article de Christian Budex propose un diagnostic étayé des dérives de la discussion à visée philosophique. Enfin, nous avons le plaisir de présenter les travaux d’une équipe québecoise : Vanessa Molina, Marie-France Daniel, Emmanuèle Auriac-Slusarczyk, Karima Belghiti et Matthieu Gagnon. Leur travail collectif sur la place du conflit cognitif dans le dialogue philosophique démontre une grande rigueur.

Dans l’enseignement, la question de l’évaluation est absolument cruciale, au niveau institutionnelle et pédagogique. Que faire de l’injonction à évaluer ? Comment évaluer ? Faut-il même évaluer ? Nous consacrons un dossier à cette question, grâce à une équipe d’auteur.ices belges : Anne Herla, Gaëlle Jeanmart, Aurore Compère et Bruno Leclercq. Elle est également abordée sous l’angle de l’enseignement secondaire au Cameroun (lisez l’article de Jonas Kalambele Pleg).

Enfin, Diotime a pour vocation, outre la mise en lumière des dernières réflexions autour des pratiques philosophiques, la diffusion des informations et publications qui peuvent nourrir nos lecteurs et lectrices. En plus de l’article dédié à l’album de Nathalie Prince, la rubrique « Information et publication » vous donnera de multiples clés pour continuer d’œuvrer pour la philosophie, partout et pour tous !

L’année commence dans un sentiment de lassitude, mais gardons notre énergie et notre enthousiasme. Haut les cœurs ! La philosophie est là, en nous tou.te.s, quoiqu’il arrive. Allons rechercher et cultiver ses trésors en nous-mêmes et chez nos concitoyens.